jeudi 4 novembre 2010

Rapport Mapping : Les raisons du long silence de l’ONU dévoilées

image  
Ban Ki-Moon


Dans une analyse, l’Ambassadeur Umba Ilunga scrute le comportement et la logique de l’organisation mondiale pour dégager des contradictions entre ses motivations et les conséquences de son enquête tardive Umba Ilunga. Pas seulement un diplomate chevronné, pour ne pas simplement parler d’un compatriote rodé en matière de diplomatie et qui a fait ses preuves. Bien plus encore. Un intellectuel de haute facture avec des analyses à la fois objectives et pertinentes qui symbolisent de fréquentes contributions à travers les débats sur des questions capitales pour la RDC.
Cette fois-ci, il scrute le Rapport Mapping partant du rappel des faits historiques pour expliquer pourquoi, alors qu’elle était informée, l’ONU a attendu longtemps avant de révéler aujourd’hui ce qu’elle taisait hier. L’ambassadeur Umba Ilunga ne s’arrête pas en si bon chemin. Il évoque également, dans la présente étude, le voile jeté sur de nombreux cas de viols commis par des casques bleus de la MONUC et qui ne sont pas signalés dans le Rapport Mapping. Tout comme le silence qui avait caractérisé l’ONU face aux horreurs de la guerre pour ne sortir de sa léthargie qu’au moment où les pays de la région des Grands lacs fument le calumet de la paix.
Les intérêts contradictoires de la RDC, qui fait face à plusieurs défis, sont aussi pris en compte, sans oublier l’idée d’un Tribunal pénal international pour la RDC. Ce qui, finalement, oppose deux tendances inspirées du sociologue allemand Max Weber. La première tendance, rangée dans la catégorie de l’Ethique de conviction, est constituée des militants des partis politiques de l’opposition, des intellectuels, des activistes des droits de l’homme, des gens de toutes les confessions religieuses et des acteurs de la société civile.
La deuxième tendance, celle de l’Ethique de responsabilité, se retrouve généralement dans les structures du pouvoir exécutif. Les premiers (tenants de la première tendance) s‘en tiennent exclusivement aux textes de lois, aux engagements pris, aux principes d’ordre moral ou religieux et ne jurent que par la primauté à donner à la justice au cas où elle entrerait en conflit avec les impératifs d’ordre sécuritaire.
Les seconds, par contre, «sachant que les conseillers ne sont pas les payeurs, et s’appuyant, par conséquent, uniquement sur leurs obligations professionnelles de faire régner, sur toute l’étendue du territoire national, la paix sans laquelle aucune entreprise de développement n’est possible, ont tendance à chercher des compromis, à arrondir les angles et à mettre une sourdine aux revendications légitimes de la justice au nom du réalisme politique».
A la fin de son analyse, l’ambassadeur Umba Ilunga se penche sur la tendance baissière de la cote de popularité de Nicolas Sarkozy et de Barack Obama «pour avoir tant fait rêver» pour enfin «inviter les hauts responsables politiques et leurs opposants les plus radicaux à un peu plus d’humilité».

Pourquoi l’Onu a-t-elle décidé de révéler aujourd’hui dans son rapport Mapping « les vérités» qu’elle taisait hier?

A. RAPPEL DES FAITS HISTORIQUES

Le Rapport du Projet Mapping sur les violations les plus graves des Droits de l'Homme et du Droit International humanitaire commis entre 1993 et 2003 en RDC, a été publié, le 1er octobre 2010, dans la ville de Genève en Suisse. Vu son caractère explosif, nombreux sont ceux qui se demandent pourquoi l'ONU, à laquelle chacun de ses Etats membres se réfère spontanément avec une entière confiance, a-t-elle décidé de révéler aujourd'hui ce qu'elle taisait hier ?
