02 jan, 2014
Les événements qui se sont déroulés simultanément ce 30 décembre 2013 à Kinshasa, à Lubumbashi et à Kindu ne cessent de susciter un déferlement de commentaires et fantasmes de tous genres.
Carnage à Kinshasa
A ce jour, aucune analyse sérieuse ni article de presse n’est parvenu de faire la lumière sur les tenants et aboutissants ce que l’on qualifie déjà de l’ « Affaire Mukungubila ».
Les premières réactions lues, vues et entendues ici et là font transparaître la précipitation et le manque de recul dans la lecture de ces événements car empreintes d’une dose élevée d’émotivité qui a obnubilé chez plusieurs la faculté d’analyse froide, fouillée et réfléchie.
Fidèle à sa devise « Connaitre pour Agir », DESC essaie de livrer une analyse technique au départ de quelques pistes d’enquête, en se basant sur des techniques d‘analyse criminologiques.
Selon l’analyste et expert en diplomatie Henri Kamande Nzuzi qui nous a fait part de sa première analyse, « concernant ce qu’il se passe actuellement, je pense qu’il ne faut y voir qu’un énième avertissement à Kabila venant de la garde rapprochée de Numbi et des katangais.
Par la nomination de Bisengemana comme chef national de la police, Numbi est définitivement écarté après qu’on lui ait à plusieurs reprises promis une réhabilitation par le pouvoir.
Les katangais se sentent floués et sont frustrés depuis un bon moment, ils ont l’impression de perdre le pouvoir au profit d’autres provinces.
Kamerhe en avait fait les frais devenant trop puissant, de plus, ils ont tous en tête 2016. Comment expliquez-vous le fait que Kabila n’arrive toujours pas à mettre en place un nouveau gouvernement?
Le Katanga veut la part du lion en prévision des prochaines élections, mais Kabila résiste, chaque fois qu’il y a une attaque/menace des Bakata Katanga au Katanga tout le monde sait que ce sont les balubakat qui sont derrière avec évidemment Numbi et ses simbas.
Il est étonnant que cette attaque arrive juste après la confirmation de Bisengemana comme chef de la police. Il devenait dérangeant, trop puissant… Bon c’est mon analyse mais, je crois foncièrement que le vers est dans le fruit du pouvoir et que la guerre est avant tout interne.
Le renforcement des anciens mobutistes autour de Kabila, n’est pas au gout de « ses frères » katangais… les évènements d’aujourd’hui sont pour moi juste un avertissement à qui de droit qu’ils peuvent attaquer même à Kinshasa... ». Une analyse que nous partageons. M. Nzuzi est responsable de la radio en ligne : www.mbote.info)
1°) Trois villes symboliques pour le régime de Kabila
La première question que l’on se pose est de savoir pourquoi les attaques simultanées à Kinshasa, Lubumbashi et Kindu ? Cela renvoie directement à constater que ces trois villes ont une importance non seulement géo-sociopolitique pour le président Kabila mais aussi stratégique vu l’importance que revêtent ces villes pour quiconque analyse le fonctionnement du régime depuis 2001.
D‘abord, Kinshasa reste indubitablement le siège des institutions et le centre névralgique de l’Etat et de la diplomatie en RDC. Qui ne contrôle pas Kinshasa ne contrôle pas encore la RDC. Donc attaquer Kinshasa et monter la fragilité de ses institutions et de son dispositif sécuritaire revient à montrer la faiblesse du régime.
Ainsi, pendant plus de quatre heures durant, Kinshasa est demeurée sans chef, tous les officiels militaires et politiques ont brillé par leur absence pendant que les assaillants se faisaient maîtres de la capitale au point que la rumeur d’un coup ‘état imminent se répandit come une trainée de poudre aux quatre coins du monde.
Et dans cette confusion totale, le pouvoir était effectivement dans la rue avant que le démineur médiatique, le ministre Mende vienne rassurer la population sans vraiment convaincre l’opinion.
Ce n’est que vers 16 heures que DESC est parvenu à joindre ses différents contacts partout dans le pays, particulièrement dans les différents services de sécurités de l’armée, de la police, des renseignements militaires et civils, des responsables politiques et autres sources expatriées locales.
A notre grande surprise, ces contacts, soi-disant de hauts niveaux, comptaient plutôt sur DESC pour leur fournir plus d‘informations et d’analyses sur ces événement qu’ils étaient plutôt censés être les premiers à nous informer car devant être sur le front de l’action.
Que nenni ! Presque tous étaient à la bonne planque. Le régime a tremblé car Kinshasa a eu vraiment peur !
Puis Lubumbashi qui en plus d’être la capitale du poumon économique de la RDC, Katanga, est également le fief ethnorégional du président Kabila. La province qui, aux côtés des ressortissants Tutsi-Banyamulenge » pourvoit l’essentiel du pré-carré sécuritaire du « raïs », notamment au sein de l’ethnie Balubakat.
Le Katanga se taille également la part du lion dans la distribution des postes politiques et étatiques en RDC depuis 1997. Tenez, depuis son élecvtion en 2006, tous les ministres de la Défense sont Katangais (Chikez Diemu, Mwando Simba, Luba Tambo),
Sur le plan sécuritaire, les hommes fors du régime sont :
le général-major Dieudonné Banze Lubunji (Lubakat, ex-FAZ, issu de la 8ème promotion de l’EFO-Kananga). Banze dirige la garde républicaine (GR) présidentielle composée essentiellement de Katangais provenant en majorité de l’ethnie Lubakat à laquelle est associée Kabila. Une garde prétorienne dont les dernières estimations recensent environ 18.600 hommes dont 6.000 surarmés, qui n’a été que partiellement ‘brassée’ et échappe au contrôle effectif du chef d’état-major général des FARDC.
Le général-Major Damas Kabulo (Lubakat de mère Tutsi, issu de la 6ème promotion de l’EFO), je Secrétaire général du ministère de la Défense, est un ex-FAZ du Service d’actions et de renseignement militaire (SARM).
Kabulo a dirigé la DEMIAP jusqu’à l’assassinat de L.D. Kabila. Il deviendra le chef de la Maison militaire du chef de l’Etat lorsque Joseph Kabila est devenu président. le général Kabulo est cité actuellement comme l’éminence grise sur le plan militaire de Kabila.
Les Balubakat : le général de brigade Jean-Claude Yav Kabej (chef des renseignements militaires : Démiap) et Kalev Mutond (chef du service de renseignement civil, ANR) ont joué un rôle-clé dans les contacts secrets entretenus entre Kinshasa et Kigali durant la guerre contre le M23.
D’autres Katangais dans les institutions et sécurité:
Trois katangais à la tête des 3 des 11 régions militaires
Numéro RM Province Commandant Province d’origine
7ème Maniema Gen-Bde Bobo Kakudji Katanga
9ème Province Orientale Gen-Maj. Jean-Claude Kifwa Kambili Katanga
11ème Kinshasa Gen-Bde. Abdallah Nyembo Betu. Il remplace du Gen-Maj. Nabyolwa(Kivu) Katanga
Les Katangais dans le secteur de la défense et sécurité et autres secteurs stratégique en RDC
Fonction Nom Origine Observations
Ministre de la Défense Alexandre Luba Ntambo Katanga Pharmacien de formation
Secr. Gén de la Défense nat. Vice-amiral D. Kabulo Lubakat Mère Tutsi. Proche des Tutsi du RCD
Chef d’EM Renseignements militaires (Démiap) [1] Gen-Bde Jean-Claude Yav Kabej (Katanga) Il succède au Gen Kitenge Tundwa. Un Katangais marié à uneTutsi
Chef EM particulier adjoint du Chef de l’Etat Gen-Maj Constantin Ilunga Kapambu Katanga (Mulubakat) Il seconde le Gen Célestin Mbala, en suspension
Commandant de la garde républicaine (GR) Gen-Maj Dieudonné Banze Lubunji Katanga (Mulubakat)
1er Président de la Haute cour militaire Gen Bde Delphin Nyembo Yabuzilu Katanga
Directeur de l’ANR Colonel Kalev Mutond Katanga (Mulubakat) Il remplace Jean-Pierr Daruwezi (Prov. orientale)
Commissaire général de la PNC Gen-maj Charles Bisengimana Tutsi du Kivu En remplacement du Gen-Maj John Numbi (Katangais)
Ministre Intérieur, Sécurité… Richard Muyej Katanga
Ministre de la Justice… Wivine Mumba Matipa Katanga Apparentée à A. Katumba Mwanke
Gouverneur de la Banque Centrale Deogratias Mutombo Katanga Lubakat
Commandant adjt à la PNC Raüs Chalwe Katangais d’origine zambienne
Commandant de la Police du Bas-Congo Patience Mushidi Yav Katangais Le Bas-Congo reste depuis 2006 une province opposée à Kabila
Procureur Général de la Rép Kabange Numbi Mulubakat Proche de Murigande et Ruberwa
Source : Les Armées au Congo-Kinshasa et recoupements propres.
Depuis peu, deux autres anciennes figures de proue font leur come-back dans l’inner circle du président : Maître Jean Mbuyu et Maître Norbert Nkulu Kilombo : Ces deux katangais, conseillers de Kabila, sont de plus en plus cités pour succéder à Katumba Mwanke à la tête du « Gouvernement parallèle » ou le « COST » (Comité de stratégie)[3]et remplacer Pierre Lumbi comme conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité.
