Mercredi, 18 Juillet 2012
« Un individu conscient et debout est plus dangereux que dix mille individus endormis et soumis » dixit M. Gandhi .
Pour mieux comprendre Patrice-Emery Lumumba, il est indispensable de le replacer dans le contexte de la lutte idéologique entre le capitalisme et le communisme ; le capitalisme étant la matrice consensuelle de l’impérialisme, du libéralisme et de la social-démocratie.
Dans ce contexte, toutes les tentatives d’alternatives à cette matrice consensuelle des idéologies politico-économiques occidentales étaient (et sont encore) combattues avec acharnement par les impérialistes ; l’Union Soviétique, en premier.
En effet, « avec un tel ennemi, c’étaient non seulement les communistes américains, mais tous les partisans de changements radicaux, qui pouvaient être discrédités en tant que subversifs « non américains », en tant qu’agents de l’Union Soviétique.
La Guerre Froide servit à supprimer toute dissidence. » (J.R. PAUWELS, Le mythe de la bonne guerre. Les Etats-Unis et la deuxième guerre mondiale, Paris, Aden, 2005, p.326. Nous soulignons) Insistons.
Dans ce contexte, « aucune conquête territoriale, aucune domination durable n’est possible sans l’action d’un appareil idéologique et répressif, contraignant, cohérent, efficace. » (J. ZIEGLER, La haine de l’Occident, Paris, Albin Michel,, 2008, p.208) Les créateurs et les inventeurs des think tanks le savent mieux que quiconque.
Les luttes d’émancipation du joug impérialiste et colonialiste se situent dans ce contexte. Emery-Patrice Lumumba, Nasser, Sékou Touré, Kwame Nkrumah (pour ne citer qu’eux) ont évolué dans ce contexte (en tant que partisans de changements radicaux) et ils ont payé de leur vie pour avoir proposé des issues viables.
Il est intéressant de lire au même moment leurs textes pour comprendre. Et ces messieurs se rencontraient et savaient apprécier à leur juste valeur les contacts d’homme à homme.
Invité à Ibadan en 1959, Lumumba disait : « C’est une satisfaction pour moi de rencontrer ici plusieurs ministres africains, des hommes de lettres, des syndicalistes, des journalistes et des personnalités internationales, qui s’intéressent aux problèmes de l’Afrique. »
Et il ajoutait : « C’est par ces contacts d’homme à homme, par des rencontres de ce genre que les élites africaines pourront se connaître et se rapprocher afin de réaliser cette union qui est indispensable pour la consolidation de l’unité africaine. » (« Africains, levons-nous ! » Discours de Patrice Lumumba, prononcé à Ibadan (Nigeria), 22 mars 1959, Editions Points, 2010. p.9.
Ce discours est suivi dans la publication qu’en font les Editions Points de celui de Sékou Touré, prononcé face au général de Gaulle, à Conakry (Guinée), le 25 août 1958. Le ton reste pratiquement le même. Le désir d’émancipation des peuples africains du joug colonial y est maintenu et la solidarité africaine y est affirmée. )
Comme Kwame Nkrumah, Lumumba était convaincu que les objectifs des Africains étant fondamentalement les mêmes, ils ne pouvaient être réalisés que dans l’union, dans la solidarité africaine et non dans la division.
Il disait dans ce même discours à Ibadan : « Ces divisions, sur lesquelles se sont toujours appuyées les puissances coloniales pour mieux asseoir leur domination, ont toujours contribué- et elles contribuent encore- au suicide de l’Afrique. » (Ibidem, p.10. Nous soulignons.)
Pour n’avoir pas compris cela, les Pères des indépendances africaines n’ont pas su, pendant longtemps, conserver les attributs de la souveraineté politique et économique de leurs pays quelques jours, quelques mois ou quelques années après ces indépendances.
