jeudi 5 mai 2011

Kinshasa : la débrouillardise au top


Par  Stephane Etinga
La crise que traverse la République démocratique du Congo, oblige la population à créer, inventer, trouver les voies et moyens pour survivre. Cette situation perdure. Elle date notamment depuis les pillages de triste mémoire survenus en 1991 et 1993, qui ont détruit complètement le tissu économique du Zaïre, actuelle RD Congo. D’où, l’engouement des ex-travailleurs devenus chômeurs dans le secteur informel, qui jusqu’à ce jour fait vivre des milliers de personnes.
L’autorisation accordée à la Société nationale de loterie (Sonal) d’organiser à travers le pays le jeu dénommé Paris mutuel urbain (PMU) a donné une nouvelle occupation à des milliers de chômeurs. Ceux-ci ne rêvent que par le gain facile des sommes d’argent en choisissant quatre (quarté) ou cinq (quinté) chevaux sur plus de dix alignés pour la course du jour en France. On est gagnant, soit en ordre, soit en désordre, et perdant lorsque l’un des chevaux choisi ne figure pas parmi les quatre ou cinq sélectionnés après la course.
Mais il n’y a pas que les chômeurs qui participent à ce jeu, des personnalités respectables et cadres, civils ou militaires, hommes et femmes tentent aussi la chance. Il y a bien sûr ceux qui parviennent à toucher assez d’argent en gagnant en ordre, c’est-à-dire en désignant les chevaux selon l’ordre d’arrivée. Ceux qui choisissent en ordre dispersé gagnant aussi, mais de petites sommes.
Le problème chez nous, c’est que les parieurs qui pouvaient considérer ce jeu comme distraction ont transformé le PMU en un travail rémunérateur. Du matin au soir, certains d’entre eux ne dorment plus tranquillement parce qu’ils conçoivent des chevaux gagnants chimériques. Il suffit de faire le tour des bureaux PMU, surtout les sièges se trouvant dans quelques communes pour voir comment les joueurs aux chevaux font le calcul sans désemparer. Ils s’attroupent ensuite pour attendre le résultat. « Hââ, j’ai raté seulement un cheval », crie un joueur perdant. Et il regrette l’argent dépensé, qui aurait servi à autre chose. Ne se croyant pas vaincu pour toujours, il revient le lendemain dans l’espoir de gagner plus. Des jours et des journées entières passent de cette manière. Jeu de hasard, c’est comme cela qu’il s’appelle, si le perdant d’hier parvient à gagner, généralement en désordre, ou exceptionnellement en ordre, il s’écrit : « Oôô, j’ai gagné ».
Témoignage
Depuis plus de dix ans, un père de famille qui a refusé de décliner son identité, n’a pour métier que le PMU. Agé d’une cinquantaine d’années, ce papa quitte chaque matin son quartier résidentiel situé dans la commune de Kingasani pour se rendre au centre-ville. Il se dispute le bus comme un commando. Dans son bras, on voit tout un tas de documents comprenant les programmes et journaux Turf datant de quelques semaines.
Il raconte : «Je vais toujours à la direction générale de la Sonal pour jouer au PMU. Cela fait plus de dix ans que je joue comme ça. Je suis chômeur, que puis-je faire encore pour vivre. Grâce au PMU, je fais étudier mes enfants. J’en ai sept dont deux travaillent déjà. Je gagne de temps en temps mais en désordre. C’est un jeu de hasard, pour gagner il faut avoir de la chance. J’ai déjà gagné une fois 200.000 Francs. D’autres fois, 20, 30 ou 40.000 Francs.
Notre interlocuteur déclare en réponse à une question pour savoir comment comprendre que parmi les joueurs PMU se trouvent des personnes peu lettrées et, comment lisent-elles et parviennent-elles à gagner : « il ne faut pas être un universitaire pour jouer au PMU. Si ces gens ne comprennent rien, ils ne joueraient pas. Tout le monde peut tenter la chance ». Et de poursuivre, « moi je suis pronostiqueur, même si je ne joue pas je vends mes pronostics. J’ai tous les journaux et je les vends aussi à quiconque veut jouer et gagner. Tant que je n’ai pas d’emploi, je ne peux pas abandonner ce jeu qui me procure régulièrement de l’argent pour ma famille. »
En réponse à une autre question, il regrette le fait que le montant gagné a nettement diminué ces derniers temps par rapport aux années passées. Il déclare que dans le temps, si quelqu’un gagne le jeu en ordre, il pouvait acheter une maison. Actuellement, dit-il, le montant est vraiment dérisoire et cela, estime-t-il, dépend de la direction de la Sonal.

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