jeudi 11 avril 2013

RDC : La peur bleue du M23

11/04/2013

Sultani MAKENGA

Même si les pourparlers ont repris depuis 15 avril 2013 à Kampala, le M23 ne sait à quel saint se vouer. Conseillé par le Rwanda, il multiplie de discours contre la Brigade d’intervention, en même temps il demande au Parlement et au peuple sud-africain de faire changer d’avis leur gouvernement pour éviter un bain de sang.

Pour le lieutenant-colonel Prosper Félix Basse de la Monusco, les activités de propagande menées par le M23 ne vont pas modifier les dispositions qui ont déjà été prises au niveau des Nations Unies concernant le déploiement de cette force.

Le Gouvernement qui dit être allé à Kampala finaliser ce qu’il a commencé avec le M23 à la demande de la CIRGL, ne doit pas être distrait par des questions de procédure, au moment où il faut effectivement mettre un terme à ces travaux pour permettre le déploiement de la force de l’ONU.

C’est vraiment la panique générale qui est constatée dans le camp du M23. Depuis un certain temps, ce mouvement rebelle multiplie des initiatives, dont la première est l’organisation d’une marche de protestation pour démontrer son hostilité face à l’envoi d’une Brigade d’intervention qui a reçu mission de traquer le M23 et d’autres forces négatives qui pullulent à l’Est de la Rd Congo.

La population qui est attachée à l’intégrité du territoire national et qui subit chaque jour les souffrances lui infligées par les rebelles du M23 ne pouvait pas cautionner cette activité. Mais plusieurs personnes, des jeunes en majorité, ont refusé de participer à la manifestation.

Ces personnes ont trouvé refuge vers les localités de Kabagana et Kabuhanga, à la frontière entre la Rdc et le Rwanda. Ce qui aurait contraint les rebelles à annuler la marche, apprend-t-on des sources proches de la Monusco.

Une autre initiative et non des moindres, ce sont les lettres que le M23 aurait adressées aux parlementaires sud-africains et à l’ONU. Selon des sources sûres, après la polémique en Afrique du Sud autour de la mort des soldats sud-africains en Centrafrique, la rébellion du M23 a envoyé une lettre au Parlement sud-africain pour dénoncer la participation annoncée des troupes sud-africaines à la nouvelle brigade d’intervention rapide de l’ONU.

Une brigade qui aura pour mandat de combattre les groupes armés dans l’Est, M23 compris. Dans cette lettre, le M23 demande au Parlement et au peuple sud-africain de faire changer d’avis leur gouvernement pour éviter un bain de sang.

S’exprimant au sujet de cette lettre aux députés Sud-Africains, Bertrand Bisimwa, président du M23 raconte sur Rfi qu’il s’agit d’une initiative pour combattre les troupes du M23.

« Il ne s’agit pas d’une promenade de santé. Nos militaires ne vont pas accepter que l’on tire sur eux sans qu’ils se défendent. Nos unités vont se défendre, alors il y aura échange de coups de feu … »

Pour résoudre la crise, il pense qu’il faut qu’on aille sur la table de négociation. Qu’on nous amène la force pour nous traquer, pour venir nous tuer, nous pensons que ce n’est pas la solution qu’il faut et ça risque d’amener un bain de sang.

Les parlementaires sud-africains qui sont au courant de la résolution 2098 adoptée par le Conseil de sécurité et qui savent les efforts menés par leur pays pour la paix en Rd Congo, ne pourront pas donner une suite favorable à cette démarche inopportune de Bertrand Bisimwa qui se trouve être aux abois.

La coopération entre la Rd Congo et l’Afrique du Sud n’a pas commencé aujourd’hui.

Elle a pris son envol lors de la rencontre sur le bateau entre Laurent-Désiré Kabila et le président Mobutu. Elle s’est accentuée avec l’organisation des pourparlers de Sun City où le rôle de la République sud-africaine n’était pas à démontrer.

Espérer aujourd’hui que le pays de Nelson Mandela va trahir la Rd Congo, c’est se tromper lourdement. En plus, si le M23 tente d’attaquer les soldats de l’ONU, elle trouvera du répondant.

Les assurances de la Monusco

Le M23 n’a pas seulement écrit aux parlementaires sud-africains, mais aussi à l’ONU craignant le drame humanitaire. Réagissant à ces propos, Madnodje Mounoubai, porte-parole de la Monusco trouve un peu bizarre le message contenu dans cette lettre, d’autant que c’est le M23 qui est à l’origine de la crise.

Il dit qu’il ne faut pas déplacer la responsabilité pour dire que c’est la Brigade d’intervention qui va venir insécuriser la population.

Le lieutenant-colonel Prosper Félix Basse ne pense pas que les activités de propagande menées par le M23 puissent changer ou modifier les dispositions qui ont déjà été prises au niveau des Nations Unies concernant le déploiement de cette force.

« Nous avons des objectifs bien précis que nous comptons quand même atteindre conformément à la résolution qui nous a été donnée », a-t-il déclaré.

