mardi 24 décembre 2013

Une recommandation pour la restauration d'une paix structurelle et la stabilité en RDC

L'armée congolaise a mis en déroute le M23 soutenu par le Rwanda et l'Ouganda et a décrété la fin de son règne de terreur contre le peuple congolais. 


FARDC
 
Afin de soutenir cette victoire et apporter des améliorations durables à la stabilité et la sécurité dans la région, il est essentiel de comprendre pourquoi, après un si long temps, ces efforts pour vaincre un groupe de miliciens soutenu par le Rwanda ont enfin porté des fruits.

Les facteurs suivants ont joué un rôle décisif :

1. Le groupe M23 a été affaibli, plus tôt durant cette année, suite à une scission interne qui a conduit un nombre estimé à 600 de ses membres à chercher refuge au Rwanda. Le chef de l'une des ailes, Bosco Ntaganda, a été remis à la Cour pénale internationale pour être jugé .

2 . Par des manifestations et rassemblements, le peuple congolais a fait de plus en plus pression sur le gouvernement pour qu'il défende la Nation et fournisse aux soldats les équipements nécessaires pour protéger les populations.

3 . L'armée congolaise dans la province du Nord -Kivu a été restructurée et réorganisée pour mieux orchestrer les opérations offensives.

4 . Les Nations Unies ont élaboré la résolution 2098, l'ont mise en œuvre en Mars 2013 et ont envoyé une nouvelle forte brigade d'intervention ( FIB ) composée de 3000 soldats de l'Afrique du Sud , de la Tanzanie et du Malawi. Le FIB a renforcé et soutenu les forces armées congolaises fraîchement mieux équipées.

5 . Après 17 ans durant lesquelles une virtuelle carte blanche a été délivrée au régime rwandais et ses interventions récurrentes en RDC, et le ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni et le Secrétaire d'État des États-Unis ont, tous deux, appelé le président Paul Kagame et lui ont signifié avec insistance l'importance de son non-implication. 


Le président Kagame a été sommé de s'abstenir d'envoyer des renforts au M23 pendant qu'il était confronté à l'armée congolaise et la Forte Brigade d'Intervention de l'ONU. 

La pression politique internationale exercée sur le président Paul Kagame et le régime rwandais est sans doute le facteur le plus déterminant qui a résulté en la défaite de la milice M23.

Après 17 années caractérisées par l'impunité et le manque de responsabilisation sur la déstabilisation de l'Est du Congo, les deux dernières années, (sponsorisée principalement par le Rwanda et dans une moindre mesure l'Ouganda par leur soutien à la milice M23 ) a poussé Washington à agir . 


Une série de facteurs ont contribué à la prise d'une position réticente des États-Unis envers son allié clé dans la région des Grands Lacs d'Afrique . Des rapports de l'ONU qui ont démontré le soutien du Rwanda pour le M23 ont conduit les États-Unis à suspendre l'aide militaire à son allié indéfectible, en l'été 2012.

Sur la base des conclusions de l'ONU, un certain nombre de pays européens ont suivi l'exemple et ont suspendu leur aide au Rwanda. Et quelques mois seulement, les règles du jeu ont changé.

En Novembre 2012, le M23 renforcé par le Rwanda s'est emparé de Goma ( une ville avec environ 1 million d'habitants ) et a humilié les près de 20 000 soldats de la force de l'ONU qui sont au Congo pour clairement protéger les civils congolais.

Subséquemment, des rapports de l'ONU ont documenté sur le rôle des soldats rwandais dans la prise de la ville par le M23 . Les Etats-Unis ont sanctionné le Rwanda, à l'automne 2013, pour son soutien au M23, qui a continué à recruter et à enlever des enfants, et ont, à nouveau, suspendu leur aide militaire au régime de Paul Kagame.

Jusqu'à récemment, les États-Unis ont été largement silencieux sur la déstabilisation du Congo par ses alliés, en dépit d'une loi promulguée depuis 2006 qui en appelle sans équivoque à les tenir pour responsables ( l'article 105 du US Public Law 109-456 , autorise le Secrétaire d'État à refuser l'aide aux pays voisins qui déstabilisent le Congo ) .


Des preuves accablantes du rôle déstabilisateur que le Rwanda et l'Ouganda ont joué sont bien documentées et certains acteurs internationaux ont cherché à leur faire rendre des comptes.