Car l'Histoire nous renseigne qu'en leur temps, la Commissaire européenne, Emma BONINO et l'Expert des Nations-Unies, Roberto GARRETON avaient, chacun dans son rapport, dénoncé avec virulence, sans pour autant soulever des vagues au sein de l'opinion internationale, les massacres à grande échelle organisés selon un certain schéma ayant causé, entre 1996 et 1998, la mort d'au moins 200 000 hutus sur le million et demi de refugiés que comptaient alors le Nord et le Sud-Kivu.
Plutôt que d'engager la responsabilité du régime de Kigali et de faire peser sur le chantre du génocide Tutsi, le soupçon d'en avoir lui aussi commis un, l'ONU et la Communauté internationale dans son ensemble, s'étaient employées, à l'instar du Lion des Fables de la Fontaine dans " les Animaux malades de la peste " à visser la casquette de génocidaire sur la tête, trop petite heureusement, du bouc-émissaire idéal, Mzee Laurent Desire KABILA de façon a clore, jusqu'à de nouveaux rebondissements, le chapitre de la réalité post-génocidaire du Rwanda.
C'est vrai qu'à cette époque, l'ONU et la Communauté internationale, tétanisées par les critiques venant du Rwanda les rendant responsables du génocide subi en 1994 et cherchant, par tous les moyens, à se défaire de cet infâmant soupçon de complicité avec les miliciens génocidaires interahamwe, avaient longtemps préféré, face aux pires méfaits du régime de Kigali, adopter l'attitude de ce singe chinois qui ne voit rien, n'entend rien et ne dit rien.
Raison pour laquelle elles ont laissé s'ouvrir tant au Rwanda qu'ailleurs, pour incitation à la haine raciale ou ethnique, des véritables procès en sorcellerie contre tous ceux qui, à l'exemple de l'écrivain français Pierre PEAN ou de l'avocat américain Peter ERLINDER, ont eu le courage de mettre en doute la version officielle faisant état des circonstances historiques du génocide et du mythe d'une Armée patriotique rwandaise, bien formée, très disciplinée et n'étant intervenue en territoire congolais que pour y exercer son légitime droit de poursuite se limitant aux seuls miliciens génocidaires interahamwe afin de les empêcher de faire des incursions au Rwanda et de s'organiser dans la perspective d'y reprendre le pouvoir.
Ce qui explique aussi la non prise en compte des sources gouvernementales, notamment les 7 livres blancs élaborés sur la base d'informations venant des zones de conflit et d'ailleurs et publiés par le Ministère Congolais des Droits Humains, sous le mandat de Léonard SHE OKITUNDU sur les violations massives des Droits de l'Homme et des règles de base du Droit international humanitaire par les pays agresseurs à l'Est de la RDC.
Pas plus d'ailleurs que l'ONU n'avait pu prêter une oreille attentive aux efforts déployés par le Gouvernement congolais non seulement pour accréditer auprès d'elle la thèse de l'agression dont la RDC était victime a partir du 2 août 1998, de la part des unités régulières des Armées du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi mais aussi et surtout pour obtenir qu'elle recourt à des moyens appropriés prévus par la Charte des Nations Unies afin de faire cesser, dans les plus brefs délais, cette intolérable violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la RDC.
A part quelques Etats africains presque tous membres de la SADC à laquelle la RDC est affiliée, tous les membres influents de la Communauté internationale, y compris les ONG nationales et internationales des Droits de l'Homme, l'UDPS et tant d'autres partis politiques se réclamant de l'opposition, n'avaient prêté aux récriminations de Kinshasa qu'une oreille de sourd, préférant accréditer l'idée d'une rébellion congolaise indépendante de toute manipulation extérieure.
Dans le même ordre d'idées, l'opinion congolaise se souviendra également qu'en 2003, du haut de la tribune des Nations Unies, le Président Joseph KABILA KABANGE avait, sans susciter le moindre intérêt de la Communauté internationale, réclamé la mise sur pied d'un Tribunal Pénal International pour la RDC en vue de juger et de sanctionner les auteurs de tous les massacres et crimes d'une extrême gravité dont nous parle aujourd'hui le Rapport onusien.
