vendredi 15 mai 2015
Soldats loyalistes patrouillant dans Bujumbura le 14 mai.REUTERS/Goran Tomasevic
« L'armée est restée à l'écart du coup d'Etat et elle en sort divisée », commente Christian Thibon, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Pau, membre de l’Institut Les Afriques dans le monde (LAM), alors que les événements se sont précipités ce vendredi matin au Burundi avec l'échec du coup d'Etat et l'arrestation de plusieurs des cadres mutins.
Le président Nkurunziza est de retour à Bujumbura et devrait s'adresser à la nation a déclaré la présidence.
RFI : Christian Thibon. Vous êtes professeur d’histoire contemporaine à l’université de Peau et membre de l’Institut les Afriques dans le Monde. Le président Nkurunziza est de retour à Bujumbura et devrait s'adresser à la nation a déclaré la présidence. Son discours précisément, pourrait porter sur le processus électoral ?
Christian Thibon : Oui, en effet, le processus électoral devrait normalement s’enclencher dès la semaine prochaine. Et dans le contexte actuel il apparaît difficile de maintenir ce calendrier. On attend, pour des raisons techniques ou politiques une nouvelle orientation.
Des évènements très volatiles dans la capitale burundaise, avec la reddition d’un certain nombre de putschistes ce matin. Comment comprendre cette tentative de coup d’Etat qui finalement s’est terminée à peine au bout de 48 heures ?
La tentative de coup d’Etat était, je pense, une opération qui reposait sur une mobilisation de l’armée. Celle-ci n’est pas arrivée. L’armée est restée à l’écart du coup d’Etat, et donc en sort divisée. C’est la principale explication en dehors du fait qu’il y a eu une bataille sur les médias qui a tourné en faveur du gouvernement.
Faut-il s’attendre à une répression accrue ou à l’inverse, à une véritable reprise du dialogue ?
C’est tout l’enjeu des heures ou des journées qui arrivent : la logique voudrait que l’évènement soit un facteur de radicalisation, une mobilisation de la société civile qui s’annonçait, et la tentation pour les tenants du pouvoir de durcir leur position.
Mais il y a aussi l’autre scénario qui voudrait que, dans le contexte actuel, et sous la pression de la communauté régionale ou internationale, le président change son orientation politique.
Précisément sur le plan diplomatique la communauté internationale a condamné ces deux derniers jours la tentative de coup d’Etat, alors que dans les heures précédentes des pressions de plus en plus fortes avaient été exercées pour que soit repoussé le processus électoral.
On pourrait dire que les deux comportements se complètent. D’un côté il y a la reconnaissance de la légitimité du président, et donc une reconnaissance de Pierre Nkurunziza. Et de l’autre côté il y a cette pression pour le respect de la Constitution.
Donc à l’heure actuelle l’attentisme est aussi présent tant au sein de la population burundaise qui a peur, qu’au sein des partenaires et des voisins du Burundi.
Est-ce qu’on peut dire justement que ce coup de force a paradoxalement relégitimisé Pierre Nkurunziza ?
Oui, de façon pratique il sort victorieux. Mais c’est une victoire qui est de courte durée puisque effectivement elle repose sur la peur, sur un rapport de force, et en fin de compte elle ne répond pas aux attentes de la population.
Vous parliez de ces divisions au sein de l’armée. Est-ce que l’on peut vraiment poser ça comme cause d’échec des mutins, alors qu’on avait vu ces derniers jours une certaine partie justement de cette armée, en quelque sorte se rallier ou du moins ne pas aller contre la population qui était mobilisée contre le président ?
Je pense qu’il faut distinguer deux choses. Il y a volonté de l’armée de désamorcer le conflit – et ce sera peut-être le cas demain, il faudra voir si cette ligne ou ce comportement se poursuit – et la volonté aussi de franchir le Rubicon. C'est-à-dire de pencher du côté du coup d'Etat.
Je pense que l’armée est un corps qui s’est profondément renouvelé au cours de ces dix dernières années. C’est un corps qui est divisé et les divisions n’apparaissent pas de façon binaire. Il peut y avoir aussi une tendance au sein de l’armée, de pouvoir modérer le cours des choses. Et donc de ne pas soutenir une opération de type coup d’Etat.
