le 27/03/2014
La plus vieille réserve naturelle d'Afrique, dans l'Est de la République démocratique du Congo, a surmonté bien des aléas mais l'avenir de ce joyau du patrimoine mondial de l'humanité apparaît sérieusement menacé par les convoitises que suscite son sous-sol.
En cause: la détermination d'une petite société britannique, SOCO International, à mener, avec l'appui de Kinshasa, des activités d'exploration pétrolière au sein du parc national des Virunga.
Créé en 1925 sous la colonisation belge, cette zone protégée s'étend sur près de 800.000 hectares à la frontière avec l'Ouganda et le Rwanda. L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) l'a inscrite en 1994 sur sa liste du patrimoine mondial "en péril".
Ironie du sort, cet espace abritant une biodiversité exceptionnelle se trouve en effet au Nord-Kivu, province déchirée par les conflits depuis plus de vingt ans.
Plus que la déforestation, le braconnage, la présence de groupes armés, de soldats, ou de populations installées illégalement dans l'enceinte du parc, ce sont les dommages irréparables que causerait une éventuelle exploitation pétrolière qui inquiètent.
"Cela constituerait un risque de pollution majeur pour le site, situé non loin des sources du Nil", a déclaré au début du mois le commissaire européen au Développement Andris Piebalgs.
SOCO a obtenu en 2010 du gouvernement congolais un contrat de partage de production pétrolière portant sur une concession à cheval sur une partie des Virunga.
A la suite d'une campagne de protestation internationale, Kinshasa a suspendu en 2011 le permis d'exploration attribué à SOCO dans l'attente des résultats d'une "évaluation environnementale stratégique" (EES).
Pour les opposants au projet, parmi lesquels le Fonds mondial pour la nature (WWF) et plusieurs associations locales, c'est insuffisant.
Ils arguent que les contrats et permis attribués par l'Etat violent la loi congolaise sur la conservation de la nature et la convention de l'Unesco sur la protection du patrimoine mondial.
Ils dénoncent le fait que SOCO soit déjà à l'oeuvre depuis plusieurs mois au sein du parc car le gouvernement a associé l'entreprise à l'EES, situation pour eux anormale, où elle se retrouve juge et partie.
- "La malédiction du pétrole" -
"A ce stade, assure SOCO, aucun forage n'est prévu ni garanti", mais ses adversaires s'inquiètent des tests sismiques qu'elle s'apprête à mener et affirment qu'il s'agit ni plus ni moins d'activités d'exploration pétrolière masquées aux conséquences graves pour l'environnement.
Kinshasa met en avant la nécessité d'exploiter le pétrole au nom du développement économique de la RDC, un des pays les plus pauvres au monde.
Mais pour Bantu Lukambo, directeur général de l'ONG Initiative pour le développement et la protection de l'environnement, c'est une illusion.
Basé à Goma, la capitale du Nord-Kivu, il cite comme un contre-exemple la ville de Muanda, sur l'océan Atlantique, à l'autre bout du pays, où l'or noir est exploité depuis une trentaine d'années, et refuse d'"accepter la malédiction du pétrole".
Un récent rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement note que "loin de constituer une manne pour le développement", l'exploitation du pétrole à Muanda a plutôt entraîné "pollution" et dégradation de l'environnement.
Pour Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale du cercle de réflexion International Crisis Group, "la confirmation des réserves de pétrole dans l'Est exacerberait la dynamique de conflits à l'oeuvre" au Kivu.
Désavouée par le gouvernement britannique, SOCO refuse de s'aligner sur le groupe pétrolier français Total, qui, bien qu'ayant signé avec Kinshasa un accord similaire au sien, s'est engagé à ne pas entrer dans le périmètre du parc.
L'entreprise se justifie en faisant valoir que son intérêt est très limité géographiquement, que son bloc n'englobe pas la zone d'habitat du gorille des montagnes, espèce menacée, et qu'elle "ne cherchera jamais" à développer des activités dans ce secteur.
Peu importe, répond l'Unesco, exploration et exploitation pétrolières ne sont "pas compatibles" avec les statuts du patrimoine mondial et le parc risque donc d'être déclassé en partie, ce que ses défenseurs veulent à tout prix éviter.
Pour contrer les projets de SOCO, le WWF fait campagne pour convaincre que la RDC a beaucoup plus à gagner sur le plan économique en protégeant le parc et en y développant le tourisme, une pêche et des projets hydroélectriques durables plutôt que de chercher à y extraire du pétrole dont la présence n'a encore rien d'avéré.