Il y a lieu de signaler que le ministre de la Défense, Alexandre Luba, a été le directeur de cabinet adjoint de Mbuyu. Selon les câbles wikileaks, Mbuyu, en contact avec l’ambassade américaine à Kinshasa, a joué un rôle central dans le choix de Joseph Kabila à la tête du Congo (Jeune Afrique, 18/04/2013).
Maître Nkulu, l’actuel ambassadeur de la RDC à Kigali, a été chargé, entre-autres, par le président Kabila pour traiter l’épineux dossier des réfugiés Tutsi congolais installés au Rwanda. Nkulu serait pressenti pour remplacer Gustave Beya au poste de directeur de cabinet de Kabila.
Enfin la ville de Kindu est symbolique de l’attachement de Kabila à la province du Maniema d’où est originaire Madame Sifa Mahanya, présentée comme étant la mère biologique de Kabila, malgré plusieurs thèses prouvant le contraire, notamment sa filiation Tutsi via une dame Tutsi également mère d’une troisième épouse de Museveni.
Maniema est une petite province qui ne pèse pas géopolitiquement mais mise en orbite par Kabila pour consolider son ancrage congolais dans une province enclavée du Congo devant prouver sa congolité.
Et Kindu semble servie sur un plateau d’or sur le plan sécuritaire et politique avec de gros calibres comme le Premier ministre Matata Ponyo Mapon (de mère Tutsi), le Conseiller spécial en sécurité, Pierre Lumbi Okongo (De mère Tutsi Munyamulenge), le général d‘armée le Kusu-tetela de Kibombo François Olenga, chef intérimaire de l’armée de terre, le tout puissant, même suspendu, le général Gabriel Amisi Tango four.
Ce Lega du territoire de Punia dans le Maniema, connu sous le code de « Tango Four » pour avoir été responsable de la logistique (T4 : tango four) au sein du RCD-Goma, continue, malgré sa suspension, de faire partie des généraux de confiance du président Kabila.
Cet ex-FAZ, issu de la 20ème promotion de l’EFO, s’est rallié à l’AFDL en 1996 avant de rejoindre le RCD-Goma au sein duquel il s’est illustré notamment dans la répression brutale de la mutinerie à Kisangani en mai 2002.
Il s’est ensuite rapproché du président Kabila en 2004 lorsque ses compagnons d’armes Nkunda et Mutebusi ont refusé de rejoindre les FARDC. Il a été cité comme étant à la base de la chute de Goma en 2012 en ordonnant aux troupes de battre retraite et de replier vers Sake.
Acte passible de haute trahison mais le général, très proche de Sifa Mahanya, vaque librement à ses business à Kindu et continuerait d’entretenir des milices locales.
En attaquant Lubumbashi et Kindu, le but des assaillants était sans doute de lancer un avertissement à Kabila qu’il serait privé de sa base arrière ethnorégionale si le bras de fer avec les acteurs de l’ombre de ces attaques se poursuivait.
Kabila aurait déjà perdu les deux Kivu, malgré sa tentative en demie teinte de re-séduction du Nord-Kivu lors de son dernier voyage provinciale, où les jeunes activistes de La Lucha (les indignados de Goma) l’ont accueilli avec des slogans peu flatteurs. (http://afrikarabia2.blogs.courrierinternational.com/archive/2013/12/16/la-lucha-les-indignados-de-goma-49449.html).
Derrière Lubumbashi (Katanga) et Kindu (Maniema) planent selon certaines sources sécuritaires anonymes congolaises les mains de John Numbi et Amisi Tango Fort qui se sentiraient frustrés de ce que leurs postes respectifs de commissaire général de la PNC et de chef d’état-major de l’armée de terre leur échappent définitivement depuis l’officialisation du Tutsi Bisengimana à la tête e la PNC.
Autant Tango Four contrôle les miliciens Bakata-Katanga dans la province cuprifère de même Amisi contrôle quelques Maï-Maï dans le Maniema, même les Kivu.
On peut criminologiquement interpréter l’attaque de ce ces deux villes comme marque de fabrique de ces deux officiers fougueux et ambitieux de surcroit qui tiennent à lancer un signal qu’ils restent maîtres de leurs fiefs provinciaux.
D’autre part, contrairement aux premières réactions émises ça et là, il ne s’agirait pas que d’un mécontentement des Balubakat bien choyés par le régime. Mais bien d’autres ethnies du Katanga (notamment du sud comme les Bemba et les Lunda à laquelle appartient Numbi) qui ne se retrouvent pas non plus dans la répartition des postes raflés par les Balubakat.
Et pourtant le sud est économiquement plus riche que le nord Katanga, pauvre, dont le poids économique ans la province est très faible. A cela, il faut afficher les ambitions plus que probables de Moïse Katumbi (un Bemba du sud) qui pourrait s’allier à Numbi et qui aurait affiché ses ambitions pour 2016 au sein de certains milieux fermés.
Cette crainte des Katangais pourraient les amener à se poser davantage des questions sur les décès de Samba Kaputo et Katumba Mwanke, deux Katangais du pré-carré de Kabila dont les circonstances de leurs disparitions n’ont jamais apaisé certains esprits. Une boîte de pandore pourrait alors s’ouvrir…
On peut enfin déduire que la domination Tutsi au sein des services de sécurité congolais suscite des frustrations dans les rangs. En 2012, une enquête FARDC, réalisée par le général Kabeya Nkongolo, a recensé un taux anormalement très élevé de 35% des officiers supérieurs et généraux Tutsi dans le Nord et le Sud-Kivu.
Le nombre des officiers Tutsi des unités opérant dans deux Kivu est plus élevé que le nombre de leurs collègues de toutes les autres ethnies réunies des deux Kivu. Outre Pierre Lumbi et Bisengimana, les Tutsi sont bien loties ans l’armée.
C’est le cas de Moustapha Mukiza (Commandant de la base militaire de Kitona dans le Bas-Congo frondeur), Kasereka Sindani (ex-RCD-KML et commandant de la 3ème région militaire à l’Equateur), Obedi Rwabasira (ex-CNDP et allié de Mutebusi à Bukavu en 2004, à la 4ème région militaire à Kananga au Kasai-Occiental), toutes les trois provinces acquises à l’opposition contre Kabila.
Mais aussi le Tutsi général-major Pacifique Masunzu à la 10ème région militaire au Sud-Kivu, une province qui a voté en faveur de Vital Kamerhe en signe de rejet de Kabila.
Un indice troublant : l’attaque de l’aéroport de Ndjili et l’inaction de la Police.
Contrairement à ce qu’une certaine presse occidentale a fait croire, la police nationale n’a pas directement réagi après les attaques du 30 décembre. Seules les unités de la GR étaient à pied d’œuvre pour mâter les insurgés.
La police n’a pu investir les lieux, à Kinshasa et à lubulbashi, qu’une fois les assaillants ont été neutralisés. Est-ce par peur de voir la police, acquise à Numbi, se solidariser avec les insurgés?
Le fait que l’aéroport de Ndjili soit parmi les cibles potentielles de ces attaques est un indice fort qui montre que la conceptualisation de ces attaques a été l’œuvre des professionnels, même si ce sont des jeunes désœuvrés, à l’allure des Kulunas (jeunes délinquants de rue) que le porte-parole du gouvernement s’est empressé à présenter au public, là où les experts attendaient une communication du parquet ou de la cour d’ordre militaire pour des précisions techniques d’usage.
En effet, selon nos sources sécuritaires de l’état major général des FARDC, il y avait des militaires parmi les assaillants et elles ont formellement reconnues quelques uns même si le ministre Mende s’est empressé de nous présenter des civils.
Or on ne peut attaquer un complexe de taille de l’aéroport de Ndjili, bien gardé par la garde républicaine et plusieurs services de sécurité (Force aérienne, DGM, ANR…), sans des complicités militaires internes.
A ce sujet, il y a lieu de rappeler qu’avant d’aller à la tête de la police nationale, Numbi a été le chef d’état-major de la force aérienne d‘où il a ramené l’essentiel de l’unité d’élite, le bataillon Simba, de triste mémoire dans les affaires Bundu dia Kongo et Chabeya-Bazana.
Il y a une forte probabilité qu’il ait gardé des liens forts avec ses ex-troupes, d‘autant que l’aéroport de Ndjili dépend militairement de la force aérienne et que le camp CETA devenu camp de la GR, se trouve juste en face.
Autre indice interpellant concerne la non réaction rapide des éléments de la police dans les locaux de la télévision nationale, la RTNC, peut s’expliquer par la crainte que la plus des éléments de la police soient encore restés fidèles à leur ancien chef.
Dès lors, il serait risqué de les envoyer mater une insurrection de peur de se solidariser avec les assaillants de d’étendre le foyer de l’insurrection. Et pourtant, la siège de la police nationale, dont la LENI (Légion nationale d’intervention, l’ex-PIR : police d’intervention rapide) est situé dans le secteur de la RTNC.
Un autre indice bizarre est également l’absence de réaction des éléments de la 11ème Région militaire située au camp Kokolo, à moins de 2 kilomètres de la RTNC d’où les affrontements se seraient également signalés.
Par l’intervention de la seule garde républicaine dans un premier temps, l’une des leçons que l’on peut tirer, est que Kabila n’a plus confiance au reste de l’armée, si ce n’est par sa garde républicaine.