Certaines questions posées par Kwame Nkrumah en 1963 lors du sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine peuvent être lues comme ayant joué un rôle prémonitoire.
Il disait : « Si nous échouons à ce stade et si nous laissons s’écouler le temps qui doit permettre au néo-colonialisme de consolider sa position sur notre continent, quel sera le destin de nos combattants de libération ? »
Le sort réservé à Lumumba avant ce discours et celui que Nkrumah, Nasser et les autres ont subi après, en dit long : plusieurs ont été assassinés ; le 26 février 1966, Nkrumah est écarté du pouvoir par un coup d’état pendant qu’il est en voyage en Chine.
Déjà en 1963, Nkrumah prévoyait, pour appuyer l’idée de l’unité africaine, le danger que pourraient constituer les frontières héritées de la colonisation.
Dans le discours susmentionné, il disait : « C’est à peine s’il existe un seul Etat africain qui n’ait un problème de frontière avec les Etats limitrophes. Il serait inutile que je les énumère car ces problèmes vous sont déjà familiers. Mais que vos Excellences me permettent de suggérer que ce vestige fatal du colonialisme risque de nous entraîner dans des guerres intestines, au moment où notre expansion industrielle se déroule sans plan et sans coordination exactement comme il en est advenu en Europe. »
Et il renchérissait en disant : « Tant que nous n’aurons pas réussi à mettre un terme à ce danger, par la compréhension mutuelle des questions fondamentales et par l’unité africaine qui rendra périmées er superflues les frontières actuelles, c’est en vain que nous aurons combattu pour l’indépendance. Seule l’unité africaine peut cicatriser cette plaie infectée des litiges frontaliers entre nos divers Etats. » (Nous soulignons)
Aux lendemains de nos indépendances, nos Pères n’ont pas réussi à créer des « Etats-Unis d’Afriques » ou des « Etats fédéraux Unis d’Afrique ». Les impérialistes et les néo-colonialistes en ont effectivement profité pour consolider leur modus operandi –diviser pour régner.
Ce faisant, ils ont maintenu, jusqu’à ce jour, l’Afrique en morceaux, pour qu’elle serve au mieux les intérêts du capitalisme sauvage. Leur rhétorique sur la défense de la démocratie et des droits de l’homme cache de plus en plus mal leur acharnement pour l’expansion de ce capitalisme.
Dans plusieurs pays africains, « les petites mains » du capital ont mis sur pied des réseaux transcontinentaux de prédation exploitant de manière éhontée les richesses du sol et du sous-sol.
Au sujet du Congo (RD), ce réseau a fonctionné sous Mobutu. Il s’est perfectionné sous les Kabila. Quand Mzee Kabila a voulu le briser en revisitant l’idéologie marxiste, en prônant le développement autocentré ayant le village comme principal point d’ancrage, les impérialistes et les néo-colonialistes l’ont assassiné en se servant de Paul Kagame et de Yoweri Museveni.
Il est important de comprendre comment l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila a partie liée avec le capitalisme. Bien qu’ayant emprunté beaucoup d’argent aux multinationales pour mener la guerre de l’AFDL, il a voulu, après le retournement des alliances avec Kigali et Kampala, déconnecter le Congo des circuits économiques dominants du Nord.
Il a voulu le soustraire de l’emprise du néolibéralisme. (Lire à ce sujet B.COLETTE, Les nouveaux prédateurs. Politiques des puissances en Afrique centrale, Paris, Fayard, 2005, pp.59-60 et 187.) La guerre du 02/08/1998 menée par le Rwanda, avec l’aide de ses parrains et du RCD participe de ce hold-up économique effectué en plusieurs étapes et auxquelles ont contribué les différentes rébellions fomentées à partir de ce petit pays voisin (jusqu’à ce jour).
