« Il vaut mieux prévenir que guérir ». Brazzaville abrite le siège de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en Afrique, malgré tout, les autorités sanitaires du Congo semblent ignorer cet adage populaire. Une semaine après la fête de la Toussaint, la ville de Pointe-Noire et d’autres localités avoisinantes ont été sévèrement touchées par la poliomyélite. Le bilan provisoire de cette épidémie s’élève à 132 morts, officiellement. Pour dédramatiser la situation, les autorités sanitaires ont préféré parler de « Paralysie flasque ». Il y a à peine trois ans, le choléra avait sévi dans cette même ville qui contribue essentiellement au budget de l’Etat. Antoinette Sassou-Nguesso, en tant que première dame, est montée au créneau pour sensibiliser les populations. Cette tâche ingrate lui a été réservée pour épargner un souci de plus à son époux Denis Sassou-Nguesso, plus préoccupé à sauver ses biens immobiliers et vider ses 112 comptes en France, avant que les huissiers n’y fassent main basse.
Marché à Pointe-Noire
Cette énième catastrophe sanitaire aurait pu être évitée, si le gouvernement congolais avait pris les dispositions nécessaires. Comme d’habitude, il a fallu qu’il y ait des victimes pour que celui-ci réagisse. En pareilles circonstances, le personnel médical est vite débordé à cause de l’inadaptabilité des infrastructures hospitalières. En temps normal, les maternités sont saturées. Des petits lits sont parfois partagés par trois nourrissons couchés verticalement. Ceci explique la propagation rapide des maladies infantiles et la détérioration des matelas futon. Le surpoids des nourrissons fait céder les ressorts. Les congolais consciencieux doivent se demander jusqu’à quelle profondeur, le régime en place va enfoncer le pays.
Le gouvernement congolais est prêt à dépenser des dizaines de milliards pour acquérir des véhicules officiels plutôt que de les investir dans les services de voirie, afin d’assainir l’environnement. Les ministres et les membres de leur cabinet roulent des mécaniques, insensibles au sort de la population. En 2003, les districts de Mbomo et Kellé, situés au nord du pays, ont été ravagés par le virus Ebola. Cinquante-huit personnes avaient perdu la vie sans pour autant que le gouvernement ne prenne des mesures drastiques après cette calamité.
Exposés à toute sorte de maladie, les villageois restent les plus vulnérables. Le ministre de la Santé est plus à l’aise à mener une compagne électorale que celle de vaccination. La première sert à préserver son poste, la seconde, à préserver la santé publique. Evidemment, les enjeux ne sont pas les mêmes. Dans l’hinterland, les O.N.G se sont substituées à l’Etat. De Ewo jusqu’à Souanké, pas une seule maternité ne dispose d’une couveuse, les enfants prématurés ont peu de chance de survivre. C’est pour cela que le Congo pulvérise des mauvais records en matière de santé et d’hygiène publique.
Les hôpitaux sont très mal lotis. Il n’y a pas de masque à oxygène et les médecins sont obligés de pratiquer du bouche à bouche, en supportant parfois une mauvaise haleine, pour réanimer les patients. Il arrive qu’une opération chirurgicale se fasse avec une lame de rasoir (1) faute de matériel. Les pauvres infirmières sont contraintes de faire bouillir des seringues jetables, toujours en rupture de stock. Se faire piquer par des moustiques a des conséquences moindres qu’une seringue mal stérilisée. Heureusement qu’il existe des tradithérapeutes (ou tradipraticiens) dans cette vaste partie du Congo, autrement des villages entiers seraient décimés par des maladies bénignes. Ces derniers mériteraient les plus hautes distinctions de l’Etat, souvent échues aux corsaires de la république. Oui, nous sommes au Nord, pas au Sud, c’est pourquoi certains partisans mal informés devraient cesser de penser qu’il existe des régions privilégiées au Congo. Dans ce pays, tous les paysans sont logés à la même enseigne, celle de la houe, du râteau et de l’arrosoir. Les villages agricoles sont de la poudre aux yeux. Sans agronomes ni vétérinaires, ce projet est voué à l’échec. Qui vivra, verra.
Pointe-Noire, novembre 2010
En saison de pluie, Brazzaville et Pointe-Noire ressemblent à des villages lacustres. A chaque pluie diluvienne, les artères principales se transforment en piscine olympique et les caniveaux en marées de boue. Il serait bon d’inscrire la natation au programme scolaire pour éviter la noyade aux écoliers. La télévision d’Etat n’informe plus : elle est devenue la caisse de résonance d’un régime agonisant. Les plateaux n’offrent aucun débat contradictoire, invités comme journalistes braillent le même refrain. Le chant des perroquets n’est qu’un bruitage aigü. Le peuple congolais a besoin d’entendre un hymne à la joie, aux patriotes d’exécuter sa partition, autrement notre beau pays risquerait de devenir un simple vestige. Fertilise ta pensée avec un engrais imaginaire
Et ne laisse pas tarir la source de ton amour propre
Bombe le torse pour contrer leur arrogance
Aride est le verger de l’ignorance
La paresse incite à faire allégeance
Habitué au dur labeur, le forgeron ne fléchit pas
Prends ton marteau et casse ta croûte, loin des corsaires
La patrie te sera reconnaissante.
Ngombulu Ya Sangui Ya Mina Bantu LASCONY
Ecrivain, documentariste, historiographe
Institut Cercle-Congo
(1) Source : rapport de la mission épiscopale conduite par feu Pasteur Alphonse Mbama.
Pointe-Noire, 17-18 novembre 2010
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