le 26/09/2013
Les racines d'un arbuste africain, le Nauclea latifolia, produisent exactement la même molécule que celle qui est utilisée dans le célèbre antidouleur de synthèse.
Nauclea orientalis
C’est le processus inverse de celui du biomimétisme. Au lieu de mettre les inventions au profit de l’homme, les chercheurs des laboratoires pharmaceutiques ont inventé... ce qui existait déjà dans la nature.
Les mauvais esprits y verront une leçon pour les adeptes de la chimie pure. D’autres seront confortés dans leur confiance en la médecine par les plantes.
Le service de presse de l’Inserm, lui, se fend d’un joli pléonasme en parlant d’une «découverte inédite».
Il faut reconnaître que l’histoire est belle. A l’origine, une collaboration entre l’Institut de neurosciences de Grenoble (Inserm, université Joseph-Fourier, CNRS) et l’université de Buéa au Cameroun.
Dans cette dernière, Germain Sotoing Taiwe s’intéressait aux vertus thérapeutiques d’un petit arbuste, Nauclea latifolia, autrement appelé pêcher africain, que l’on trouve dans toute l’Afrique sub-saharienne.
Les feuilles, la sève et les racines de cette plante sont utilisées par la médecine traditionnelle africaine pour soigner toutes sortes de maladies comme l’épilepsie, les fièvres, le paludisme... et la douleur.
A Grenoble, le directeur de recherche Michel De Waard a analysé la molécule qui se trouve en abondance dans les racines du Nauclea latifolia. Et là, surprise:
«Nous avons constaté que cette molécule ne nous était pas inconnue. Elle était identique au Tramadol, un médicament de synthèse mis au point dans les années 1970 et utilisé couramment dans le traitement de la douleur.
Ce traitement est utilisé dans le monde entier car ses effets secondaires, notamment de dépendance, sont moins prononcés que ceux de la morphine dont il est dérivé.»
Ainsi, la nature produit rien de moins qu’une forme simplifiée de la morphine, car c’est bien la caractéristique du Tramadol. Exactement la même molécule que celle que les chimistes ont créée de toute pièce.
Tandis que le monde entier prend des pilules de Tramadol (12 euros la boite chez Sandoz), les Africains se soignent de la même façon avec quelques racines de pêcher.
A gauche, la molécule de Tramadol, simplification de celle de la morphine (à droite). Source: Inserm
La surprise des chercheurs français a été telle qu’ils ont fait confirmer leur analyse par trois laboratoires indépendants travaillant sur des échantillons différents prélevés à différentes périodes de l’année.
Pas de doute, l’écorce ses racines de Nauclea latifolia contient bien du... Tramadol. En revanche, la molécule n’est pas présente dans le tronc, les branches et les feuilles. Le «laboratoire» est sous terre.
La prudence a poussé les chercheurs à suspecter une contamination des échantillons par du Tramadol chimique. Des prélèvements à l’intérieur des racines ont donné le même résultat.
La concentration de Tradamol dans les extraits d’écorce séchés atteint 0,4% à 3,9% «soit des niveaux très élevés de principe actif», note l’Inserm.
Voici donc que les Africains disposent d’une source inépuisable de Tradamol local quasi-gratuit. Michel De Waard va analyser les dix espèces différentes de l’arbuste en Afrique afin de d’identifier celles qui contiennent du Tramadol. Mauvaise nouvelle pour les firmes pharmaceutiques. Les chercheurs viennent de faire perdre un marché d’un milliard d’habitants.
Excellente nouvelle pour la médecine traditionnelle africaine dont les décoctions d’écorces de racines se retrouvent promues au niveau des pilules de la médecine «moderne».
_____________ Michel Alberganti
Slate.fr
Les racines d'un arbuste africain, le Nauclea latifolia, produisent exactement la même molécule que celle qui est utilisée dans le célèbre antidouleur de synthèse.
Nauclea orientalis
C’est le processus inverse de celui du biomimétisme. Au lieu de mettre les inventions au profit de l’homme, les chercheurs des laboratoires pharmaceutiques ont inventé... ce qui existait déjà dans la nature.
Les mauvais esprits y verront une leçon pour les adeptes de la chimie pure. D’autres seront confortés dans leur confiance en la médecine par les plantes.
Le service de presse de l’Inserm, lui, se fend d’un joli pléonasme en parlant d’une «découverte inédite».
Il faut reconnaître que l’histoire est belle. A l’origine, une collaboration entre l’Institut de neurosciences de Grenoble (Inserm, université Joseph-Fourier, CNRS) et l’université de Buéa au Cameroun.
Dans cette dernière, Germain Sotoing Taiwe s’intéressait aux vertus thérapeutiques d’un petit arbuste, Nauclea latifolia, autrement appelé pêcher africain, que l’on trouve dans toute l’Afrique sub-saharienne.
Les feuilles, la sève et les racines de cette plante sont utilisées par la médecine traditionnelle africaine pour soigner toutes sortes de maladies comme l’épilepsie, les fièvres, le paludisme... et la douleur.
A Grenoble, le directeur de recherche Michel De Waard a analysé la molécule qui se trouve en abondance dans les racines du Nauclea latifolia. Et là, surprise:
«Nous avons constaté que cette molécule ne nous était pas inconnue. Elle était identique au Tramadol, un médicament de synthèse mis au point dans les années 1970 et utilisé couramment dans le traitement de la douleur.
Ce traitement est utilisé dans le monde entier car ses effets secondaires, notamment de dépendance, sont moins prononcés que ceux de la morphine dont il est dérivé.»
Ainsi, la nature produit rien de moins qu’une forme simplifiée de la morphine, car c’est bien la caractéristique du Tramadol. Exactement la même molécule que celle que les chimistes ont créée de toute pièce.
Tandis que le monde entier prend des pilules de Tramadol (12 euros la boite chez Sandoz), les Africains se soignent de la même façon avec quelques racines de pêcher.
A gauche, la molécule de Tramadol, simplification de celle de la morphine (à droite). Source: Inserm
La surprise des chercheurs français a été telle qu’ils ont fait confirmer leur analyse par trois laboratoires indépendants travaillant sur des échantillons différents prélevés à différentes périodes de l’année.
Pas de doute, l’écorce ses racines de Nauclea latifolia contient bien du... Tramadol. En revanche, la molécule n’est pas présente dans le tronc, les branches et les feuilles. Le «laboratoire» est sous terre.
La prudence a poussé les chercheurs à suspecter une contamination des échantillons par du Tramadol chimique. Des prélèvements à l’intérieur des racines ont donné le même résultat.
La concentration de Tradamol dans les extraits d’écorce séchés atteint 0,4% à 3,9% «soit des niveaux très élevés de principe actif», note l’Inserm.
Voici donc que les Africains disposent d’une source inépuisable de Tradamol local quasi-gratuit. Michel De Waard va analyser les dix espèces différentes de l’arbuste en Afrique afin de d’identifier celles qui contiennent du Tramadol. Mauvaise nouvelle pour les firmes pharmaceutiques. Les chercheurs viennent de faire perdre un marché d’un milliard d’habitants.
Excellente nouvelle pour la médecine traditionnelle africaine dont les décoctions d’écorces de racines se retrouvent promues au niveau des pilules de la médecine «moderne».
_____________ Michel Alberganti
Slate.fr
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