C'est également cette même volonté de faire en sorte que les auteurs des souffrances endurées par le peuple congolais ne puissent demeurer impunis qui a conduit notre Chef de l'Etat à ratifier, en 2002, le Traité de Rome portant Statut de la CPI, à offrir, en 2004, la collaboration de son pays au Procureur de la CPI ayant abouti à l'arrestation de trois de nos quatre compatriotes en instance de jugement à La Haye et à marquer, en 2007, son accord pour que les enquêteurs onusiens puissent venir en RDC y faire des recherches approfondies, de façon chronologique et province par province, en vue de l'élaboration du Rapport Mapping.
Tous ces choix, de ne pas entendre la voix de la RDC, se heurtaient pourtant à la même conscience morale qui semble, à travers ce Rapport, se réveiller aujourd'hui. Tels sont des faits historiques dont un certain Lénine disait qu'ils sont têtus et auxquels il faut toujours se référer, non pas parce que l'on en éprouve de la rancœur contre qui que ce soit, mais plutôt pour comprendre le présent et éclairer l'avenir. Ce qui ne peut pas se faire sans soulever une série d'interrogations.

B. QUELQUES INTERROGATIONS QUE SUSCITE LE RAPPORT MAPPING

Le Rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l'Homme a incontestablement le mérite de dévoiler officiellement ce qui était caché sous le tapis, de permettre l'identification des victimes des violations des Droits humains et des groupes armés auxquels appartiennent leurs auteurs et surtout d'offrir désormais une base sur laquelle peut se fonder le Conseil de Sécurité de l'ONU pour mettre en œuvre des mécanismes judiciaires pouvant mettre fin à l'impunité qui a élu domicile dans bon nombre de pays de la région des Grands Lacs. Autant dire que ce revirement tardif de l'ONU est à la fois réjouissant pour les victimes, mais suscite aussi un tas d'interrogations chez bon nombre de nos compatriotes:
* La première est le fait que de nombreux cas de viols dont ont été auteurs les casques bleus de la MONUC n'ont pas été répertoriés dans ce rapport, alors qu'en son temps, le Secrétaire Général de l'ONU avait stigmatisé ces actes criminels. Cette omission volontaire est autant surprenante que regrettable au vu du grand intérêt porté au Rapport que Mme MARGOT WALLSTROM, la Représentante spéciale de l'ONU chargée de la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits a présenté, le 14 octobre dernier, devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies dans lequel elle accuse certains militaires des FARDC d'avoir commis, en juillet et aout 2010, de multiples viols contre des femmes du Nord-Kivu qui ont eu le malheur de croiser leur chemin. Elle s'attend, par conséquent, à ce que les responsables soient identifiés et déférés devant l'Autorité judiciaire compétente. Ce qui est parfaitement normal. A part bien entendu le fait de chercher à ne faire condamner que les violeurs des FARDC et non ceux de la MONUC. Car un crime reste un crime et doit être réprimé sans pitié en tant que tel, indépendamment du statut, du rang social ou politique de celui qui s'en rend coupable.
* La deuxième interrogation consiste à se demander comment peut-on expliquer qu'à l'époque où presque tous les congolais attendaient avec impatience que l'ONU, se fondant sur ce qu'elle savait déjà sur les horreurs de la guerre, parle et agisse pour y mettre un terme et sauver des millions d'autres vies, avait délibérément choisi de se taire. Mais se résoud à parler et à faire des révélations propres à enflammer les esprits au moment où les pays de la région où se sont déroulées hier des guerres de manière répétitive décident enfin de renouer leurs relations d'amitié et de coopération, de se lancer ensemble dans l'exploitation commune des ressources transfrontalières, de stabiliser la région des Grands Lacs et de donner ainsi une chance à la paix.
