19/06/2014
Martin KOBLER
Si l’on ne fait pas attention, la République Démocratique du Congo est menacée d’explosion. Cette déclaration est sortie récemment de la bouche de Martin Kobler, le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies en RDC après des rencontres entre autorités congolaises et envoyés spéciaux de l’ONU, de l’Union Africaine, de l’Union Européenne et des Etats-Unis dans la région des Grands Lacs.
Je partage tout à fait le point de vue de Martin Kobler, mais pas pour les mêmes raisons qui ont motivé sa déclaration. Ses craintes sont basées sur l’instabilité sécuritaire à l’Est de la RDC du fait de la présence encore significative des éléments des FDLR dans cette partie du pays.
Les miennes sont plutôt justifiées par la multiplication, depuis quelques années déjà, de conflits tribaux un peu partout en territoire congolais.
Bénéfice gâché de l’après-M23
En effet, après tant d’événements malheureux qui ont gravement menacé la stabilité de ses institutions, la RDC a démarré la nouvelle année 2014 sous le signe du rétablissement total de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national.
Le M23 et ses méfaits ne sont plus qu’un triste souvenir. Les autres milices armées encore actifs sont en train d’être éliminés l’un après l’autre. Les populations hier victimes de violences en tous genres ont commencé à reprendre petit à petit le rythme normal de leur existence.
Malheureusement, au-delà des acquis indéniables obtenus sur le plan sécuritaire depuis la déroute du M-23, les phénomènes enregistrés ces derniers temps un peu partout démontrent que le pays doit encore faire face à de nombreux défis.
Au Nord et au Sud Kivu, enlèvements, incendies de villages et massacres collectifs ne se comptent plus. Au Kasai Oriental, des désaccords coutumiers occasionnent régulièrement des batailles rangées entre communautés.
A l’Equateur, antagonisme persistant autour de portions de terre. Au Katanga, pas plus tard que lundi Bantous et Pygmées se sont sauvagement affrontés à Manono.
Manifestement, le plus important de ces défis, et de loin le plus redoutable, est celui relatif à la survie du pays en tant que nation, à son unité et à celle des populations qui la composent.
Autrefois, « Ekolo bo…moko ! »
Or, la force d’une nation c’est avant tout sa cohésion interne. C’est elle qui permet de maintenir le sentiment d’appartenir à un espace vital commun et, par conséquent, la volonté de défendre celui-ci contre toutes les formes extérieures d’atteinte à son intégrité.
Bref, c’est elle qui fait de chaque Congolaise et Congolais un maillon indissociable de la chaine reliant entre elles les différentes tribus qui peuplent ce vaste et beau pays.
C’est justement cette cohésion interne qui a constitué le socle sur lequel la Deuxième République a bâti son succès le plus tangible et le moins contestable : la notion, intériorisée par chacune et chacun des Congolais, de se sentir proche l’un de l’autre quel que soit l’endroit de sa résidence sur le territoire national.
Loin d’être un simple slogan comme tant d’autres fabriqués sous l’ancien régime, « Ekolo bo…moko ! »(« Une seule nation, un seul peuple »), martelé dans tous les meetings, avait véritablement pénétré dans la conscience collective. A tel point que le pays s’est trouvé des années durant à l’abri de violences intercommunautaires.
Certes, d’aucuns pourraient penser que la dictature régnante à l’époque et l’existence du parti unique étaient pour beaucoup dans cette prise de conscience qui a favorisé la vie en commun entre Congolais. Cependant, il faut souligner que la fierté de faire partie d’un groupe ou d’une communauté et d’en partager les valeurs n’est pas le résultat d’une dictature.
La Deuxième République n’a pas usé de fouet pour obliger les Congolais à s’accepter en tant que frères et sœurs. C’est par des campagnes systématiques de sensibilisation et de conscientisation, accompagnées de mesures concrètes de détribalisation dans l’Administration centrale ainsi que dans la Territoriale, qu’elle était parvenue à convaincre les habitants de ce pays qu’ils forment un seul peuple et une seule nation.
Grâce par exemple à la « territoriale des non originaires », politique d’intégration à laquelle les entreprises publiques et privées avaient emboîté le pas, les échanges des cultures ont abouti à de nombreux mariages intertribaux ainsi qu’à la disparition de certains tabous alimentaires.
Malheureusement, c’est cet acquis, précieux pour la consolidation de l’unité et de la concorde nationales, qui semble en train d’être remis en cause aujourd’hui par ces conflits intercommunautaires localisés en différents coins de la République. Un réel danger qui n’a pourtant pas l’air d’alerter la conscience de la classe politique.
« Sauvons le Congo ! »
A y regarder de près, les phénomènes de violences intercommunautaires à répétition ont tendance à faire tâche d’huile. Ils risquent donc d’embraser l’ensemble du territoire national et, à terme, de provoquer la désintégration du pays ou, pour reprendre l’expression de Martin Kobler, l’explosion de la RDC.
Les partis politiques, qui ont aussi pour rôle de concourir à l’éducation du peuple, devraient prendre cette situation au sérieux et commencer par prêcher à leurs bases respectives la culture de la paix, de la tolérance de l’autre, de la solidarité, de l’amour du prochain.
Ils devraient prendre leur bâton de pèlerins de la paix et de l’unité nationale pour parcourir l’arrière-pays et faire comprendre aux populations locales que d’est à l’ouest et du nord au sud la RDC héberge un seul peuple appelé à partager le même idéal de progrès et de prospérité pour chaque fille et fils de ce pays.
C’est en cela que le mot d’ordre « Sauvons le Congo » prend réellement son sens, et non pas dans des soi-disant « caravanes de la paix » qui, comme on l’a vu, ne sont en réalité que des caravanes électorales.
Tous ceux qui s’agitent aujourd’hui en regardant uniquement l’horizon 2016 devraient s’interroger sur l’utilité du pouvoir qu’ils cherchent à exercer demain s’ils ne se joignent pas aux efforts des autorités en place pour éteindre dès maintenant le feu de la haine, de la division et de la violence qui a déjà causé tant de victimes dans plusieurs régions de la République.
En effet, à quoi servirait-t-il d’accéder au pouvoir si c’est pour gouverner un pays miné par des violences intercommunautaires sans fin avec leur lot de cadavres et de populations en perpétuelle errance dans les forêts ?
Mettons-nous tous debout et sauvons le Congo de la terrible menace d’autodestruction qui le guette à travers les sanglantes rivalités qui opposent de nombreuses fractions de la communauté nationale.
Sauvons le Congo de l’éclatement, au risque de donner raison à feu le maréchal Mobutu dont la prédiction « Après moi, le déluge ! » devrait faire faire réfléchir plus d’une fois la classe politique congolaise.
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Bondo Nsama, Journaliste
© KongoTimes
Martin KOBLER
Si l’on ne fait pas attention, la République Démocratique du Congo est menacée d’explosion. Cette déclaration est sortie récemment de la bouche de Martin Kobler, le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies en RDC après des rencontres entre autorités congolaises et envoyés spéciaux de l’ONU, de l’Union Africaine, de l’Union Européenne et des Etats-Unis dans la région des Grands Lacs.
Je partage tout à fait le point de vue de Martin Kobler, mais pas pour les mêmes raisons qui ont motivé sa déclaration. Ses craintes sont basées sur l’instabilité sécuritaire à l’Est de la RDC du fait de la présence encore significative des éléments des FDLR dans cette partie du pays.
Les miennes sont plutôt justifiées par la multiplication, depuis quelques années déjà, de conflits tribaux un peu partout en territoire congolais.
Bénéfice gâché de l’après-M23
En effet, après tant d’événements malheureux qui ont gravement menacé la stabilité de ses institutions, la RDC a démarré la nouvelle année 2014 sous le signe du rétablissement total de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national.
Le M23 et ses méfaits ne sont plus qu’un triste souvenir. Les autres milices armées encore actifs sont en train d’être éliminés l’un après l’autre. Les populations hier victimes de violences en tous genres ont commencé à reprendre petit à petit le rythme normal de leur existence.
Malheureusement, au-delà des acquis indéniables obtenus sur le plan sécuritaire depuis la déroute du M-23, les phénomènes enregistrés ces derniers temps un peu partout démontrent que le pays doit encore faire face à de nombreux défis.
Au Nord et au Sud Kivu, enlèvements, incendies de villages et massacres collectifs ne se comptent plus. Au Kasai Oriental, des désaccords coutumiers occasionnent régulièrement des batailles rangées entre communautés.
A l’Equateur, antagonisme persistant autour de portions de terre. Au Katanga, pas plus tard que lundi Bantous et Pygmées se sont sauvagement affrontés à Manono.
Manifestement, le plus important de ces défis, et de loin le plus redoutable, est celui relatif à la survie du pays en tant que nation, à son unité et à celle des populations qui la composent.
