dimanche 25 novembre 2012

RDC, un calvaire sans fin

 

La République démocratique du Congo fait la une de l’actualité africaine dans la presse allemande. Après la prise de Goma par les rebelles du M23 les journaux ont les yeux rivés sur cette région martyre du Congo.

Le Tagesspiegel de Berlin résume ces souffrances par ce titre : »L’éternel retour de la guerre ». Aucune autre région en Afrique, écrit le journal, ne présente un tel potentiel de conflit et une telle confusion politique que l’est du Congo. Les milices rivales y sont nombreuses, les crimes atroces.

Depuis l’éclatement de la première guerre du Congo en 1998, cinq millions de personnes auraient trouvé la mort. Et le nombre de victimes augmente d’année en année car aucune solution n’est en vue.

La prise de Goma, souligne plus loin le journal, accentue le risque d’une nouvelle guerre.

Le mélange d’intérêts portés aux matières premières et à la sécurité fait de cette région une poudrière. Nombre d’observateurs pensent que le Rwanda, du simple fait de sa surpopulation, mais aussi parce que l’est du Congo a été négligé, mettra tout en oeuvre pour annexer durablement les provinces.

Dans ces conditions une paix durable est difficile à imaginer sans un redécoupage territorial de la région.

Rebelles du M23 à Goma

Pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung, Goma, la perle du Kivu, est de nouveau tombée aux mains de voleurs. Cette fois-ci les voleurs s’appellent M23, appellation qui se réfère à la date de leur intégration dans l’armée congolaise, le 23 mars 2009.

En mai dernier, rappelle le journal, toute la bande a deserté parce qu’elle se sentait mal traitée. La chute de Goma, note le journal, a une forte portée symbolique.

Qui contrôle cette ville ne contrôle pas seulement l’est sauvage du Congo, mais influe aussi de manière décisive sur ce qui se passe dans la lointaine Kinshasa.

La chute du dictateur Mobutu Sese Seko, rappelle le journal, a commencé avec la prise de Goma par l’armée rwandaise à la fin des années 90. C’était l’époque où les gigantesques camps de réfugiés apparus à Goma dans le sillage du génocide de 1994, étaient devenus une base militaire pour les génocidaires rwandais.

En ce sens la nouvelle chute de la ville peut tout à fait être perçue comme le début de la fin pour le président Joseph Kabila.

Les président Kagame, Museveni et Kabila à Kampala (de g. à dr.)

La fin de l’ère Kabila?

Cette opinion est partagée par d’autres journaux. Par exemple dietageszeitung avec ce titre: « l’ère Joseph Kabila touche à sa fin ».

Depuis la réunification, il y a près de dix ans, de la République démocratique Congo, lit-on dans un éditorial de ce journal, une illusion a empêché la reconstruction de ce pays détruit par la dictature et la guerre, l’illusion de croire qu’il suffit d’avoir à Kinshasa un gouvernement reconnu pour que les 70 millions de Congolais aient un sentiment de démocratie et de progrès dans un pays de la taille de l’Europe de l’ouest, sans infrastructures.

Il est significatif que personne ne se soit sérieusement opposé à l’entrée des rebelles dans Goma, pas même les quelques milliers de casques bleus de l’ONU.

La communauté internationale, s’interroge le journal, aurait-elle compris qu’il ne vaut pas la peine de mouiller sa chemise pour un gouvernement qui ne peut ni se défendre ni mobiliser le peuple en sa faveur.

Si tel était le cas, souligne le journal, ce serait à saluer. En ce sens la prise de Goma par le M23 est une chance pour le Congo et l’Afrique toute entière.

Elle ouvre la porte à une réflexion de fond sur les réformes nécessaires dans un pays dont la guérison est une condition préalable au progrès de l’Afrique.

Le gouvernement congolais doit dialoguer avec ses ennemis – des amis, il n’en a pratiquement plus.

Soldats de l’ONU à Goma

La discussion, la négociation, c’est également ce que demande un quotidien suisse de langue allemande, la Neue Zürcher Zeitung. Bien que supérieures en nombre au M23, les forces armées congolaises n’ont pas eu le dessus sur la rébellion.

Une fois de plus il apparait que la réforme de l’armée, exigée par les donateurs et encouragée à coup de millions, est restée un tigre de papier. Kabila est un général sans armée.

Il ne peut compter non plus sur la troupe de l’ONU, tant que l’ennemi ménage plus ou moins la population civile. Kabila n’a d’autre choix que de négocier avec le M23 et le Rwanda.

Combattants islamistes dans le Nord-Mali
Alliances mouvantes au Nord-Mali

La presse n’oublie pas tout à fait le Mali, malgré la présence écrasante de la RDC. De violents combats ont eu lieu récemment près de Gao entre Touaregs du MNLA et islamistes du Mujao.

Cela inspire un article à la Süddeutsche Zeitung. Jamais les insurgés dans le nord du Mali n’ont été unis, écrit le journal. Leurs objectifs sont pour cela trop différents.

Dans leur raid de conquête à travers le Sahara, ils ont noué des alliances de circonstance qui ont rarement tenu longtemps. Mais à présent, poursuit le journal, ils se tirent dessus.

Pour les journalistes occidentaux, il est difficile d’évaluer le rapport de forces sur place. Les chefs de groupes présents sur le terrain diffusent beaucoup de propagande douteuse et les observateurs étrangers indépendants ne peuvent se rendre dans cette zone tant le risque d’enlèvement est élevé.

Une seule chose est sûre, poursuit le journal: aucun groupe ne veut finir comme perdant, et aucun n’est à lui seul suffisamment fort pour tenir ses positions. Les alliances sont donc changeantes.

Le temps où les islamistes pouvaient consolider leur pouvoir en toute tranquillité à Tombouctou, Gao et Kidal est probablement révolu.

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