lundi 6 août 2012

RDC: l'Eglise va-t-elle remplacer l’opposition?

En prenant la tête des manifestations contre les menaces de balkanisation du pays, le clergé catholique congolais donne l’impression de se positionner en force politique d’opposition.

LauMgr Monsegwo, archevêque de Kinshasa, lors de sa nomination comme cardinal, Le Vatican,, 2010 © Tony Gentile / Reuters

Le clergé, réuni au sein de la Cenco (Conférence épiscopale nationale) a investi les rues de Kinshasa, la capitale, pour dénoncer ce qu’elle considère comme une balkanisation rampante du pays, avec la rébellion du M23 qui sévit dans l’est de la RDC.

Ces manifestations ont eu une forme un peu particulière: de milliers de fidèles catholiques, arpentant les rues avec des chapelets, des exemplaires de la Bible, récitant des prières et scandant des slogans fortement politiques et patriotiques.

Les prières ont ainsi alterné avec des messages en faveur de la paix et de l’intégrité territoriale du pays:
«RDC, lève-toi et marche!», «Non à la balkanisation du pays!», «La RDC pleure ses enfants»
«Les actions et le discours que mène l’Eglise ne sont pas politiques, indique Mgr Fulgence Muteba, responsable de la communication au sein de la Cenco. Nous prenons fait et cause pour la population. L’Eglise ne peut rester les bras croisés lorsqu’il y a des injustices flagrantes. Nous taire, serait être complice de la souffrance de la population.»

Evangéliser et alerter

 

En cette période critique, le clergé catholique veut donc continuer à jouer un rôle tout aussi important que celui qu’il a joué dans les moments les plus délicats de l’histoire de la RDC.
C’est qu’observe Félicien Kabamba, enseignant en sciences politiques à l’université de Kinshasa:
«Dans l’est du pays, il y a eu, par le passé, l’assassinat de certains prélats. Ces assassinats ont augmenté la prise de conscience de l’Eglise et de son implication dans le processus politique et son rôle de résistance par rapport à toutes les agressions et toutes les invasions militaires.»
Ainsi, par exemple, en octobre 1996, Mgr Christophe Munzihirwa de l’archidiocèse de Bukavu (province du Sud-Kivu) est assassiné.

Il était critique envers les autorités locales, en ce qui concerne le respect des droits de la personne. Son successeur, Mgr Emmanuel Kataliko, reprend le flambeau, avant sa mort en octobre 2000.

En 1998, il publie un document contre les mauvais traitements infligés à la société civile. Les autorités du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), rébellion de l’époque, qui contrôlait le territoire de l'archidiocèse, le relègue, en février 2000, dans sa cité natale de Butembo.
 
Dénoncer le mal, protéger le peuple
 
Pour Mgr Fulgence Muteba, «l’Eglise catholique dénonce le mal et la tentative d’aller à l’encontre des aspirations du peuple».
«Si on nous prend notre pays, où va exister cette Eglise?», se demande-t-il.
Cette tradition des marches initiées par l’Eglise catholique remonte à la tristement célèbre Marche des chrétiens.

Le 16 février 1992, le clergé congolais organise une marche à Kinshasa pour réclamer la réouverture de la Conférence nationale souveraine, fermée sur décision de feu le maréchal Mobutu. La marche est fortement réprimée.

Les rapports entre l’Eglise et le pouvoir de Kinshasa ont souvent été tendus. Lors des résultats de la présidentielle de novembre 2011, la tension était tellement palpable qu’un clash était à craindre entre les deux parties.

L’archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, avait même estimé que la présidentielle avait été remportée par Etienne Tshisekedi, le principal candidat de l’opposition.

Ce faisant, Laurent Monsengwo, suivait les pas des cardinaux  Joseph Malula et Frédéric Etsou.

Le premier n’hésitait pas à critiquer les violations des droits de l’homme et le pouvoir dictatorial du feu maréchal Mobutu. Le deuxième avait déjà dénoncé, en 2006, les résultats du scrutin présidentiel.

Neutralité et équilibre


Pour apaiser les tensions qui s’étaient accentuées à la suite de ces déclarations, entre le pouvoir et le clergé, six évêques ont été reçus, en mars, par le président Joseph Kabila.
«LEglise a toujours offert sa contribution au gouvernement de la République et offre sa contribution pour annoncer l’Evangile et pour le bien-être des fils et filles de ce pays», avait déclaré, à l’issue de cette rencontre, l’Abbé Léonard Santedi, secrétaire général de la Cenco.
Malgré tout, l’Eglise catholique veut garder une certaine neutralité dans ses prises de position.
«Il serait tellement fou de faire une alliance avec un quelconque parti d’opposition, déclare Mgr Fulgence Muteba, responsable de la communication de le Cenco. Vous connaissez nos oppositions en Afrique, elles sont pour la plupart bidon, sans constance dans leurs prises de position. Je ne vois aucune force d’opposition qui pourrait s’allier à nous Notre mission n’est pas de faire de la politique.»
Jacques Matand
SlateAfrique

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