samedi 23 juillet 2011

Détention des cadres Lmp à Boundiali : Les populations ont peur


 Ce qu`elles recommandent à Alassane Ouattara
 

Ake N'Gbo : premier ministre de la Cote d'Ivoire
Ils ont des craintes. S'ils ne l'expriment pas ouvertement, ils ne manquent pas d'occasion pour murmurer leurs inquiétudes que nous avons recueillies lors de notre séjour à Boundiali. En effet, des habitants de cette ville, située au nord -ouest de la Côte d'Ivoire, entre Korhogo et Odienné, dans la région des Savanes, redoutent la présence sur leur sol, depuis quelques semaines, des personnalités de l'ancien régime faits prisonniers dans cette localité. Et pour cause...

La mosquée de style soudanais et d'architecture impressionnante qui surplombe le centre ville, est restée intacte. Cet édifice nous rappelle que nous sommes à Boundiali. En effet, ce lieu de culte fut le tout premier dans cette région. Il fait beau temps, ce mardi 19 juillet 2011, dans cette ville. Le bain de pluie de la veille lui a fait sûrement du bien. Et les ''Boundialikas'', naturellement, en profitent pour vaquer à leurs occupations. La ville organisée autour de la voie principale de la commune bitumée et bordée de flamboyants et autour de laquelle s'est installé le marché, est particulièrement animée. Ici, le marché est approvisionné en toutes sortes de produits. Légumes, céréales, tubercules et autres denrées de première nécessité sont à bon prix, selon Bintou Sanogo, ménagère. '' Nous n'avons pas trop de problèmes, ici. Avec juste un peu d'argent, on peut faire notre marché tranquillement'', nous confie-t-elle. Seulement, elle déplore le prix du poisson qui reste élevé. De l'autre côté de la ville, les pétarades de moto-taxis et autres vrombissements d'engins à quatre roues, allant et venant, en ajoutent à ce concert bruissant de la ville. A la gare routière, des compagnies de cars et de taxis-brousse, reliant Boundiali, chef-lieu de département aux localités voisines, font leur plein de passagers, de bagages et de marchandises. Quelques services publics et privés ont ouverts. Des agences de banques accueillent une poignée de clients. '' Les opérations sont encore timides, mais ça ira dans les semaines à venir '', rassure un agent d'un de ces établissements financiers. A vélo ou à pied, écoliers et élèves empruntent le chemin des classes. Ce lundi-là, Barry Abdoulaye, élève en classe de 6e, passera le reste de la journée à l'hôpital général. Il a été renversé, non loin de l'établissement qu'il fréquente, par une moto, roulant à vive allure. Dans cet hôpital qui reçoit quotidiennement de nombreux patients, le personnel déplore la vétusté du matériel et plaide pour son équipement. '' Nous enregistrons beaucoup de patients et nous sommes souvent dans l'incapacité de faire face aux soins que nécessite leur état de santé '', maugrée une infirmière...

