31/07/2011
UFC sortie officielle - Léon Kengo Wa Dondo saluant le publique ce 24 Juillet 2011 au stade des martyrs à Kinshasa.
On peut se demander si ce n’est pas pour concrétiser ce désir de toujours dominer les Africains que Kengo a été élevé au grade de Commandeur de la légion d’honneur de la République française le 4 mai dernier à la résidence officielle de l’ambassadeur de France au Congo.
A quatre mois de l’élection présidentielle, un nouveau parti politique vient de voir le jour sous le ciel congolais : l’Union des Forces du Changement (UFC). A sa tête, un vétéran de la politique, l’actuel président du Sénat Kengo wa Dondo. Pour comprendre la naissance de cette énième formation politique, il convient de remonter à la vision manichéenne de l’espace politique congolais telle que vécue tout au long de la transition avant que Kengo ne devienne premier ministre en 1994. Tout se jouait entre Mobutu et Tshisekedi. Quand on était pour l’un, on était automatiquement perçu comme adversaire de l’autre. Depuis l’annonce de la candidature de Tshisekedi à la prochaine élection présidentielle, le pays s’est retrouvé une fois de plus devant le même type de bipolarisation, avec cette fois un duel anticipé entre Kabila et Tshisekedi. Le «droit d’aînesse» du leader de la fille aînée de l’opposition congolaise, l’UDPS (Union pour le Développement et le Progrès Social), semblait être acquis. On attendait de Tshisekedi qu’une et une seule chose : fédérer toute l’opposition afin de battre copieusement Kabila et cela surtout «en tendant une main franche au MLC (Mouvement de Libération du Congo) de Jean-Pierre Bemba ainsi qu’à l’UNC (Union de la Nation Congolaise) de Vital Kamerhe», comme l’avait si bien écrit Baudouin Amba Wetshi dans son article «Bruxelles : Le nouveau Tshisekedi est (peut être) arrivé !».
Le 15 juillet dernier, Tshisekedi rencontrait Bemba dans sa cellule de la Cour pénale internationale à La Haye. Cette visite et la convergence de vue entre ces deux poids lourds sur la situation générale du pays jugée avec raison catastrophique étaient des signaux positifs quant à la capacité de Tshisekedi à fédérer les forces significatives de l’opposition. Mais le doute s’installera vite en lisant les « Questions directes » de CIC à ce dernier, le 18 juillet. Répondant à la question de savoir pourquoi il n’avait pas de contacts avec Kamerhe et son parti l’UNC, Tshisekedi, sans doute fort de sa popularité et de son « droit d’aînesse», donnera une réponse dont la substance se lisait entre les lignes : « Il n’y a aucun problème. Je considère simplement que ce n’est pas à moi à aller voir Kamerhe. S’il ne veut pas me voir, c’est son problème ».
L’homme de la (fausse) troisième voie
A elle seule, la phrase de Tshisekedi ci-dessus sonnait déjà le glas de la bipolarisation, avant que celle-ci ne se matérialise avec la sortie officielle de l’UFC, le parti de Kengo. De celui-ci, on devrait d’abord souligner un destin singulier. Gbandi de par son père adoptif, le père biologique étant un Juif polonais et la mère une Tutsi rwandaise, Kengo fut membre du premier cercle du régime Mobutu. A la faveur de la démocratisation du pays, il créa un parti politique, l’Union des Démocrates Indépendants (UDI), et milita au sein de l’opposition. L’impasse de la bipolarisation Mobutu-Tshisekedi aidant, il finit par damer le pion à ce dernier et devint premier ministre en s’appuyant sur les hommes politiques qui comptaient au sein de l’opposition pendant que Tshisekedi, lui, se contentait de surfer sur sa vague de popularité. Avec la création de l’UFC et un Kengo qui lance un appel à une candidature unique de l’opposition, le pays, qui semblait être condamné une fois de plus à la bipolarisation de sa scène politique, s’achemine lentement mais sûrement vers le même scénario. L’occasion fait le larron, dit-on. L’homme de la (fausse) troisième voie s’apprête de nouveau à tirer profit de la faiblesse du Sphinx de Limete. Sous Kabila comme jadis sous Mobutu, on retiendra surtout que Kengo est resté égal à lui-même, c’est-à-dire un opposant qui occupe une place de choix au festin du pouvoir.
