Soldat de la Force Publique
- " Mon azda,, c'est quoi l'indépendance ? ". Il prononçait "dipanda".
- En résumé, cela veut dire qu'à partir de ce moment là et petit à petit, le gouvernement sera composé, d'abord de blancs et de noirs et, plus tard, de noirs exclusivement, dans le civil et dans l'armée.
- Alors les officiers et les sous-ofrficiers seront tous des noirs? C'est donc eux qui commanderont?
- Ben oui.
- Et de quelles tribus seront-ils?
- De toutes les tribus, des Kikongo, des Bangala, Ngombe, Mongo, Basoka, Batetela, Bena-Lulua, Baluba Kasaï, enfin de toutes.
- Mais cela n'ira pas, mon azda !
- Et pourquoi ?
- Parce que moi, je suis Moluba-Kasaï. Et si mon supérieur était un Bena-Lulua ?
In petto, je me dis "voilà déjà la lutte des classes qui commence !"
- Et pourquoi cela n'irait-il pas ?
- Si mon supérieur est un autre qu'un Moluba-Kasaï, il me punira sans motif. Tu peux imaginer cela?
Vous les blancs, vous ne faites pas de différence, pour vous nous sommes tous des Congolais.
- Mais,Mulwembe, tous ces gradés iront à l'école militaire et ils apprendront qu'ils ne peuvent pas faire de différence, qu'ils ne peuvent pas punir sans motif.
- Tu, te (non,non). Vous, Européens, à l'armée, ba-wallon et ba-flamand vous êtes tous égaux, mais nous, nous ne sommes pas assez civilisés pour cela.
- Mais, si on vous donne l'indépendance, c'est que certains congolais pensent que vous êtes assez évolués.
- Tout va changer si vous partez tous. "Mabé" (mauvais).
- Mais dis donc, Mulwembe, qui attend l'indépendance avec impatience, les blancs ou les noirs ? Qui raconte à Léopoldville, au camp militaire, que tous les européens devront partir? Nous ou vous ?
- C'est vrai. A Léo, beaucoup de gradés et de soldats se rendent le soir dans des maisons où des frères font de grandes promesses, comme par exemple; Tout ira mieux quand vous ne serez plus là. Ils disent aussi qu'après la "dipenda", au lieu de recevoir les rations, nous recevrons l'argent pour acheter tout ce dont nous avons besoin, que tout le monde aura la même paie, qu'il faudra d'abord vous punir et ensuite vous faire partir.
- Sais-tu, pourquoi les blancs ont décidé de donner le "posho" (nourriture) au lieu de donner l'argent?
- Je pense que c'est parce que vous aimez compliquer les choses. Ce serait plus simple, plus facile pour vous.
- C'est vrai, mais voici une raison. Toi qui es protestant, tu ne bois pas d'alcool, bière ou masanga. Mais dans ta section, il y a le soldat Lunbafu?
- Oui.
- Si on lui donne l'argent, que penses-tu qu'il en fera?
- Il ira au village, il se saoûlera, il ira coucher avec des ndumbas (femmes célibataires)...
- Voilà, tu as compris.
- Tu as raison, mon azda, et je vais te dire: il y a deux mois, je suis allé à Léo chercher un contingent de soldats et j'y ai entendu de bien vilaines choses. Il était question des blancs, des militaires surtout.
- Quoi par exemple?
- Le jour de la "dipanda", il faudra vous mettre tous au cachot, sauf le blanc qui aura été méchant.
Celui-là, il faudra le tuer et lui prendre sa femme s'il est marié.
- Tout cela c'est "bolema" (sottise). Et qui raconte de pareilles choses? Des militaires?
- Non, mon azda, ce sont les "évolués", les "civils...
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Extrait de "Les tams-tams se sont-ils tus?" de Oswald-Paul Monnier.
Le Temps des Colons
- " Mon azda,, c'est quoi l'indépendance ? ". Il prononçait "dipanda".
- En résumé, cela veut dire qu'à partir de ce moment là et petit à petit, le gouvernement sera composé, d'abord de blancs et de noirs et, plus tard, de noirs exclusivement, dans le civil et dans l'armée.
- Alors les officiers et les sous-ofrficiers seront tous des noirs? C'est donc eux qui commanderont?
- Ben oui.
- Et de quelles tribus seront-ils?
- De toutes les tribus, des Kikongo, des Bangala, Ngombe, Mongo, Basoka, Batetela, Bena-Lulua, Baluba Kasaï, enfin de toutes.
- Mais cela n'ira pas, mon azda !
- Et pourquoi ?
- Parce que moi, je suis Moluba-Kasaï. Et si mon supérieur était un Bena-Lulua ?
In petto, je me dis "voilà déjà la lutte des classes qui commence !"
- Et pourquoi cela n'irait-il pas ?
- Si mon supérieur est un autre qu'un Moluba-Kasaï, il me punira sans motif. Tu peux imaginer cela?
Vous les blancs, vous ne faites pas de différence, pour vous nous sommes tous des Congolais.
- Mais,Mulwembe, tous ces gradés iront à l'école militaire et ils apprendront qu'ils ne peuvent pas faire de différence, qu'ils ne peuvent pas punir sans motif.
- Tu, te (non,non). Vous, Européens, à l'armée, ba-wallon et ba-flamand vous êtes tous égaux, mais nous, nous ne sommes pas assez civilisés pour cela.
- Mais, si on vous donne l'indépendance, c'est que certains congolais pensent que vous êtes assez évolués.
- Tout va changer si vous partez tous. "Mabé" (mauvais).
- Mais dis donc, Mulwembe, qui attend l'indépendance avec impatience, les blancs ou les noirs ? Qui raconte à Léopoldville, au camp militaire, que tous les européens devront partir? Nous ou vous ?
- C'est vrai. A Léo, beaucoup de gradés et de soldats se rendent le soir dans des maisons où des frères font de grandes promesses, comme par exemple; Tout ira mieux quand vous ne serez plus là. Ils disent aussi qu'après la "dipenda", au lieu de recevoir les rations, nous recevrons l'argent pour acheter tout ce dont nous avons besoin, que tout le monde aura la même paie, qu'il faudra d'abord vous punir et ensuite vous faire partir.
- Sais-tu, pourquoi les blancs ont décidé de donner le "posho" (nourriture) au lieu de donner l'argent?
- Je pense que c'est parce que vous aimez compliquer les choses. Ce serait plus simple, plus facile pour vous.
- C'est vrai, mais voici une raison. Toi qui es protestant, tu ne bois pas d'alcool, bière ou masanga. Mais dans ta section, il y a le soldat Lunbafu?
- Oui.
- Si on lui donne l'argent, que penses-tu qu'il en fera?
- Il ira au village, il se saoûlera, il ira coucher avec des ndumbas (femmes célibataires)...
- Voilà, tu as compris.
- Tu as raison, mon azda, et je vais te dire: il y a deux mois, je suis allé à Léo chercher un contingent de soldats et j'y ai entendu de bien vilaines choses. Il était question des blancs, des militaires surtout.
- Quoi par exemple?
- Le jour de la "dipanda", il faudra vous mettre tous au cachot, sauf le blanc qui aura été méchant.
Celui-là, il faudra le tuer et lui prendre sa femme s'il est marié.
- Tout cela c'est "bolema" (sottise). Et qui raconte de pareilles choses? Des militaires?
- Non, mon azda, ce sont les "évolués", les "civils...
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Extrait de "Les tams-tams se sont-ils tus?" de Oswald-Paul Monnier.
Le Temps des Colons

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