Prophétie saison énième

Depuis quelques semaines, certains Ivoiriens ne dorment plus qu’en crocodile(*). A l’origine de cette quasi-insomnie, une rumeur insignifiante au départ, mais qui se fait de plus en plus persistante : la guerre ne serait pas tout à fait terminée en Côte d’ivoire. Parole de prophète. Parole de Koné Malachie, « l’esclave de Jésus et le défenseur des droits divins ».

Si certains Ivoiriens le taxent d’illuminé, d’autres le considèrent au contraire comme un porte-parole divin. C’est que « l’homme de Dieu », est revenu à la charge dernièrement, avec une révélation de taille, quand bien même ses précédentes prophéties se sont soldées par un bilan plus ou moins mitigé. Désormais, ce serait très exactement dans la première semaine du mois d’août que l’assaut final sera donné. Objectif : rendre à Gbagbo ce qui est à Koudou. Rien de moins que le pouvoir qui lui reviendrait de droit, si la communauté internationale et son « suppôt » ne l’avaient pas injustement arraché…
Aujourd’hui donc, c’est une bonne partie des Ivoiriens qui renoue avec la peur de voir une fois de plus son quotidien bouleversé. Les autorités en place, elles, n’ont pas hésité à brandir contre le prophète l’accusation d’ « incitation à la révolte ». Elles ont beau s’échiner à rassurer, mais pour qui connaît les Ivoiriens, il saura que la rumeur a la peau dure. Et il en sera ainsi, jusqu’à ce que passe le délai de la sacro-sainte prophétie Malachie-quement déterminée. « Ma chère, on ne sait jamais, mieux vaut être trop préparé que pas assez », lance, laconique, Alida Kouassi une jeune mère de famille.
A y voir de près, Koné Malachie tient à ne pas se faire oublier, d’où les rebondissements réguliers de ses prophéties qui fleurissent sur le terreau de la psychose provoquée par la peur du retour au chaos. Mais alors, pourquoi vivre les événements de si loin (Malachie serait hors de la côte d’ivoire pour des raisons de sécurité), lui qui a la certitude que sa prophétie s’accomplira…certainement ?

Ghislaine ATTA

SlateAfrique
(*)Dormir en crocodile : expression populaire ivoirienne qui signifie dormir d’un seul œil.