__________
Slate Afrique
avec AFP
La plus vieille réserve naturelle d'Afrique, dans l'Est de la République démocratique du Congo, a surmonté bien des aléas mais l'avenir de ce joyau du patrimoine mondial de l'humanité apparaît sérieusement menacé par les convoitises que suscite son sous-sol.
En cause: la détermination d'une petite société britannique, SOCO International, à mener, avec l'appui de Kinshasa, des activités d'exploration pétrolière au sein du parc national des Virunga.
Créé en 1925 sous la colonisation belge, cette zone protégée s'étend sur près de 800.000 hectares à la frontière avec l'Ouganda et le Rwanda. L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) l'a inscrite en 1994 sur sa liste du patrimoine mondial "en péril".
Ironie du sort, cet espace abritant une biodiversité exceptionnelle se trouve en effet au Nord-Kivu, province déchirée par les conflits depuis plus de vingt ans.
Plus que la déforestation, le braconnage, la présence de groupes armés, de soldats, ou de populations installées illégalement dans l'enceinte du parc, ce sont les dommages irréparables que causerait une éventuelle exploitation pétrolière qui inquiètent.
"Cela constituerait un risque de pollution majeur pour le site, situé non loin des sources du Nil", a déclaré au début du mois le commissaire européen au Développement Andris Piebalgs.
SOCO a obtenu en 2010 du gouvernement congolais un contrat de partage de production pétrolière portant sur une concession à cheval sur une partie des Virunga.
A la suite d'une campagne de protestation internationale, Kinshasa a suspendu en 2011 le permis d'exploration attribué à SOCO dans l'attente des résultats d'une "évaluation environnementale stratégique" (EES).
Pour les opposants au projet, parmi lesquels le Fonds mondial pour la nature (WWF) et plusieurs associations locales, c'est insuffisant.
Ils arguent que les contrats et permis attribués par l'Etat violent la loi congolaise sur la conservation de la nature et la convention de l'Unesco sur la protection du patrimoine mondial.
Ils dénoncent le fait que SOCO soit déjà à l'oeuvre depuis plusieurs mois au sein du parc car le gouvernement a associé l'entreprise à l'EES, situation pour eux anormale, où elle se retrouve juge et partie.
- "La malédiction du pétrole" -
"A ce stade, assure SOCO, aucun forage n'est prévu ni garanti", mais ses adversaires s'inquiètent des tests sismiques qu'elle s'apprête à mener et affirment qu'il s'agit ni plus ni moins d'activités d'exploration pétrolière masquées aux conséquences graves pour l'environnement.
Kinshasa met en avant la nécessité d'exploiter le pétrole au nom du développement économique de la RDC, un des pays les plus pauvres au monde.
Mais pour Bantu Lukambo, directeur général de l'ONG Initiative pour le développement et la protection de l'environnement, c'est une illusion.
Basé à Goma, la capitale du Nord-Kivu, il cite comme un contre-exemple la ville de Muanda, sur l'océan Atlantique, à l'autre bout du pays, où l'or noir est exploité depuis une trentaine d'années, et refuse d'"accepter la malédiction du pétrole".
Un récent rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement note que "loin de constituer une manne pour le développement", l'exploitation du pétrole à Muanda a plutôt entraîné "pollution" et dégradation de l'environnement.
Pour Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale du cercle de réflexion International Crisis Group, "la confirmation des réserves de pétrole dans l'Est exacerberait la dynamique de conflits à l'oeuvre" au Kivu.
Désavouée par le gouvernement britannique, SOCO refuse de s'aligner sur le groupe pétrolier français Total, qui, bien qu'ayant signé avec Kinshasa un accord similaire au sien, s'est engagé à ne pas entrer dans le périmètre du parc.
L'entreprise se justifie en faisant valoir que son intérêt est très limité géographiquement, que son bloc n'englobe pas la zone d'habitat du gorille des montagnes, espèce menacée, et qu'elle "ne cherchera jamais" à développer des activités dans ce secteur.
Peu importe, répond l'Unesco, exploration et exploitation pétrolières ne sont "pas compatibles" avec les statuts du patrimoine mondial et le parc risque donc d'être déclassé en partie, ce que ses défenseurs veulent à tout prix éviter.
Pour contrer les projets de SOCO, le WWF fait campagne pour convaincre que la RDC a beaucoup plus à gagner sur le plan économique en protégeant le parc et en y développant le tourisme, une pêche et des projets hydroélectriques durables plutôt que de chercher à y extraire du pétrole dont la présence n'a encore rien d'avéré.
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Slate Afrique
avec AFP
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