mercredi 14 novembre 2012

Les «toxicomanes du pouvoir»

"Joseph Kabila" arborant un look pour le moins original. 

«Le pouvoir gâte les petits et améliore les grands», disait un éminent membre de l’Académie française.

Au pouvoir depuis 1987 à la suite d’un coup d’Etat sanglant, le président burkinabe, Blaise Compaore, dont le dernier mandat expire en 2015 se prépare à tripatouiller la Constitution de son pays. But : faire sauter le «verrou constitutionnel» qui limite le nombre de mandat présidentiel pour rempiler.

Des «mauvaises langues» laissent entendre qu’à défaut d’atteindre cet objectif, «Blaise» caresserait l’idée d’une "succession dynastique". Le poste pourrait revenir à son frère cadet prénommé François. Celui-ci est candidat aux élections législatives prévues en 2013.

Arrivée au pouvoir au Cameroun cinq années avant Compaoré, le président Paul Biya vient de totaliser trois décennies à la tête de l’Etat. «Elu» et «réélu» successivement en 1984, 1988 et 1992, l’homme a jugé de bon de modifier une Constitution taillée sur mesure en revoyant à la hausse la durée du mandat présidentiel portée à sept ans, renouvelable une fois.

C’était en 1996. Réélu en 1997, Biya, âgé de 80 ans, devrait sans doute se succéder à lui-même en 2013 pour un nouveau mandat – un dernier? - de sept ans.

Plus loin du continent noir, en Argentine, pays émergent d’Amérique du Sud, la présidente Cristina Kirchner dont le deuxième et dernier mandat prend fin en 2015 serait sur le point d’organiser une révision de la Constitution pour lui permettre de briguer un troisième mandat.

Pendant ce temps, les Argentins broient du noir. En cause, une politique économique qualifiée de désastreuse. La côte de popularité de la présidente serait au plus bas.

Le pouvoir rendant autiste, Kirchner est la seule à ne pas voir l’évidence à savoir que 80% de ses concitoyens sont opposés à sa reconduction à la tête de l’Etat. Imaginative, la dame a trouvé une «arme fatale» pour contourner l’érosion de sa cote d’amour. Elle se propose, dès l’année prochaine, de ramener l’âge de la majorité à 16 ans. Cette opération verrait arriver un million de nouveaux électeurs.

A Kinshasa, il se raconte que «Joseph Kabila» a chargé deux de ses «adorateurs», en l’occurrence Evariste Boshab et Christophe Lutundula Apala, d’étudier la mise en route d’une révision constitutionnelle.

Une révision constitutionnelle de plus. Pour quoi faire ? Il s’agit, indique-t-on, d’allonger la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans et de supprimer la limitation de celui-ci.

Si cette information était confirmée, on s’achemine lentement mais sûrement vers une "présidence à vie" à moins qu’il s’agisse d’une "monarchie républicaine". Signe de temps, la "dynastie des Kabila" s’est "enrichi" de deux acteurs politiques. Il s’agit de Zoé et de Jaynet "Kabila", "élus" députés nationaux lors des législatives du 28 novembre 2011.

Promulguée en février 2006, la loi fondamentale congolaise en vigueur a déjà fait l’objet de plusieurs amendements : élection présidentielle à un tour, suppression formelle de la proclamation de l’indépendance du pouvoir judiciaire, révision à la baisse des prérogatives des institutions provinciales au profit du président de la République etc.

Bien qu’il n’y ait guère de sondages d’opinions dignes de ce nom, «Joseph Kabila» bat tous les records d’impopularité. En cause, la stagnation économique, la misère sociale et l’autoritarisme.

Pire, l’occupation, depuis six mois, par le M23, d’une portion de la province du Nord Kivu a mis à nu l’incurie et l’incapacité de l’Etat kabiliste à assumer ses missions régaliennes dont la défense du territoire et le maintien de l’ordre aux quatre coins du pays.

En onze ans passés à la tête de l’Etat, «Joseph Kabila» a démontré qu’il n’a qu’un seul souci : la consolidation au jour le jour de son pouvoir. L’institution «président de la République» a fini par phagocyter les autres institutions que sont le Parlement, le Gouvernement et les Cours et Tribunaux.

Le «système Kabila» a reproduit tous les «défauts» ayant entraîné la descente aux enfers et la chute du régime de Mobutu : concentration des pouvoirs, violence, arbitraire, impunité, corruption, népotisme, tribalisme et régionalisme. Sans oublier la gabegie.

Compaoré, Biya et «Kabila» ont commun de se croire «indispensable» à leurs peuples respectifs. Le pouvoir d’Etat est devenu, pour eux, une sorte de drogue. Quitter le pouvoir équivaut pour eux à être privé de la "dose" quotidienne. Bref, être en manque.

Et pourtant, ces chefs d’Etat, dont le clair du temps est consacré aux voyages à l’étranger, à la gestion de leurs affaires privées et à préserver leurs privilèges, ont cessé de faire rêver leurs concitoyens depuis belle lurette.

Ces chefs d’Etat ressemblent à des «toxicomanes du pouvoir». Des dangereux toxicomanes qui ne laissent guère de choix à leurs populations. Des populations qui aspirent au Changement et à un minimum de bonheur.

Restons au Congo-Kinshasa. Comme lors des consultations nationales organisées en janvier et février 1990 et à l’occasion des travaux de la Conférence nationale souveraine, la population congolaise crachera, tôt ou tard, son indignation sur la face du "toxicomane national du pouvoir" qui a pris en otage le destin de toute une nation.

C’est le fameux "Ata Ndele", chanté jadis par Adou Elenga...

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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