Le chouchou des institutions de Bretton Woods
Kengo, c’est aussi l’Ouattara congolais. Les injonctions du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale ont imposé l’un et l’autre comme chef de gouvernement dans leurs pays respectifs. L’un et l’autre ont eu des ambitions présidentielles étouffées par la loi électorale. En effet, voyant en Kengo son plus grand concurrent face au capitalisme international, Mobutu lui avait barré la route de la présidence de la république en faisant passer la loi qui voulait que pour être candidat à l’élection présidentielle, l’on soit de père et de mère congolais. Au Congo comme en Côte d’Ivoire, une guerre d’agression commanditée par les puissances occidentales a détricoté la loi électorale. Comme Ouattara, Kengo peut désormais devenir président de la république. Il y a une autre similitude troublante entre ces deux hommes, présentés en Occident comme des « champions de la mondialisation et de l’économie du marché ». De même que la machine qui porta Ouattara au pouvoir, le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), l’Union des Forces du Changement (UFC) de Kengo vit le jour à Paris, La Mecque de la France-à-fric.
Kengo et l’UFC semblent être la réponse à la récente tournée euro-américaine de Tshisekedi. Qu’on se souvienne de sa déclaration à CIC : « Lors de mes rencontres, j’ai exhorté mes interlocuteurs occidentaux à s’abstenir de toute ingérence dans nos affaires comme ce fut le cas en 2006. Je leur ai demandé de laisser le peuple congolais choisir librement la personne de son choix pour le diriger. Je crois pouvoir dire que le message a été bien reçu. Et cet excès d’optimisme, je pense que nous pouvons avoir nos apaisements de ce côté-là. Personne ne viendra nous imposer quelqu’un choisi à l’extérieur ». La libido dominandi est la première force qui porte l’Occident chrétien et humaniste. On peut se demander si ce n’est pas pour concrétiser ce désir de toujours dominer les Africains que Kengo a été élevé au grade de Commandeur de la légion d’honneur de la République française le 4 mai dernier à la résidence officielle de l’ambassadeur de France au Congo. Comme l’avait si bien écrit Kongo Times, « La France - et c’est le message qui se lit au travers de cette décoration - veut certainement faire voir au peuple congolais qu’il n’a pas perdu tous les repères. Il y a, se dit-elle, des gens d’exception que le pays devait prendre comme référence dans cette voie difficile de développement. Kengo est donc, pour la France, cette lumière qui éclaire le chemin de la RDC. Voilà pourquoi les insignes de la légion d’honneur française lui ont été décernés ». Pauvre Afrique ! Après lui avoir imposé des dictateurs pendant de longues décennies, les décideurs occidentaux lui choisissent aujourd’hui ses démocrates.
Les chances de Kengo
Présenter Kengo comme l’homme de la (fausse) troisième voie, le chouchou des institutions de Bretton Woods ou encore le choix de la France et donc de l’Occident ne signifie nullement qu’il ne peut pas gagner l’élection présidentielle ou que celle-ci sera truquée en sa faveur. Les partis politiques congolais voire africains sont, nous l’avons déjà souligné dans plusieurs articles, des groupements d’individus (les élites) traînant derrière eux des clientèles tribalo-régionales. De l’indépendance à nos jours, Kengo est l’homme politique qui a battu le record de présence à la primature congolaise : 1982-1986, 1988-1990 et 1994-1997. A cela s’ajoutent ses passages dans la diplomatie et l’appareil judiciaire du pays, jusqu’au grade de Procureur Général de la République. Kengo demeure sans conteste le client de Mobutu qui s’était fait le plus grand nombre de clients à son tour au point de constituer tout un club qui porta si bien son nom : le « Club des Kengo boys », ceux-ci étant éparpillés sur toute l’étendue du territoire national. Avec sa fortune personnelle et celle des ses «amis» ou « maîtres » occidentaux, il aura beau jeu de mobiliser toute cette clientèle pour être aussi visible sinon davantage que Kabila lors de la prochaine campagne électorale.
