samedi 8 mars 2014

RDC: François Muamba: l’amnistie sera individuelle. Point

5 mars 2014

Interview de François Muamba, coordinateur du mécanisme national de suivi de l’accord cadre d’Addis Abeba

KInshasa,

Voici un an, onze pays de la région se mettaient d’accord pour signer un vaste accord qui, en principe, interdisait à tous les intervenants de soutenir des mouvements d’opposition armés dans le pays voisin. 

Faisant face à la rébellion du M23, appuyée par le Rwanda jusqu’à ce que les pressions internationales contraignent Kigali à céder, le Congo fut obligé, comme les autres mais de manière plus contraignante, de souscrire à des mesures de réforme importantes, entre autres dans le secteur de la sécurité et de la gouvernance.

Un an plus tard, François Muamba, issu de l’opposition et qui mena durant de longs mois les « négociations de Kampala » avec les rebelles a été chargé de suivre la mise en œuvre de l’accord conclu et il a accepté de faire le point sur le chemin parcouru, en particulier sur la loi d’amnistie qui vient d’être promulguée.

« La loi telle qu’elle a été promulguée est une loi impersonnelle, qui ne vise pas seulement les hommes du M23. Dans le temps, son application remonte à 2006. Il est très clair que tous ceux qui à titre individuel sont accusés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de viols, de pillages sont exclus de cette loi. Des listes existent, rédigées par les Américains, par les Nations unies, par l’autorité congolaise et parfois les mêmes personnes figurent sur plusieurs de ces listes, accusées des crimes les plus graves et de ce fait exclues de l’amnistie. Quant aux autres, les plus nombreux, ils ont une période de six mois durant laquelle ils ont la latitude de se manifester. Car, contrairement à ce qui s’est passé en 2009, on n’octroie pas l’amnistie en bloc. IL s’agit d’une démarche individuelle par laquelle de manière concrète les concernés doivent signer un acte par lequel ils s’engagent à ne plus recommencer. Ils doivent accepter à l’avance qu’en cas de récidive, l’amnistie serait annulée, elle tomberait d’office.
Cela est stipulé par un acte rédigé par le ministère de la justice et qui a été annexé à la loi d’amnistie…

Cette mesure est-elle inspirée par la volonté de mettre fin au cycle des rébellions à répétition ?

Tout à fait.. On s’est rendu compte que, parmi les gens du M23 qui demandaient l’amnistie, certains en étaient à leur troisième demande ! Des multirécidivistes… On en est sorti en promulguant cet acte qui pose la responsabilité individuelle..

De combien de noms les listes dont vous parlez se composent elles ? D’une centaine de noms ?

Chez nous c’est à peu près de cela. Mais il faut tout de même faire le tri entre crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de rébellion…

Les ex combattants du M23 qui se trouvent encore en Ouganda peuvent ils bénéficier de la loi d’amnistie ?

Tout à fait : nous avons élaboré une feuille de route selon laquelle l’amnistie devait être votée en février, ce qui est fait. Nous avions aussi prévu des contacts, qui sont en cours, entre les Etats, afin d’aboutir à l’identification « in situ » de ces combattants et de pouvoir déterminer quels sont ceux qui souhaitent bénéficier de l’amnistie. Il s’agit, rappelons le, d’une démarche personnelle. Ceux qui seront candidats à l’amnistie seront alors soumis au processus DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion sociale pour ce qui concerne les Congolais, rapatriement pour les étrangers).

C’est par rapport à cela que le gouvernement a identifié des sites de regroupement. Pour ce qui concerne les gens du M23 ils pourraient aller à Walikale, dans le Nord Kivu. Pour tout le monde, donc aussi pour les gens issus d’autres groupes armés, les sites prévus sont Kamina dans le Katanga, Kitona dans le Bas Congo et Kota Koli dans l’Equateur.
Quelques difficultés d’explication subsistent, dans la communauté internationale on a entendu le mot « déportation ».

En réalité, on ne va pas démobiliser et cantonner là où les gens ont fait la guerre, car souvent ils ont gardé des armes et pourraient être tentés de les reprendre. En outre le « corps social » n’est pas prêt à assimiler des gens qui les ont tant fait souffrir. Pour les gens du Kivu, le M23 cela signifie « ma femme qui a été violée, mes biens que je n’ai plus, ma maison qui a été brûlée… » Comment voulez vous placer les démobilisés dans un milieu qui a tant de raisons de les rejeter ? Les placer ailleurs, dans un pays qu’eux-mêmes revendiquent comme leur, ce n’est pas de la déportation. Si on est Congolais on est chez soi partout…

Comment considérez vous les ex combattants du M23 qui se trouvent en Ouganda ?

Formellement, la position de l’Ouganda est de dire qu’ils sont désarmés, retenus mais pas détenus…Et d’ajouter que la prise en charge coûte cher. Depuis qu’il y a l’amnistie, cet argument ougandais est tombé. Concrètement, le rapatriement n’est pas plus facile et c’est grâce à la médiation des envoyés spéciaux (Mary Robinson pour les Nations unies, Koen Vervaeken pour l’Union européenne, Russ Feingold pour les Etats unis) que nous nous approchons d’une solution. Cette semaine encore nous allons avoir une grande réunion avec tous nos partenaires afin que l’on se comprenne et que l’on se facilite mutuellement la tâche…
____________________________
Le carnet de Colette Braeckman

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire