"Joseph Kabila" recevant Hillary Rodham Clinton le 11 août 2009 à Goma
Secrétaire d’Etat américain de 2008 à 2013, Hillary Rodham Clinton vient de publier ses mémoires sous le titre : "Le temps des décisions". La version française est éditée chez « Fayard ». « Hillary » relate, sur 720 pages, les enseignements qu’elle a pu tirer des voyages effectués dans 112 pays.
Elle distribue, au passage, de bonnes et mauvaises notes à certains dirigeants de la planète. L’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade est littéralement brocardé pour avoir tenté sans succès de briguer un troisième mandat en violation de la Constitution du Sénégal.
"Ce président si singulier", peut-on lire. «Joseph Kabila» y est présenté sous les traits d’un homme "distrait". C’est sans doute un euphémisme. La jeunesse kinoise en prend également pour son grade. L’ancien chef de la diplomatie américaine la juge fataliste. Désespérée.
Et ce contrairement aux étudiants sénégalais ainsi qu’à la société civile du Sénégal lesquels ont joué un rôle de premier plan dans la défaite électorale subie par Wade.
C’est à partir de la page 327 que Hillary Rodham Clinton parle du continent africain sous le titre: « Afrique : les armes ou le développement ?». Elle parle de plusieurs pays.
A la page 338, elle aborde le voyage qu’elle a effectué en août 2009 au Congo-Kinshasa. Son objectif était de faire passer le message suivant : «Il fallait améliorer la gouvernance et protéger les femmes du Congo».
La "secretary of State" était «horrifiée» par les rapports en provenance de Goma sur la violence faite aux femmes. L’Administration Obama estimait que le gouvernement congolais - le chef de l’Etat en tête - péchait par l’inaction à l’encontre des auteurs des viols.
Avant de prendre son avion, «Hillary» s’est confiée à son adjoint chargé des Affaires africaines, Johnnie Carson, afin de savoir si un tel déplacement pouvait générer le résultat escompté.
« D’après lui (Ndlr : Carson), si je parvenais à convaincre le président Joseph Kabila, en difficulté, de réprimer la violence envers les femmes, cela valait le coup de faire le déplacement », note-t-elle.
Un président "distrait" et "dépassé"
Le 11 août 2009, il est 12h30 lorsque l’aéronef transportant le chef de la diplomatie américaine atterrit au chef-lieu de la province du Nord Kivu. Madame Clinton est aussitôt reçue par «Joseph Kabila».
L’entrevue a lieu sous une tente plantée dans la résidence du gouverneur.
Elle écrit : « Kabila était distrait et incapable de se concentrer, manifestement dépassé par les nombreux problèmes que rencontrait son pays. Parmi eux se posait la question de rémunération des soldats. Indisciplinés et sous-payés, ils étaient devenus aussi dangereux pour les habitants que les rebelles qui attaquaient depuis la jungle».
Ouvrons la parenthèse pour rappeler que Madame Clinton avait tenu un point de presse à Goma. Elle avait exprimé, à cette occasion, sa crainte vis-à-vis des défis notamment les violences sexuelles faites aux femmes, les questions de bonne gouvernance et d’autres liées aux richesses congolaises ne bénéficiant pas à la population.
«J’ai tenu à cette rencontre ouverte et franche avec le président Kabila, déclarait-elle. Le président Obama et moi-même voulons avoir une nouvelle ère de partenariat entre nos deux pays. Nous savons que la RDC, affronte les problèmes de corruption, de bonne gouvernance, d’investissement, de développement.».
Elle avait par ailleurs insisté pour que ceux qui commettent les violences sexuelles soient punis et traduits devant la Justice. Fermons la parenthèse.
Une jeunesse congolaise résignée
Lors de son passage à Kinshasa, «Hillary» a rencontré des élèves de l’institut St Joseph avec lesquels elle a pu échanger. « J’ai décelé de la résignation chez les jeunes de Kinshasa », écrit-elle.
Ajoutant : "Ils avaient de bonnes raisons de se sentir désespérés". Plus loin, elle note : "Le gouvernement était incapable et corrompu, les routes inexistantes ou à peine carrossables, les hôpitaux et les écoles cruellement insuffisants".
Madame Clinton lance, par contre, des fleurs à l’endroit des étudiants et musiciens sénégalais ainsi qu’à la société civile sénégalaise d’avoir battu campagne pour faire échec à la volonté du président Abdoulaye Wade de s’octroyer un troisième mandat à la tête de l’Etat.
«Johnnie Carson mon adjoint, relate-t-elle, a tenté de convaincre Wade de penser d’abord au bien de son pays, mais il ne voulait rien entendre. La société civile sénégalaise a demandé que le président respecte la Constitution et se retire. Des étudiants ont manifesté dans la rue en criant « ma carte d’électeur, c’est mon arme ». Et de conclure : « En définitive, Wade a perdu ».
Dans les quelques pages consacrées au Congo démocratique, Hillary Rodham Clinton semble, en termes à peine subliminaux, interpeller la jeunesse congolaise à se libérer du carcan du désespoir autant que du fatalisme ambiant. Elle semble également confirmer ce que répètent tous les observateurs.
A savoir que la «communauté internationale» fait sa part en accompagnant les Congolais dans leur aspiration à l’alternance démocratique. Il incombe aux Congolais de faire la leur. Il s’agit de rompre avec la résignation et la peur.
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Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant
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