Autrefois, « Ekolo bo…moko ! »
Or, la force d’une nation c’est avant tout sa cohésion interne. C’est elle qui permet de maintenir le sentiment d’appartenir à un espace vital commun et, par conséquent, la volonté de défendre celui-ci contre toutes les formes extérieures d’atteinte à son intégrité.
Bref, c’est elle qui fait de chaque Congolaise et Congolais un maillon indissociable de la chaine reliant entre elles les différentes tribus qui peuplent ce vaste et beau pays.
C’est justement cette cohésion interne qui a constitué le socle sur lequel la Deuxième République a bâti son succès le plus tangible et le moins contestable : la notion, intériorisée par chacune et chacun des Congolais, de se sentir proche l’un de l’autre quel que soit l’endroit de sa résidence sur le territoire national.
Loin d’être un simple slogan comme tant d’autres fabriqués sous l’ancien régime, « Ekolo bo…moko ! »(« Une seule nation, un seul peuple »), martelé dans tous les meetings, avait véritablement pénétré dans la conscience collective. A tel point que le pays s’est trouvé des années durant à l’abri de violences intercommunautaires.
Certes, d’aucuns pourraient penser que la dictature régnante à l’époque et l’existence du parti unique étaient pour beaucoup dans cette prise de conscience qui a favorisé la vie en commun entre Congolais. Cependant, il faut souligner que la fierté de faire partie d’un groupe ou d’une communauté et d’en partager les valeurs n’est pas le résultat d’une dictature.
La Deuxième République n’a pas usé de fouet pour obliger les Congolais à s’accepter en tant que frères et sœurs. C’est par des campagnes systématiques de sensibilisation et de conscientisation, accompagnées de mesures concrètes de détribalisation dans l’Administration centrale ainsi que dans la Territoriale, qu’elle était parvenue à convaincre les habitants de ce pays qu’ils forment un seul peuple et une seule nation.
Grâce par exemple à la « territoriale des non originaires », politique d’intégration à laquelle les entreprises publiques et privées avaient emboîté le pas, les échanges des cultures ont abouti à de nombreux mariages intertribaux ainsi qu’à la disparition de certains tabous alimentaires.
Malheureusement, c’est cet acquis, précieux pour la consolidation de l’unité et de la concorde nationales, qui semble en train d’être remis en cause aujourd’hui par ces conflits intercommunautaires localisés en différents coins de la République. Un réel danger qui n’a pourtant pas l’air d’alerter la conscience de la classe politique.
« Sauvons le Congo ! »
A y regarder de près, les phénomènes de violences intercommunautaires à répétition ont tendance à faire tâche d’huile. Ils risquent donc d’embraser l’ensemble du territoire national et, à terme, de provoquer la désintégration du pays ou, pour reprendre l’expression de Martin Kobler, l’explosion de la RDC.
Les partis politiques, qui ont aussi pour rôle de concourir à l’éducation du peuple, devraient prendre cette situation au sérieux et commencer par prêcher à leurs bases respectives la culture de la paix, de la tolérance de l’autre, de la solidarité, de l’amour du prochain.
Ils devraient prendre leur bâton de pèlerins de la paix et de l’unité nationale pour parcourir l’arrière-pays et faire comprendre aux populations locales que d’est à l’ouest et du nord au sud la RDC héberge un seul peuple appelé à partager le même idéal de progrès et de prospérité pour chaque fille et fils de ce pays.
C’est en cela que le mot d’ordre « Sauvons le Congo » prend réellement son sens, et non pas dans des soi-disant « caravanes de la paix » qui, comme on l’a vu, ne sont en réalité que des caravanes électorales.
Tous ceux qui s’agitent aujourd’hui en regardant uniquement l’horizon 2016 devraient s’interroger sur l’utilité du pouvoir qu’ils cherchent à exercer demain s’ils ne se joignent pas aux efforts des autorités en place pour éteindre dès maintenant le feu de la haine, de la division et de la violence qui a déjà causé tant de victimes dans plusieurs régions de la République.
En effet, à quoi servirait-t-il d’accéder au pouvoir si c’est pour gouverner un pays miné par des violences intercommunautaires sans fin avec leur lot de cadavres et de populations en perpétuelle errance dans les forêts ?
Mettons-nous tous debout et sauvons le Congo de la terrible menace d’autodestruction qui le guette à travers les sanglantes rivalités qui opposent de nombreuses fractions de la communauté nationale.
Sauvons le Congo de l’éclatement, au risque de donner raison à feu le maréchal Mobutu dont la prédiction « Après moi, le déluge ! » devrait faire faire réfléchir plus d’une fois la classe politique congolaise.
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Bondo Nsama, Journaliste
© KongoTimes
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