La Monusco a dénoncé la stigmatisation de la brigade de la Monusco par le M23 qui l’accuse de vouloir créer l’insécurité au sein de la population du Kivu. Pour le lieutenant-colonel Prosper Félix Basse, la Brigade d’intervention sera déployée pour sécuriser aussi la population.

« La brigade d’intervention qui va être déployée en Rdc fera partie intégrante de la Monusco. Et ce n’est pas parce qu’elle aura pour mission de neutraliser les groupes armés qu’elle a un mandat complètement différent, parce que dans cette mission, la préoccupation majeure c’est la protection des populations civiles qui reste d’actualité », a souligné le lieutenant-colonel Prosper Félix Basse.

Par ailleurs, le lieutenant-colonel Prosper Félix Basse a insisté sur la mobilité de la brigade d’intervention de la Monusco. « Aujourd’hui nous avons déjà un Etat-major réduit qui est entrain de travailler à Goma.

La brigade d’intervention ne sera pas basée à Goma. Son état-major pourrait être à Goma mais cette brigade doit mener des actions offensives de grande mobilité. Et dans son organigramme, elle a aussi bien des forces spéciales que d’autres forces qui auront pour mission d’aller traquer les groupes armés et les neutraliser », a-t-il poursuivi.

La peur bleue du M23

Pour le chef de la délégation du M23 aux pourparlers de Kampala qui cite le ministre des Affaires étrangères de la Rd Congo, il dit que la résolution souligne de manière contradictoire qu’il n’y a pas d’autre solution en Rdc que par la voie pacifique et politique mais en même temps elle initie la guerre…

« La délégation du M23 est ici avec sa volonté de faire la paix et pense que l’approche qui consiste à dialoguer pour la guerre et non pour la paix n’est pas ce qui l’a amené ici. Elle pense que le dialogue est l’unique voie pour la paix et que l’on ne saurait combiner les deux approches.

Elle pense également que les efforts régionaux doivent être couronnés par un accord qui vide les racines de la guerre, c’est-à-dire les causes profondes des conflits à l’Est. Donc, elle espère du côté de la délégation du gouvernement une prise de position qui tranche et fait de ces assises un dialogue de paix et non un passe-temps pour la guerre ».

Réagissant à ces propos, l’Abbé Apollinaire Malu-Malu ne pense pas que le M23 qui a passé son temps à faire de discours contrairement au règlement intérieur des travaux peut lui donner une quelconque leçon. « On ne peut pas faire croire à l’opinion que c’est le gouvernement de la République Démocratique du Congo qui est à la base de la résolution 2098.

Nous savons que c’est la CIRGL qui est à la base de cette résolution. Je pense qu’il faut tout de même avoir un peu de mémoire historique et essayer de savoir qu’il y a eu au départ deux processus engagés par la CIRGL en même temps : le processus du dialogue et le processus de la force internationale neutre qui a abouti à la brigade d’intervention ».

Que faire ?

Le M23, à l’exemple de son parrain le Rwanda, est entrain de se préparer à toute éventualité. Le Gouvernement peut bien faire de demander à la population de ne pas paniquer, mais il ne devra pas dormir sur ses lauriers.

Ceci, parce que le M23 a montré à la face du monde sa capacité de nuisance et qu’il ne se laissera pas faire. Non seulement qu’il promet un bain de sang aux troupes qui seront envoyées dans le cadre de la Brigade d’intervention, c’est aussi la population qui sera dans une insécurité totale.

Le Gouvernement qui dit être allé à Kampala pour finaliser ce qu’il a commencé avec le M23 sur demande de la CIRGL, ne doit pas être distrait par des questions de procédure, au moment où il faut effectivement mettre un terme à ces travaux pour permettre le déploiement de la force de l’ONU.

Sinon, le M23 risque de freiner les travaux à Kampala, une stratégie savamment concoctée pour empêcher la traque des forces négatives.

Selon plusieurs observateurs, le M23 n’a pas d’autres choix que d’intégrer le mécanisme DDR (démobilisation, désarmement et réinsertion). Cela, par rapport à la loi portant statut des FARDC promulguée il y a peu par le Chef de l’Etat.

Cette loi détermine les modalités pratiques pour faire catégorie des hommes de rang, des officiers et de sous-officiers. Il ne sera plus question de les intégrer au sein des FARDC, parce que ce sont des gens qui portent des armes, des gens qualifiés des forces négatives.

Pour les forces négatives qui vont s’auto-dissoudre, le Gouvernement va évaluer, les dénombrer par provinces pour pouvoir les démobiliser tout simplement, tout en récupérant les armes et en les insérant dans la vie civile.

Les mutins du M23, étant donné qu’ils sont organisés dans le but de se faire de l’argent à travers l’exploitation illicite des ressources naturelles de la Rd Congo, ils n’ont pas de raisons valables de se battre contre le Gouvernement de la République, d’autant qu’ils violent, pillent et la population qui est en perpétuelle déplacement souffre de la faim, les enfants ne vont pas à l’école.

[L’Avenir]

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire