21 janvier 2014
Une femme, Catherine Samba-Panza, a été désignée par les parlementaires le 20 janvier présidente par interim jusqu'aux prochaines élections. Dans un pays en proie aux violences, la tâche de la maire de Bangui s'annonce "titanesque".
La maire de Bangui, Catherine Samba-Panza, après sa désignation à la présidence par interim de la République centrafricaine, le 20 janvier 2014 - AFP / Issouf SANOGO
Elle s'appelle Catherine. Catherine Samba-Panza, 58 ans, née à N'Djamena [au Tchad], de père camerounais et de mère centrafricaine dont elle a adopté la nationalité.
Maire de Bangui, la capitale de la Centrafrique, c'est désormais sur ses épaules que repose la lourde charge de sortir le pays de l'ornière.
En effet, hier lundi 20 janvier, il a plu au Conseil national de transition (CNT) de jeter son dévolu sur cette quinquagénaire dans la course à la succession à Michel Djotodia, démis de ses fonctions [le 10 janvier] pour "incompétence".
Une femme portée au sommet de l'Etat pour réussir là où un homme a échoué ? Sous nos tropiques, c'est un pari rarissime pour ne pas être souligné.
Certains veulent y voir le signe d'un tournant dans cette crise qui n'en finit pas de pousser, chaque jour que Dieu fait, la Centrafrique au bord de l'abîme. Qui connaît les qualités morales et l'esprit républicain à toute épreuve qu'on prête à la nouvelle impétrante comprendra le choix du Parlement de transition.
Soit dit en passant, retenons que selon le Guide des prénoms, Catherine, qui vient du grec Kathara, signifie "pure". "Entièrement tournée vers les autres. Diplomate, elle est souvent sollicitée en cas de discorde dans un groupe.
Catherine se donne toujours les moyens de réussir", ajoute ledit guide. Comme on le dit chez nous, pourvu que Catherine de Bangui, à l'instar de Catherine d'Alexandrie ou de Catherine de Médicis, deux personnalités qui ont marqué leur époque, réponde à son nom.
Plus à plaindre qu'à envier
Et tout porte à croire que son accession aux commandes de ce navire ivre qu'est devenue la Centrafrique s'annonce sous d'heureux auspices.
En effet, réunis à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères viennent d’approuver [le 20 janvier] le lancement d'une opération militaire en renfort aux troupes françaises et africaines déjà sur le théâtre des opérations.
Et ce n'est pas tout. Les pays donateurs ayant consenti à délier les cordons de la bourse pour une aide de 500 millions de dollars [370 millions d'euros] en 2014.
Il n'empêche, la tâche qui attend Dame Catherine est loin d’être une sinécure.
Malgré tout le bien qu'on dit d'elle et les bons augures qui semblent accompagner son élection à la tête de la transition, elle est plus à plaindre qu'à envier, tant les défis qui l'attendent sont titanesques : restaurer la sécurité dans un pays en proie à la vendetta imposée par les ex-rebelles de la Séléka [à majorité musulmane, au pouvoir depuis mars 2013 jusqu'à la chute de leur dirigeant, Michel Djotodia] et leur vis-à-vis, les anti-Balaka [milices d'auto-défense chrétiennes], réorganiser une administration publique quasi-inexistante, réconcilier les communautés religieuses, organiser des élections libres et transparentes en si peu de temps.
C'est vrai que depuis le départ de Michel Djotodia, une certaine embellie est apparue dans le ciel orageux de la Centrafrique. Comme le retour de certains réfugies dans leurs domiciles, et le début de "recasernement", même timide, des FACA, les soldats fidèles au président renversé [en mars 2013] François Bozizé. Mais comme dit le dicton, une hirondelle ne fait pas le printemps.
Seule, c'est la noyade assurée
En dépit de la présence des 1 600 soldats français de l'opération Sangaris et des 4 400 de la force africaine (Misca), la situation sécuritaire reste préoccupante.
Les violences intercommunautaires continuent de saigner le pays de Barthélemy Boganda [père fondateur de la République centrafricaine]. Le week-end dernier, la Croix-Rouge a recensé une cinquantaine de tués et l'ONU dit craindre un génocide à la rwandaise.
En tout cas, la nouvelle présidente semble bien prendre la mesure de l’énormité de sa tâche. A peine élue, elle a lancé un "appel vibrant" aux miliciens chrétiens et combattants musulmans à déposer les armes, dans un discours devant les parlementaires.
"Manifestez votre adhésion à ma nomination en donnant un signal fort de dépôt des armes", a-t-elle demandé, pour faire "cesser la souffrance des populations" après des mois de violences sanglantes.
Mais il faudra plus que les implorations de Catherine de Bangui pour calmer le tumulte des eaux de l'Oubangui-Chari [ancien nom de la République centrafricaine]. Toutefois, cette caution seule de ses compatriotes ne suffit pas, il faut absolument que la communauté internationale la soutienne.
Seule au milieu du gué, c'est la noyade assurée. Alors il faudra une réelle implication de l'ensemble des parties prenantes à cette crise pour tourner cette page sombre de l'histoire politique de la Centrafrique. A commencer par ceux-là mêmes qui ont investi Mme Samba-Panza de cette mission périlleuse.
L'Observateur Paalga
Abdou Karim Sawadogo
Une femme, Catherine Samba-Panza, a été désignée par les parlementaires le 20 janvier présidente par interim jusqu'aux prochaines élections. Dans un pays en proie aux violences, la tâche de la maire de Bangui s'annonce "titanesque".
La maire de Bangui, Catherine Samba-Panza, après sa désignation à la présidence par interim de la République centrafricaine, le 20 janvier 2014 - AFP / Issouf SANOGO
Elle s'appelle Catherine. Catherine Samba-Panza, 58 ans, née à N'Djamena [au Tchad], de père camerounais et de mère centrafricaine dont elle a adopté la nationalité.
Maire de Bangui, la capitale de la Centrafrique, c'est désormais sur ses épaules que repose la lourde charge de sortir le pays de l'ornière.
En effet, hier lundi 20 janvier, il a plu au Conseil national de transition (CNT) de jeter son dévolu sur cette quinquagénaire dans la course à la succession à Michel Djotodia, démis de ses fonctions [le 10 janvier] pour "incompétence".
Une femme portée au sommet de l'Etat pour réussir là où un homme a échoué ? Sous nos tropiques, c'est un pari rarissime pour ne pas être souligné.
Certains veulent y voir le signe d'un tournant dans cette crise qui n'en finit pas de pousser, chaque jour que Dieu fait, la Centrafrique au bord de l'abîme. Qui connaît les qualités morales et l'esprit républicain à toute épreuve qu'on prête à la nouvelle impétrante comprendra le choix du Parlement de transition.
Soit dit en passant, retenons que selon le Guide des prénoms, Catherine, qui vient du grec Kathara, signifie "pure". "Entièrement tournée vers les autres. Diplomate, elle est souvent sollicitée en cas de discorde dans un groupe.
Catherine se donne toujours les moyens de réussir", ajoute ledit guide. Comme on le dit chez nous, pourvu que Catherine de Bangui, à l'instar de Catherine d'Alexandrie ou de Catherine de Médicis, deux personnalités qui ont marqué leur époque, réponde à son nom.
Plus à plaindre qu'à envier
Et tout porte à croire que son accession aux commandes de ce navire ivre qu'est devenue la Centrafrique s'annonce sous d'heureux auspices.
En effet, réunis à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères viennent d’approuver [le 20 janvier] le lancement d'une opération militaire en renfort aux troupes françaises et africaines déjà sur le théâtre des opérations.
Et ce n'est pas tout. Les pays donateurs ayant consenti à délier les cordons de la bourse pour une aide de 500 millions de dollars [370 millions d'euros] en 2014.
Il n'empêche, la tâche qui attend Dame Catherine est loin d’être une sinécure.
Malgré tout le bien qu'on dit d'elle et les bons augures qui semblent accompagner son élection à la tête de la transition, elle est plus à plaindre qu'à envier, tant les défis qui l'attendent sont titanesques : restaurer la sécurité dans un pays en proie à la vendetta imposée par les ex-rebelles de la Séléka [à majorité musulmane, au pouvoir depuis mars 2013 jusqu'à la chute de leur dirigeant, Michel Djotodia] et leur vis-à-vis, les anti-Balaka [milices d'auto-défense chrétiennes], réorganiser une administration publique quasi-inexistante, réconcilier les communautés religieuses, organiser des élections libres et transparentes en si peu de temps.
C'est vrai que depuis le départ de Michel Djotodia, une certaine embellie est apparue dans le ciel orageux de la Centrafrique. Comme le retour de certains réfugies dans leurs domiciles, et le début de "recasernement", même timide, des FACA, les soldats fidèles au président renversé [en mars 2013] François Bozizé. Mais comme dit le dicton, une hirondelle ne fait pas le printemps.
Seule, c'est la noyade assurée
En dépit de la présence des 1 600 soldats français de l'opération Sangaris et des 4 400 de la force africaine (Misca), la situation sécuritaire reste préoccupante.
Les violences intercommunautaires continuent de saigner le pays de Barthélemy Boganda [père fondateur de la République centrafricaine]. Le week-end dernier, la Croix-Rouge a recensé une cinquantaine de tués et l'ONU dit craindre un génocide à la rwandaise.
En tout cas, la nouvelle présidente semble bien prendre la mesure de l’énormité de sa tâche. A peine élue, elle a lancé un "appel vibrant" aux miliciens chrétiens et combattants musulmans à déposer les armes, dans un discours devant les parlementaires.
"Manifestez votre adhésion à ma nomination en donnant un signal fort de dépôt des armes", a-t-elle demandé, pour faire "cesser la souffrance des populations" après des mois de violences sanglantes.
Mais il faudra plus que les implorations de Catherine de Bangui pour calmer le tumulte des eaux de l'Oubangui-Chari [ancien nom de la République centrafricaine]. Toutefois, cette caution seule de ses compatriotes ne suffit pas, il faut absolument que la communauté internationale la soutienne.
Seule au milieu du gué, c'est la noyade assurée. Alors il faudra une réelle implication de l'ensemble des parties prenantes à cette crise pour tourner cette page sombre de l'histoire politique de la Centrafrique. A commencer par ceux-là mêmes qui ont investi Mme Samba-Panza de cette mission périlleuse.
L'Observateur Paalga
Abdou Karim Sawadogo
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