Ainsi, le reste des troupes non GR étant désarmées, donc incapables de contrer les assaillants, seule la garde républicaine pourra désormais lui assurer la protection, jusqu’à quand ?
D’autant que l’on sait que cette garde prétorienne est essentiellement katangaise et qu’avec les dernières nominations à la Police et les signes apparents de mécontentement du côté des Katangais, ces derniers pourraient de plus en plus remettre en question leur loyalisme à leur « Mutoto » (fils en swahili).
Ce qui ouvre la porte à toutes sortes de spéculations possibles quant à la survie du régime de Kabila qui, faute de légitimité populaire, ne se maintient que par la force..
Si derrière l’alibi Mukungubila, c’était la fragilité du régime et de son dispositif de sécurité que l’on veut détourner l’attention l’opinion ?
C’est la question que se posent bon nombres d’analystes qui estiment qu’au-delà des déclarations imputant l’attaque aux adeptes du pasteur Mukungubila, c’est effectivement la fragilité du régime qu’on veut cacher.
En analysant les déclarations de Mende à la presse et d’autres recoupements des sources personnelles, on aperçoit un certain nombre d’incohérences techniques qui sautent aux yeux des professionnels militaires.
L’entrée facile aux locaux stratégiques de la RTNC : Quel est le militaire bien formé qui aurait pu se faire déloger aussi facilement d’un immeuble aussi grand que la RTNC par des hommes armés à peines de quelques gourdins et armes blanches ?
Si quelques illuminés ont pu tenir en haleine toute une république, quelle aurait été le résultat si on avait à faire à de vrais professionnels, bien équipés et déterminés d’aller jusqu’au bout?
N’est-ce pas là un avertissement pour montrer à Kabila qu’il peut être atteint partout, même au coeur de sa garde républicaine au camp Tshatshi?
Autre chose, lorsqu’à la télévision belge, la RTL TVI, le ministre belge des Affaires Etrangères, Didier Reynders, sans tomber dans le piège Mukungubila, déclare qu’ils n’ont aucune indication précise sur le(s) commanditaire(s) des attaques, surtout qu’elles se déroulent simultanément dans trois villes différentes et qu’il faut être prudents car dans les jours ou les semaines à venir les événements peuvent toujours se reproduire … et être prudents sur place dans les jours qui viennent, cela en dit long dans le langage diplomatique. (http://www.rtl.be/videos/video/471143.aspx?CategoryID=3512)
Rappelons-nous qu’en 2001, ce sont les belges, via notamment la déclaration du ministre Louis Michel, qui furent les premiers à annoncer et confirmer le décès de Laurent-Désiré Kabila.
L’intérêt porté par la Belgique au Congo fait que la Belgique a sans doute développé un réseau de contacts à tous les niveaux des services de sécurité de la RDC, de sorte à être informée in real time de graves événements pouvant se dérouler en RDC. DESC a identifié plusieurs congolais « des services » travaillant au service des certains agents belges de la sécurité et inversement.
Donc, la déclaration de Reynders, loin d’être anodine, montre que la situation reste complexe et incertaine. Même constat auprès es nos sources dans les différents organes de sécurité de la RDC, tous me disent d‘attendre le rapport confidentiel du conseil supérieur de la défense pour en voir plus clair au-delà du « claironnage » de M. Mende à qui on a assigné pour l’instant la mission d’occuper vaille que vaille les médias pour donner l’impression du contrôle de la situation par le pouvoir.
Dans nos différents contacts avec nos sources sécuritaires, loin du triomphalisme médiatique affiché par le ministre des Médias, c’est la nervosité et l’inquiétude qui y est ressenti, come en témoigne l’échange plus bas.
Ces événements ont eu en plus pour corollaire de retarder la mise en place à la tête de l’armée au niveau de la confirmation ou non du général Didier Etumba et de la mise en place au niveau des zones de défense devant remplacer les 11 régions militaires conformément aux dispositions e la loi organique portant organisation et fonctionnement es FARDC.
Un choix cornélien d’après une source interne des FARDC au camp Tshatshi. Un suspense interminable qui rend les prétendants peu diserts et tendus ‘après leurs collaborateurs.
Un autre contact parle d‘un exercice d’équilibriste à haut risque pour Kabila, qui pourrait entrainer de graves conséquences si le choix des animateurs de ces organes stratégiques de l’armée ne rencontrent pas les attentes des uns ou des autres parmi les hommes étoilés des FARDC même ceux mis momentanément à la touche.
Nous n’excluons même pas une compensation en faveur du général Numbi qui pourrait revenir à la tête de l’armée de l’air qu’il a occupée avant de diriger la police.
S’en contentera-t-il pour une force qui ne compte qu’un effectif résiduel de 2.548 hommes qui de plus seront répartis au sein des 3 zones de défense où ils dépendront opérationnellement des commandants des zones de défense que c-du chef d’EM de l’armée de l’air qui n’aura qu’une compétence administrative creuse ?
Qui seraient les commanditaires de ces actes ?
A la presse, on pouvait lire les déclarations suivantes : « Les autorités gouvernementales sont en pleine investigation à ce sujet. Selon les premiers éléments, « aucun » policier ni militaire ne figurait parmi la « bande de terroristes » qui a mené des attaques dans le pays. »…
« La plupart des assaillants sont des récidivistes qui ont plusieurs fois bénéficié de l’amnistie, ce qui nous commande de leur appliquer cette fois-ci toute la rigueur de la loi ». « Faut-il leur faire bénéficier de la loi d’amnistie qui est en préparation ? Je dis immédiatement ‘non’, au nom du gouvernement », déclarait le ministre Mende.
En analysant cet extrait de déclaration, M. Mende parle des multirécidivistes qui ont plusieurs fois bénéficié de l’amnistie. Plus loin, il parle d’une loi ‘amnistie qui est en préparation.
Là, notre analyse nous oriente vers le M23 dont les membres issus du CNDP et du RCD Goma ont bénéficié, suite aux différents accords de paix signés en leur faveur, de l’amnistie à plus d’une fois.
Surtout qu’après la signature des documents à Nairobi, le président Kabila avait demandé à son gouvernement de préparer une loi d’amnistie en faveur des combattants du M23 éligibles à cette énième clémence leur offerte par le chef de l’Etat là où les prisonniers politiques ‘non armés’ peinent de bénéficier des mesures similaires.
Au niveau des auteurs de ces actes, ci-dessous,la retranscription de l’extrait d’un entretien du 30 décembre avec une source de la DEMIAP :
Source : « J attends fin interrogatoires pour en savoir plus »
JJW : Ok. On parle des actions coordonnées avec L’Shi et Kindu ? Donc rien à avoir avec la nomination de Bisengimana? Le conseil supérieur de la défense (CSD) de ce jour est alors suspendu? C’est de là qu’on attendait la suite sur les possibles nominations aux FARDC. Qui sont les favoris?
Source : A Kindu les mai mai parlent de nomination de rwandais… Oui le CSD suspendu… Les chefs tiennent une réunion de sécurité après inspection du terrain. La simultanéité des actions sur kin kindu et lubumbashi. Synchronisation à Kin nous font croire que ce n’est pas juste une secte. Des faciès rwandais ou somaliens parmi les morts assaillants. 4 tutsi dans les morts de ceux qui ont attaqué EMG.
JJW : C est très curieux
Source : Tout aussi curieux la coordination des mouvements…
JJW : Merci. Je continue de mon côté à investiguer aussi. En tout cas la nomination de Bis… ne plaît pas dutout. Surtout après ce qui s’est passé à l’Est. On parle que certains Offr tutsi pourraient également être gratifiés dans la nouvelle mise en place et même de Ruberwa pour la Défense, voire primature…
A L’Shi on dit que c’était assez sérieux, le calme y est revenu? Qui seront au conseil de sécu de ce soir ?
Source : Min Défense, ANR, Chef EMG, Com Gen PNC, DGM… Attendons conclusions du conseil supérieur défense de ce matin. Nous avons huit pertes en tout (03 morts à kin et 05 à lubumbashi). Mais comme tu sais dans ce genre de circonstances il y a tjrs qlq bavures. J’ai été témoins de l’une en tout cas où des FARDC ont tiré sur des policiers par indiscipline. En tout état de cause nous avons eu une réaction disproportionnée. Pour une soixantaine d’assaillants mal armés nous avons utilisé… La police totalement inefficace. Services complètement émoussés
JJW : ça c’est un grand travail à faire avec les troupes. Leur apprendre à avoir la maîtrise de soi et surtout de ne pas paniquer à chaque coup de feu entendu en réagissant par des tirs de rafales qui épuisent bêtement les munitions (économie des moyens) et occasionnent des dégâts civils.
De plus, il y a des techniques de tirs qui permettent de mettre l’Eni hors d’état de nuire sans nécessairement le tuer… En plus dans un monde où les droits de l’homme deviennent pressants, cela peut toujours se retourner contre les donneurs d’ordre…
Source : A l’état major général, au camp Tshatshi, on a tiré pendant trois heures….alors que les assaillants n’avaient que deux tchingomas des machettes et des bâtons. On a même envoyé en appui direct un char. Et pendant toutes les opérations il fallait encadrer la troupe pour éviter bavures et dissipation des munitions. Point positif c'est l enthousiasme, le moral de la troupe. Disponibilité du commandement… A Kindu nos commandos se sont bien comportés.
JJW : C’est normal, pcq formés sur base de standards internationaux…
Source : C’est un autre enseignement. Le soin à mettre dans la formation de base. Mais aussi le civisme……j’ai vu des nos soldats qui s’apprêtaient à flinguer des gens qu’ils trouvaient suspects sans autre forme de procès.
JJW : Oui, tout passe par la formation de base…
Source : Je suis sûr que ton expertise serait précieuse ici… vu ce que tu fais déjà avec tes analyses… Je t’y encourage. La réflexion doit conduire les actions pas le contraire.
JJW : Pas dans les conditions actuelles… Merci.
De cet échange riche en informations, la piste d’une complicité interne dans l’armée reste plausible et c’est à ce niveau que l’on ressent l’inquiétude et le malaise au niveau de l’armée car le régime pourrait avoir deux réactions possibles.
La première, c’est d’étouffer le malaise et continuer de fonctionner comme si de rien n’était en procédant par des purges isolées, sans faire trop de bruit. Question de ne pas laver en public le linge sale.
La deuxième réaction, c’est de sanctionner les soutiens au sein de l’armée avec le risque d’implosion et des mécontentements de la part des troupes dont les chefs seraient mis en cause.
Mais en tout état de cause, quelle que soit l’option envisagée, le ver est déjà dans le fruit ou encore le levain devant faire monter la pâte d‘explosion des FARDC ne cesse d’agiter la marmite fermée déjà saturée !
Il y eut les massacres du campus de Lubumbahi en 1990, peut-on parler du massacre du 30 décembre 2013 ?
Lorsqu’en 1990, ce qu’on a qualifié de massacre des étudiants à Lubumbashi sonna le glas du régime Mobutu, des voix congolaises se lèvent pour qualifier la réaction disproportionnée des services de sécurité de massacres qui ne doivent rester impunis.
En effet, les services de sécurité ne sont pas habilités de réagir sur base du seul principe de légalité mais doivent également tenir compte de eux autres principes qui régissent l’usage des moyens de contrainte que sont la proportionnalité et l’opportunité.
Ce qui ne semble pas le cas au vu des images des assaillants tués. DESC, se limite ici à publier deux interpellations que nous avons reçus en privé de la part des activistes des droits de l’homme qui attendent une vive réaction de la communauté internationale dont le silence face au drame congolais devient exaspérant:
Le Mercredi 1 janvier 2014 9h37, Massou summer a écrit :
Bonjour,
Je m’adresse à vous défenseurs de la paix et vous demande si vous êtes au courant du massacre qui s’est produit le 30/12/2013 à Kinshasa.
Ces jeunes sont appelés des « assaillants, des rebelles » etc… Mais en les voyant mort je me suis posée la question où sont les armes ensanglantés avec eux ?
On nous montre les armes après alors que les témoins affirment que ces jeunes gens n’avaient pas d’armes. Je vous en supplie faite quelque chose en ce moment les familles de ces personnes sont en cavale poursuivit il n’a pas de droit aucun respect pour ces personnes.
Veuillez me contacter pour plus d’information sur ce numéro 0753220488. Promulguez la vérité de cette histoire pour vos frères congolais qui sont mort s’il vous plait où sont les droit de l’homme. Vos frère tués et vous n’avez pas le droit de sortir des mensonges faite quelque chose je vous en supplie.
Ces hommes « assaillant avaient vraiment des armes sont-ils morts comme des poules juste parce qu’ils ont décidé de s’exprimer?
Bonjour Jean Jacques! Suite a ce qui s’est passé en Rd Congo le 30 decembre 2013 sur ce que nous appelons le massacre de jeunes gens qui ne revendiquaient que leur droit sans pour autant avoir des armes nécessaires pour permettre une réponse forte anti terroriste des forces armées…
J’aimerai bien savoir si:
1. cette réponse de FARDC qui a couté 103 morts aux assaillants est-elle tolerable ?
2. Joseph Kabila etant le chef suprême de l’armée, serait-il responsable de la décision de la réponse de l’opération ou la décision pouvait bien etre prise sur place par des commandants sur place ?
3. Quelles sont les différentes tactiques que les FARDC disposent pour mener les operations de la sorte surtout quand il s’agit de l’atteinte à la securité du territoire ? Si vous avez des informations qui pourront nous aider à bien comprendre cette chaine de prise de décision, ce serait très appréciable. D. B.
A qui profite le crime ?
C’est la question classique que les criminologues se posent en pareille situation. Faute d‘avoir plus d’éléments sur les commanditaires de ces actes, en apparence folklorique, nous nous posons la question a contrario : A qui dessert cette forfaiture ?
Ainsi, qu’il s’agisse d’un coup d’état monté et manqué fabriqué par le régime ou un acte de contestation du régime, le premier perdant reste invariablement le régime congolais qui se décrédibilise davantage tant auprès de la population et que de ses soutiens extérieurs.
Les premiers conforteront leur conviction d’avoir à faire à un pouvoir incapable de sécuriser ses populations. Une perte de confiance qui, couplée au déficit de légitimité dont souffre le régime depuis les élections de 2011, va davantage rendre difficile l’exercice de l’autorité et l’adhésion populaire à l’action gouvernementale, malgré les efforts consentis par l’équipe Matata.
Sur le plan international, ces événements vont à coup sûr jouer en défaveur du régime qui continue de donner l’image d’un pouvoir fragile incapable d’assurer, pas seulement à l’est du pays mais aussi dans la capitale, l’autorité de l’Etat.
Cela pourrait également occasionner un impact négatif sur la cotation du Congo au niveau de l’apport des investissements et des capitaux étrangers. Déjà, des firmes sérieuses rechignent à venir investir proprement en RDC car devant payer très cher les primes d’assurance couvrant les risques liés à l’insécurité en RDC, une zone rouge selon les assureurs.
Et les événements du 30 décembre induiront davantage une érosion de confiance des bailleurs auprès des autorités congolaise. On peut même parler d’un agacement ou un ras-le-bol de continuer à soutenir un régime devenu davantage le vrai problème que la solution du Congo, du fait de son incapacité de pouvoir stabiliser convenablement l’ensemble du pays et surtout l’environnement économique.
Il n’est pas exclus que ces faiseurs de rois se tournent déjà vers d’autres alternatives plus crédibles et plus efficaces en termes de gouvernance. La preuve en est que d’habitude, lorsque pareils événements surviennent en RDC, les soutiens extérieurs du régime s’activent les uns à la suite des autres à condamner ces actes.
Ce qui n’est pas le cas pour ces derniers événements. Ni la MONUSCO, ni la Belgique ou encore moins l’UE et Madame Robinson n’ont fait aucune déclaration en ce sens.
Signe que les temps commencent à changer et dans la plupart des chancelleries, l’on se préoccupe davantage sur l’après Kabila, que dis-je après 2016 !
Kabila devient « diplomatievore » et émousse l’énergie de la communauté internationale de plus en plus acculée par les actions de la diaspora congolaise.
Les choses évoluent à telle allure que nous sommes contraints de publier temporairement cette analyse non finalisée à notre goût car les événements peuvent évoluer à tout moment.
D’ailleurs, des tirs ont été entendus le 1er janvier 2014 soir au centre ville à Lubumbashi, au Parc Hôtel dans la commune de Lubumbashi.
Un contact présent sur les lieux décrit des hommes armés en tenue bleue très foncéedans un 4X4 Land Cruiser qui tiraient en l’air pendant une dizaine de minutes. Il précise que ce n’est pas la GR ni la police.
Après analyse et élimination, il s’agirait des éléments du bataillon Simba fidèles à Numbi John. Il pourrait aussi s’agir d’un couvre feu qui ne dit son mot. D’autres tirs ont été confirmés à Lubumbashi à la place de la poste, au quartier Golf et vers le quartier Gecamines appelé « Makomeno »le 1er janvier après 20h.
Il y a 45 minutes d’autres tirs ont été a nouveau entendus côté golf. Le Consulat de Belgique aurait prévenu les ressortissants belges de rester prudents et d’éviter des sorties nocturnes à Lubumbashi !
Le hic est que le pouvoir, via certaines presses occidentales, tient à minimiser ce qui se passe au Katanga pour préserver les biens des quelques mafieux occidentaux qui saignent la RDC en profitant du chaos politique qui règne depuis 2011.
Bref, tous ces signent montrent à suffisance qu’ il y a, au sein des forces armées, un malaise profond qui ne dit son mot mais difficile à dissimuler. Le régime en sortira, tout au moins, très affaibli…
A ce stade, tout reste possible car nous risquons de traverser une zone de grandes turbulences dans les prochains jours. Si le 30 écembre 2013 était la goutte d’eau de trop qui sonne le glas de l’ère Kabila?
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Jean-Jacques Wondo
[1] Détection Militaire des Activités Anti Patrie. Le service de renseignement militaire congolais sous LD Kabila.
[2] De mère Tutsi, Membre depuis 2003 du cabinet du Conseiller spécial du président en matière de sécurité.
[3]Think-tank autour de Joseph Kabila mis en place par Katumba peu après la mort de Laurent Désiré Kabila en 2001.
A propos deJean-Jacques Wondo Omanyundu est un analyste des questions sociopolitiques, sécuritaires et militaires de la République démocratique du Congo. Il est l'auteur de l’ouvrage-référence ‘Les armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC’ (2013). Jean-Jacques Wondo est diplômé de l’Ecole Royale Militaire de Belgique.
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Les événements qui se sont déroulés simultanément ce 30 décembre 2013 à Kinshasa, à Lubumbashi et à Kindu ne cessent de susciter un déferlement de commentaires et fantasmes de tous genres.
Carnage à Kinshasa
A ce jour, aucune analyse sérieuse ni article de presse n’est parvenu de faire la lumière sur les tenants et aboutissants ce que l’on qualifie déjà de l’ « Affaire Mukungubila ».
Les premières réactions lues, vues et entendues ici et là font transparaître la précipitation et le manque de recul dans la lecture de ces événements car empreintes d’une dose élevée d’émotivité qui a obnubilé chez plusieurs la faculté d’analyse froide, fouillée et réfléchie.
Fidèle à sa devise « Connaitre pour Agir », DESC essaie de livrer une analyse technique au départ de quelques pistes d’enquête, en se basant sur des techniques d‘analyse criminologiques.
Selon l’analyste et expert en diplomatie Henri Kamande Nzuzi qui nous a fait part de sa première analyse, « concernant ce qu’il se passe actuellement, je pense qu’il ne faut y voir qu’un énième avertissement à Kabila venant de la garde rapprochée de Numbi et des katangais.
Par la nomination de Bisengemana comme chef national de la police, Numbi est définitivement écarté après qu’on lui ait à plusieurs reprises promis une réhabilitation par le pouvoir.
Les katangais se sentent floués et sont frustrés depuis un bon moment, ils ont l’impression de perdre le pouvoir au profit d’autres provinces.
Kamerhe en avait fait les frais devenant trop puissant, de plus, ils ont tous en tête 2016. Comment expliquez-vous le fait que Kabila n’arrive toujours pas à mettre en place un nouveau gouvernement?
Le Katanga veut la part du lion en prévision des prochaines élections, mais Kabila résiste, chaque fois qu’il y a une attaque/menace des Bakata Katanga au Katanga tout le monde sait que ce sont les balubakat qui sont derrière avec évidemment Numbi et ses simbas.
Il est étonnant que cette attaque arrive juste après la confirmation de Bisengemana comme chef de la police. Il devenait dérangeant, trop puissant… Bon c’est mon analyse mais, je crois foncièrement que le vers est dans le fruit du pouvoir et que la guerre est avant tout interne.
Le renforcement des anciens mobutistes autour de Kabila, n’est pas au gout de « ses frères » katangais… les évènements d’aujourd’hui sont pour moi juste un avertissement à qui de droit qu’ils peuvent attaquer même à Kinshasa... ». Une analyse que nous partageons. M. Nzuzi est responsable de la radio en ligne : www.mbote.info)
1°) Trois villes symboliques pour le régime de Kabila
La première question que l’on se pose est de savoir pourquoi les attaques simultanées à Kinshasa, Lubumbashi et Kindu ? Cela renvoie directement à constater que ces trois villes ont une importance non seulement géo-sociopolitique pour le président Kabila mais aussi stratégique vu l’importance que revêtent ces villes pour quiconque analyse le fonctionnement du régime depuis 2001.
D‘abord, Kinshasa reste indubitablement le siège des institutions et le centre névralgique de l’Etat et de la diplomatie en RDC. Qui ne contrôle pas Kinshasa ne contrôle pas encore la RDC. Donc attaquer Kinshasa et monter la fragilité de ses institutions et de son dispositif sécuritaire revient à montrer la faiblesse du régime.
Ainsi, pendant plus de quatre heures durant, Kinshasa est demeurée sans chef, tous les officiels militaires et politiques ont brillé par leur absence pendant que les assaillants se faisaient maîtres de la capitale au point que la rumeur d’un coup ‘état imminent se répandit come une trainée de poudre aux quatre coins du monde.
Et dans cette confusion totale, le pouvoir était effectivement dans la rue avant que le démineur médiatique, le ministre Mende vienne rassurer la population sans vraiment convaincre l’opinion.
Ce n’est que vers 16 heures que DESC est parvenu à joindre ses différents contacts partout dans le pays, particulièrement dans les différents services de sécurités de l’armée, de la police, des renseignements militaires et civils, des responsables politiques et autres sources expatriées locales.
A notre grande surprise, ces contacts, soi-disant de hauts niveaux, comptaient plutôt sur DESC pour leur fournir plus d‘informations et d’analyses sur ces événement qu’ils étaient plutôt censés être les premiers à nous informer car devant être sur le front de l’action.
Que nenni ! Presque tous étaient à la bonne planque. Le régime a tremblé car Kinshasa a eu vraiment peur !
Puis Lubumbashi qui en plus d’être la capitale du poumon économique de la RDC, Katanga, est également le fief ethnorégional du président Kabila. La province qui, aux côtés des ressortissants Tutsi-Banyamulenge » pourvoit l’essentiel du pré-carré sécuritaire du « raïs », notamment au sein de l’ethnie Balubakat.
Le Katanga se taille également la part du lion dans la distribution des postes politiques et étatiques en RDC depuis 1997. Tenez, depuis son élecvtion en 2006, tous les ministres de la Défense sont Katangais (Chikez Diemu, Mwando Simba, Luba Tambo),
Sur le plan sécuritaire, les hommes fors du régime sont :
le général-major Dieudonné Banze Lubunji (Lubakat, ex-FAZ, issu de la 8ème promotion de l’EFO-Kananga). Banze dirige la garde républicaine (GR) présidentielle composée essentiellement de Katangais provenant en majorité de l’ethnie Lubakat à laquelle est associée Kabila. Une garde prétorienne dont les dernières estimations recensent environ 18.600 hommes dont 6.000 surarmés, qui n’a été que partiellement ‘brassée’ et échappe au contrôle effectif du chef d’état-major général des FARDC.
Le général-Major Damas Kabulo (Lubakat de mère Tutsi, issu de la 6ème promotion de l’EFO), je Secrétaire général du ministère de la Défense, est un ex-FAZ du Service d’actions et de renseignement militaire (SARM).
Kabulo a dirigé la DEMIAP jusqu’à l’assassinat de L.D. Kabila. Il deviendra le chef de la Maison militaire du chef de l’Etat lorsque Joseph Kabila est devenu président. le général Kabulo est cité actuellement comme l’éminence grise sur le plan militaire de Kabila.
Les Balubakat : le général de brigade Jean-Claude Yav Kabej (chef des renseignements militaires : Démiap) et Kalev Mutond (chef du service de renseignement civil, ANR) ont joué un rôle-clé dans les contacts secrets entretenus entre Kinshasa et Kigali durant la guerre contre le M23.
D’autres Katangais dans les institutions et sécurité:
Trois katangais à la tête des 3 des 11 régions militaires
Numéro RM Province Commandant Province d’origine
7ème Maniema Gen-Bde Bobo Kakudji Katanga
9ème Province Orientale Gen-Maj. Jean-Claude Kifwa Kambili Katanga
11ème Kinshasa Gen-Bde. Abdallah Nyembo Betu. Il remplace du Gen-Maj. Nabyolwa(Kivu) Katanga
Les Katangais dans le secteur de la défense et sécurité et autres secteurs stratégique en RDC
Fonction Nom Origine Observations
Ministre de la Défense Alexandre Luba Ntambo Katanga Pharmacien de formation
Secr. Gén de la Défense nat. Vice-amiral D. Kabulo Lubakat Mère Tutsi. Proche des Tutsi du RCD
Chef d’EM Renseignements militaires (Démiap) [1] Gen-Bde Jean-Claude Yav Kabej (Katanga) Il succède au Gen Kitenge Tundwa. Un Katangais marié à uneTutsi
Chef EM particulier adjoint du Chef de l’Etat Gen-Maj Constantin Ilunga Kapambu Katanga (Mulubakat) Il seconde le Gen Célestin Mbala, en suspension
Commandant de la garde républicaine (GR) Gen-Maj Dieudonné Banze Lubunji Katanga (Mulubakat)
1er Président de la Haute cour militaire Gen Bde Delphin Nyembo Yabuzilu Katanga
Directeur de l’ANR Colonel Kalev Mutond Katanga (Mulubakat) Il remplace Jean-Pierr Daruwezi (Prov. orientale)
Commissaire général de la PNC Gen-maj Charles Bisengimana Tutsi du Kivu En remplacement du Gen-Maj John Numbi (Katangais)
Ministre Intérieur, Sécurité… Richard Muyej Katanga
Ministre de la Justice… Wivine Mumba Matipa Katanga Apparentée à A. Katumba Mwanke
Gouverneur de la Banque Centrale Deogratias Mutombo Katanga Lubakat
Commandant adjt à la PNC Raüs Chalwe Katangais d’origine zambienne
Commandant de la Police du Bas-Congo Patience Mushidi Yav Katangais Le Bas-Congo reste depuis 2006 une province opposée à Kabila
Procureur Général de la Rép Kabange Numbi Mulubakat Proche de Murigande et Ruberwa
Source : Les Armées au Congo-Kinshasa et recoupements propres.
Depuis peu, deux autres anciennes figures de proue font leur come-back dans l’inner circle du président : Maître Jean Mbuyu et Maître Norbert Nkulu Kilombo : Ces deux katangais, conseillers de Kabila, sont de plus en plus cités pour succéder à Katumba Mwanke à la tête du « Gouvernement parallèle » ou le « COST » (Comité de stratégie)[3]et remplacer Pierre Lumbi comme conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité.