Après l’assassinat de Mzee (le 16 janvier 2001), le crime profite à Joseph Kabila. Il lui succède et ouvre notre pays au néolibéralisme. Avec lui, nos terres sont vendues en morceaux comme carrés miniers ; nos matières premières sont bradées à vil prix et certaines sont vendues aux entre prises fictives des Iles Vierges Britanniques.
Le produit de ces ventes est détourné. Il ne rentre pas dans la caisse commune.
Il est amusant d’entendre certains compatriotes comparer ce vendeur de nos terres et bradeurs de nos matières premières à Lumumba !
Celui-ci fut un patriote et un nationaliste proche du « communisme » entendu comme création collective du destin commun. Tandis que Joseph Kabila se situe faussement (politiquement) à gauche. Il est un « libéral » comme certains de ses parrains politiques et néolibéral économiquement.
Ce n’est pas ses alliances contre-nature avec les partis lumumbistes de pacotille qui peut en faire un disciple de Lumumba.)
Les élections chaotiques de novembre et décembre 2011 ont participé de la neutralisation du suffrage universel par un conglomérat de fondamentalistes du marché néolibéral, des clients de la fraude, de la tricherie et du mensonge.
De toute cette histoire, plusieurs leçons peuvent être tirées. Il y a des questions essentielles pour lesquelles nous devrions lutter en permanence : la question de la terre et celle de l’unité de notre pays et de l’Afrique. L’instrumentalisation des pays voisins contre le nôtre est une tactique retardant l’unification de l’Afrique.
Savoir que les impérialistes travaillent à partir des archives sur les mêmes objectifs et en permanence, cela est très important. Cela nous éviterait le danger de croire dans leur rhétorique sur la démocratie et les droits de l’homme. Réécrire notre histoire en marge de celle qui se fait officiellement et la conserver dans nos propres archives pourrait contribuer à l’efficacité de notre lutte.
Insistons. Il est indispensable d’approfondir les questions pour lesquelles les Pères de nos indépendances politiques, de notre souveraineté politique et économique ont été assassinés. Il y prioritairement la question de la terre africaine. Nous devons savoir comment nous pouvons en être co-responsables avec les autres sans la maltraiter ni la vendre à vil prix au point de compromettre l’avenir des générations futures ?
Sur cette question, Evo Marales peut servir d’exemple aux gouvernants patriotes du Congo de demain. A sa prise de pouvoir en Bolivie, il a nationalisé les entreprises minières tout en acceptant de travailler avec « les étrangers » qui en étaient responsables aux conditions dictées par son gouvernement.
« Devenu maître de ses richesses et souverain sur sa terre, le peuple bolivien doit construire un nation pluriethnique, démocratique et solidaire. Morales s’en est longuement expliqué lors de la séance d’ouverture de l’Assemblée constituante à Sucre, en août 2006. » (J. ZIEGELER, O. C. p. 251)
Penser la constitution de l’identité supranationale est un autre défi que nous avons à relever en travaillant au niveau de nos différentes sous-régions à l’intégration des Etats fédéraux de l’Afrique. L’échec de la construction de l’unité africaine à l’aube de nos indépendances a fragilisé toute l’Afrique et profité aux maîtres du monde, partisans de la politique du « diviser pour régner ».
La cicatrisation des plaies ouvertes à la suite de cet échec passe par une éthique de responsabilité partagée tournée vers le passé et une éthique de la réconciliation tournée vers l’avenir.
Dans un monde soumis de plus en plus à un ordre multicentrique, des stratégies d’orientation géopolitique et géo-économique, doivent être mises su pied de façon que nous arrivions, ensemble en tant qu’africains, à renverser les rapports de force qui nous sont défavorables en travaillant davantage avec des Etats respectueux de la souveraineté politique et économique des autres Etats.
Au sujet de notre pays, le regroupement des partis politiques en de grands mouvements soucieux du changement radical néo-lumumbiste est important.
Le mouvement patriotique initié avec les élections de novembre et décembre 2011 devrait être porté à bout de bras par des patriotes combattants et résistants de façon qu’il se transmue en l’instauration d’un Etat de droit national garantissant la justice sociale, l’équité, la liberté et la sécurité.
Ici, la grande ennemie, face aux forces de la mort, serait la résignation. Avec le hold-up électoral, les masses populaires impliquées dans ce mouvement ont perdu une bataille et non la lutte de la souveraineté. Celle-ci se poursuit.
Elle doit être menée dans un va-et-vient permanent entre les minorités organisées et agissantes et nos masses populaires. Au Congo comme en Afrique. Ce va-et-vient ne peut pas être liés aux caprices des élites compradores congolais et/ou africains.
Pour durer dans cette lutte, il faut connaître le modus operandi des impérialistes et des néo-colonialistes est indispensable : ils travaillent sur le court, moyen et long terme. Ils ont un même objectif majeur : servir le capitalisme et/ou le néolibéralisme pour des profits exorbitants et à moindres frais sur fond d’une violence permanente.
La rhétorique qu’ils entretiennent sur la démocratie et les droits de l’homme est mensongère. Ils se servent des médias et de l’école pour gagner les cœurs et les esprits à leur cause. D’où la nécessité d’un effort permanent de déformatage-reformatage des cœurs et des esprits congolais et africains.
Il y aurait encore beaucoup d’autres leçons à tirer de cette relecture de notre histoire commune. Mais les cœurs et les esprits déformatés-reformatés placés face à des situations concrètes sauront les analyser et s’orienter collectivement de manière à créer un vivre-ensemble « normal ».
Les minorités organisées et agissantes ont un rôle de leadership collectif à jouer dans cette lutte pour notre souveraineté intégrale. Un lumumbisme revisité à partir du socialisme du 21 ème siècle tel qu’il est pratique en Amérique Latine peut constituer une bonne source d’inspiration pour notre devenir collectif. Les néo-lumumbistes ont du pain sur la planche.
Mbelu Babanya Kabudi
Congoone
« Un individu conscient et debout est plus dangereux que dix mille individus endormis et soumis » dixit M. Gandhi .
Pour mieux comprendre Patrice-Emery Lumumba, il est indispensable de le replacer dans le contexte de la lutte idéologique entre le capitalisme et le communisme ; le capitalisme étant la matrice consensuelle de l’impérialisme, du libéralisme et de la social-démocratie.
Dans ce contexte, toutes les tentatives d’alternatives à cette matrice consensuelle des idéologies politico-économiques occidentales étaient (et sont encore) combattues avec acharnement par les impérialistes ; l’Union Soviétique, en premier.
En effet, « avec un tel ennemi, c’étaient non seulement les communistes américains, mais tous les partisans de changements radicaux, qui pouvaient être discrédités en tant que subversifs « non américains », en tant qu’agents de l’Union Soviétique.
La Guerre Froide servit à supprimer toute dissidence. » (J.R. PAUWELS, Le mythe de la bonne guerre. Les Etats-Unis et la deuxième guerre mondiale, Paris, Aden, 2005, p.326. Nous soulignons) Insistons.
Dans ce contexte, « aucune conquête territoriale, aucune domination durable n’est possible sans l’action d’un appareil idéologique et répressif, contraignant, cohérent, efficace. » (J. ZIEGLER, La haine de l’Occident, Paris, Albin Michel,, 2008, p.208) Les créateurs et les inventeurs des think tanks le savent mieux que quiconque.
Les luttes d’émancipation du joug impérialiste et colonialiste se situent dans ce contexte. Emery-Patrice Lumumba, Nasser, Sékou Touré, Kwame Nkrumah (pour ne citer qu’eux) ont évolué dans ce contexte (en tant que partisans de changements radicaux) et ils ont payé de leur vie pour avoir proposé des issues viables.
Il est intéressant de lire au même moment leurs textes pour comprendre. Et ces messieurs se rencontraient et savaient apprécier à leur juste valeur les contacts d’homme à homme.