Car ce Rapport onusien, qui coopère certes pleinement au triomphe de la justice, quel qu'en soit verdict, contient malheureusement les germes de conflits pouvant opposer des Etats qui, après avoir fourni tant d'efforts pour tourner le dos au passé, raffermi leurs relations de bon voisinage et décidé d'affronter l'avenir en partenaires économiques, semblent désormais hantés par l'idée de la création d'un TPI pour la RDC, avec d'un coté la partie chargée de l'accusation et de l'autre celle qui se défend bec et ongles pour ne pas finir sa vie en prison et voir ainsi définitivement fermées toutes ses perspectives d'avenir. Ce qui ne pourra pas se faire sans susciter une crise diplomatique majeure pouvant assurer le retour de l'instabilité tant décriée dans la région. Qui en a intérêt ?
Est-ce tous ceux qui, en RDC et ailleurs, sont déterminés pour que la justice, sur laquelle repose l'Etat de Droit, soit dite et rendue, comme réponse aux crimes graves commis avant le fonctionnement de la CPI, quelles qu'en soient les limites et les contradictions ? Ou est-ce, au contraire, ceux qui pensent comme Mr Aldo AJELLO, ex Représentant spécial de l'Union Européenne pour les Grands Lacs et qui, en cette qualité, a pris part à toutes les négociations sur la paix dans la région, qui a, le 13 octobre dernier, sur TV5, considéré " la balkanisation de la RDC comme une recette idéale pour la résolution des conflits permanents dans la région ". Et ce, sans chercher à dissimuler sa nette préférence pour le Rwanda qui, avec une démographie galopante, dispose de peu d'espace et de presque pas de ressources naturelles. Ce qui, selon lui, constitue un scandale comparé à son voisin congolais, aux dimensions continentales et dont le sol et sous-sol regorgent de richesses naturelles de toutes sortes.
D'où les projets, vite abandonnés suite à la résistance de l'ensemble du peuple congolais, de modifier ses frontières en faveur du Rwanda et du Burundi ainsi que la fameuse proposition de gestion partagée des ressources de la RDC avec ces pays faite par le Président français Nicolas SARKOZY.
Face à toutes ces déclarations convergentes, il y'a lieu de se demander dans quelle mesure Mr Aldo AJELLO a-t-il, sur TV5, exprimé une opinion personnelle ou s'est-il fait l'écho d'une opinion largement répandue dans certains milieux politiques du monde occidental ? L'avenir nous le dira.

C. LES INTERETS CONTRADICTOIRES DE LA RDC

Au regard de ce qui précède, on peut aisément comprendre la perplexité dans laquelle le Rapport du HCDH plonge le Gouvernement congolais à qui plusieurs défis sont lancés à la fois, dont ceux, entre autres, de la sécurisation du territoire national, de l'organisation des élections générales dans les délais constitutionnels dans le calme, de la justice à rendre aux millions de victimes congolaises au vu du Rapport Mapping et de la nécessité de préserver la qualité de ses relations de collaboration avec les pays voisins épinglés comme auteurs des crimes révélés dans ce même Rapport. Cette perplexité est d'autant plus profonde que la RDC qui, après avoir longtemps souffert des conséquences dramatiques des guerres à répétition, aspire maintenant à vivre en paix avec ses neufs voisins pour accroitre les chances de réussite du programme de sa reconstruction. La voie empruntée pour y parvenir s'éclaire de jour en jour.
D'abord, suite à une nette volonté affichée par le Gouvernement de stabiliser le cadre macro-économique en vue de répondre à la préoccupation majeure du Chef de l'Etat qui met le social au centre de son programme d'actions. A la faveur de ce combat mené sur plusieurs fronts, les indicateurs de la situation macro-économique de notre pays passent peu à peu du rouge au vert.