Il y a lieu de signaler que le ministre de la Défense, Alexandre Luba, a été le directeur de cabinet adjoint de Mbuyu. Selon les câbles wikileaks, Mbuyu, en contact avec l’ambassade américaine à Kinshasa, a joué un rôle central dans le choix de Joseph Kabila à la tête du Congo (Jeune Afrique, 18/04/2013).
Maître Nkulu, l’actuel ambassadeur de la RDC à Kigali, a été chargé, entre-autres, par le président Kabila pour traiter l’épineux dossier des réfugiés Tutsi congolais installés au Rwanda. Nkulu serait pressenti pour remplacer Gustave Beya au poste de directeur de cabinet de Kabila.
Enfin la ville de Kindu est symbolique de l’attachement de Kabila à la province du Maniema d’où est originaire Madame Sifa Mahanya, présentée comme étant la mère biologique de Kabila, malgré plusieurs thèses prouvant le contraire, notamment sa filiation Tutsi via une dame Tutsi également mère d’une troisième épouse de Museveni.
Maniema est une petite province qui ne pèse pas géopolitiquement mais mise en orbite par Kabila pour consolider son ancrage congolais dans une province enclavée du Congo devant prouver sa congolité.
Et Kindu semble servie sur un plateau d’or sur le plan sécuritaire et politique avec de gros calibres comme le Premier ministre Matata Ponyo Mapon (de mère Tutsi), le Conseiller spécial en sécurité, Pierre Lumbi Okongo (De mère Tutsi Munyamulenge), le général d‘armée le Kusu-tetela de Kibombo François Olenga, chef intérimaire de l’armée de terre, le tout puissant, même suspendu, le général Gabriel Amisi Tango four.
Ce Lega du territoire de Punia dans le Maniema, connu sous le code de « Tango Four » pour avoir été responsable de la logistique (T4 : tango four) au sein du RCD-Goma, continue, malgré sa suspension, de faire partie des généraux de confiance du président Kabila.
Cet ex-FAZ, issu de la 20ème promotion de l’EFO, s’est rallié à l’AFDL en 1996 avant de rejoindre le RCD-Goma au sein duquel il s’est illustré notamment dans la répression brutale de la mutinerie à Kisangani en mai 2002.
Il s’est ensuite rapproché du président Kabila en 2004 lorsque ses compagnons d’armes Nkunda et Mutebusi ont refusé de rejoindre les FARDC. Il a été cité comme étant à la base de la chute de Goma en 2012 en ordonnant aux troupes de battre retraite et de replier vers Sake.
Acte passible de haute trahison mais le général, très proche de Sifa Mahanya, vaque librement à ses business à Kindu et continuerait d’entretenir des milices locales.
En attaquant Lubumbashi et Kindu, le but des assaillants était sans doute de lancer un avertissement à Kabila qu’il serait privé de sa base arrière ethnorégionale si le bras de fer avec les acteurs de l’ombre de ces attaques se poursuivait.
Kabila aurait déjà perdu les deux Kivu, malgré sa tentative en demie teinte de re-séduction du Nord-Kivu lors de son dernier voyage provinciale, où les jeunes activistes de La Lucha (les indignados de Goma) l’ont accueilli avec des slogans peu flatteurs. (http://afrikarabia2.blogs.courrierinternational.com/archive/2013/12/16/la-lucha-les-indignados-de-goma-49449.html).
Derrière Lubumbashi (Katanga) et Kindu (Maniema) planent selon certaines sources sécuritaires anonymes congolaises les mains de John Numbi et Amisi Tango Fort qui se sentiraient frustrés de ce que leurs postes respectifs de commissaire général de la PNC et de chef d’état-major de l’armée de terre leur échappent définitivement depuis l’officialisation du Tutsi Bisengimana à la tête e la PNC.
Autant Tango Four contrôle les miliciens Bakata-Katanga dans la province cuprifère de même Amisi contrôle quelques Maï-Maï dans le Maniema, même les Kivu.
On peut criminologiquement interpréter l’attaque de ce ces deux villes comme marque de fabrique de ces deux officiers fougueux et ambitieux de surcroit qui tiennent à lancer un signal qu’ils restent maîtres de leurs fiefs provinciaux.
D’autre part, contrairement aux premières réactions émises ça et là, il ne s’agirait pas que d’un mécontentement des Balubakat bien choyés par le régime. Mais bien d’autres ethnies du Katanga (notamment du sud comme les Bemba et les Lunda à laquelle appartient Numbi) qui ne se retrouvent pas non plus dans la répartition des postes raflés par les Balubakat.
Et pourtant le sud est économiquement plus riche que le nord Katanga, pauvre, dont le poids économique ans la province est très faible. A cela, il faut afficher les ambitions plus que probables de Moïse Katumbi (un Bemba du sud) qui pourrait s’allier à Numbi et qui aurait affiché ses ambitions pour 2016 au sein de certains milieux fermés.
Cette crainte des Katangais pourraient les amener à se poser davantage des questions sur les décès de Samba Kaputo et Katumba Mwanke, deux Katangais du pré-carré de Kabila dont les circonstances de leurs disparitions n’ont jamais apaisé certains esprits. Une boîte de pandore pourrait alors s’ouvrir…
On peut enfin déduire que la domination Tutsi au sein des services de sécurité congolais suscite des frustrations dans les rangs. En 2012, une enquête FARDC, réalisée par le général Kabeya Nkongolo, a recensé un taux anormalement très élevé de 35% des officiers supérieurs et généraux Tutsi dans le Nord et le Sud-Kivu.
Le nombre des officiers Tutsi des unités opérant dans deux Kivu est plus élevé que le nombre de leurs collègues de toutes les autres ethnies réunies des deux Kivu. Outre Pierre Lumbi et Bisengimana, les Tutsi sont bien loties ans l’armée.
C’est le cas de Moustapha Mukiza (Commandant de la base militaire de Kitona dans le Bas-Congo frondeur), Kasereka Sindani (ex-RCD-KML et commandant de la 3ème région militaire à l’Equateur), Obedi Rwabasira (ex-CNDP et allié de Mutebusi à Bukavu en 2004, à la 4ème région militaire à Kananga au Kasai-Occiental), toutes les trois provinces acquises à l’opposition contre Kabila.
Mais aussi le Tutsi général-major Pacifique Masunzu à la 10ème région militaire au Sud-Kivu, une province qui a voté en faveur de Vital Kamerhe en signe de rejet de Kabila.
Un indice troublant : l’attaque de l’aéroport de Ndjili et l’inaction de la Police.
Contrairement à ce qu’une certaine presse occidentale a fait croire, la police nationale n’a pas directement réagi après les attaques du 30 décembre. Seules les unités de la GR étaient à pied d’œuvre pour mâter les insurgés.
La police n’a pu investir les lieux, à Kinshasa et à lubulbashi, qu’une fois les assaillants ont été neutralisés. Est-ce par peur de voir la police, acquise à Numbi, se solidariser avec les insurgés?
Le fait que l’aéroport de Ndjili soit parmi les cibles potentielles de ces attaques est un indice fort qui montre que la conceptualisation de ces attaques a été l’œuvre des professionnels, même si ce sont des jeunes désœuvrés, à l’allure des Kulunas (jeunes délinquants de rue) que le porte-parole du gouvernement s’est empressé à présenter au public, là où les experts attendaient une communication du parquet ou de la cour d’ordre militaire pour des précisions techniques d’usage.
En effet, selon nos sources sécuritaires de l’état major général des FARDC, il y avait des militaires parmi les assaillants et elles ont formellement reconnues quelques uns même si le ministre Mende s’est empressé de nous présenter des civils.
Or on ne peut attaquer un complexe de taille de l’aéroport de Ndjili, bien gardé par la garde républicaine et plusieurs services de sécurité (Force aérienne, DGM, ANR…), sans des complicités militaires internes.
A ce sujet, il y a lieu de rappeler qu’avant d’aller à la tête de la police nationale, Numbi a été le chef d’état-major de la force aérienne d‘où il a ramené l’essentiel de l’unité d’élite, le bataillon Simba, de triste mémoire dans les affaires Bundu dia Kongo et Chabeya-Bazana.
Il y a une forte probabilité qu’il ait gardé des liens forts avec ses ex-troupes, d‘autant que l’aéroport de Ndjili dépend militairement de la force aérienne et que le camp CETA devenu camp de la GR, se trouve juste en face.
Autre indice interpellant concerne la non réaction rapide des éléments de la police dans les locaux de la télévision nationale, la RTNC, peut s’expliquer par la crainte que la plus des éléments de la police soient encore restés fidèles à leur ancien chef.
Dès lors, il serait risqué de les envoyer mater une insurrection de peur de se solidariser avec les assaillants de d’étendre le foyer de l’insurrection. Et pourtant, la siège de la police nationale, dont la LENI (Légion nationale d’intervention, l’ex-PIR : police d’intervention rapide) est situé dans le secteur de la RTNC.
Un autre indice bizarre est également l’absence de réaction des éléments de la 11ème Région militaire située au camp Kokolo, à moins de 2 kilomètres de la RTNC d’où les affrontements se seraient également signalés.
Par l’intervention de la seule garde républicaine dans un premier temps, l’une des leçons que l’on peut tirer, est que Kabila n’a plus confiance au reste de l’armée, si ce n’est par sa garde républicaine.
Ainsi, le reste des troupes non GR étant désarmées, donc incapables de contrer les assaillants, seule la garde républicaine pourra désormais lui assurer la protection, jusqu’à quand ?
D’autant que l’on sait que cette garde prétorienne est essentiellement katangaise et qu’avec les dernières nominations à la Police et les signes apparents de mécontentement du côté des Katangais, ces derniers pourraient de plus en plus remettre en question leur loyalisme à leur « Mutoto » (fils en swahili).
Ce qui ouvre la porte à toutes sortes de spéculations possibles quant à la survie du régime de Kabila qui, faute de légitimité populaire, ne se maintient que par la force..
Si derrière l’alibi Mukungubila, c’était la fragilité du régime et de son dispositif de sécurité que l’on veut détourner l’attention l’opinion ?
C’est la question que se posent bon nombres d’analystes qui estiment qu’au-delà des déclarations imputant l’attaque aux adeptes du pasteur Mukungubila, c’est effectivement la fragilité du régime qu’on veut cacher.
En analysant les déclarations de Mende à la presse et d’autres recoupements des sources personnelles, on aperçoit un certain nombre d’incohérences techniques qui sautent aux yeux des professionnels militaires.
L’entrée facile aux locaux stratégiques de la RTNC : Quel est le militaire bien formé qui aurait pu se faire déloger aussi facilement d’un immeuble aussi grand que la RTNC par des hommes armés à peines de quelques gourdins et armes blanches ?
Si quelques illuminés ont pu tenir en haleine toute une république, quelle aurait été le résultat si on avait à faire à de vrais professionnels, bien équipés et déterminés d’aller jusqu’au bout?
N’est-ce pas là un avertissement pour montrer à Kabila qu’il peut être atteint partout, même au coeur de sa garde républicaine au camp Tshatshi?
Autre chose, lorsqu’à la télévision belge, la RTL TVI, le ministre belge des Affaires Etrangères, Didier Reynders, sans tomber dans le piège Mukungubila, déclare qu’ils n’ont aucune indication précise sur le(s) commanditaire(s) des attaques, surtout qu’elles se déroulent simultanément dans trois villes différentes et qu’il faut être prudents car dans les jours ou les semaines à venir les événements peuvent toujours se reproduire … et être prudents sur place dans les jours qui viennent, cela en dit long dans le langage diplomatique. (http://www.rtl.be/videos/video/471143.aspx?CategoryID=3512)
Rappelons-nous qu’en 2001, ce sont les belges, via notamment la déclaration du ministre Louis Michel, qui furent les premiers à annoncer et confirmer le décès de Laurent-Désiré Kabila.
L’intérêt porté par la Belgique au Congo fait que la Belgique a sans doute développé un réseau de contacts à tous les niveaux des services de sécurité de la RDC, de sorte à être informée in real time de graves événements pouvant se dérouler en RDC. DESC a identifié plusieurs congolais « des services » travaillant au service des certains agents belges de la sécurité et inversement.
Donc, la déclaration de Reynders, loin d’être anodine, montre que la situation reste complexe et incertaine. Même constat auprès es nos sources dans les différents organes de sécurité de la RDC, tous me disent d‘attendre le rapport confidentiel du conseil supérieur de la défense pour en voir plus clair au-delà du « claironnage » de M. Mende à qui on a assigné pour l’instant la mission d’occuper vaille que vaille les médias pour donner l’impression du contrôle de la situation par le pouvoir.
Dans nos différents contacts avec nos sources sécuritaires, loin du triomphalisme médiatique affiché par le ministre des Médias, c’est la nervosité et l’inquiétude qui y est ressenti, come en témoigne l’échange plus bas.
Ces événements ont eu en plus pour corollaire de retarder la mise en place à la tête de l’armée au niveau de la confirmation ou non du général Didier Etumba et de la mise en place au niveau des zones de défense devant remplacer les 11 régions militaires conformément aux dispositions e la loi organique portant organisation et fonctionnement es FARDC.
Un choix cornélien d’après une source interne des FARDC au camp Tshatshi. Un suspense interminable qui rend les prétendants peu diserts et tendus ‘après leurs collaborateurs.
Un autre contact parle d‘un exercice d’équilibriste à haut risque pour Kabila, qui pourrait entrainer de graves conséquences si le choix des animateurs de ces organes stratégiques de l’armée ne rencontrent pas les attentes des uns ou des autres parmi les hommes étoilés des FARDC même ceux mis momentanément à la touche.
Nous n’excluons même pas une compensation en faveur du général Numbi qui pourrait revenir à la tête de l’armée de l’air qu’il a occupée avant de diriger la police.
S’en contentera-t-il pour une force qui ne compte qu’un effectif résiduel de 2.548 hommes qui de plus seront répartis au sein des 3 zones de défense où ils dépendront opérationnellement des commandants des zones de défense que c-du chef d’EM de l’armée de l’air qui n’aura qu’une compétence administrative creuse ?
Qui seraient les commanditaires de ces actes ?
A la presse, on pouvait lire les déclarations suivantes : « Les autorités gouvernementales sont en pleine investigation à ce sujet. Selon les premiers éléments, « aucun » policier ni militaire ne figurait parmi la « bande de terroristes » qui a mené des attaques dans le pays. »…
« La plupart des assaillants sont des récidivistes qui ont plusieurs fois bénéficié de l’amnistie, ce qui nous commande de leur appliquer cette fois-ci toute la rigueur de la loi ». « Faut-il leur faire bénéficier de la loi d’amnistie qui est en préparation ? Je dis immédiatement ‘non’, au nom du gouvernement », déclarait le ministre Mende.
En analysant cet extrait de déclaration, M. Mende parle des multirécidivistes qui ont plusieurs fois bénéficié de l’amnistie. Plus loin, il parle d’une loi ‘amnistie qui est en préparation.
Là, notre analyse nous oriente vers le M23 dont les membres issus du CNDP et du RCD Goma ont bénéficié, suite aux différents accords de paix signés en leur faveur, de l’amnistie à plus d’une fois.
Surtout qu’après la signature des documents à Nairobi, le président Kabila avait demandé à son gouvernement de préparer une loi d’amnistie en faveur des combattants du M23 éligibles à cette énième clémence leur offerte par le chef de l’Etat là où les prisonniers politiques ‘non armés’ peinent de bénéficier des mesures similaires.
Au niveau des auteurs de ces actes, ci-dessous,la retranscription de l’extrait d’un entretien du 30 décembre avec une source de la DEMIAP :
Source : « J attends fin interrogatoires pour en savoir plus »
JJW : Ok. On parle des actions coordonnées avec L’Shi et Kindu ? Donc rien à avoir avec la nomination de Bisengimana? Le conseil supérieur de la défense (CSD) de ce jour est alors suspendu? C’est de là qu’on attendait la suite sur les possibles nominations aux FARDC. Qui sont les favoris?
Source : A Kindu les mai mai parlent de nomination de rwandais… Oui le CSD suspendu… Les chefs tiennent une réunion de sécurité après inspection du terrain. La simultanéité des actions sur kin kindu et lubumbashi. Synchronisation à Kin nous font croire que ce n’est pas juste une secte. Des faciès rwandais ou somaliens parmi les morts assaillants. 4 tutsi dans les morts de ceux qui ont attaqué EMG.
JJW : C est très curieux
Source : Tout aussi curieux la coordination des mouvements…
JJW : Merci. Je continue de mon côté à investiguer aussi. En tout cas la nomination de Bis… ne plaît pas dutout. Surtout après ce qui s’est passé à l’Est. On parle que certains Offr tutsi pourraient également être gratifiés dans la nouvelle mise en place et même de Ruberwa pour la Défense, voire primature…
A L’Shi on dit que c’était assez sérieux, le calme y est revenu? Qui seront au conseil de sécu de ce soir ?
Source : Min Défense, ANR, Chef EMG, Com Gen PNC, DGM… Attendons conclusions du conseil supérieur défense de ce matin. Nous avons huit pertes en tout (03 morts à kin et 05 à lubumbashi). Mais comme tu sais dans ce genre de circonstances il y a tjrs qlq bavures. J’ai été témoins de l’une en tout cas où des FARDC ont tiré sur des policiers par indiscipline. En tout état de cause nous avons eu une réaction disproportionnée. Pour une soixantaine d’assaillants mal armés nous avons utilisé… La police totalement inefficace. Services complètement émoussés
JJW : ça c’est un grand travail à faire avec les troupes. Leur apprendre à avoir la maîtrise de soi et surtout de ne pas paniquer à chaque coup de feu entendu en réagissant par des tirs de rafales qui épuisent bêtement les munitions (économie des moyens) et occasionnent des dégâts civils.
De plus, il y a des techniques de tirs qui permettent de mettre l’Eni hors d’état de nuire sans nécessairement le tuer… En plus dans un monde où les droits de l’homme deviennent pressants, cela peut toujours se retourner contre les donneurs d’ordre…
Source : A l’état major général, au camp Tshatshi, on a tiré pendant trois heures….alors que les assaillants n’avaient que deux tchingomas des machettes et des bâtons. On a même envoyé en appui direct un char. Et pendant toutes les opérations il fallait encadrer la troupe pour éviter bavures et dissipation des munitions. Point positif c'est l enthousiasme, le moral de la troupe. Disponibilité du commandement… A Kindu nos commandos se sont bien comportés.