Contrairement à la situation qui prévalait en 2006, les électeurs du très peuplé espace Kivu se détourneront en masse du président sortant pour sa collusion plus qu’avérée avec la dictature tutsi rwandaise. Le Kivu a un joker en la personne de Kamerhe. Ceci est également une évidence. Là où Tshisekedi s’attendait à ce que Kamerhe l’approche, suivant une logique « kimbutiste » qui ne devrait pas être de mise en politique, le futé Kengo ne commettra pas la même erreur. Si la montagne ne va pas vers Mohamed, disent les musulmans, Mohamed va vers la montagne. Avec ses moyens financiers, Kengo, qui a déjà démontré ses talents de fédérateur en battant le candidat de l’Alliance de la Majorité Présidentielle (AMP) à l’élection du président du Sénat en 2007, n’hésitera pas à approcher Kamerhe en vue de former un tandem avec lui. Autre faiseur des rois, le « Mwana Mboka » et prisonnier politique des démocraties occidentales Jean-Pierre Bemba. Tshisekedi, nous l’avons dit, l’a déjà rencontré. Mais cette rencontre et la convergence de vue entre ces deux poids lourds sur la situation générale du pays ne signifient nullement mariage Tshisekedi-Bemba. Entre Tshisekedi et Kengo, le choix de Bemba sera clair pour trois raisons. D’abord, Bemba n’a pas la mémoire courte au point d’oublier qu’il avait sollicité en vain le soutient de Tshisekedi lors du second tour des élections présidentielles de 2006 pendant que Kengo battait campagne pour lui. Ensuite, Bemba et Kengo font partie du clan Mobutu qui régna sur le Congo pendant un peu plus de trois décennies. Enfin, devenu président de la république, le chouchou de l’Occident Kengo obtiendrait facilement la libération du prisonnier politique Bemba. Kengo a donc des chances énormes de gagner démocratiquement la prochaine élection présidentielle.
Que peut-on attendre de Kengo ?
Que peut-on attendre de Kengo dont l’image est associée à jamais aux gestions calamiteuses de Mobutu Sese Seko et Joseph Kabila, surtout quand on sait qu’à côté de lui, l’homme politique le plus populaire du pays, l’opposant historique Etienne Tshisekedi, attend toujours son heure ? Que peut-on attendre de Kengo quand on sait que les Congolais ont déjà goûté douloureusement à sa politique de rigueur ? Chaque individu imprime sa marque sur les affaires de l’Etat. C’est en cela que réside la part du leadership. Les programmes d’ajustement structurel, qui ont permis au Ghana de Jerry Rawlings par exemple de se redresser, peuvent produire des résultats différents sous un autre leadership que celui du prédateur Mobutu. Quant à l’humiliation suprême vécue sous Joseph Kabila, qui se laisse dicter sa conduite de Kigali, Kengo peut nous en guérir. Il peut également redonner un certain sens à l’Etat en construisant les infrastructures de base qui font tant défaut au pays et en créant de l’emploi. Ce que feraient bien d’autres candidats.
Mais Kengo peut-il instaurer un Etat de droit, lui qui s’est déjà constitué le plus important réseau de clients politiques du pays ? La dénomination de son parti, l’Union des Forces du Changement (UFC), semble répondre par l’affirmative tant elle donne l’air de tout un programme d’action. Dans un ancien article intitulé « Comment distinguer les partis du changement des autres ? », nous notions que « depuis les indépendances, il y a eu bien de changements d’hommes à la tête du Congo comme aux sommets des autres Etats africains. Pourtant, ces changements d’hommes n’ont jamais débouché sur le changement tant attendu par les Congolais et les autres Africains. Dès lors, un parti du changement est celui qui a suivi un cheminement rationnel dicté par ce contexte particulier et révoltant. D’abord, il s’est posé la question de savoir pourquoi les multiples changements d’hommes produisent toujours les mêmes résultats consternants. Ensuite, il a trouvé une réponse satisfaisante qu’il tient à appliquer une fois arrivé au pouvoir ». L’UFC est-elle passée ne fut-ce que par la première étape du cheminement décrit ci-dessus ? A moins de nous apporter la preuve du contraire, la réponse est non. Dans ce cas, ce parti ne se distingue nullement des autres. Dès lors, au chapitre de la démocratie et de l’Etat de droit, l’UFC n’apporte aucune idée-outil susceptible de l’aider à le construire. La démocratie de façade demeure donc l’unique horizon des Congolais.
Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
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UFC sortie officielle - Léon Kengo Wa Dondo saluant le publique ce 24 Juillet 2011 au stade des martyrs à Kinshasa.
On peut se demander si ce n’est pas pour concrétiser ce désir de toujours dominer les Africains que Kengo a été élevé au grade de Commandeur de la légion d’honneur de la République française le 4 mai dernier à la résidence officielle de l’ambassadeur de France au Congo.
A quatre mois de l’élection présidentielle, un nouveau parti politique vient de voir le jour sous le ciel congolais : l’Union des Forces du Changement (UFC). A sa tête, un vétéran de la politique, l’actuel président du Sénat Kengo wa Dondo. Pour comprendre la naissance de cette énième formation politique, il convient de remonter à la vision manichéenne de l’espace politique congolais telle que vécue tout au long de la transition avant que Kengo ne devienne premier ministre en 1994. Tout se jouait entre Mobutu et Tshisekedi. Quand on était pour l’un, on était automatiquement perçu comme adversaire de l’autre. Depuis l’annonce de la candidature de Tshisekedi à la prochaine élection présidentielle, le pays s’est retrouvé une fois de plus devant le même type de bipolarisation, avec cette fois un duel anticipé entre Kabila et Tshisekedi. Le «droit d’aînesse» du leader de la fille aînée de l’opposition congolaise, l’UDPS (Union pour le Développement et le Progrès Social), semblait être acquis. On attendait de Tshisekedi qu’une et une seule chose : fédérer toute l’opposition afin de battre copieusement Kabila et cela surtout «en tendant une main franche au MLC (Mouvement de Libération du Congo) de Jean-Pierre Bemba ainsi qu’à l’UNC (Union de la Nation Congolaise) de Vital Kamerhe», comme l’avait si bien écrit Baudouin Amba Wetshi dans son article «Bruxelles : Le nouveau Tshisekedi est (peut être) arrivé !».
Le 15 juillet dernier, Tshisekedi rencontrait Bemba dans sa cellule de la Cour pénale internationale à La Haye. Cette visite et la convergence de vue entre ces deux poids lourds sur la situation générale du pays jugée avec raison catastrophique étaient des signaux positifs quant à la capacité de Tshisekedi à fédérer les forces significatives de l’opposition. Mais le doute s’installera vite en lisant les « Questions directes » de CIC à ce dernier, le 18 juillet. Répondant à la question de savoir pourquoi il n’avait pas de contacts avec Kamerhe et son parti l’UNC, Tshisekedi, sans doute fort de sa popularité et de son « droit d’aînesse», donnera une réponse dont la substance se lisait entre les lignes : « Il n’y a aucun problème. Je considère simplement que ce n’est pas à moi à aller voir Kamerhe. S’il ne veut pas me voir, c’est son problème ».
L’homme de la (fausse) troisième voie
A elle seule, la phrase de Tshisekedi ci-dessus sonnait déjà le glas de la bipolarisation, avant que celle-ci ne se matérialise avec la sortie officielle de l’UFC, le parti de Kengo. De celui-ci, on devrait d’abord souligner un destin singulier. Gbandi de par son père adoptif, le père biologique étant un Juif polonais et la mère une Tutsi rwandaise, Kengo fut membre du premier cercle du régime Mobutu. A la faveur de la démocratisation du pays, il créa un parti politique, l’Union des Démocrates Indépendants (UDI), et milita au sein de l’opposition. L’impasse de la bipolarisation Mobutu-Tshisekedi aidant, il finit par damer le pion à ce dernier et devint premier ministre en s’appuyant sur les hommes politiques qui comptaient au sein de l’opposition pendant que Tshisekedi, lui, se contentait de surfer sur sa vague de popularité. Avec la création de l’UFC et un Kengo qui lance un appel à une candidature unique de l’opposition, le pays, qui semblait être condamné une fois de plus à la bipolarisation de sa scène politique, s’achemine lentement mais sûrement vers le même scénario. L’occasion fait le larron, dit-on. L’homme de la (fausse) troisième voie s’apprête de nouveau à tirer profit de la faiblesse du Sphinx de Limete. Sous Kabila comme jadis sous Mobutu, on retiendra surtout que Kengo est resté égal à lui-même, c’est-à-dire un opposant qui occupe une place de choix au festin du pouvoir.