Inquiétudes et souhaits

Si ce train-train quotidien entretient l'indifférence de certains Boundialikas quant à la présence dans cette ville des prisonniers politiques, tous proches de l'ancien chef de l'Etat ivoirien, déchu le 11 avril 2011, il ne fait pas oublier à d'autres que le Premier ministre Aké N'Gbo, les ministres Alcide Djédjé, Danielle Boni et autres sont détenus à la prison civile de la ville. Relativement d'ailleurs à cette présence, des habitants expriment quelques inquiétudes. '' Depuis qu'ils sont ici à Boundiali, on sent que la ville est bien protégée par nos soldats et cela nous rappelle que des ministres de Gbagbo sont là'', souligne Remi Perna Coulibaly, couturier, qui précise que cette présence n'a rien changé aux habitudes des populations. Pour Soro Salimata, institutrice, '' on a entendu dire que des mercenaires se préparent à lancer une offensive au nord, notamment Odienné, Korhogo, Boundiali, Bouna pour libérer tous les prisonniers politiques. Vrai ou faux, en tout cas, cela nous donne quelques frayeurs ''. Cette préoccupation est partagée par Gervais Touré, vendeur de tissus au marché de la ville. '' Quelques jours après la déportation des prisonniers politiques ici à Boundiali, une folle rumeur nous a plongé dans la peur. On racontait partout dans la ville que des gens s'apprêtent à venir les libérer par les armes. J'avoue que j'ai quelques craintes même si je constate que la ville est bien surveillée '', fait savoir le vendeur de tissus. Enseignant dans un des établissements secondaires de Boundiali, Tuo V. pense qu'il est urgent d'achever les travaux de la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (Maca) afin que y soient incarcérés tous ces prisonniers politiques. '' Pour nous, tant qu'ils seront à Boundiali, tout est possible comme attaque pour les libérer '', estime l'enseignant bien qu'il juge une telle offensive périlleuse. '' J'ai appris comme tous les habitants de cette commune que l'ancien Premier ministre de Gbagbo et certains de ses ministres sont à la prison civile. Moi je sais que cette prison n'a pas toutes les garanties pour mieux les surveiller. Alors, je demande au président Alassane Ouattara de les emprisonner dans un endroit plus sécurisé '', recommande un opérateur économique, natif de Boundiali. Claude Soro, transporteur, partage cet avis et ne souhaite pas que ces prisonniers durent plus longtemps dans cette localité.

La prison : citadelle inaccessible

Nous avons dû ''avaler'' quelques kilomètres de route non revêtue, le mardi 19 juillet 2011, pour atteindre la prison civile de Boundiali, située au nord-ouest de la ville où sont détenues des personnalités (le premier ministre Aké N'Gbo, les ministres Danielle Boni, Alcide Djédjé, Christine Adjobi, Désiré Dalo, l'ex-président du Cnca, l'ancien gouverneur de la Bceao Henri Dacoury-Tabley, le journaliste Armand Bohui et bien d'autres) proches ou non de l'ancien régime en Côte d'Ivoire. Cette prison aux murs assez élevés, est isolée du centre-ville. Visiblement délabré, cet établissement pénitentiaire est bâti sur une grande superficie et est ceinturé par des arbres et de hautes herbes. '' N'y allez pas, on vous prendra pour un suspect, car toute visite y est strictement interdite '', nous a indiqué un conducteur de moto-taxi. Tenant compte de cet avertissement, nous sommes resté à plusieurs mètres de la prison et nous avons pu observer qu'il y règne un calme plat. Des soldats bien armés montent la garde presque discrètement. Quelques véhicules militaires portant la mention '' Frci'' sont stationnés non loin de là. A l'intérieur, des miradors surplombent la haute clôture et abritent des sentinelles qui promènent, de part et d'autre, leur regard. Selon certaines sources bien renseignées que nous avons interrogées, aucune visite n'est autorisée. Selon elles, les prisonniers ont été repartis par groupes de trois pour une cellule. Ces différentes cellules qui accueillent Aké N'Gbo et ses co-détenus, nous a-t-on dit, n'ont pas été '' désinfectées ''. Chaque prisonnier disposant d'un matelas d'une place posé à même le sol. S'agissant des repas, ils sont servis deux fois par jour. Une de nos sources n'a pas voulu nous en dire plus pour ce qui est du menu, malgré notre insistance.'' Certains d'entre eux s'isolent toute la journée, le moral à zéro. D'autres sont régulièrement malades. Les femmes particulièrement font preuve de beaucoup de courage, même si parfois elles craquent. Je ne vous citerai pas son nom, mais l'un des prisonniers a un moral d'acier et est beaucoup croyant'', nous a confié notre interlocuteur qui, par ailleurs, a souligné le fait qu'il se lit dans le visage des prisonniers politiques le désir ardent de recevoir la visite de leurs parents. ''Quand on les voit et qu'on les écoute, ils donnent tous l'impression d'avoir confié leur sort à Dieu'', a conclu notre informateur.

Alain BOUABRE


source : 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire