vendredi 20 juillet 2012

Les élus du Nord-Kivu dénoncent Kigali

S’insurgeant contre le projet de Balkanisation du Congo



Les élus du Nord-Kivu, lèvent le ton, décèlent les causes du piétinement du commandement opérationnel et font des révélations. Un flou enveloppe la gestion de la logistique et des fonds destinés aux brigades au front.

Quant à la force internationale neutre, elle ne serait pas la bienvenue, l’histoire récente servant de jurisprudence. Le drame de l’Est, lequel plonge le pays dans le choc et l’humiliation, porte la signature de Kigali.

Lue par le doyen Konde Vila Kikanda, la déclaration des députés du Nord-Kivu lève plusieurs coins de voile sur la situation militaire dans l’Est de la République démocratique du Congo. Les causes des contre-performances et des défections enregistrées tout comme la situation humanitaire sont révélées avec précision. 

En contact avec les populations soumises à des affres de la guerre, les élus de la province du Nord-Kivu «constatent que la situation sécuritaire actuelle au Nord-Kivu est préoccupante, critique et dramatique, surtout après la prise des localités de Jomba et Bunagana ainsi que des cités de Rutshuru, Kiwanja et Rumagabo par des rebelles du M23». 

Et d’ajouter : «A ce jour, l’espace sous opérations militaires est aussi grand que le Rwanda».

Sans ambages, ils affirment : «Les rebelles du M23 bénéficient clairement de l’appui du Rwanda et probablement d’autres pays voisins qui n’ont exprimé aucune alerte à l’entrée du M23 à Bunagana.» Le plus dramatique sur le terrain des opérations est également mis à la disposition du public : «Les militaires des FARDC ont manqué de renforts nécessaires à Bunagana avant que cette localité important poste douanier à la frontière avec l’Uganda ne passe entre les mains du M23.»

Les révélations que font les députés du Nord-Kivu montrent que la situation va de mal en pis : «Walikale et Ndjingala sont passée entre les mains de Raiha Mutomboki, faute de moyens humains et logistiques nécessaires.» 

Ils notent que «des défections dans les rangs des FARDC ont précédé cette dégradation de la situation sécuritaire ». Selon eux, le gouvernement devait prendre davantage des mesures préventives pour éviter pareilles situations à l’avenir, soutenant que « plusieurs officiers ont rejoint et continuent à rejoindre les rangs du M23.»

Cette évolution en dents de scie au front poussent les élus du Nord-Kivu à déplorer «une gestion insuffisante financière et humaine de brigades sur le terrain et particulièrement celles engagées dans les opérations militaires en cours à l’Est de la République démocratique du Congo.» 

Ils déplorent aussi des actes isolés d’indiscipline : «Certains militaires des FARDC commencent eux-mêmes à exiger à la population la contribution de 1$ proposée, il y a quelques jours, par la société civile du Nord-Kivu comme effort de guerre volontaire notamment pour renforcer la ration des militaires.»

Quant aux agents causaux de cette insécurité, les élus les égrènent : «Plusieurs groupes armés tant étrangers que locaux écument actuellement la province du Nord-Kivu et sèment la désolation dans la population ; tel est le cas des FDLR dans les territoires de Walikale, Masisi, Lubero et Rusthuru ; des ADF/Nalu dans le territoire de Beni ; des Mai-Mai de Kakule Sikuli alias La Fontaine dans les territoires de Lubero et Beni, du M23, des Mai-Mai PCLS de Janvier Karani, des Mai-Mai NDC de Ntabo Ntaberi Sheka, des Mai-Mai FDC, des Mai-Mai Raiha Mutomboki.»

A noter que depuis un temps, les FDLR sont revenus actifs sur le terrain : «Les FDLR toujours actifs dans le territoire de Walikale ont lancé ces derniers jours des attaques sur les populations civiles habitant les localités occupées par les Mai-Mai Sheka. L’on signale plusieurs morts dans les villages de Misau, Munjuli et Kasumba dans le territoire de Walikale.»

Forte opposition à la force internationale neutre

L’envoi d’une force internationale neutre aux frontières RDC-Rwanda n’enchante pas les élus du Nord-Kivu. D’expérience, estiment-ils, la mise en place des opérations militaires de cette envergure ne se fait pas toujours de manière aisée. Il se pose des difficultés de mise en place. 

L’éradication du M23, des FDLR ainsi que de toutes les forces négatives opérant dans cette partie du pays visée par la mise en service de cette force neutre risque de n’être que poursuite du vent.

Ils en font mention dans leur document : «L’expérience de gestion des conflits en Afrique démontre que la constitution d’une force neutre ou pas, se butte généralement, si pas toujours, aux problèmes de définition juridique du mandat, de mobilisation des hommes et des moyens aussi bien financiers que logistiques, au point que le temps de mise en place d’une telle force ne sera pas compatible à l’urgence et à la gravité que requiert la situation.»

Il est vrai que l’organisation continentale ne dispose pas de moyens financiers et logistiques suffisants pour concurrencer des forces telles que la Monusco. Sa capacité opérationnelle est limitée. Elle est sujette à caution au regard des réalités vécues sur d’autres champs des conflits. 

Raison pour laquelle les signataires de la déclaration relèvent que «Cette force neutre viendrait se superposer ou opérer sur le même espace opérationnel que la Monusco, alors que la taille gigantesque et le budget colossal de cette dernière, pour des résultats mitigés, continuent à susciter des interrogations au sein de nos populations sur sa neutralité et son efficacité.»

N’ont-ils pas raison de se montrer septiques ? La composition et le commandement de cette force constituent à eux-seuls des sujets de préoccupation. Les combattants des pays voisins de la RDC ont régulièrement opéré à l’intérieur des frontières congolaises sans toutefois mettre un terme aux forces négatives de la sous-région. 

De quoi dire que le vieux démon de l’exploitation illégale des ressources ne cessera pas de si tôt de prendre pas le dessus sur toutes les incitatives de paix ?

L’autre point d’achoppement c’est le choix de Kampala pour discuter des modalités de déploiement de cette force. Le passé récent est douloureux pour les populations. 

«Le choix de Kampala, pour y discuter la constitution et la neutralité d’une force à déployer à l’Est de la RDC suscite d’interrogations dans le chef des populations du Nord-Kivu compte tenu de l’histoire récente marquée par l’agression de 1998 condamnée par ailleurs par la Cour internationale de justice.», indiquent les élus du Nord-Kivu.

Avec le doute qui s’installe et l’accueil, plutôt froid réservé à la mise en place de cette force neutre, il y a lieu de ne pas accorder une longue vie à cette opération dont l’efficacité est une gageure. Les élus du Nord-Kivu en ont la certitude.

© Le Potentiel

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