jeudi 4 novembre 2010

Ruée vers les matières premières : RDC, nouvelle cible de l’Allemagne

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Angela MERKEL


Longtemps mise à l’écart de la course vers les matières premières de l’Afrique, l’Allemagne a décidé cette fois-ci de se lancer dans la bataille. Un think thank allemand a levé, le 20 octobre dernier, cette option et la RDC se trouve dans la ligne de mire de cette percée de Berlin.
« Les Allemands veulent investir plus! ». C’est de cette manière que le site Africa Mining Intelligence présente la nouvelle vision de l’Allemagne sur les riches gisements de l’Afrique. En clair, « Berlin sécurise ses ressources ! ». Plus besoin de dessin pour acter que l’Allemagne ne cache plus ses prétentions de garantir ses approvisionnements en matières premières en provenance de l’Afrique, particulièrement de la RDC, réputée grand réservoir. Ce qui lui a valu le surnom de scandale géologique.
Le gouvernement d’Angela Merkel a décidé de rompre avec le passé. A Berlin, renseigne ce site spécialisé – du reste sponsorisé par le gouvernement- un Think thank s’est penché sur le sujet. Les conclusions sont révélatrices de la nouvelle politique étrangère allemande pour l’Afrique. Première économie de la zone euro, l’Allemagne avait un handicap dont ses pairs de l’Union européenne (UE) tiraient grand avantage. Des réseaux et des groupes de pression hérités de la colonisation tiennent à tout canaliser voire contrôler. S’encombrer des canaux tissés pendant la période coloniale pour l’Allemagne n’est pas indiqué. La stratégie est de faire désormais cavalier seul. Plus question d’évoluer sous les fourches caudines de ces canaux informels habitués à la prédation et à la perception des plantureuses commissions.
Depuis longtemps, l’Allemagne a joué les seconds rôles, les anciennes puissances coloniales en Afrique prenant toujours l’initiative. Elles consolidaient davantage leur présence par le biais des circuits et filières qui ne respectent pas toujours les règles du jeu. Encore moins les prescrits de l’UE.
Ayant pris conscience de nouveaux enjeux fondés sur le contrôle des matières premières, l’Allemagne a levé l’option de surmonter son handicap, en se lançant, à l’instar de ses pairs, dans la bataille de la recherche effrénée des ressources naturelles industrielles. Son nouveau leitmotiv étant de ne plus être à la traîne de ses voisins. Ne peut être considéré comme grande puissance que le pays qui est en mesure de contrôler ou de suivre le circuit des matières premières, depuis la production, leur transport, leur commercialisation jusqu’à leur transformation en produits finis.

Changement de cap

L’accès aux matières premières du continent noir est ouvert. Peu importe la politique européenne à ce sujet. Berlin pourrait bientôt se rapprocher fortement de la RDC et du Zimbabwe, deux pays jusqu’alors exclus de sa sphère d'influence. Si le choix de la RDC ne fait pas exception, celui du Zimbabwe, pays également ciblé par l’Allemagne, témoigne du démarquage de la politique étrangère de Berlin.
Ce changement de cap de la politique étrangère allemande aurait pour motivation la sécurisation de ses industries. Africa Mining Intelligence confirme l'adoption, depuis le 20 octobre dernier, par le gouvernement allemand, d'une nouvelle stratégie sur les ressources naturelles visant à « sécuriser les importations de minerais nécessaires à ses industries, notamment dans les nouvelles technologies ».
L'initiative, qui mobilisera l'aide à la coopération allemande (GTZ, Afrika-Verein …), est appuyée, indique la source, par le German Institute for International and Security Affairs dirigé par Volker Perthes. Elle est surtout relayée par la BDI, la Fédération de l'industrie germanique.
L’Allemagne ne lésine pas sur les moyens. Un dispositif est en train de se mettre en place pour gagner la bataille. Le 26 octobre 2010, la Fédération de l'industrie germanique, qui pilote le projet, a tenu son troisième congrès sur les ressources minières (3. Rohstoffkongress) et présenté à cette occasion la toute nouvelle Deutsche Rohstoffagentur, l’agence des ressources.
Celle-ci a été créée au début du mois d’octobre par la BGR, qui coordonne les études géologiques et de ressources naturelles allemandes. Elle coopère depuis de longue date avec plusieurs pays africains. Cette entité vient d'établir un top ten des pays avec lesquels l'Allemagne doit impérativement sceller un « partenariat dans les ressources naturelles » en accord avec la nouvelle stratégie du gouvernement.

L’Allemagne s’associe à la Chine

Le Zimbabwe et la RDC figurent respectivement en 2ème et 3ème places. La Chine en première. Une échelle qui ne trompe pas. L’Allemagne ne voudrait pas aller tête baissée en Afrique. Elle a choisi d’associer la Chine dans sa nouvelle vision pour faciliter la pénétration dans les zones africaines déjà conquises par Pékin. Les Chinois sont déjà actifs en RDC au regard du partenariat signé en 2007 entre le gouvernement congolais et un consortium d’entreprises chinoises.
Par ailleurs, il a été noté parmi les participants au congrès de la BDI qui s’est penché sur la question à Berlin, outre le ministre allemand de l’Economie, Rainer Brüderle, et les poids lourds de l'économie du pays (E.ON AG, ThyssenKrupp Steel Europe AG, Grillo-Werke AG, etc.), le commissaire européen au Développement, Andris Piebalgs, et surtout le patron du pôle pétrole et mines de la Banque mondiale, Paulo de Sa, ainsi que le DG de l'OMC, Pascal Lamy. Preuve que les Allemands entendent bien être soutenus par les grandes institutions internationales dans leur démarche « d'ouverture » des marchés stratégiques de la RDC et du Zimbabwe.

Précéder les événements

Au moment où nous bouclons cette édition, il nous revient que l’ambassadeur allemand en poste à Kinshasa, Peter Blomeyer, a rencontré hier jeudi le ministre des Finances, Matata Ponyo. Il ressort de cet échange que le diplomate allemand aurait insisté auprès de son interlocuteur pour que les négociations intergouvernementales déjà entamées entre les deux parties aboutissent dans les meilleurs délais, probablement avant la fin de l’année.
Quand bien même la nature ou le domaine desdites négociations n’auraient pas été dévoilés à la presse, il ne serait pas exclu qu’elles aient un lien direct avec ce qui se passe au pays d’Angela Merkel.
La question reste celle de savoir si Kinshasa prend la mesure de cette main tendue de Berlin. Va-t-on capitaliser cette opportunité ou la laisser partir en fumée comme tant d’autres dans un passé lointain et même récent ? La question préoccupe, car dans la capitale congolaise c’est souvent l’expectative. On subit les événements. On refuse d’anticiper. Le principe selon lequel «gouverner c’est prévoir» ne semble pas faire partie des mœurs de l’élite encore moins des dirigeants congolais. Lesquels restent la plupart du temps embrigadés dans des luttes intestines de positionnement et autres dissensions sur le plan politique.
LePotentiel

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