le 15-06-2015
Le président soudanais Omar el-Béchir lors du sommet de l'Union africaine, à Johannesburg, le dimanche 14 juin.REUTERS/Siphiwe Sibeko
Le président soudanais Omar el-Béchir, recherché pour génocide par la Cour pénale internationale (CPI), a quitté ce lundi 15 juin l’Afrique du Sud, faisant ainsi fi de la justice sud-africaine qui lui avait interdit de quitter le pays dans l'attente d'une décision de justice.
Il y a quelques années encore, l'Afrique du Sud était l'un des rares poids lourds africains à crier haut et fort vouloir respecter ses engagements envers la CPI. Ce n'est plus le cas.
Le président Omar el-Béchir est arrivé à Khartoum ce lundi soir.
Certains n'hésitent pas à dire qu'il a fui l'Afrique du Sud. C'est aussi ce que doit penser le tribunal de Pretoria qui lui avait interdit dimanche de quitter le territoire tant que la justice sud-africaine n'avait pas statué sur son cas. Le président soudanais a donc enfreint une décision de justice.
Du côté des autorités soudanaises, on pense bien évidement l'inverse.
Le ministre des Affaires étrangères du Soudan affirmait samedi sur RFI que cette action en justice était une affaire interne à l'Afrique du Sud et il ajoutait qu'elle ne concernait pas le Soudan car des assurances lui avaient été données par Pretoria en termes de respect de l'immunité du président soudanais.
Eventuelle complicité de l’Afrique du Sud
Ce départ pose la question de la complicité de l'Afrique du Sud. N'avait-elle pas le devoir d'arrêter Omar el-Béchir ? Pour la CPI, il n'y a aucune ambiguité.
Pretoria devait respecter ses engagements envers la CPI et procéder à l'arrestation du président soudanais. La Cour l'avait d'ailleurs rappelé fin mai. Ce week-end encore, la chambre préliminaire de la CPI a rendu une décision de justice clarifiant les obligations de l'Afrique du Sud.
Les diplomates sud-africains sont allés à la CPI, en préparation de ce sommet, pour expliquer leur position, mais la CPI est restée ferme. Pour elle, les arguments avancés par Pretoria, à savoir le concept « d'obligation concurrente », c'est-à-dire l'organisation d'un sommet de l'Union africaine (UA), sont des arguments qui ne tiennent pas.
De même, la notion d'immunité d'un président en exercice que l'Union africaine a érigée en principe depuis plusieurs années, ne tient pas davantage. L'UA considère que la CPI ne peut pas poursuivre des présidents en exercice, car ils sont, selon elle, censés jouir d'une immunité.
L'Afrique du Sud n'a pas toujours eu cette position. En 2009, Pretoria annonçait publiquement qu'elle n'adhérait pas aux décisions de l'UA visant à protéger Omar el-Béchir avec le principe de l'immunité. Pretoria affirmait même que si le numéro un soudanais venait en Afrique du Sud, il serait arrêté.
Quels risques pour le président sud-africain ?
En n’arrêtant pas Omar el-Béchir, hormis des remontrances, le président sud-africain Jacob Zuma ne risque pas grand chose. La CPI n'a pas les moyens de forcer un Etat à respecter sa parole, mais peut faire constater un refus de coopérer.
En revanche, sur le plan interne, le président Zuma vient de s'exposer à la vindicte de la société civile et des ONG de défense des droits de l'homme. Il va devoir s'expliquer. D'autant que la justice sud-africaine a affirmé ce lundi après-midi que l'Afrique du Sud avait agi en contradiction avec sa propre Constitution en n'arrêtant pas le numéro un soudanais.
Un nouveau pied de nez à la CPI
L'Afrique est-elle en train de tourner le dos à la CPI ? Depuis 2009, date du premier mandat d'arrêt émis par la CPI contre Omar el-Béchir, l'Union africaine est montée au créneau pour empêcher l'arrestation du président soudanais.
Celui-ci a pu bénéficier de prises de positions très fermes de l'UA et de certains de ses dirigeants qui estiment, comme l'Ougandais Museveni, que les Etats africains devraient quitter la CPI car elle serait, à ses yeux, un outil pour viser l'Afrique. Une théorie du complot mise aussi en avant par le Kényan Uhuru Kenyatta.
Changement aussi de la position sud-africaine. Durant des années et sous la présidence Zuma, on estimait que le pays devait remplir ses obligations envers la CPI. Ce n’est plus cas depuis que l’ANC, parti de Jacob Zuma, estime que la CPI n'est plus une organisation utile.
Ce nouvel épisode Omar el-Béchir a donc éloigné un peu plus l'Afrique du Sud et la CPI. C'est une mauvaise nouvelle pour la Cour qui compte de moins en moins de supporters sur le continent.
