le mardi 28 avril 2015
« Les colonisés savent qu’ils ont un avantage. Ils savent que leurs « maîtres » provisoires mentent. Donc que leurs maîtres sont faibles. » A. Césaire
Il y a un savoir lié à la connaissance de l’autre, de son mode opératoire, de ses ambitions, de son histoire, de ses réussites, de ses défaites, etc. nécessaire au travail d’une intelligentsia organique et structurante congolaise.
Accuser l’ autre ne suffit pas. Savoir ce qu’il fait et tirer de ce savoir un pouvoir organisationnel nous semble indispensable. Cela revient à apprendre de l’autre ; quel qu’il soit.
L’implication des Anglo-saxons dans la guerre perpétuelle imposée au Congo-Kinshasa depuis plus de deux décennies nous pousse à travailler en permanence à la connaissance de leur système politico-économique, à leur mode opératoire dans certains pays où ils estiment avoir des intérêts certains et à l’histoire d’autres guerres qu’ils ne cessent de mener à travers le monde.
Pourquoi ce travail est-il important à nos yeux ? Nous voulons questionner ‘’les doctrines des bonnes intentions’’ de nos ‘’maîtres provisoires’’ en les confrontant aux faits pour éviter d’être dupes à moindres frais.
Au moment où ‘’les envoyés spéciaux US’’ et leurs ONGs de sédition disent vouloir soutenir le processus démocratique au Congo-Kinshasa, nous voudrions essayer de répondre à cette question bête : « La plus belle fille du monde peut-elle donner ce qu’elle n’a pas ? »
Il y a quelques jours, une vidéo nous a aidé à comprendre, tant soit peu, pourquoi les USA se sont engagés dans la première et la deuxième guerre mondiales. Et même dans la guerre froide. Ils avaient peur que la Russie et l’Allemagne ne puissent s’unir. Oui, ils avaient peur et George Friedman[1] l’avoue sans ambages.
Cette vidéo met sur la place publique une conférence tenue le 04 février 2015 à Chicago au CFR (Conseil des Affaires Extérieures). Un endroit symbolique du point de vue de l’orientation de la pensée politique anglo-saxonne.
C’est au CFR que George Kennan a exposé, en 1948, une étude sur ‘’Le Grand Domaine’’. Pour cet ambassadeur américain, les USA appelés à devenir un empire devait procéder à leur expansion en rejetant toute philanthropie et en considérant les droits de l’homme et la démocratie comme des idées illusoires.
Plus de soixante ans après, des scientifiques de deux universités américaines, Martin Gilens de l’université de Princeton et Benjamin Page de l’université de Northwestern, arrivent à peu près à la même conclusion :la démocratie made in USA est une illusion. « (…)
L’élite économique et les groupes représentant les intérêts du business ont une influence significative sur la politique du gouvernement (…). Alors que les associations et les citoyens lambda exercent une influence dérisoire, voire tout à fait nulle. [2]»
Ces universitaires ont travaillé sur les données relatives à plus de 1.800 décisions politiques prises sur plus de vingt ans ; de 1981 à 2002. Pour eux, les décisions politiques favorisent plus les intérêts des particuliers et ceux des organisations de lobbying que ceux de la majorité des citoyens.
Cette étude vient corroborer les propos tenus par Danielle Mitterrand dans un entretien accordé à Hernando Calvo Ospina le 28 octobre 2005.
Après avoir démontré que la France est un pays soumis aux Etats-Unis, l’épouse de François Mitterrand envient à dire ceci : « En France on élit et les élus font des lois qu’ils n’ont jamais proposées et dont nous n’avons jamais voulu. Est-ce la démocratie quand après avoir voté nous n’ayons pas la possibilité d’avoir de l’influence sur les élus ? Je ne crois pas que dans aucun pays qui se disent démocratiques, ceux-là qui croit avoir le droit d’imposer « leur démocratie » aux pays pauvres, il existe la démocratie, à commencer par les Etats-Unis et la France.
La France est une démocratie ? Une puissance mondiale ? Je le dis en tant que Française : cela ne veut rien dire. Si on le dit pour les niveaux d’éducation, de la recherche ou la santé, c’est nul. Pour être capables d’aider la paix mondiale, les peuples opprimés ? Nul. [3]»
Danielle Mitterrand nous aide à répondre à notre question-bête : « La plus belle fille du monde peut-elle donner ce qu’elle n’a pas ? » Elle répond : nom. (Nemo dat quod non habet.)
Elle dit que la capacité qu’ont les pays qui se disent démocratiques d’aider les pays opprimés est nulle. Pourtant, les USA à travers certaines de leurs ONGs financent ‘’les candidats pro-démocratie’’ et l’éducation citoyenne?
