Mobiliser des ressources insoupçonnées pour remplir les stades afin de confirmer l’étendue de son audience et faire croire à l’opinion internationale que le peuple est de son côté. Tel semble être le défi.
Pour la classe politique burkinabè, cela devient une obsession. Une obsession condamnable car à la limite indécente dans un pays où la majeure partie de la population croupit dans la misère.
En Afrique, celui qui gouverne organise généralement les consultations pour ne pas les perdre
La dernière démonstration du genre vient du parti majoritaire, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Les partisans du chef de l’Etat voulaient ainsi répondre à l’opposition qui a dit avoir fait salle comble partout où elle est passée.
Sur le fond, rien de nouveau n’a transpiré de ce meeting convoqué à grand renfort de publicité. Au stade du 4 Août de Ouagadougou, le parti au pouvoir a souligné qu’il s’engageait à « respecter, à faire respecter et à défendre la Constitution ».
Le CDP a aussi invité « le président Blaise Compaoré à organiser un référendum afin de départager les deux camps ». Mais, pourquoi le pouvoir tient-il tant au référendum, et pourquoi l’Opposition le refuse-t-elle ?
L’Opposition se sait impuissante à obliger le parti au pouvoir à renoncer à son projet de référendum et à la modification de l’article 37 portant sur la limitation du mandat présidentiel.
Elle n’ignore pas qu’en Afrique, celui qui gouverne organise généralement les consultations pour ne pas les perdre. Les partis au pouvoir abusent de l’administration générale et de ses ressources, puisent impunément dans les deniers publics.
Des pressions sont ensuite exercées sur le contribuable afin que soient remboursées les sommes ainsi dilapidées !
Les dirigeants politiques africains atteignent leurs objectifs par divers autres moyens : intimidations, menaces, contorsions de textes, recours inconséquents aux chefferies coutumières, religieuses et traditionnelles, pouvoir de l’argent, etc.
L’Opposition burkinabè sait pertinemment que le parti au pouvoir fera tout pour exploiter la misère et l’ignorance des populations pour parvenir à ses fins. Au Burkina Faso, le pouvoir est donc sûr de son projet. Il l’a montré en se donnant les moyens de remplir le stade du 4 Août.
On semble persister à installer le chef de l’Etat dans une illusion mortelle
Lorsque l’argent détermine tout, il faut bien se rendre à l’évidence. Sauf qu’en plus, au Faso, la fracture sociale va s’élargissant et s’approfondissant comme le redoutait l’Eglise catholique.
La potion est amère ces temps-ci, et c’est à se demander si l’entourage de Blaise Compaoré le lui fait comprendre ! A moins qu’obsédé par la recherche d’une légitimation extérieure, le chef de l’Etat lui-même ne se satisfasse d’entendre les médias internationaux relever que le stade du 4 Août était rempli !
En soi, remplir un stade n’est guère une preuve suffisante de vitalité démocratique. Le parti au pouvoir devrait faire preuve de plus de modestie. Et d’ailleurs, pourquoi s’acharner à vouloir utiliser le peuple contre le peuple, si tant est qu’on l’aime vraiment, et que tout part et revient au peuple en démocratie ?
Outre la qualité des invités du CDP, une autre question taraude les esprits : la provenance des ressources qui ont permis de mobiliser cette foule.
Où a-t-on trouvé tout cet argent ?
De la seule cotisation des militants, ou des caisses de l’Etat ? Comment l’a-t-on géré ?
Les organes internes du parti au pouvoir sont interpellés, autant que les structures de contrôle de l’Etat (Assemblée nationale, Cour des Comptes, Autorité supérieure de Contrôle de l’Etat, etc.).
D’où vient-il que subitement, le pouvoir qui n’a jamais renoncé à demander l’aide étrangère pour construire le Faso, mobilise autant d’argent pour organiser des manifestations d’envergure, et assurer le déplacement de populations dont il a du mal à assurer la simple survie ?
Le besoin d’alternance est une réalité au Faso, et le Burkina n’est pas le seul pays africain où cela se revendique. La soif du changement existe. Il suffit d’avoir le courage politique de le reconnaître et oser prendre le taureau par les cornes.
Triste, mais on semble persister à installer le chef de l’Etat autant que le pays dans une illusion mortelle.
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« Le Pays »
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