Le Budget de l'Etat, donnant à celui-ci les moyens de sa politique, est en constante augmentation puisque celui de l'exercice 2011, marquant la fin de la mandature actuelle, est de 6,7 milliards USD, soit 4 fois plus que celui de 2006, correspondant au début de celle-ci, qui était de 1,7 milliards USD, le taux d'inflation, qui était hier de 3 à 4 chiffres avec un pic à 9800% en 1994, est en continuelle régression puisqu'il se situe aujourd'hui à 7,5 %, la monnaie nationale, qui préserve notre pouvoir d'achat sur les marchés des biens et services, est stable depuis trois ans et la portée des réformes structurelles engagées par le Gouvernement et la Banque Centrale du Congo pour répondre aux exigences de crédibilité du monde des affaires, porteur de croissance économique et créateur d'entreprises, d'emplois et de revenus, ont récemment été saluées par les représentants résidents du Fonds Monétaire International, de la Banque Mondiale et des partenaires au développement de la RDC. Il va s'en dire que tous ces résultats positifs, qui confortent, tant soit peu, les fondements de l'Economie nationale, sont sans nul doute " la conséquence de l'aboutissement heureux de la gestion du programme gouvernemental avec les Institutions financières internationales, que sont le FMI, la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement ".
Mais malgré ce satisfecit qui lui est décerné, le Gouvernement est parfaitement conscient qu'il lui faut déployer encore plus d'efforts pour améliorer sensiblement sa cote de confiance dans plusieurs domaines, notamment en matière d'assurances à donner à la Communauté internationale des affaires, eu égard à ce qui se passe actuellement dans les secteurs des mines, des Droits de l'Homme et de nos Représentations diplomatiques à l'étranger, de la suppression de la double imposition aux opérateurs économiques des impôts, taxes et redevances dus au Trésor Public et dont le paiement est en même temps réclamé par les provinces pour pallier à l'incapacité du Gouvernement central à leur rétrocéder les 40% des recettes à caractère national, comme le prescrit pourtant la Constitution de la République, de la protection de l'investissement privé, de la transparence dans la gestion des ressources naturelles, du paiement, dans des délais raisonnables, des créances sur l'Etat et du relèvement du niveau des salaires, à percevoir chaque fin du mois, des agents et fonctionnaires de l'Etat dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et la corruption dont souffre le monde des affaires.
Néanmoins, il nous faut aussi, par honnêteté intellectuelle, admettre sans détour que tous ces petits pas dans la voie du redressement de l'Economie nationale dont est tributaire le volet social méritent d'être reconnus et encouragés. Car, ils confortent progressivement notre position sur le terrain de la lutte contre la pauvreté, surtout après la discipline budgétaire ayant permis à notre pays d'atteindre, en Juillet 2010, le Point d'Achèvement de l'Initiative Pays Pauvres Très Endettés, à la satisfaction du FMI et de la Banque Mondiale qui ont, par conséquent, pris la décision d'annuler 90%, soit 12,3 des 14 milliards USD de notre dette extérieure. Il s'en suit que, depuis cette date mémorable, la RDC ne paie plus les 50 millions USD mensuels dus à ses créanciers multilatéraux comme elle le faisait avant l'atteinte du Point d'Achèvement. Ainsi, ce montant qui était hier consacré au paiement mensuel du service de cette dette multilatérale et d'autres frais financiers extérieurs pourra désormais être réorienté pour couvrir certaines dépenses de lutte contre la pauvreté et répondre à la demande de justice sociale émanant des couches les plus défavorisées de la population congolaise. Ce qui nous permet d'attendre légitimement des pays créanciers de la RDC, réunis au sein du Club de Paris, le rééchelonnement de leurs dettes bilatérales dans un sens encore plus favorable, allant jusqu'à 100% d'effacement de celles-ci estimées à 2,931 milliards USD. Ce dont nous les remercions vivement à l'avance.
Ensuite, outre le volet relatif à la stabilisation du cadre macro-économique, impliquant principalement la maitrise de l'inflation, la réduction des dépenses publiques et l'équilibrage de la balance des paiements, associés à tant d'autres mesures d'amélioration de la gestion des finances publiques ,en étroite collaboration avec nos partenaires traditionnels, le partenariat gagnant-gagnant de la RDC avec la Chine, signé en 2007 et dont les travaux ont commencé fin 2008, est un autre élément essentiel du développement de notre pays. Car ce partenariat, qui s'inscrit dans le cadre de la réalisation des Cinq Chantiers de la République, prévoit dans son volet Infrastructures : la construction de trois autoroutes, de 12 routes nationales, d'une ligne de chemin de fer, de 32 hôpitaux ultramodernes, de 145 centres de santé, de deux grandes universités et de cinq milles logements sociaux.
