vendredi 23 novembre 2012

La chute de Goma : Le duo «Kabila»-Matata minimise l’événement


"Joseph Kabila" et "son" Premier ministre Augustin Matata Ponyo

Après plusieurs mois de tergiversations, «Joseph Kabila» se dit prêt «à examiner» les exigences des rebelles du «Mouvement du 23 mars». N’en déplaise à son ministre de la Communication, Lambert Mende Omalanga, « Joseph » s’est donc incliné face à la demande des négociations posées par les insurgés.

Il se dégage des déclarations faites par le numéro un Congolais et son Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, une certaine volonté de «minimiser» la chute de Goma.

Et pourtant, l’option militaire déclamée par "Joseph" a échoué. "Goma" a toutes les allures d’un feu de brousse susceptible de se propager. Signe de temps. Le pouvoir kabiliste a perdu l’opinion. La contestation monte.

A Kampala, «Joseph Kabila» s’est dit finalement prêt «à examiner» les exigences du M23. Au grand dam de la grande majorité de l’opinion congolaise. Avant de faire cette annonce mercredi 21 novembre, l’homme s’était entretenu la veille au soir avec le président rwandais Paul Kagame.

Les deux hommes étaient seuls. Sans collaborateurs ni témoins. L’entrevue a duré deux heures chrono.

Si Kagame était accompagné dans la capitale ougandaise de son chef de la diplomatie, Louise Mushikiwabo, «Joseph», lui, est venu seul.

Pas d’ombre de Raymond Tshibanda (ministre des Affaires étrangères) encore moins de celui de son collègue Alexandre Luba Ntambo en charge, semble-t-il, de la Défense nationale. Nul ne sait à l’heure qu’il est le contenu de la conversation qui a eu lieu entre les deux hommes.

«Talk and fight»

A Goma où ils sont occupés à consolider leurs positions, les dirigeants du M23 ont pris la main (tardivement) tendue. Tout en acceptant d’aller à la table des négociations, les insurgés ont prévenu qu’ils entendent poursuivre leur offensive jusqu’à la tenue effective des pourparlers.

C’est le fameux «talk and fight», une doctrine chère à tous ceux qui ont été à l’«école» de l’Ougandais Yoweri Museveni et subsidiairement dans celle du Front patriotique rwandais (FPR). D’autre part, les responsables du CNDP-M23 ont eu à pratiquer le «raïs».

Ils répètent à qui veut les entendre que celui-ci a l’art de rouler les autres dans la farine. Il n’a jamais été un «homme de parole». Et qu’il n’honorerait ses engagements que lorsqu’on lui opposait le même «langage».

C’est à dire, le langage de la violence. Une épée de Damoclès est ainsi suspendue sur la tête de «Joseph».

Des informations difficiles à vérifier laissent que les villes de Bukavu et de Kindu pourraient «basculer» dès ce week-end dans le camp du M23. Intox ?

Quarante-huit heures après la prise du chef-lieu du Nord Kivu, un semblant de «vie normale» est de retour.

Les Gomatraciens recommencent à vaquer à leurs occupations.

Mardi soir, les «nouveaux maîtres» de cette province - lesquels assurent vouloir éviter les «erreurs de jeunesse» commises jadis par LD Kabila et l’AFDL – ratissaient large. Dans un message radiodiffusé, ils ont invité les agents de police à venir se faire «enregistrer».

Un nouveau «Gouverneur» ?

On apprenait mercredi soir que le Mouvement se proposait de désigner «par acclamations» l’homme d’affaires Victor Prigogine Ngezayo Kambale, 69 ans, au poste de gouverneur du Nord Kivu.

Si cette information était confirmée, ce serait un véritable pied de nez fait à «Kabila». Né au Congo d’une mère tutsie et d’un père russe, «Victor» a toujours revendiqué sa citoyenneté zaïro-congolaise.

Le 13 août 2008, son frère aîné, Albert Prigogine Ngezayo Safari, a été abattu alors qu’il était au volant de son véhicule.

Ce meurtre que la famille Ngezayo qualifie d’"assassinat" a été commis à Goma à quelques mètres de la résidence du gouverneur. Pour cette famille, « Albert » a été « éliminé » par la «maffia militaro-financière qui tue à l’Est et qui a pris le contrôle de l’appareil d’Etat».

C’est ainsi que l’enquête menée sur cette affaire n’a jamais abouti. «Ce sont des militaires gradés, membres de votre armée, qui ont préparé l’assassinat.

C’est un des hommes d’affaires les plus influents de la province, très proche des autorités de la ville, qui en fut le commanditaire (...)», souligne la famille Ngezayo dans une lettre ouverte adressée à « Joseph Kabila » en juin 2010 rappelant au passage l’annonce faite le 30 juin 2009 par le chef d’Etat congolais de «réformer la justice et de mettre fin à l’impunité.»

«Minimalisme»

Depuis le déclenchement, en avril dernier, du mouvement insurrectionnel mené par des éléments FARDC labelisés CNDP, les deux têtes de l’exécutif national donnent l’impression de souffrir d’une sorte d’"autisme politique" consistant à minimiser la situation sur le terrain.

Jusqu’en ce mois de novembre, «Joseph Kabila» et Augustin Matata Ponyo - c’est d’eux qu’il s’agit – semblent faire une lecture «minimaliste» de la crise au Nord Kivu.