Invité à Ibadan en 1959, Lumumba disait : « C’est une satisfaction pour moi de rencontrer ici plusieurs ministres africains, des hommes de lettres, des syndicalistes, des journalistes et des personnalités internationales, qui s’intéressent aux problèmes de l’Afrique. »
Et il ajoutait : « C’est par ces contacts d’homme à homme, par des rencontres de ce genre que les élites africaines pourront se connaître et se rapprocher afin de réaliser cette union qui est indispensable pour la consolidation de l’unité africaine. » (« Africains, levons-nous ! » Discours de Patrice Lumumba, prononcé à Ibadan (Nigeria), 22 mars 1959, Editions Points, 2010. p.9.
Ce discours est suivi dans la publication qu’en font les Editions Points de celui de Sékou Touré, prononcé face au général de Gaulle, à Conakry (Guinée), le 25 août 1958. Le ton reste pratiquement le même. Le désir d’émancipation des peuples africains du joug colonial y est maintenu et la solidarité africaine y est affirmée. )
Comme Kwame Nkrumah, Lumumba était convaincu que les objectifs des Africains étant fondamentalement les mêmes, ils ne pouvaient être réalisés que dans l’union, dans la solidarité africaine et non dans la division.
Il disait dans ce même discours à Ibadan : « Ces divisions, sur lesquelles se sont toujours appuyées les puissances coloniales pour mieux asseoir leur domination, ont toujours contribué- et elles contribuent encore- au suicide de l’Afrique. » (Ibidem, p.10. Nous soulignons.)
Pour n’avoir pas compris cela, les Pères des indépendances africaines n’ont pas su, pendant longtemps, conserver les attributs de la souveraineté politique et économique de leurs pays quelques jours, quelques mois ou quelques années après ces indépendances.
Certaines questions posées par Kwame Nkrumah en 1963 lors du sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine peuvent être lues comme ayant joué un rôle prémonitoire.
Il disait : « Si nous échouons à ce stade et si nous laissons s’écouler le temps qui doit permettre au néo-colonialisme de consolider sa position sur notre continent, quel sera le destin de nos combattants de libération ? »
Le sort réservé à Lumumba avant ce discours et celui que Nkrumah, Nasser et les autres ont subi après, en dit long : plusieurs ont été assassinés ; le 26 février 1966, Nkrumah est écarté du pouvoir par un coup d’état pendant qu’il est en voyage en Chine.
Déjà en 1963, Nkrumah prévoyait, pour appuyer l’idée de l’unité africaine, le danger que pourraient constituer les frontières héritées de la colonisation.
Dans le discours susmentionné, il disait : « C’est à peine s’il existe un seul Etat africain qui n’ait un problème de frontière avec les Etats limitrophes. Il serait inutile que je les énumère car ces problèmes vous sont déjà familiers. Mais que vos Excellences me permettent de suggérer que ce vestige fatal du colonialisme risque de nous entraîner dans des guerres intestines, au moment où notre expansion industrielle se déroule sans plan et sans coordination exactement comme il en est advenu en Europe. »
Et il renchérissait en disant : « Tant que nous n’aurons pas réussi à mettre un terme à ce danger, par la compréhension mutuelle des questions fondamentales et par l’unité africaine qui rendra périmées er superflues les frontières actuelles, c’est en vain que nous aurons combattu pour l’indépendance. Seule l’unité africaine peut cicatriser cette plaie infectée des litiges frontaliers entre nos divers Etats. » (Nous soulignons)
Aux lendemains de nos indépendances, nos Pères n’ont pas réussi à créer des « Etats-Unis d’Afriques » ou des « Etats fédéraux Unis d’Afrique ». Les impérialistes et les néo-colonialistes en ont effectivement profité pour consolider leur modus operandi –diviser pour régner.
