samedi 24 novembre 2012

Deux hommes sur un fil tendu

Deux hommes sur un fil tendu


Durant deux heures, deux hommes en danger, les présidents Kabila et Kagame, se sont entretenus à Kampala, en tête à tête et le lendemain, en compagnie de leur hôte, le président Museveni, ils ont appelé le mouvement rebelle M23 à se retirer de Goma.

A première vue, le président du Rwanda, Paul Kagame, est le plus sûr de lui. Officiellement, il n’est pour rien dans les ennuis de son voisin et propose même ses bons offices politiques. En réalité, nul n’est dupe et chacun sait que le M23 n’est que l’ombre portée du pouvoir rwandais.

Même si les blâmes sont encore feutrés et les sanctions timides, l’aura du Rwanda est entamée, les rapports des experts ont relativisé les succès économiques du pays, les liant à l’exploitation des ressources congolaises. Le « bon élève » est désormais montré du doigt.

Mais Kagame, même si à Kampala il les a ouvertement désavoués, a-t-il un autre choix que soutenir en sous main les rebelles du Congo ?

Son pouvoir est moins homogène qu’on ne le croit : à l’heure où le passage à l’opposition des généraux Kayumba et Karegeya, anciens piliers du Front patriotique, a affaibli les cercles du pouvoir, le soutien des officiers francophones est plus indispensable que jamais.

Et ces derniers entretiennent avec les Tutsis du Kivu des liens d’affaires, de famille, de solidarité. Si Kagame devait être « partie de la solution » et abandonner ses harkis congolais, cela pourrait lui coûter cher sur le plan intérieur.

Mais des deux hommes, c’est sans contexte le président du Congo, Joseph Kabila, qui est dans la plus mauvaise posture, à très court terme, humilié qu’il est par la chute de Goma et de Sake aux mains de la rébellion du M23.

A travers le Congo, les manifestations se multiplient, elles dénoncent l’impuissance des Nations unies mais surtout l’incurie d’un pouvoir extraordinairement discrédité, accusé d’incapacité, d’indifférence mais aussi de félonie.

A Kinshasa, le chef de l’Etat pourrait être mis en difficulté devant la Chambre et le Sénat, et plus d’une centaine d’élus, au lieu d’en appeler à l’unité nationale, ont préféré réclamer la démission du chef de l’Etat, exigence qui est aussi celle des rebelles.

Sonné par la défaite, Kabila doit choisir entre deux dangers : ou bien il négocie avec le M23 et répond, s’il n’est pas trop tard, à certaines de ses revendications (les grades, les soldes mais surtout le maintien d’une « armée dans l’armée » et la garantie de l’impunité) et il se soumet aux ukases politiques.

Un tel choix, inévitablement, confortera l’accusation de trahison, de collusion avec l’ennemi.

Ou alors le chef de l’Etat, garant de l’intégrité de la nation et des institutions, oppose aux rebelles une fin de non recevoir, refuse leur réintégration autant qu’une négociation imposée par la force des armes, largement étrangères de surcroît.

Cette position est déjà celle du premier ministre, qui déclare que le Congo a perdu une bataille, mais pas la guerre.

Dans ce cas, tout pourrait s’accélérer : déjà les habitants de Bukavu se terrent, attendant la chute de leur ville, des groupes armés « dormants » ou dispersés apparaissent dans d’autres provinces, des opposants descendent dans la rue à Kinshasa et dénoncent le régime.

A toutes fins utiles, des ambassades, préparant le scénario du pire, peaufinent des plans d’évacuation.

Mais le pire est-il inévitable ?

A Kinshasa, on rappelle que, voici deux semaines, l’ambassadeur d’Angola avait déclaré que son pays ne permettrait jamais que l’on porte atteinte à l’intégrité du Congo tandis que les représentants de la SADC (Conférence des Etats d’ Afrique australe), après enquête à Goma, s’étaient déclarés convaincus de l’implication étrangère.

De Tombouctou, où les Etats d’Afrique de l’Ouest se préparent à intervenir contre les islamistes, à Goma qui pourrait bénéficier de la sollicitude armée de l’Afrique australe, les organisations régionales africaines, tirant la leçon de l’impuissance onusienne et de l’hypocrisie occidentale, pourraient représenter un élément imprévu…

Le carnet de Colette Braeckman

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