A ce point nommé, l’inversion sémantique joue un rôle déterminant. Ces ONGs financent l’expansion de l’empire. Elles financent la soumission et l’assujetissement des élites compradores pour l’expansion du ‘’Grand Domaine’’.
Elles sont ‘’les petites mains ‘’ de l’empire US. Souvent, ces élites compradores font partie des oppositions-bidons montées pour imposer le principe du « diviser pour régner ».
Selon l’étude de Martin Gilens et Benjamin Page, le gouvernement américain, qu’il soit de Républicain ou démocrate, obéit aux décisions politiques des 10% des Américains les plus riches.
Ce sont eux qui coordonnent, à travers leur ‘’Etat profond’’ et les organisations supra-partisanes comme le CRF les orientations politiques des Républicains et des Démocrates. Le service rendu à leurs intérêts l’emporte sur les divisions partisanes. Celles-ci font souvent parti du ‘’jeu politicien’’ pour tromper la vigilance des citoyens lambda.
Ailleurs, là où leurs ONGs financent les partis politiques et la société civile, l’atomisation des populations est la règle. Connaître ce mode opératoire dans son ambivalence est important.
Cela peut contribuer à la montée de la prise de conscience des ‘’patriotes congolais éveillés’’. Ils peuvent lutter pour coordonner, dans la justice et sans haine, les efforts dispersés des compatriotes épris du désir de faire du Congo-Kinshasa un pays plus beau qu’avant en conjoignant cette connaissance du mode opératoire US et une conscience nationale aiguë.
Revenons aux universitaires américains. Leur étude est publiée longtemps après les critiques répétitives de Noam Chomsky contre le système politique de son pays. A ses yeux, les USA sont un ‘’Etat voyou’’, un ‘’Etat manqué’’[4].
Pour Chomsky, la lutte des oligarchies américaines contre la démocratie date des années 1970. En 1973 (ou 1975 ?), un livre publié par les membres de La Trilatérale sur ‘’la crise de la démocratie’’ s’en prenant à l’incursion des citoyens lambda dans l’arène publique.
L’école, l’université et l’église devraient avoir failli à leur tâche de les rendre passifs et les rendre apathiques[5]. Cette approche est portée par une nostalgie d’un modèle politique : élu président en avril1945 après la mort de Roosevelt, Harry Truman avait gouverné les USA en se laissant aider par quelques avocats et banquiers de Wall Street.
Le transfert du pouvoir aux grandes entreprises et le démantèlement de l’Etat-providence dans une fabrication constante du consentement[6] populaire ne datent pas des années 1980. C’est une ville histoire US.
Disons qu’il y a là une lutte permanente entre les oligarchies d’argent et les citoyens ordinaires afin que ceux-ci ne puissent pas participer aux décisions politiques engageant leur devenir collectif.
Quand ‘’les petites mains’’ de ces oligarchies d’argent disent aux Congolais et aux autres Africains qu’ils les soutiennent dans leur lutte pour l’émancipation politique, elles mentent.
Comment peuvent-elles soutenir par exemple l’éducation à la citoyenneté au Congo-Kinshasa pendant qu’à partir de leur tink thanks, de certaines écoles, églises et universités aux USA, elles luttent pour rendre les citoyens apathiques et passifs dans l’arène politique et cela depuis plusieurs années ?
Elles mentent. Pour elles, comme dirait George Fiedman, ‘’c’est amoral, c’est cynique, mais ça marche.’’. Tel est leur pragmatisme.
Le constat fait, toute la question demeure celle de savoir comment tirer quelque avantage de ce mensonge. Savoir qu’il y a là un mensonge ne suffit pas. Ce savoir doit pouvoir être transformer en pouvoir organisationnel.
D’où la nécessité d’inventer, de créer, d’imaginer des techno-structures capables de réaliser ce travail de transformation du savoir en pouvoir.
Telle est l’une des tâches essentielles d’une intelligentsia congolaise organique et structurante.
Accuser les autres ne suffit pas. Eux au moins savent ce qu’ils tiennent à devenir : un empire au service des 10% d’oligarques d’argent. Et nous ?
__________________
Mbelu Babanya Kabudi
[1] https://www.youtube.com/watch?v=QeLu_yyz3tc
[2] http://fr.sputniknews.com/societe/20150427/1015841176.html
[3] http://www.legrandsoir.info/danielle-mitterrand-la-democratie-n-existe-ni-aux-usa-ni-en-france.html
[4] N. CHOMSKY, Les Etats manqués. Abus de puissance et déficit démocratique, Paris, Fayard, 2006.
[5] N. CHOMSKY, Deux heures de lucidité. Entretiens avec Denis Robert et Weronika Zarachowicz, Paris, Les arènes, 2001, p.122.
[6] Lire N. CHOMSKY et H. HERMAN, La fabrication du consentement. De la propagande médiatique en démocratie, Paris, Agone, 2008.
« Les colonisés savent qu’ils ont un avantage. Ils savent que leurs « maîtres » provisoires mentent. Donc que leurs maîtres sont faibles. » A. Césaire
Il y a un savoir lié à la connaissance de l’autre, de son mode opératoire, de ses ambitions, de son histoire, de ses réussites, de ses défaites, etc. nécessaire au travail d’une intelligentsia organique et structurante congolaise.
Accuser l’ autre ne suffit pas. Savoir ce qu’il fait et tirer de ce savoir un pouvoir organisationnel nous semble indispensable. Cela revient à apprendre de l’autre ; quel qu’il soit.
L’implication des Anglo-saxons dans la guerre perpétuelle imposée au Congo-Kinshasa depuis plus de deux décennies nous pousse à travailler en permanence à la connaissance de leur système politico-économique, à leur mode opératoire dans certains pays où ils estiment avoir des intérêts certains et à l’histoire d’autres guerres qu’ils ne cessent de mener à travers le monde.
Pourquoi ce travail est-il important à nos yeux ? Nous voulons questionner ‘’les doctrines des bonnes intentions’’ de nos ‘’maîtres provisoires’’ en les confrontant aux faits pour éviter d’être dupes à moindres frais.
Au moment où ‘’les envoyés spéciaux US’’ et leurs ONGs de sédition disent vouloir soutenir le processus démocratique au Congo-Kinshasa, nous voudrions essayer de répondre à cette question bête : « La plus belle fille du monde peut-elle donner ce qu’elle n’a pas ? »
Il y a quelques jours, une vidéo nous a aidé à comprendre, tant soit peu, pourquoi les USA se sont engagés dans la première et la deuxième guerre mondiales. Et même dans la guerre froide. Ils avaient peur que la Russie et l’Allemagne ne puissent s’unir. Oui, ils avaient peur et George Friedman[1] l’avoue sans ambages.
Cette vidéo met sur la place publique une conférence tenue le 04 février 2015 à Chicago au CFR (Conseil des Affaires Extérieures). Un endroit symbolique du point de vue de l’orientation de la pensée politique anglo-saxonne.
C’est au CFR que George Kennan a exposé, en 1948, une étude sur ‘’Le Grand Domaine’’. Pour cet ambassadeur américain, les USA appelés à devenir un empire devait procéder à leur expansion en rejetant toute philanthropie et en considérant les droits de l’homme et la démocratie comme des idées illusoires.
Plus de soixante ans après, des scientifiques de deux universités américaines, Martin Gilens de l’université de Princeton et Benjamin Page de l’université de Northwestern, arrivent à peu près à la même conclusion :la démocratie made in USA est une illusion. « (…)
L’élite économique et les groupes représentant les intérêts du business ont une influence significative sur la politique du gouvernement (…). Alors que les associations et les citoyens lambda exercent une influence dérisoire, voire tout à fait nulle. [2]»
Ces universitaires ont travaillé sur les données relatives à plus de 1.800 décisions politiques prises sur plus de vingt ans ; de 1981 à 2002. Pour eux, les décisions politiques favorisent plus les intérêts des particuliers et ceux des organisations de lobbying que ceux de la majorité des citoyens.
Cette étude vient corroborer les propos tenus par Danielle Mitterrand dans un entretien accordé à Hernando Calvo Ospina le 28 octobre 2005.
Après avoir démontré que la France est un pays soumis aux Etats-Unis, l’épouse de François Mitterrand envient à dire ceci : « En France on élit et les élus font des lois qu’ils n’ont jamais proposées et dont nous n’avons jamais voulu. Est-ce la démocratie quand après avoir voté nous n’ayons pas la possibilité d’avoir de l’influence sur les élus ? Je ne crois pas que dans aucun pays qui se disent démocratiques, ceux-là qui croit avoir le droit d’imposer « leur démocratie » aux pays pauvres, il existe la démocratie, à commencer par les Etats-Unis et la France.
La France est une démocratie ? Une puissance mondiale ? Je le dis en tant que Française : cela ne veut rien dire. Si on le dit pour les niveaux d’éducation, de la recherche ou la santé, c’est nul. Pour être capables d’aider la paix mondiale, les peuples opprimés ? Nul. [3]»
Danielle Mitterrand nous aide à répondre à notre question-bête : « La plus belle fille du monde peut-elle donner ce qu’elle n’a pas ? » Elle répond : nom. (Nemo dat quod non habet.)
Elle dit que la capacité qu’ont les pays qui se disent démocratiques d’aider les pays opprimés est nulle. Pourtant, les USA à travers certaines de leurs ONGs financent ‘’les candidats pro-démocratie’’ et l’éducation citoyenne?
A ce point nommé, l’inversion sémantique joue un rôle déterminant. Ces ONGs financent l’expansion de l’empire. Elles financent la soumission et l’assujetissement des élites compradores pour l’expansion du ‘’Grand Domaine’’.
Elles sont ‘’les petites mains ‘’ de l’empire US. Souvent, ces élites compradores font partie des oppositions-bidons montées pour imposer le principe du « diviser pour régner ».
Selon l’étude de Martin Gilens et Benjamin Page, le gouvernement américain, qu’il soit de Républicain ou démocrate, obéit aux décisions politiques des 10% des Américains les plus riches.
Ce sont eux qui coordonnent, à travers leur ‘’Etat profond’’ et les organisations supra-partisanes comme le CRF les orientations politiques des Républicains et des Démocrates. Le service rendu à leurs intérêts l’emporte sur les divisions partisanes. Celles-ci font souvent parti du ‘’jeu politicien’’ pour tromper la vigilance des citoyens lambda.
Ailleurs, là où leurs ONGs financent les partis politiques et la société civile, l’atomisation des populations est la règle. Connaître ce mode opératoire dans son ambivalence est important.
Cela peut contribuer à la montée de la prise de conscience des ‘’patriotes congolais éveillés’’. Ils peuvent lutter pour coordonner, dans la justice et sans haine, les efforts dispersés des compatriotes épris du désir de faire du Congo-Kinshasa un pays plus beau qu’avant en conjoignant cette connaissance du mode opératoire US et une conscience nationale aiguë.
Revenons aux universitaires américains. Leur étude est publiée longtemps après les critiques répétitives de Noam Chomsky contre le système politique de son pays. A ses yeux, les USA sont un ‘’Etat voyou’’, un ‘’Etat manqué’’[4].
Pour Chomsky, la lutte des oligarchies américaines contre la démocratie date des années 1970. En 1973 (ou 1975 ?), un livre publié par les membres de La Trilatérale sur ‘’la crise de la démocratie’’ s’en prenant à l’incursion des citoyens lambda dans l’arène publique.
L’école, l’université et l’église devraient avoir failli à leur tâche de les rendre passifs et les rendre apathiques[5]. Cette approche est portée par une nostalgie d’un modèle politique : élu président en avril1945 après la mort de Roosevelt, Harry Truman avait gouverné les USA en se laissant aider par quelques avocats et banquiers de Wall Street.
Le transfert du pouvoir aux grandes entreprises et le démantèlement de l’Etat-providence dans une fabrication constante du consentement[6] populaire ne datent pas des années 1980. C’est une ville histoire US.
Disons qu’il y a là une lutte permanente entre les oligarchies d’argent et les citoyens ordinaires afin que ceux-ci ne puissent pas participer aux décisions politiques engageant leur devenir collectif.
Quand ‘’les petites mains’’ de ces oligarchies d’argent disent aux Congolais et aux autres Africains qu’ils les soutiennent dans leur lutte pour l’émancipation politique, elles mentent.
Comment peuvent-elles soutenir par exemple l’éducation à la citoyenneté au Congo-Kinshasa pendant qu’à partir de leur tink thanks, de certaines écoles, églises et universités aux USA, elles luttent pour rendre les citoyens apathiques et passifs dans l’arène politique et cela depuis plusieurs années ?
Elles mentent. Pour elles, comme dirait George Fiedman, ‘’c’est amoral, c’est cynique, mais ça marche.’’. Tel est leur pragmatisme.
Le constat fait, toute la question demeure celle de savoir comment tirer quelque avantage de ce mensonge. Savoir qu’il y a là un mensonge ne suffit pas. Ce savoir doit pouvoir être transformer en pouvoir organisationnel.
D’où la nécessité d’inventer, de créer, d’imaginer des techno-structures capables de réaliser ce travail de transformation du savoir en pouvoir.
Telle est l’une des tâches essentielles d’une intelligentsia congolaise organique et structurante.
Accuser les autres ne suffit pas. Eux au moins savent ce qu’ils tiennent à devenir : un empire au service des 10% d’oligarques d’argent. Et nous ?
__________________
Mbelu Babanya Kabudi
[1] https://www.youtube.com/watch?v=QeLu_yyz3tc
[2] http://fr.sputniknews.com/societe/20150427/1015841176.html
[3] http://www.legrandsoir.info/danielle-mitterrand-la-democratie-n-existe-ni-aux-usa-ni-en-france.html
[4] N. CHOMSKY, Les Etats manqués. Abus de puissance et déficit démocratique, Paris, Fayard, 2006.
[5] N. CHOMSKY, Deux heures de lucidité. Entretiens avec Denis Robert et Weronika Zarachowicz, Paris, Les arènes, 2001, p.122.
[6] Lire N. CHOMSKY et H. HERMAN, La fabrication du consentement. De la propagande médiatique en démocratie, Paris, Agone, 2008.
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