samedi 16 novembre 2013

Est de la RDC, ces guerres…au nom des Tutsis!?

Jeudi 14 novembre 2013
 

1996 : la guerre qui allait emporter le régime trentenaire de Mobutu éclate, quelque part au Sud-Kivu, dans l'est de la République Démocratique du Congo. 


En première ligne se trouvent les Banyamulenge – ces Tutsis Congolais vivant principalement dans les plateaux de Mulenge au Sud-Kivu et dont la citoyenneté zaïroise était déniée par les caciques du Mouvement populaire de la Révolution, parti-Etat. 

Ils ont pour principaux alliés, si pas meneurs, d’autres Tutsis – étrangers, ceux-là – les militaires de l’Armée Patriotique Rwandaise venus de l’autre côté de la rivière Ruzizi, chez le minuscule voisin de la RDC, le Rwanda, où ils venaient fraîchement de renverser le régime du Hutu et ami personnel de Mobutu, le général Juvénal Habyarimana.

Deux ans plus tard, presque jour pour jour, alors que la rébellion de l’AFDL dans laquelle les Banyamulenge et d’autres Tutsis Congolais s’étaient tant investis dirige désormais le pays, avec à sa tête Laurent-Désiré Kabila, une autre rébellion éclate : le Rassemblement Congolais pour la Démocratie. 


Elle fait suite à l’endurcissement de ton – appelons- le comme cela – par Laurent-Désiré Kabila à l’égard de ses parrains Tutsis (Congolais et Rwandais). Soutenu également par le Rwanda, le RCD occupera jusqu’à la moitié du territoire national et durera jusqu’à la transition politique de 2003. 

Entretemps, le « traître » Laurent-Désiré Kabila – « traître » aux yeux des Tutsis et du Rwanda ayant substantiellement contribué à le faire installer au pouvoir – aura été assassiné dans des circonstances encore troubles à ce jour. Victime de la revanche des Tutsis qui lui en voulaient de les avoir trahis ? C’est l’une des hypothèses plausibles...

En 2003, à la suite d'âpres négociations entre Kinshasa et ses rébellions, un Tutsi (Munyamulenge) occupera le poste de vice-président pour la première fois dans l'histoire du Congo, en la personne d’Azarias Ruberwa Manywa, tandis que de nombreux autres seront déversés dans l’armée, la police, les services des renseignements et l’administration publique. 


Pour la première fois aussi, en 2006, un Tutsi – le même Azarias Ruberwa – sera candidat à l’élection présidentielle. Pourtant, à peine le « nouveau président » Joseph Kabila élu, d’autres Tutsis tentent une rébellion : Jules Mutebusi et Laurent Nkunda. 

Ayant échoué au Sud-Kivu, ce dernier émigre au Nord-Kivu où il crée, quelques mois plus tard, le « Congrès National pour la Défense du Peuple » (CNDP). En réalité, c’est un « Congrès pour la défense des Tutsis » qu’il estime marginalisés, forcés à l’exile au Rwanda et dans d’autres pays, et menacés par les rebelles Hutu rwandais installés au Congo depuis 1994. 

Au fur et à mesure des péripéties, on ira jusqu’à la création, début 2012, de l'actuel « Mouvement du 23 Mars » (M23) qui occupait encore il y a quelques jours une partie importante du Nord-Kivu.

De Azarias Ruberwa, Bizima Karaha, à Bosco Ntaganda, Sultani Makenga, en passant par Laurent Nkunda, les chefs de guerre Tutsis qui mènent les rébellions en République Démocratique du Congo prétendent lutter pour les droits de leurs frères Tutsis : droit à la nationalité, droit à être considérés dans la vie nationale, droit à retourner au pays pour les exilés, etc. 


Mais la main du régime Tutsi du Rwanda n’est jamais loin de toutes ces intrigues guerrières, si bien que les Tutsis sont de plus en plus indexés – collectivement, hélas ! – comme étant en grande partie à la base des souffrances endurées par les populations congolaises. 

L’idée qu’il y aurait un plan d’instaurer un empire Tutsi-Hima dans la région, ou encore d’opérer la partition de l’Est de la RDC à leur faveur a fait long feu.

 


Le président "Joseph Kabila", accusé à tort ou à raison d’incompétence est lui-même taxé de Tutsi ou de Rwandais. Mais bien sûr l’exacerbation, parmi les autres Congolais, du ressentiment envers les Tutsis n’est pas l’unique conséquence de ces rébellions menées en leur nom. 

D’une part, outre les millions de morts depuis 1996, des millions de gens ont dû fuir leurs maisons et leurs villages pour s’installer en lieux relativement plus sûrs au pays ou à l’étranger. 

La perte des biens, l’abandon de l’école pour des millions d’enfants, le viol massif des femmes, …sont autant d’autres conséquences. 

D’autre part, la situation des Tutsis Congolais ne s’est guère améliorée; bien au contraire. Des milliers d’entre eux vivent en exile depuis des décennies, et les guerres que l’on mène en leur nom sont loin de leur permettre un retour serein, voir un retour tout court.

Bref, comme le résumait si bien dans une interview Enock Ruberangabo, le franc président de la communauté Banyamulenge de la RDC, les Tutsis Congolais sont « doublement victimes » des guerres chroniques que connaît la République Démocratique du Congo : comme d’autres Congolais, tout d’abord, ils vivent au quotidien les violences, l’exile et la misère ; et comme Tutsis, ils sont désignés comme étant les coupables, marginalisés, exclus, haïs, honnis par les autres communautés. 


Or, bien peu parmi les Tutsis ordinaires sont ceux qui trouvent leur compte dans cette folie, dont seuls quelques officiers militaires, hommes d’affaires et politiciens connaissent les tenants et les aboutissants. 

On en dirait autant, d’ailleurs, pour les autres groupes armés soi-disant communautaires (Hunde, Hutu, Lega, Nyanga, Tembo, Shi, etc.), dont seule une poignée de manipulateurs sont toujours bénéficiaires, et qui n’en embrasent pas moins les communautés tribales et ethniques, en les opposants les unes aux autres.

Alors, ces guerres et ces violences valent-elles vraiment la peine ? A qui profite-t-elles réellement ? Rarement à ceux dont elles portent abusivement le nom, qu’ils s’appellent Tutsi, Hunde, Lega, Hutu, Nyanga, Nande ou Tembo. 


Le jour où la population aura intériorisé cette réalité, personne ne pourra plus se servir de l’instrumentalisation ethnique pour justifier ou essayer de légitimer les violences. 

Et heureusement que ce jour est en train de poindre à l’horizon, puisque de plus en plus de gens réalisent combien on est tous perdants dans la guerre ; combien les guerres qui opposent les uns aux autres ont toujours leur manipulateur, au pays ou à l’étranger, qui en tire partie et qui a intérêt à ce qu’elles perdurent.
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Jean-Mobert N’Senga

VERITAS 

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