Ce qui me permet de penser que, ne sont pas toutes de bonne foi, les critiques défavorables faites aux contrats chinois dont l'originalité avait fait, au niveau des Institutions financières internationales, l'objet d'une obstruction, s'étalant sur une année, pour inciter sinon à leur renoncement, du moins à la révision de certaines de leurs clauses en vue de préserver la soutenabilité de la dette congolaise. Si bien que le montant initial du prêt accordé à la RDC par la Chine avait été réduit de 9 à 6 milliards USD. Dieu seul sait à quel point ces 3 milliards USD perdus auraient pu être utiles à un pays dont les habitants, dans leur immense majorité, sont démunis de presque tout. Mais malgré notre ardent désir de les garder, nous y avons renoncé, non sans peine, pour préserver la qualité de nos rapports de collaboration avec les Institutions financières internationales. C'est la raison pour laquelle, à mon humble avis, quel que soit le bien-fondé de cette obstruction qui s'apparentait à une opération de clarification entre des vieux partenaires, rien ne justifie, du point de vue des intérêts vitaux de la RDC, l'hostilité de certains de nos partenaires traditionnels qui mènent systématiquement une campagne de lobbying contre le Gouvernement Congolais pour ternir sa réputation dans les enceintes des structures internationales.
En effet, puisque tout le monde s'accorde à penser que la route est l'infrastructure la plus importante dans le développement d'un pays, l'un des grands mérites du Président KABILA est d'avoir permis le travail en coopération avec différents pays tant développés qu'émergents pour appuyer les efforts de la RDC en vue de rendre ses infrastructures routières conformes aux normes internationales. A titre d'exemple, on peut citer des routes déjà réhabilitées dans la capitale ou en voie de l'être. Il s'agit, entre autres, du Boulevard du 30 Juin déjà élargi, électrifié et qui compte désormais 8 bandes. Il en est de même du Boulevard Triomphal, du Boulevard Lumumba, des avenues de la Libération à quatre bandes, du Tourisme, Gambela, Shaba, Assosa et d'ici un an la fin des travaux de réhabilitation et de modernisation de l'avenue des Poids Lourds dans la Commune de Limete reliant le Centre-ville à l'une des parties les plus populeuses de Kinshasa. Les travaux sur cette avenue dont le trafic est dense, exécutés par une entreprise japonaise avec des fonds de la coopération nippone-congolaise à hauteur de 60 millions USD, viennent à peine d'être lancés par le Chef de l'Etat sous les yeux d'une foule en admiration.
Tout porte à croire qu'avec le grand nombre de travaux qui se font à Kinshasa, notre Capitale est en train de se transformer en profondeur, sous nos yeux ébahis, au point de se rendre d'ici 5 à 10 ans, si bien entendu le rythme actuel est maintenu, voire même accéléré, méconnaissable pour nos compatriotes de la diaspora qui l'ont vue abandonnée en piteux état depuis bientôt 50 ans. Il est clair que tous ces travaux de réhabilitation et de modernisation de nos infrastructures routières sont, je suis le premier à en convenir, presque insignifiants par rapport à l'immensité du territoire de notre pays et à la multiplicité des problèmes urgents à résoudre dans tous les domaines de la vie nationale. Mais, ils constituent sans nul doute des pas de géants dans nos tentatives de rattraper le temps perdu durant ces cinquante dernières années où l'on a préféré, en notre qualité de jouisseurs accomplis, jouer à la cigale des Fables de la Fontaine. Ce grand et incompréhensible retard sur le reste du monde qu'essaie de combler le Président Joseph KABILA KABANGE depuis son investiture, le 6 décembre 2006, ne peut s'envisager que dans le cadre d'une paix durable tant au-delà de nos neuf frontières que sur toute l'étendue du territoire national.
Puisque nous en sommes tous convaincus, comment pouvons-nous concilier notre devoir d'améliorer sans cesse la qualité de nos relations d'amitié et de coopération avec des pays voisins clairement ciblés dans le Rapport du HCDH avec celui de rendre justice aux millions de nos compatriotes victimes d'atrocités commises par ces derniers, comme révélées dans ce même Rapport ?
C'est pour tenter d'y répondre que certains d'entre nous sont pour l'institution d'une Commission Vérité et Réconciliation. Tandis que d'autres adhèrent spontanément à l'idée de la création d'un TPI pour la RDC, comme ce fut le cas pour l'ex Yougoslavie, le Rwanda, la Sierra-Leone, le Cambodge et bientôt le Liban. Si je n'ai presque pas de commentaires à faire au sujet de la première option, la seconde, en revanche, m'inspire la réflexion que voici.

D. L'IDEE D'UN TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL POUR LA RDC

Nous vivons tous dans un pays structuré en fonction d'une organisation des rapports sociaux, régis par des lois, dont la violation vaut à ceux qui s'en rendraient coupables des sanctions proportionnées au degré de gravité des faits commis. L'acceptation de ces règles de conduite et des conséquences résultant de leur violation constituent le fondement du Pouvoir judiciaire.
Partant de là, il serait profondément injuste que les voleurs de poules ou de voitures soient sévèrement jugés et jetés sans ménagement en prison. Alors qu'au même moment, les auteurs des crimes de sang et des massacres à grande échelle jouissent sereinement de leur liberté de mouvement. A défaut d'obtenir leur condamnation par des Juridictions nationales compétentes, il est normal, en désespoir de cause, de recourir, si les conditions s'y prêtent, aux Instances judiciaires internationales. C'est dire que l'idée d'un TPI pour la RDC est d'autant plus séduisante qu'elle figure au nombre des recommandations du Dialogue Inter-Congolais tenu en Afrique du Sud en 2003.C'est aussi pour cette même raison qu'elle bénéficiera, en mai 2006, de l'appui considérable de la Conférence Episcopale Nationale du Congo, en sigle CENCO, sous la houlette de son Eminence Laurent MONSENGWO.
Comment ne pas leur emboiter le pas lorsque, de par nos propres valeurs morales ou religieuses, nous avons l'intime conviction que les crimes, considérés comme les plus graves violations des Droits Humains, commis contre des populations inoffensives par des soldats ou des groupes armés sur instruction de leur hiérarchie militaire ou civile ne peuvent en aucun cas demeurer impunis. Cependant, comme chaque médaille a son revers, nous savons également que ce qui correspond à notre conception de la justice peut parfois ne pas être compatible avec les impératifs d'ordre sécuritaire.
D'où le fait que, quelle que soit la solution qui nous semble la plus appropriée à ce problème, l'arrêt des modalités pratiques de la mise en œuvre de la suite à donner à ce Rapport onusien met aux prises les tenants, de ce qu'appelait le sociologue allemand MAX WEBER, l'éthique de conviction, qui se retrouvent généralement dans les milieux des militants des partis politiques de l'opposition, des intellectuels, des activistes des droits de l'homme, des gens de toutes confessions religieuses et de tant d'autres acteurs de la société civile et ceux de l'éthique de responsabilité qui œuvrent généralement dans les structures du pouvoir exécutif.
Les premiers, s'en tenant exclusivement aux textes de lois, aux engagements pris, aux principes d'ordre moral ou religieux, ne jurent que par la primauté à donner à la justice au cas où elle entrerait en conflit avec les impératifs d'ordre sécuritaire. A cet effet, la position doctrinale de l'Eglise catholique face au port du préservatif en est un exemple éloquent parmi tant d'autres. Par contre, les seconds, sachant que les conseillers ne sont pas les payeurs et s'appuyant, par conséquent , uniquement sur leurs obligations professionnelles de faire régner, sur toute l'étendue du territoire national, la paix sans laquelle aucune entreprise de développement n'est possible, ont tendance à chercher des compromis, à arrondir les angles et à mettre une sourdine aux revendications légitimes de la justice au nom du réalisme politique.
