Le sénateur Florentin Mokonda Bonza
Au cours d’une "Question orale" posée, mercredi 10 juin, au ministre de la Fonction publique, Claude Kibala, le sénateur Florentin Mokonda Bonza a stigmatisé les dysfonctionnements qui affectent l’Administration publique congolaise.
Une Administration publique minée non seulement par l’arbitraire et le copinage mais aussi par le retour en force du tribalisme et du régionalisme. Vous avez dit "cohésion nationale"?
"L’Administration publique ne fonctionne pas"
Dans les manuels de droit administratif, le mot "Administration" avec "A" majuscule a deux sens. Sur le plan organique, c’est l’ensemble des organes et des services qui sont spécialement chargés de réaliser le bien commun.
Sur le plan matériel, il s’agit de toute activité par laquelle les autorités publiques pourvoient en utilisant le cas échéant les prérogatives de la puissance publique à la satisfaction des besoins d’intérêts publics.
Le mercredi 10 juin, le ministre de la Fonction publique, Claude Kibala, s’est rendu au Sénat où l’attendait le sénateur Florentin Mokonda Bonza, initiateur de la "Question orale" à l’origine de la venue de ce membre de l’Exécutif.
La "question" s’articulait sur une dizaine de thèmes. A savoir notamment l’équilibre géopolitique dans la nomination des secrétaires généraux, la maîtrise des effectifs et la masse salariale, le cas des secrétaires généraux suspendus etc.
Le lendemain, jeudi 11 juin, le ministre Kibala est revenu à la Chambre haute du Parlement pour répondre aux "préoccupations" des sénateurs.
Dans sa réponse, Claude Kibala a indiqué que le nombre d’agents de l’Administration publique au Congo-Kinshasa s’élève à 793.615.
Il a dit se fonder sur les statistiques obtenues après le "recensement biométrique". Selon lui, ce recensement a permis de repérer 213 cas de "médecins irréguliers" avec un impact salarial mensuel de 124.895.229 CDF.
S’agissant des secrétaires généraux de l’Administration publique suspendus au niveau de certains ministères, le ministre de la Fonction publique a estimé qu’il s’agit d’une question "relevant de la discipline interne au sein de chaque ministère".
Il a évoqué, dans la foulée, le cas des arrêtés pris par le ministre de l’Intérieur et sécurité, Evariste Boshab, dans le cadre de la mise en place dans la territoriale.
Dans sa "riposte", le sénateur Mokonda a commencé par rappeler les "réformes" annoncées par le gouvernement Matata dans le secteur de l’Administration publique.
Il s’est empressé de faire remarquer que "sur le terrain" les résultats restaient imperceptibles. Et de citer, au passage, "la lourdeur" qui continue "dans la gestion des ressources humaines et dans le traitement des correspondances administratives".
Les gouvernants actuels ont la fâcheuse manie de confondre l’édiction des lois et le changement effectif intervenu au niveau de la vie quotidienne.
A titre d’exemple, les correspondances adressées au chef de l’Etat ou à un membre du gouvernement restent lettres mortes. L’Administration congolaise a perdu l’habitude d’accuser réception du courrier enregistré.
Inutile, dès lors, de parler de la résolution du problème posé inhérent à la vie collective. Le cas du ministère des Affaires étrangères est le plus flagrant.
Bref, les dirigeants congolais semblent ignorer que gouverner consiste essentiellement à résoudre les problèmes inhérents à la vie collective.
L’Etat de droit
"Pour obtenir un poste au Congo démocratique de Joseph Kabila, il faut être natif de la Province du Katanga ou du Maniema. A défaut d’appartenir à ces deux Régions et dans une certaine mesure le Kivu, il faut compter dans vos relations un katangais ou maniémien".
Il n’est plus rare d’entendre des fonctionnaires congolais lâcher ce genre de réflexion. Le mot "fonctionnaire" doit être pris ici dans son sens le plus large. A savoir : agent de l’Etat dans l’administration d’un ministère ou d’un organisme public (fonctionnaire, mandataire public, policier, militaire, diplomate etc.)
C’est une situation pour le moins paradoxale. Depuis la restauration du pluralisme politique en 1990 dans ce pays qui s’appelait encore Zaïre, "l’instauration de l’Etat de droit" est devenue un thème favori. Une rengaine pour les acteurs politiques.
Lors du lancement de la "guerre" de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre), fin octobre 1996, Laurent-Désiré Kabila justifiait son "combat" par la nécessité d’éradiquer la dictature afin de mettre en place la démocratie et... l’Etat de droit.
De manière schématique, l’Etat de droit est un Etat prévisible. Prévisible tout simplement parce qu’il est régi par des règles connues de tous et non selon les fantaisies des puissants du moment.
Sur papier, tous les Congolais "sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection devant les lois" (article 12 de la Constitution promulguée le 18 février 2006 par "Joseph Kabila").
De même, aucun Congolais ne peut faire l’objet "en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques (...) d’une mesure discriminatoire qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif, en raison de sa religion, de son origine familiale (...), de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique" (article 13).
Recommandations
Après l’échange, le sénateur Mokonda a adressé ces quelques "recommandations" au gouvernement : abroger tous les décrets et tous les actes pris en violation de la loi par les ministres sectoriels; veiller à "l’équilibre géopolitique" ou plutôt à la "représentativité nationale" dans la nomination des agents de carrière de l’Administration publique; réexaminer la situation statutaire des secrétaires généraux suspendus et procéder à leur réhabilitation «sans délai» et les rétablir dans leurs fonctions; appliquer les recommandations des Concertations nationales; restructurer les conseils de discipline; prévoir un barème de rémunération pour les secrétaires généraux en prévision de leur retraite.
Sera-t-il entendu? On peut en douter.
Reste que pour ce parlementaire, le secrétaire général étant le fonctionnaire le plus gradé de l’Administration publique, il "ne peut être traité comme un va-nu-pieds".
En conclusion de sa "Question orale", il a fait un constat à la tonalité d’un réquisitoire : «L’Administration publique congolaise ne fonctionne pas de manière efficiente!».
Que faire? Toute la question est là!
Au lieu de se contenter de quelques "mesurettes" pompeusement qualifiées de "réformes", le gouvernement central ne devrait-il pas prendre le courage avec ses deux mains en soumettant l’Administration publique congolaise au sens strict (la Fonction publique et les missions diplomatiques) à un audit externe ?
But: savoir dans un premier temps qui fait réellement quoi pour atteindre quel objectif?
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Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant
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