Le chouchou des institutions de Bretton Woods
Kengo, c’est aussi l’Ouattara congolais. Les injonctions du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale ont imposé l’un et l’autre comme chef de gouvernement dans leurs pays respectifs. L’un et l’autre ont eu des ambitions présidentielles étouffées par la loi électorale. En effet, voyant en Kengo son plus grand concurrent face au capitalisme international, Mobutu lui avait barré la route de la présidence de la république en faisant passer la loi qui voulait que pour être candidat à l’élection présidentielle, l’on soit de père et de mère congolais. Au Congo comme en Côte d’Ivoire, une guerre d’agression commanditée par les puissances occidentales a détricoté la loi électorale. Comme Ouattara, Kengo peut désormais devenir président de la république. Il y a une autre similitude troublante entre ces deux hommes, présentés en Occident comme des « champions de la mondialisation et de l’économie du marché ». De même que la machine qui porta Ouattara au pouvoir, le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), l’Union des Forces du Changement (UFC) de Kengo vit le jour à Paris, La Mecque de la France-à-fric.
Kengo et l’UFC semblent être la réponse à la récente tournée euro-américaine de Tshisekedi. Qu’on se souvienne de sa déclaration à CIC : « Lors de mes rencontres, j’ai exhorté mes interlocuteurs occidentaux à s’abstenir de toute ingérence dans nos affaires comme ce fut le cas en 2006. Je leur ai demandé de laisser le peuple congolais choisir librement la personne de son choix pour le diriger. Je crois pouvoir dire que le message a été bien reçu. Et cet excès d’optimisme, je pense que nous pouvons avoir nos apaisements de ce côté-là. Personne ne viendra nous imposer quelqu’un choisi à l’extérieur ». La libido dominandi est la première force qui porte l’Occident chrétien et humaniste. On peut se demander si ce n’est pas pour concrétiser ce désir de toujours dominer les Africains que Kengo a été élevé au grade de Commandeur de la légion d’honneur de la République française le 4 mai dernier à la résidence officielle de l’ambassadeur de France au Congo. Comme l’avait si bien écrit Kongo Times, « La France - et c’est le message qui se lit au travers de cette décoration - veut certainement faire voir au peuple congolais qu’il n’a pas perdu tous les repères. Il y a, se dit-elle, des gens d’exception que le pays devait prendre comme référence dans cette voie difficile de développement. Kengo est donc, pour la France, cette lumière qui éclaire le chemin de la RDC. Voilà pourquoi les insignes de la légion d’honneur française lui ont été décernés ». Pauvre Afrique ! Après lui avoir imposé des dictateurs pendant de longues décennies, les décideurs occidentaux lui choisissent aujourd’hui ses démocrates.
Les chances de Kengo
Présenter Kengo comme l’homme de la (fausse) troisième voie, le chouchou des institutions de Bretton Woods ou encore le choix de la France et donc de l’Occident ne signifie nullement qu’il ne peut pas gagner l’élection présidentielle ou que celle-ci sera truquée en sa faveur. Les partis politiques congolais voire africains sont, nous l’avons déjà souligné dans plusieurs articles, des groupements d’individus (les élites) traînant derrière eux des clientèles tribalo-régionales. De l’indépendance à nos jours, Kengo est l’homme politique qui a battu le record de présence à la primature congolaise : 1982-1986, 1988-1990 et 1994-1997. A cela s’ajoutent ses passages dans la diplomatie et l’appareil judiciaire du pays, jusqu’au grade de Procureur Général de la République. Kengo demeure sans conteste le client de Mobutu qui s’était fait le plus grand nombre de clients à son tour au point de constituer tout un club qui porta si bien son nom : le « Club des Kengo boys », ceux-ci étant éparpillés sur toute l’étendue du territoire national. Avec sa fortune personnelle et celle des ses «amis» ou « maîtres » occidentaux, il aura beau jeu de mobiliser toute cette clientèle pour être aussi visible sinon davantage que Kabila lors de la prochaine campagne électorale.