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Olivier Rogez
Le président soudanais Omar el-Béchir lors du sommet de l'Union africaine, à Johannesburg, le dimanche 14 juin.REUTERS/Siphiwe Sibeko
Le président soudanais Omar el-Béchir, recherché pour génocide par la Cour pénale internationale (CPI), a quitté ce lundi 15 juin l’Afrique du Sud, faisant ainsi fi de la justice sud-africaine qui lui avait interdit de quitter le pays dans l'attente d'une décision de justice.
Il y a quelques années encore, l'Afrique du Sud était l'un des rares poids lourds africains à crier haut et fort vouloir respecter ses engagements envers la CPI. Ce n'est plus le cas.
Le président Omar el-Béchir est arrivé à Khartoum ce lundi soir.
Certains n'hésitent pas à dire qu'il a fui l'Afrique du Sud. C'est aussi ce que doit penser le tribunal de Pretoria qui lui avait interdit dimanche de quitter le territoire tant que la justice sud-africaine n'avait pas statué sur son cas. Le président soudanais a donc enfreint une décision de justice.
Du côté des autorités soudanaises, on pense bien évidement l'inverse.
Le ministre des Affaires étrangères du Soudan affirmait samedi sur RFI que cette action en justice était une affaire interne à l'Afrique du Sud et il ajoutait qu'elle ne concernait pas le Soudan car des assurances lui avaient été données par Pretoria en termes de respect de l'immunité du président soudanais.
Eventuelle complicité de l’Afrique du Sud
Ce départ pose la question de la complicité de l'Afrique du Sud. N'avait-elle pas le devoir d'arrêter Omar el-Béchir ? Pour la CPI, il n'y a aucune ambiguité.
Pretoria devait respecter ses engagements envers la CPI et procéder à l'arrestation du président soudanais. La Cour l'avait d'ailleurs rappelé fin mai. Ce week-end encore, la chambre préliminaire de la CPI a rendu une décision de justice clarifiant les obligations de l'Afrique du Sud.
Les diplomates sud-africains sont allés à la CPI, en préparation de ce sommet, pour expliquer leur position, mais la CPI est restée ferme. Pour elle, les arguments avancés par Pretoria, à savoir le concept « d'obligation concurrente », c'est-à-dire l'organisation d'un sommet de l'Union africaine (UA), sont des arguments qui ne tiennent pas.
De même, la notion d'immunité d'un président en exercice que l'Union africaine a érigée en principe depuis plusieurs années, ne tient pas davantage. L'UA considère que la CPI ne peut pas poursuivre des présidents en exercice, car ils sont, selon elle, censés jouir d'une immunité.
L'Afrique du Sud n'a pas toujours eu cette position. En 2009, Pretoria annonçait publiquement qu'elle n'adhérait pas aux décisions de l'UA visant à protéger Omar el-Béchir avec le principe de l'immunité. Pretoria affirmait même que si le numéro un soudanais venait en Afrique du Sud, il serait arrêté.
Quels risques pour le président sud-africain ?
En n’arrêtant pas Omar el-Béchir, hormis des remontrances, le président sud-africain Jacob Zuma ne risque pas grand chose. La CPI n'a pas les moyens de forcer un Etat à respecter sa parole, mais peut faire constater un refus de coopérer.
En revanche, sur le plan interne, le président Zuma vient de s'exposer à la vindicte de la société civile et des ONG de défense des droits de l'homme. Il va devoir s'expliquer. D'autant que la justice sud-africaine a affirmé ce lundi après-midi que l'Afrique du Sud avait agi en contradiction avec sa propre Constitution en n'arrêtant pas le numéro un soudanais.
Un nouveau pied de nez à la CPI
L'Afrique est-elle en train de tourner le dos à la CPI ? Depuis 2009, date du premier mandat d'arrêt émis par la CPI contre Omar el-Béchir, l'Union africaine est montée au créneau pour empêcher l'arrestation du président soudanais.
Celui-ci a pu bénéficier de prises de positions très fermes de l'UA et de certains de ses dirigeants qui estiment, comme l'Ougandais Museveni, que les Etats africains devraient quitter la CPI car elle serait, à ses yeux, un outil pour viser l'Afrique. Une théorie du complot mise aussi en avant par le Kényan Uhuru Kenyatta.
Changement aussi de la position sud-africaine. Durant des années et sous la présidence Zuma, on estimait que le pays devait remplir ses obligations envers la CPI. Ce n’est plus cas depuis que l’ANC, parti de Jacob Zuma, estime que la CPI n'est plus une organisation utile.
Ce nouvel épisode Omar el-Béchir a donc éloigné un peu plus l'Afrique du Sud et la CPI. C'est une mauvaise nouvelle pour la Cour qui compte de moins en moins de supporters sur le continent.
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Olivier Rogez
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