JJW : C’est normal, pcq formés sur base de standards internationaux…
Source : C’est un autre enseignement. Le soin à mettre dans la formation de base. Mais aussi le civisme……j’ai vu des nos soldats qui s’apprêtaient à flinguer des gens qu’ils trouvaient suspects sans autre forme de procès.
JJW : Oui, tout passe par la formation de base…
Source : Je suis sûr que ton expertise serait précieuse ici… vu ce que tu fais déjà avec tes analyses… Je t’y encourage. La réflexion doit conduire les actions pas le contraire.
JJW : Pas dans les conditions actuelles… Merci.
De cet échange riche en informations, la piste d’une complicité interne dans l’armée reste plausible et c’est à ce niveau que l’on ressent l’inquiétude et le malaise au niveau de l’armée car le régime pourrait avoir deux réactions possibles.
La première, c’est d’étouffer le malaise et continuer de fonctionner comme si de rien n’était en procédant par des purges isolées, sans faire trop de bruit. Question de ne pas laver en public le linge sale.
La deuxième réaction, c’est de sanctionner les soutiens au sein de l’armée avec le risque d’implosion et des mécontentements de la part des troupes dont les chefs seraient mis en cause.
Mais en tout état de cause, quelle que soit l’option envisagée, le ver est déjà dans le fruit ou encore le levain devant faire monter la pâte d‘explosion des FARDC ne cesse d’agiter la marmite fermée déjà saturée !
Il y eut les massacres du campus de Lubumbahi en 1990, peut-on parler du massacre du 30 décembre 2013 ?
Lorsqu’en 1990, ce qu’on a qualifié de massacre des étudiants à Lubumbashi sonna le glas du régime Mobutu, des voix congolaises se lèvent pour qualifier la réaction disproportionnée des services de sécurité de massacres qui ne doivent rester impunis.
En effet, les services de sécurité ne sont pas habilités de réagir sur base du seul principe de légalité mais doivent également tenir compte de eux autres principes qui régissent l’usage des moyens de contrainte que sont la proportionnalité et l’opportunité.
Ce qui ne semble pas le cas au vu des images des assaillants tués. DESC, se limite ici à publier deux interpellations que nous avons reçus en privé de la part des activistes des droits de l’homme qui attendent une vive réaction de la communauté internationale dont le silence face au drame congolais devient exaspérant:
Le Mercredi 1 janvier 2014 9h37, Massou summer a écrit :
Bonjour,
Je m’adresse à vous défenseurs de la paix et vous demande si vous êtes au courant du massacre qui s’est produit le 30/12/2013 à Kinshasa.
Ces jeunes sont appelés des « assaillants, des rebelles » etc… Mais en les voyant mort je me suis posée la question où sont les armes ensanglantés avec eux ?
On nous montre les armes après alors que les témoins affirment que ces jeunes gens n’avaient pas d’armes. Je vous en supplie faite quelque chose en ce moment les familles de ces personnes sont en cavale poursuivit il n’a pas de droit aucun respect pour ces personnes.
Veuillez me contacter pour plus d’information sur ce numéro 0753220488. Promulguez la vérité de cette histoire pour vos frères congolais qui sont mort s’il vous plait où sont les droit de l’homme. Vos frère tués et vous n’avez pas le droit de sortir des mensonges faite quelque chose je vous en supplie.
Ces hommes « assaillant avaient vraiment des armes sont-ils morts comme des poules juste parce qu’ils ont décidé de s’exprimer?
Bonjour Jean Jacques! Suite a ce qui s’est passé en Rd Congo le 30 decembre 2013 sur ce que nous appelons le massacre de jeunes gens qui ne revendiquaient que leur droit sans pour autant avoir des armes nécessaires pour permettre une réponse forte anti terroriste des forces armées…
J’aimerai bien savoir si:
1. cette réponse de FARDC qui a couté 103 morts aux assaillants est-elle tolerable ?
2. Joseph Kabila etant le chef suprême de l’armée, serait-il responsable de la décision de la réponse de l’opération ou la décision pouvait bien etre prise sur place par des commandants sur place ?
3. Quelles sont les différentes tactiques que les FARDC disposent pour mener les operations de la sorte surtout quand il s’agit de l’atteinte à la securité du territoire ? Si vous avez des informations qui pourront nous aider à bien comprendre cette chaine de prise de décision, ce serait très appréciable. D. B.
A qui profite le crime ?
C’est la question classique que les criminologues se posent en pareille situation. Faute d‘avoir plus d’éléments sur les commanditaires de ces actes, en apparence folklorique, nous nous posons la question a contrario : A qui dessert cette forfaiture ?
Ainsi, qu’il s’agisse d’un coup d’état monté et manqué fabriqué par le régime ou un acte de contestation du régime, le premier perdant reste invariablement le régime congolais qui se décrédibilise davantage tant auprès de la population et que de ses soutiens extérieurs.
Les premiers conforteront leur conviction d’avoir à faire à un pouvoir incapable de sécuriser ses populations. Une perte de confiance qui, couplée au déficit de légitimité dont souffre le régime depuis les élections de 2011, va davantage rendre difficile l’exercice de l’autorité et l’adhésion populaire à l’action gouvernementale, malgré les efforts consentis par l’équipe Matata.
Sur le plan international, ces événements vont à coup sûr jouer en défaveur du régime qui continue de donner l’image d’un pouvoir fragile incapable d’assurer, pas seulement à l’est du pays mais aussi dans la capitale, l’autorité de l’Etat.
Cela pourrait également occasionner un impact négatif sur la cotation du Congo au niveau de l’apport des investissements et des capitaux étrangers. Déjà, des firmes sérieuses rechignent à venir investir proprement en RDC car devant payer très cher les primes d’assurance couvrant les risques liés à l’insécurité en RDC, une zone rouge selon les assureurs.
Et les événements du 30 décembre induiront davantage une érosion de confiance des bailleurs auprès des autorités congolaise. On peut même parler d’un agacement ou un ras-le-bol de continuer à soutenir un régime devenu davantage le vrai problème que la solution du Congo, du fait de son incapacité de pouvoir stabiliser convenablement l’ensemble du pays et surtout l’environnement économique.
Il n’est pas exclus que ces faiseurs de rois se tournent déjà vers d’autres alternatives plus crédibles et plus efficaces en termes de gouvernance. La preuve en est que d’habitude, lorsque pareils événements surviennent en RDC, les soutiens extérieurs du régime s’activent les uns à la suite des autres à condamner ces actes.
Ce qui n’est pas le cas pour ces derniers événements. Ni la MONUSCO, ni la Belgique ou encore moins l’UE et Madame Robinson n’ont fait aucune déclaration en ce sens.
Signe que les temps commencent à changer et dans la plupart des chancelleries, l’on se préoccupe davantage sur l’après Kabila, que dis-je après 2016 !
Kabila devient « diplomatievore » et émousse l’énergie de la communauté internationale de plus en plus acculée par les actions de la diaspora congolaise.
Les choses évoluent à telle allure que nous sommes contraints de publier temporairement cette analyse non finalisée à notre goût car les événements peuvent évoluer à tout moment.
D’ailleurs, des tirs ont été entendus le 1er janvier 2014 soir au centre ville à Lubumbashi, au Parc Hôtel dans la commune de Lubumbashi.
Un contact présent sur les lieux décrit des hommes armés en tenue bleue très foncéedans un 4X4 Land Cruiser qui tiraient en l’air pendant une dizaine de minutes. Il précise que ce n’est pas la GR ni la police.
Après analyse et élimination, il s’agirait des éléments du bataillon Simba fidèles à Numbi John. Il pourrait aussi s’agir d’un couvre feu qui ne dit son mot. D’autres tirs ont été confirmés à Lubumbashi à la place de la poste, au quartier Golf et vers le quartier Gecamines appelé « Makomeno »le 1er janvier après 20h.
Il y a 45 minutes d’autres tirs ont été a nouveau entendus côté golf. Le Consulat de Belgique aurait prévenu les ressortissants belges de rester prudents et d’éviter des sorties nocturnes à Lubumbashi !
Le hic est que le pouvoir, via certaines presses occidentales, tient à minimiser ce qui se passe au Katanga pour préserver les biens des quelques mafieux occidentaux qui saignent la RDC en profitant du chaos politique qui règne depuis 2011.
Bref, tous ces signent montrent à suffisance qu’ il y a, au sein des forces armées, un malaise profond qui ne dit son mot mais difficile à dissimuler. Le régime en sortira, tout au moins, très affaibli…
A ce stade, tout reste possible car nous risquons de traverser une zone de grandes turbulences dans les prochains jours. Si le 30 écembre 2013 était la goutte d’eau de trop qui sonne le glas de l’ère Kabila?
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Jean-Jacques Wondo
[1] Détection Militaire des Activités Anti Patrie. Le service de renseignement militaire congolais sous LD Kabila.
[2] De mère Tutsi, Membre depuis 2003 du cabinet du Conseiller spécial du président en matière de sécurité.
[3]Think-tank autour de Joseph Kabila mis en place par Katumba peu après la mort de Laurent Désiré Kabila en 2001.
A propos deJean-Jacques Wondo Omanyundu est un analyste des questions sociopolitiques, sécuritaires et militaires de la République démocratique du Congo. Il est l'auteur de l’ouvrage-référence ‘Les armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC’ (2013). Jean-Jacques Wondo est diplômé de l’Ecole Royale Militaire de Belgique.
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