Contrairement à la situation qui prévalait en 2006, les électeurs du très peuplé espace Kivu se détourneront en masse du président sortant pour sa collusion plus qu’avérée avec la dictature tutsi rwandaise. Le Kivu a un joker en la personne de Kamerhe. Ceci est également une évidence. Là où Tshisekedi s’attendait à ce que Kamerhe l’approche, suivant une logique « kimbutiste » qui ne devrait pas être de mise en politique, le futé Kengo ne commettra pas la même erreur. Si la montagne ne va pas vers Mohamed, disent les musulmans, Mohamed va vers la montagne. Avec ses moyens financiers, Kengo, qui a déjà démontré ses talents de fédérateur en battant le candidat de l’Alliance de la Majorité Présidentielle (AMP) à l’élection du président du Sénat en 2007, n’hésitera pas à approcher Kamerhe en vue de former un tandem avec lui. Autre faiseur des rois, le « Mwana Mboka » et prisonnier politique des démocraties occidentales Jean-Pierre Bemba. Tshisekedi, nous l’avons dit, l’a déjà rencontré. Mais cette rencontre et la convergence de vue entre ces deux poids lourds sur la situation générale du pays ne signifient nullement mariage Tshisekedi-Bemba. Entre Tshisekedi et Kengo, le choix de Bemba sera clair pour trois raisons. D’abord, Bemba n’a pas la mémoire courte au point d’oublier qu’il avait sollicité en vain le soutient de Tshisekedi lors du second tour des élections présidentielles de 2006 pendant que Kengo battait campagne pour lui. Ensuite, Bemba et Kengo font partie du clan Mobutu qui régna sur le Congo pendant un peu plus de trois décennies. Enfin, devenu président de la république, le chouchou de l’Occident Kengo obtiendrait facilement la libération du prisonnier politique Bemba. Kengo a donc des chances énormes de gagner démocratiquement la prochaine élection présidentielle.
Que peut-on attendre de Kengo ?
Que peut-on attendre de Kengo dont l’image est associée à jamais aux gestions calamiteuses de Mobutu Sese Seko et Joseph Kabila, surtout quand on sait qu’à côté de lui, l’homme politique le plus populaire du pays, l’opposant historique Etienne Tshisekedi, attend toujours son heure ? Que peut-on attendre de Kengo quand on sait que les Congolais ont déjà goûté douloureusement à sa politique de rigueur ? Chaque individu imprime sa marque sur les affaires de l’Etat. C’est en cela que réside la part du leadership. Les programmes d’ajustement structurel, qui ont permis au Ghana de Jerry Rawlings par exemple de se redresser, peuvent produire des résultats différents sous un autre leadership que celui du prédateur Mobutu. Quant à l’humiliation suprême vécue sous Joseph Kabila, qui se laisse dicter sa conduite de Kigali, Kengo peut nous en guérir. Il peut également redonner un certain sens à l’Etat en construisant les infrastructures de base qui font tant défaut au pays et en créant de l’emploi. Ce que feraient bien d’autres candidats.
Mais Kengo peut-il instaurer un Etat de droit, lui qui s’est déjà constitué le plus important réseau de clients politiques du pays ? La dénomination de son parti, l’Union des Forces du Changement (UFC), semble répondre par l’affirmative tant elle donne l’air de tout un programme d’action. Dans un ancien article intitulé « Comment distinguer les partis du changement des autres ? », nous notions que « depuis les indépendances, il y a eu bien de changements d’hommes à la tête du Congo comme aux sommets des autres Etats africains. Pourtant, ces changements d’hommes n’ont jamais débouché sur le changement tant attendu par les Congolais et les autres Africains. Dès lors, un parti du changement est celui qui a suivi un cheminement rationnel dicté par ce contexte particulier et révoltant. D’abord, il s’est posé la question de savoir pourquoi les multiples changements d’hommes produisent toujours les mêmes résultats consternants. Ensuite, il a trouvé une réponse satisfaisante qu’il tient à appliquer une fois arrivé au pouvoir ». L’UFC est-elle passée ne fut-ce que par la première étape du cheminement décrit ci-dessus ? A moins de nous apporter la preuve du contraire, la réponse est non. Dans ce cas, ce parti ne se distingue nullement des autres. Dès lors, au chapitre de la démocratie et de l’Etat de droit, l’UFC n’apporte aucune idée-outil susceptible de l’aider à le construire. La démocratie de façade demeure donc l’unique horizon des Congolais.
Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
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