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Caroline Paré
Soldats loyalistes patrouillant dans Bujumbura le 14 mai.REUTERS/Goran Tomasevic
« L'armée est restée à l'écart du coup d'Etat et elle en sort divisée », commente Christian Thibon, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Pau, membre de l’Institut Les Afriques dans le monde (LAM), alors que les événements se sont précipités ce vendredi matin au Burundi avec l'échec du coup d'Etat et l'arrestation de plusieurs des cadres mutins.
Le président Nkurunziza est de retour à Bujumbura et devrait s'adresser à la nation a déclaré la présidence.
RFI : Christian Thibon. Vous êtes professeur d’histoire contemporaine à l’université de Peau et membre de l’Institut les Afriques dans le Monde. Le président Nkurunziza est de retour à Bujumbura et devrait s'adresser à la nation a déclaré la présidence. Son discours précisément, pourrait porter sur le processus électoral ?
Christian Thibon : Oui, en effet, le processus électoral devrait normalement s’enclencher dès la semaine prochaine. Et dans le contexte actuel il apparaît difficile de maintenir ce calendrier. On attend, pour des raisons techniques ou politiques une nouvelle orientation.
Des évènements très volatiles dans la capitale burundaise, avec la reddition d’un certain nombre de putschistes ce matin. Comment comprendre cette tentative de coup d’Etat qui finalement s’est terminée à peine au bout de 48 heures ?
La tentative de coup d’Etat était, je pense, une opération qui reposait sur une mobilisation de l’armée. Celle-ci n’est pas arrivée. L’armée est restée à l’écart du coup d’Etat, et donc en sort divisée. C’est la principale explication en dehors du fait qu’il y a eu une bataille sur les médias qui a tourné en faveur du gouvernement.
Faut-il s’attendre à une répression accrue ou à l’inverse, à une véritable reprise du dialogue ?
C’est tout l’enjeu des heures ou des journées qui arrivent : la logique voudrait que l’évènement soit un facteur de radicalisation, une mobilisation de la société civile qui s’annonçait, et la tentation pour les tenants du pouvoir de durcir leur position.
Mais il y a aussi l’autre scénario qui voudrait que, dans le contexte actuel, et sous la pression de la communauté régionale ou internationale, le président change son orientation politique.
Précisément sur le plan diplomatique la communauté internationale a condamné ces deux derniers jours la tentative de coup d’Etat, alors que dans les heures précédentes des pressions de plus en plus fortes avaient été exercées pour que soit repoussé le processus électoral.
On pourrait dire que les deux comportements se complètent. D’un côté il y a la reconnaissance de la légitimité du président, et donc une reconnaissance de Pierre Nkurunziza. Et de l’autre côté il y a cette pression pour le respect de la Constitution.
Donc à l’heure actuelle l’attentisme est aussi présent tant au sein de la population burundaise qui a peur, qu’au sein des partenaires et des voisins du Burundi.
Est-ce qu’on peut dire justement que ce coup de force a paradoxalement relégitimisé Pierre Nkurunziza ?
Oui, de façon pratique il sort victorieux. Mais c’est une victoire qui est de courte durée puisque effectivement elle repose sur la peur, sur un rapport de force, et en fin de compte elle ne répond pas aux attentes de la population.
Vous parliez de ces divisions au sein de l’armée. Est-ce que l’on peut vraiment poser ça comme cause d’échec des mutins, alors qu’on avait vu ces derniers jours une certaine partie justement de cette armée, en quelque sorte se rallier ou du moins ne pas aller contre la population qui était mobilisée contre le président ?
Je pense qu’il faut distinguer deux choses. Il y a volonté de l’armée de désamorcer le conflit – et ce sera peut-être le cas demain, il faudra voir si cette ligne ou ce comportement se poursuit – et la volonté aussi de franchir le Rubicon. C'est-à-dire de pencher du côté du coup d'Etat.
Je pense que l’armée est un corps qui s’est profondément renouvelé au cours de ces dix dernières années. C’est un corps qui est divisé et les divisions n’apparaissent pas de façon binaire. Il peut y avoir aussi une tendance au sein de l’armée, de pouvoir modérer le cours des choses. Et donc de ne pas soutenir une opération de type coup d’Etat.
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Caroline Paré
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