En 2005, la Cour internationale de justice a statué contre l'Ouganda dans une affaire incluant des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et le pillage des richesses au Congo. 


Le tribunal a jugé que le Congo avait droit à des milliards de dollars en réparations à la suite des crimes de l'Ouganda au Congo.

En 2008 , les tribunaux espagnols, en vertu du principe de la loi sur la compétence universelle, ont émis un mandat d'arrêt international contre 40 hauts responsables du Rwanda pour des crimes qu'ils ont commis à la fois au Rwanda et au Congo .

Les documents établissent que le président Paul Kagame lui-même aurait dû être inculpé si les chefs d'Etat en fonction ne jouissaient pas de l'immunité pour un tel acte d'accusation.

Cette même année-là, et les Pays-Bas et la Suède ont suspendu leur aide au Rwanda pour son soutien, en RDC, de la milice Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) qui est le précurseur et le parent du M23

Bien que de nombreux autres milices restent actives en RDC et doivent être neutralisées afin de stabiliser l'Est du Congo, tout reportage responsable se doit d'admettre que le M23 est unique dans son genre et est plus symptomatique d'une problématique régionale et internationale que celle d'un seul niveau national . 


M23 n'est pas simplement « une milice », c'est une force militaire proxy qui a été à plusieurs reprises renforcée et soutenue par les Etats voisins.

Forts de leur statut d'alliés des États-Unis, le Rwanda et l'Ouganda ont été libres d'agir en toute impunité dans la région tout en étant à l'abri des institutions de la justice mises en place pour assurer la reddition de comptes. 


Malgré les monticules de preuves, ni les États-Unis , ni l'ONU n'ont placé aucun des dirigeants rwandais de très haut niveau recommandés par le Groupe d'experts de l'ONU sur sa liste des sanctions - un signe certain de la faveur et la protection continues qui ont alimenté le cycle d' agressions militaires et de l'instabilité dans l'Est du Congo.

Tant qu'une plus forte action politique ne sera pas entreprise et que les acteurs violents ne seront pas déférés à la justice, l'histoire indique que ce cycle est susceptible de se répéter . 


Le M23 constitue la dernière reproduction de soi-disant rébellions qui ont , en fait, été une série de milices soutenues par le Rwanda et l'Ouganda depuis 1996 . 

Ces milices soutenues par le Rwanda sont: l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo - Zaïre(AFDL), 1996 - 1997 ; le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) de 1998 à 2003 ; le Congrès National pour la Défense du Peuple ( CNDP ) , 2004-2009 ; et l'actuel M23 ​​, 2012 .

Le Rwanda abrite toujours les chefs de milices qui sont soit sur ​​la liste des sanctions de l'ONU et des États-Unis ou recherchés par le gouvernement congolais pour crimes de guerre au Congo, notamment Jules Mutebusi, Laurent Nkunda et Jean -Marie Runiga, et, l'Ouganda est en possession de Sultani Makenga. Ces personnes et d'autres responsables de très haut niveau dans le régime rwandais doivent être jugés.

Bien qu'il y ait actuellement beaucoup de célébration autour de la «défaite du M23», il est important de comprendre que la paix finira par être restaurée structurellement en RDC que si et seulement si au moins trois conditions suivantes sont remplies:

1. Le Rwanda et l'Ouganda doivent cesser définitivement leurs 17 ans d' interventions et d'agressions militaires en RDC. Bien que les États-Unis et le Royaume-Uni ont mis la pression sur le Rwanda pour lui faire abandonner son soutien au M23, la pression doit être maintenue sur le Rwanda et l'Ouganda pour qu'ils abandonnent définitivement leurs interventions en RDC.

2 . Le peuple congolais doit avoir un gouvernement légitime qui correspond à sa volonté et bénéficie de son soutien, le plus largement possible . Le gouvernement actuel, qui manque de légitimité, a principalement contribué à exacerber le conflit et à commettre de graves bévues diplomatiques aux niveaux régional, continental et international .

3 . Enfin, et surtout, ce n'est lorsque le peuple congolais contrôlera et de déterminera son propre destin que la paix durable, la stabilité et la dignité humaine peuvent enfin être restaurés au cœur de l'Afrique .

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KAMBALE Musavuli, porte- parole de « Friends of Congo », un groupe d'activistes qui mène un plaidoyer et conscientise mondialement sur la tragique crise au Congo.
Traduit de l'anglais par Hélène Madinda 

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