Ce faisant, ils ont maintenu, jusqu’à ce jour, l’Afrique en morceaux, pour qu’elle serve au mieux les intérêts du capitalisme sauvage. Leur rhétorique sur la défense de la démocratie et des droits de l’homme cache de plus en plus mal leur acharnement pour l’expansion de ce capitalisme.
Dans plusieurs pays africains, « les petites mains » du capital ont mis sur pied des réseaux transcontinentaux de prédation exploitant de manière éhontée les richesses du sol et du sous-sol.
Au sujet du Congo (RD), ce réseau a fonctionné sous Mobutu. Il s’est perfectionné sous les Kabila. Quand Mzee Kabila a voulu le briser en revisitant l’idéologie marxiste, en prônant le développement autocentré ayant le village comme principal point d’ancrage, les impérialistes et les néo-colonialistes l’ont assassiné en se servant de Paul Kagame et de Yoweri Museveni.
Il est important de comprendre comment l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila a partie liée avec le capitalisme. Bien qu’ayant emprunté beaucoup d’argent aux multinationales pour mener la guerre de l’AFDL, il a voulu, après le retournement des alliances avec Kigali et Kampala, déconnecter le Congo des circuits économiques dominants du Nord.
Il a voulu le soustraire de l’emprise du néolibéralisme. (Lire à ce sujet B.COLETTE, Les nouveaux prédateurs. Politiques des puissances en Afrique centrale, Paris, Fayard, 2005, pp.59-60 et 187.) La guerre du 02/08/1998 menée par le Rwanda, avec l’aide de ses parrains et du RCD participe de ce hold-up économique effectué en plusieurs étapes et auxquelles ont contribué les différentes rébellions fomentées à partir de ce petit pays voisin (jusqu’à ce jour).
Après l’assassinat de Mzee (le 16 janvier 2001), le crime profite à Joseph Kabila. Il lui succède et ouvre notre pays au néolibéralisme. Avec lui, nos terres sont vendues en morceaux comme carrés miniers ; nos matières premières sont bradées à vil prix et certaines sont vendues aux entre prises fictives des Iles Vierges Britanniques.
Le produit de ces ventes est détourné. Il ne rentre pas dans la caisse commune.
Il est amusant d’entendre certains compatriotes comparer ce vendeur de nos terres et bradeurs de nos matières premières à Lumumba !
Celui-ci fut un patriote et un nationaliste proche du « communisme » entendu comme création collective du destin commun. Tandis que Joseph Kabila se situe faussement (politiquement) à gauche. Il est un « libéral » comme certains de ses parrains politiques et néolibéral économiquement.
Ce n’est pas ses alliances contre-nature avec les partis lumumbistes de pacotille qui peut en faire un disciple de Lumumba.)
Les élections chaotiques de novembre et décembre 2011 ont participé de la neutralisation du suffrage universel par un conglomérat de fondamentalistes du marché néolibéral, des clients de la fraude, de la tricherie et du mensonge.
De toute cette histoire, plusieurs leçons peuvent être tirées. Il y a des questions essentielles pour lesquelles nous devrions lutter en permanence : la question de la terre et celle de l’unité de notre pays et de l’Afrique. L’instrumentalisation des pays voisins contre le nôtre est une tactique retardant l’unification de l’Afrique.
Savoir que les impérialistes travaillent à partir des archives sur les mêmes objectifs et en permanence, cela est très important. Cela nous éviterait le danger de croire dans leur rhétorique sur la démocratie et les droits de l’homme. Réécrire notre histoire en marge de celle qui se fait officiellement et la conserver dans nos propres archives pourrait contribuer à l’efficacité de notre lutte.
Insistons. Il est indispensable d’approfondir les questions pour lesquelles les Pères de nos indépendances politiques, de notre souveraineté politique et économique ont été assassinés. Il y prioritairement la question de la terre africaine. Nous devons savoir comment nous pouvons en être co-responsables avec les autres sans la maltraiter ni la vendre à vil prix au point de compromettre l’avenir des générations futures ?
Sur cette question, Evo Marales peut servir d’exemple aux gouvernants patriotes du Congo de demain. A sa prise de pouvoir en Bolivie, il a nationalisé les entreprises minières tout en acceptant de travailler avec « les étrangers » qui en étaient responsables aux conditions dictées par son gouvernement.
« Devenu maître de ses richesses et souverain sur sa terre, le peuple bolivien doit construire un nation pluriethnique, démocratique et solidaire. Morales s’en est longuement expliqué lors de la séance d’ouverture de l’Assemblée constituante à Sucre, en août 2006. » (J. ZIEGELER, O. C. p. 251)
Penser la constitution de l’identité supranationale est un autre défi que nous avons à relever en travaillant au niveau de nos différentes sous-régions à l’intégration des Etats fédéraux de l’Afrique. L’échec de la construction de l’unité africaine à l’aube de nos indépendances a fragilisé toute l’Afrique et profité aux maîtres du monde, partisans de la politique du « diviser pour régner ».
La cicatrisation des plaies ouvertes à la suite de cet échec passe par une éthique de responsabilité partagée tournée vers le passé et une éthique de la réconciliation tournée vers l’avenir.
Dans un monde soumis de plus en plus à un ordre multicentrique, des stratégies d’orientation géopolitique et géo-économique, doivent être mises su pied de façon que nous arrivions, ensemble en tant qu’africains, à renverser les rapports de force qui nous sont défavorables en travaillant davantage avec des Etats respectueux de la souveraineté politique et économique des autres Etats.
Au sujet de notre pays, le regroupement des partis politiques en de grands mouvements soucieux du changement radical néo-lumumbiste est important.
Le mouvement patriotique initié avec les élections de novembre et décembre 2011 devrait être porté à bout de bras par des patriotes combattants et résistants de façon qu’il se transmue en l’instauration d’un Etat de droit national garantissant la justice sociale, l’équité, la liberté et la sécurité.
Ici, la grande ennemie, face aux forces de la mort, serait la résignation. Avec le hold-up électoral, les masses populaires impliquées dans ce mouvement ont perdu une bataille et non la lutte de la souveraineté. Celle-ci se poursuit.
Elle doit être menée dans un va-et-vient permanent entre les minorités organisées et agissantes et nos masses populaires. Au Congo comme en Afrique. Ce va-et-vient ne peut pas être liés aux caprices des élites compradores congolais et/ou africains.
Pour durer dans cette lutte, il faut connaître le modus operandi des impérialistes et des néo-colonialistes est indispensable : ils travaillent sur le court, moyen et long terme. Ils ont un même objectif majeur : servir le capitalisme et/ou le néolibéralisme pour des profits exorbitants et à moindres frais sur fond d’une violence permanente.
La rhétorique qu’ils entretiennent sur la démocratie et les droits de l’homme est mensongère. Ils se servent des médias et de l’école pour gagner les cœurs et les esprits à leur cause. D’où la nécessité d’un effort permanent de déformatage-reformatage des cœurs et des esprits congolais et africains.
Il y aurait encore beaucoup d’autres leçons à tirer de cette relecture de notre histoire commune. Mais les cœurs et les esprits déformatés-reformatés placés face à des situations concrètes sauront les analyser et s’orienter collectivement de manière à créer un vivre-ensemble « normal ».
Les minorités organisées et agissantes ont un rôle de leadership collectif à jouer dans cette lutte pour notre souveraineté intégrale. Un lumumbisme revisité à partir du socialisme du 21 ème siècle tel qu’il est pratique en Amérique Latine peut constituer une bonne source d’inspiration pour notre devenir collectif. Les néo-lumumbistes ont du pain sur la planche.
Mbelu Babanya Kabudi
Congoone
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