Ce qui précède éclaire sous son vrai jour l'attitude incomprise, en mai dernier, du Ministère congolais de la Justice et des Droits Humains qui ne semblait pas voir d'un bon œil la démarche de la Nouvelle Société Civile du Congo, en sigle NSCC, consistant à plaider pour la signature de la pétition qu'elle fait circuler pour soutenir l'idée de la création d'un TPI pour la RDC et qui aurait déjà, à en croire ses responsables, récoltée, à ce jour, 60.000 signatures. A cette idée, semblait avoir été préférée celle de la responsabilisation des Juridictions congolaises. Quoi de plus normal de la part d'un Ministère de la Justice qui s'attend à être pleinement appuyé dans l'accroissement des moyens de renforcer l'efficacité et la crédibilité de l'ensemble du système judiciaire du pays.
Dans tous les cas, les tenants de ces deux positions s'affrontent à armes inégales dans les deux chambres du Parlement, sur les plateaux de télévision, dans les quartiers populaires et même sur nos lieux de travail. Lors de ces joutes oratoires, les tenants de l'éthique de conviction ont généralement le beau rôle puisqu'ils ne font qu'opposer aux explications techniques et embarrassées des tenants de la " realpolitic " les principes de justice dont l'évidence est susceptible de galvaniser les foules. Mais en réalité leur débat est, dans bon nombre de cas, beaucoup plus théorique que pratique et relève du domaine purement stratégique. Car lorsqu'il est question de l'examen des dossiers précis, les points d'accord auxquels ceux qui sont en fonction et leurs opposants parviennent facilement en privé, autour de verres de bières, ne sont que très rarement reconnus en public ou dans une assemblée politique. Chacun préférant rester dans son rôle constitutionnel et c'est de bonne guerre.
On peut, à cet effet, citer, à titre d'exemple, le cas de la Gauche et de la Droite françaises, qui sont actuellement en débat sur la question de la réforme des retraites. Bien malin qui pourra nous dire en quoi la position du Ministre du Travail, Eric WOERTH, diffère-t-elle fondamentalement de celle de son adversaire Dominique STRAUSS KAHN qui semble, pour le moment, être le seul socialiste à allier l'alternance à Nicolas SARKOZY et la crédibilité pour gouverner. Comment, à partir de leurs notables différences, nous assurer qu'en cas de victoire de ce dernier à la présidentielle de 2012, il s'emploierait aussitôt sinon à abroger, du moins à modifier radicalement la loi dans le sens des revendications de ces centaines de milliers de français qui ne cessent de manifester dans les rues de leurs villes leurs intransigeances contre cette réforme.
C'est cela qui fait que, dans n'importe quel pays du monde, l'opposant au Gouvernement en place, quelles que soient ses qualités morales et intellectuelles, une fois qu'il accède au Pouvoir, est, à quelques exceptions près, amené, en raison des effets de la crise économique et de la persistance d'un chômage de masse, sinon à décevoir, du moins à refroidir l'enthousiasme, à des degrés différents, de bon nombre de ses compatriotes qui étaient tombés, à l'époque où il était dans l'opposition radicale, sous le charme de ses belles envolées lyriques. Ainsi, va-t-il, à son tour, prêter le flanc aux critiques de ceux qui étaient hier dans sa ligne de mire quand ils étaient aux affaires. C'est cette douloureuse expérience que sont, hélas, condamnés à vivre la plupart de ceux qui, comme actuellement le Président américain Barack OBAMA ou son homologue français Nicolas SARKOZY, ont, à leur accession au pouvoir, incarné un immense espoir de renouveau dans le mode de gestion de l'Etat. La tendance baissière de leur cote de popularité après avoir tant fait rêver, comme d'ailleurs ce fut autrefois le cas pour leurs prédécesseurs, invite les hauts responsables politiques et leurs opposants les plus radicaux à un peu plus d'humilité.
UMBA ILUNGA Ambassadeur

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire