L’ancienne ministre de la Culture du Mali s’est vu refuser le renouvellement de son visa de circulation.
La France fait-elle payer à Aminata Traoré son opposition à la guerre menée au nord du Mali ? La question mérite d’être posée, après le refus des autorités consulaires françaises de délivrer un visa à l’essayiste, militante altermondialiste et ancienne ministre de la Culture du Mali.
Aminata Traoré était invitée par la Fondation Rosa-Luxemburg, le journal Prokla et l’association AfricAvenir à participer à une conférence à Berlin, du 17 au 19 avril, sur le thème « Le Mali à la croisée des chemins, après l’intervention militaire et avant les élections ». Son visa de circulation de quatre ans ayant expiré en février, elle a demandé au consulat de France son renouvellement, aussitôt refusé.
Finalement, c’est le consulat d’Allemagne à Bamako qui lui a délivré, en urgence, un sauf-conduit lui permettant de se rendre à Berlin. Avec consigne formelle de quitter le territoire allemand le 19 avril. Un autre invité, Oumar Mariko, secrétaire général du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), s’est vu, lui, refuser tout document.
À son retour, Aminata Traoré a été convoquée au consulat d’Allemagne, soucieux de vérifier qu’elle n’avait pas prolongé son séjour. D’après l’intéressée, la France aurait fait pression sur ses partenaires européens pour les dissuader de lui délivrer un visa Schengen.
Interdite d’escale en France, elle a dû passer, au retour, par Istanbul et Dakar. Soit un voyage épuisant, qui aura duré vingt-six heures.
Quant aux réunions publiques auxquelles Aminata Traoré devait participer en France cette semaine, elles se dérouleront sans elle.
« Je ressens un sentiment d’injustice d’autant plus profond que cette question des visas renvoie à un sérieux contentieux entre la France et les Maliens, s’indigne-t-elle. Il est désormais clair que je suis diabolisée pour mes idées.
De quel dialogue, de quelle solidarité, de quelle réconciliation la France parle-t-elle si, en plus de vivre dans un pays sous occupation militaire, nous sommes interdits de circulation ? »
Dès le début de l’opération «Serval», Aminata Traoré s’est opposée de manière virulente à cette intervention militaire française, dans laquelle elle voit une entreprise néocoloniale. « La guerre qui a été imposée aujourd’hui au Mali n’est pas une guerre de libération du peuple malien, mais une guerre de pillage des ressources, (…) une guerre de positionnement pour une ancienne puissance coloniale », faisait-elle valoir, fin mars, au Forum social mondial, à Tunis.
On peut partager ou contester cette lecture de la grave crise que traverse le Mali. Mais empêcher que s’exprime une voix qui compte en Afrique, en privant cette intellectuelle de la liberté de circulation, voilà qui nous éloigne des belles intentions démocratiques affichées, à Bamako et Tombouctou, par le président Hollande.
Rosa Moussaoui
L'Humanité
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