mercredi 4 mai 2011

Pouvoir : choisir comment finir



Par Jean-Baptiste Placca
Combien de temps faut-il s’éterniser au pouvoir pour atteindre le seuil de l’ivresse raisonnable, qui devrait pousser à concéder à son peuple le droit au changement ? La morale des crises à répétition qui secouent l’Afrique est que la longévité au pouvoir a cessé d’être le facteur de stabilité que l’on vantait naguère. Au contraire, elle n’est plus que source de révolte.
Lundi 25 avril 2011, les Tchadiens étaient appelés à élire leur président. N’ayant pu obtenir du pouvoir les garanties de transparence qu’ils exigeaient pour la loyauté du combat, les poids lourds de l’opposition ont choisi de boycotter ce scrutin, laissant Idriss Déby en tête-à-tête… avec lui-même !
Sa seule angoisse, en dehors du taux de participation, était de savoir s’il allait faire mieux que les 77 % recueillis en 2006. Pour minimiser le déficit de crédibilité induit par l’absence de challengers sérieux, le président Déby a décrété que les opposants boycottaient par crainte d’être battus à plate couture. Il n’empêche ! Après plus de vingt ans de pouvoir, il n’y a aucune gloire à devoir triompher ainsi, sans risque aucun.
Les élections trop facilement gagnées sont, justement, une autre des causes des crises auxquelles nous assistons. Ces victoires « faciles » ne sont en rien une garantie de quiétude. Tôt ou tard, les petits périls démocratiques que l’on a refusés dans les urnes vous rattrapent dans la rue, et avec quelle violence !
Vous souvenez-vous qu’il y a six mois à peine, Blaise Compaoré, au pouvoir depuis vingt-trois ans au Burkina, était réélu avec plus de 80 % des voix ? Les mutineries sans fin et la contagieuse insubordination de l’armée ont effacé jusqu’au souvenir de la victoire.
A l’époque des partis uniques et des présidences à vie, des leaders comme Senghor, Ahidjo et Nyerere ont su s’en aller, sans y avoir été contraints. A l’ère des limitations de mandats, Trovoada, Konaré, Buyoya, Rawlings, Kufuor, et de nombreux autres ont su s’effacer, sans que, pour autant, leurs pays aient disparu de la surface de la terre.
Nelson Mandela, lui-même, s’est contenté d’un seul mandat, alors qu’il est le seul chef d’Etat à qui son peuple – et toute l’Afrique – n’aurait pas contesté une présidence à vie !
La question qui se pose désormais à ceux qui ne s’imaginent pas ailleurs qu’au pouvoir est de savoir s’ils veulent finir comme un Chissano ou un Koufuor, respectés et sollicités partout, ou comme un Ben Ali ou un Gbagbo.

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