dimanche 24 juillet 2011

Félicitations anticipées d’un oncle à neveu futur diplômé

Un oncle envisage de s’adresser bientôt, dans un très bref mot de circonstance, aux invités de son neveu et à celui-ci lors de la réception qui sera organisée le même jour après la remise attendue de son diplôme universitaire délivré à Kinshasa. Lisez mon discours !

Mesdames et Messieurs, Distingués invités


C’est à la fois un plaisir et une fierté pour moi de prendre la parole ce soir au moment où nous célébrons mon très cher neveu qui nous a honorés par son assiduité au travail, aujourd’hui positivement sanctionnée par l’obtention d’une licence en Relations Internationales.


Je pense que cet accomplissement réalisé dans un environnement aussi difficile que celui dans lequel nous vivons mérite des applaudissements nourris de notre part.


Mesdames et Messieurs, Distingués invités,


O tempora, o mores ! Chaque temps a ses mœurs !


En effet, aujourd’hui, être écolier, élève ou étudiant dans notre pays en général et dans la ville de Kinshasa en particulier est un véritable parcours de combattant. Tenez par exemple (et la liste n’est pas exhaustive) :


- les poches noires et les délestages dans presque toutes les communes de la Capitale, en dehors de la Gombe dans une certaine mesure, challengent chaque jour les élèves pour faire leurs devoirs, perturbent gravement les révisions pour les contrôles continus, hypothèquent la préparation aux examens, handicapent dramatiquement la lecture et entravent les recherches. A ce sujet, Il sied de mentionner par ailleurs que les laboratoires font défaut dans la plupart (si pas tous) des établissements scolaires et universitaires. Pire, les bibliothèques publiques n’existent pas ;


- la fourniture en eau courante étant aléatoire, l’hygiène corporelle matinale devient ainsi une gageure. C’est à croire que les autorités de la République encourageraient voir les parents que nous sommes à envoyer nos enfants se laver dans les rivières urbaines terriblement polluées par ailleurs ;

- le repas matinal, besoin élémentaire et indispensable pour donner de l’énergie aux écoliers, élèves et étudiants est devenu rarissime dans les maisons de Kinshasa. Les enfants quittent la maison le ventre creux. Ne dit-on pas que ventre affamé n’a point d’oreilles pour suivre les enseignements dispensés ;


- le transport en commun n’existant plus comme jadis, la «ligne 11» s’impose comme le seul moyen pour les élèves d’atteindre l’école. Ils subissent alors, à leur corps défendant, le soleil d’aplomb sous l’Equateur de Kinshasa. Quand, quelques fois, ils empruntent les Fula-fula dans lesquels ils sont exposés aux dangers de la route causés par des conducteurs qui ignorent les fondamentaux de la conduite, ne parlons pas de l’absence de courtoisie routière de nos gouvernants ;


- le paiement des frais scolaires ou académiques ainsi que l’achat des matériels didactiques et syllabus sont des étaux, et pas des moindres, pour les parents. En sus, il y a l’immoralité de certains enseignants et professeurs qui se traduit par le négoce des points contre dollars sonnants et trébuchants ou un après-midi à « réviser » dans un de nombreux flats hôtels de Kinshasa, sans doute, en prévision des « PST » (Points Sexuellement Transmissibles);


- la pollution sonore, œuvre des églises de « réveil » et de tous les « ngandas et terrasses » qui parsèment les rues de notre ville sont autant de distractions malsaines qui, non seulement forcent les enfants à rester éveillés mais aussi privent l’élève, l’étudiant d’un environnement idéal, propice aux études. Si la Snel vous fait grâce exceptionnelle de fourniture en électricité, les chaines de télé vous présentent les filles quasi-habillées dansant à longueur des journées ;


- le repas gong unique dont la portion diminue au jour le jour ne permet pas à l’écolier, l’élève et l’étudiant de reconstituer ses forces dépensées à marcher des kilomètres pour recevoir des connaissances. En effet, les écoles publiques de proximité sont spoliées par des étrangers avec la complicité des congolais immoraux. Ils construisent des immeubles résidentiels privés ou des quincailleries. Cette spoliation est réalisée avec la bénédiction de nos autorités politiques qui, oh ironie, viendront bientôt solliciter nos suffrages pour un nouveau mandat. Quant à leurs complices logés dans les institutions judiciaires, ils se distinguent par des jugements honteux en violation de la constitution, du code pénal et de la loi foncière.


Malgré tout, mon neveu a réussi à s’imposer une discipline, déjoué toute cette misère propre aux pays les pauvres de la planète. Il aura défendu brillamment son travail de fin d’étude, il y a là, sans conteste, un motif réel de fierté anticipée.


Très cher neveu,


Au nom de toute la famille, de tous tes amis que tu as associés à la manifestation de la célébration de ton grade académique et en mon nom personnel, nous te disons encore merci, sincères félicitations et bonne chance pour l’avenir.


Je suis convaincu, Mesdames et Messieurs, distingués invités, que nous rendrons tous la politesse à mon neveu, à tous les enfants Kinois qui vont réussir dans les mêmes conditions sans vendre leurs âmes ou leurs corps. En s’inspirant de sa discipline éprouvée pour qu’ensemble nous puissions passer le message suivant à tous les jeunes étudiants de la RDC pour leur dire qu’il y a toujours moyen de braver les obstacles nés de l’irresponsabilité atavique de nos dirigeants pour se construire un avenir radieux par les études.


Bonne soirée donc à tous et à toutes.


Je vous remercie.


Leny Ilondo,

Président SOS KINSHASA ASBL
Tél. +243899330001
Soskinshasa@yahoo.fr info@soskinshasa.org www.soskinshasa.org
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