«Le gouvernement a certes perdu la bataille mais pas la guerre», a déclaré, mercredi 21 novembre, sans rire, le «Premier». Et d’ajouter : «La victoire est à nous !». Devrait-on parler de cécité politique ?
En fait, Matata n’a fait que suivre l’exemple venu d’en haut. Lors d’une interview accordée à un quatuor de journalistes kinois en juillet dernier, « Joseph Kabila » ne disait pas autre chose.

A l’époque, les localités de Kiwanja, Rumangabo et Rutshuru se trouvaient déjà sous le contrôle des forces de M23. Pour lui, ce n’était que «des batailles qui ont été perdues». Rien que des «batailles»?

Selon l’Ong «Médecins sans Frontières», pas moins de 100.000 Nord Kivutiens seraient en errance suite aux derniers affrontements. Il y a lieu de craindre une catastrophe humanitaire

Le précédent Mushake

Au lendemain de la défaite des FARDC face aux combattants du CNDP-Nkunda à Mushake en octobre 2008, «Joseph Kabila» s’est empressé de signer un accord secret en décembre de cette année avec le maître de Kigali.

Le chef d’Etat congolais avait littéralement déposé les armes aux pieds du satrape rwandais qui soutenait en sous main le CNDP. C’est le point de départ de la fameuse opération « Umoja Wetu » et autre « Kimya » qui ont permis à l’armée rwandaise de déployer ses hommes sur le sol congolais.

Et ce à la stupeur générale. Réduit au rang de "caniche", "Kabila" se pliait aux quatre volontés du "puissant voisin Paul".

A quelques mois de la tenue de l’élection présidentielle en novembre 2011, «Joseph Kabila» a, à la demande de son homologue rwandais, entamé des pourparlers avec les leaders Hutu des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR).

A l’ordre du jour, le transfert des combattants de cette milice des environs de Walikale-Masisi au Kivu vers la province du Maniema. But : éloigner ces opposants armés des frontières de leur pays, le Rwanda.

C’est un officier belge proche du PS André Flahaut qui menait les négociations. Il s’agit de Jean-Pierre Breyne. Un ancien des services des renseignements militaires (SGR).

Question : Après la prise de Goma par le M23, quelles sont les concessions que « Joseph Kabila » a pu donner à Paul Kagame qui semble désormais le tenir fermement par la barbichette ? En tous cas, l’opinion congolaise tient "Joseph" à l’œil.

Joseph Kabila contesté

Dès le lendemain de la chute de Goma, deux mots revenaient sans cesse dans les milieux congolais tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays : «haute trahison».

Les soldats FARDC, eux, se disent excédés par les "ordres" et "contre-ordres" que « Joseph Kabila » a l’habitude de donner aux troupes en opération : « Il faut avancer » ; « Il faut suspendre les opérations». Les troupes se plaignent par ailleurs de graves dysfonctionnements au niveau du commandement.

Il semble que la grande majorité des commandants serait des anciens chefs miliciens propulsés au grade de major ou de colonel sans avoir passé un seul jour dans une école militaire.

Depuis la prise de Goma par le M23, on assiste à une montée en puissance d’une vague «antikabiliste». Une situation sans précédent. Arrivé au pouvoir suprême, il y a bientôt douze ans, « Joseph Kabila » a rarement été chahuté comme c’est le cas actuellement.

A Kisangani, les étudiants se sont attaqués aux symboles du régime dont le siège provincial du parti présidentiel et celui du « MSR » du conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité Pierre Lumbi Okongo.

A Kinshasa, les étudiants de l’université de Kinshasa et ceux des instituts supérieurs ont marché mercredi 21 novembre dénonçant «les complices internes du M23 et du Rwanda».

Des policiers ont lancé de gaz lacrymogènes pour disperser les protestataires. Quid de la « mobilisation générale » décrétée par le «raïs» ?

Mercredi, des manifestations ont eu lieu à Bunia et à Bukavu. Au niveau politique, des voix s’élèvent au niveau politique exigeant la "démission" de l’actuel locataire du Palais de la nation.

A force de réprimer les manifestants, « Joseph » et ses sbires ne risquent-ils pas de générer un effet psychologique inattendu en jetant la «population opprimée» dans les bras d’un nouveau "libérateur"?

Au moment de boucler ce «papier», on apprenait que le « général » Amisi Kumba, alias Tango four, chef d’état-major des forces terrestres a été suspendu.

Accusé dans un rapport des Nations unies d’être un des «dealers» en armes des bandes armées qui fleurissent dans les deux Kivu, l’homme est un proche parmi les proches de « Joseph Kabila ».

Amisi a appris sa « suspension » à Bukavu où il se trouve présentement.

Pour les observateurs, le numéro un Congolais feint de sévir contre l’indiscipline alors qu’il a toujours laissé faire. C’est une vocation qui vient trop tard. «C’est une décision destinée à calmer l’opinion tant intérieure qu’extérieure, commente un expert.

Il y a peu, une enquête de la BBC avait mis en cause cet officier dans une affaire d’exploitation clandestine de minerais. L’homme n’avait même pas écopé d’un simple blâme.

Joseph Kabila pouvait-il ignorer les agissements d’un de ses hommes de confiance?».

Pour les mêmes observateurs, le communiqué publié à Kampala par Kabila, Kagame et Museveni demandant au M23 de se retirer de Goma ne serait qu’une "farce".

Les jours, semaines et mois à venir seront riches en rebondissements. L’heure de vérité a sans doute sonné pour «Joseph Kabila» et ses affidés.

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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