mercredi 20 août 2014

Concentration de la Monusco dans l’Est : la vigilance s’impose

le 20 août 2014



Depuis le 1er juillet 2014, la Monusco a décidé de concentrer l’essentiel de ses forces dans l’Est. Pour les uns, cette délocalisation pourrait accélérer les efforts de stabilisation de cette partie de la RDC ; pour les autres c’est l’autorité de l’Etat dans les provinces de l’Est s’en ressentirait amèrement. 

Ce qui, à la longue, pourrait faire le lit de la balkanisation de la RDC. D’où, la vigilance s’impose.

Née de l’accord de Lusaka conclu en 1999 entre le gouvernement de la RDC et les groupes rebelles qui occupaient chacun une portion de la RDC, la Monusco – Monuc à sa création – peine, malgré tous les moyens mis à disposition, à pacifier réellement la partie Est de la RDC.

En activité depuis plus d’une décennie en terre congolaise, les troupes des Nations unies se butent à des difficultés de tous genres. A telle enseigne que leurs opérations ne donnent pas les résultats escomptés. Ce qui soulève bien souvent des critiques acerbes contre leur présence.

Malgré les accusations de complicité ou de passivité, la Monusco a été pour beaucoup dans la survie de la RDC. 

Les défis sur le terrain étant énormes, la mission onusienne en RDC s’est souvent trouvée dans l’obligation de changer des stratégies en vue de répondre efficacement aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

C’est dans cet ordre d’idées qu’il faudrait placer le renouvellement du mandat de la Monusco jusqu’en juin 2015. 

Le Conseil de sécurité des Nations unies a attribué à cette dernière une mission supplémentaire, à savoir traquer et neutraliser tous les groupes et milices armés qui pullulent dans l’Est de la RDC. Il s’agit plus particulièrement des FDLR (Rwandais) et des Adf-Nalu (Ougandais).

Cette nouvelle tâche justifie la création, parallèlement à l’important arsenal militaire dont dispose déjà la Monusco, de la Brigade spéciale d’intervention des Nations unies. 

C’est avec cette brigade, à laquelle prennent part des troupes tanzaniennes, malawites et sud-africaines, que les FARDC ont pu en novembre 2013 écraser les ex-rebelles du M23.

Les critiques acerbes de l’opinion publique n’ont pas facilité la tâche. « Autres temps, autres mœurs », renseigne un vieil adage. Apparemment, les Nations unies se sont inspirées de cette vieille sagesse en réorientant profondément leur action en RDC. 

Depuis le 1er juillet 2014, la Monusco a délocalisé l’essentiel de ses opérations vers l’Est. Désormais, toutes les opérations de paix menées par les troupes onusiennes sont commandées directement depuis Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.

Pendant ce temps, à Kinshasa, la Monusco n’assure qu’un service minimum, essentiellement administratif. Cette forte concentration est sujette à plusieurs interprétations.

En effet, dans certains milieux, généralement acquis à la cause des Nations unies, on voit dans cette nouvelle stratégie de la Monusco une façon d’accroître la capacité opérationnelle des troupes onusiennes. 

L’on estime que la présence onusienne en RDC tire ses origines de l’insécurité permanente dans l’Est. De ce point de vue, il y aurait de bonnes raisons d’accumuler toutes les forces onusiennes dans ce qui passe pour l’épicentre de la crise congolaise.

Des « îlots de stabilité »

Les plus sceptiques ne sont pas de cet avis. Selon eux, la démarche de la Monusco procéderait d’un émiettement à petit feu du rôle de l’Etat congolais dans l’Est. Ils estiment que depuis plus d’une décennie, Kinshasa le contrôle des territoires occupés successivement par divers groupes armés aussi bien étrangers que nationaux.

En fait, les sceptiques soupçonnent la Monusco de se substituer à l’Etat congolais. Cela quand bien même la nature aurait horreur du vide. 

Pourquoi les Nations unies ne faciliteraient pas la restauration de l’autorité de l’Etat au lieu de faire le boulot de ce dernier ? 

Pour combien de temps la Monusco va-t-elle prendre le relais des groupes rebelles sur les territoires jadis occupés ?

En conférant hier mardi avec des responsables des médias congolais, le staff de la Monusco s’est félicité des avancées significatives qu’il a enregistrées dans l’Est. 

Et, pour consolider ses acquis en termes sécuritaires, la Monusco a pris l’option de créer ce qu’elle appelle des « îlots de stabilité ». Une dizaine d’entre eux ont déjà vu le jour dans certains coins de l’Est.

Le modus operandi est bien simple. Après avoir libéré une zone, la Monusco met en place une zone de stabilité pour permettre aux populations locales de se remettre et au besoin, refaire une nouvelle vie. 

Ainsi, les soins de santé primaires, la réhabilitation des infrastructures de base et la sécurité sont dans certaines contrées de l’Est essentiellement assurés par les troupes onusiennes.

Si l’initiative est à saluer, le revers pourrait, à terme, être fatal pour l’avenir de la RDC. Il faut donc craindre la mise à l’écart progressive de l’Etat congolais jusqu’à son effacement de l’imaginaire collectif des citoyens congolais obligés avec le temps d’assimiler l’autorité de l’Etat à la Monusco plutôt qu’à l’Etat congolais. Au point que ce dernier pourrait finir par ne plus avoir d’emprise sur ces « îlots de stabilité ».

Par ailleurs, il nous revient que nombre d’Ongs internationales qui fourmillent dans l’Est travailleraient à cette fin.

Quid ? Tout serait fait pour que la notion de l’Etat disparaisse de la mémoire de ces Congolais « affranchis ». Autant dire que la forte concentration de la Monusco dans l’Est de la RDC ne serait pas un fait du hasard. 

Elle procéderait d’une logique qui, au finish, rejoindrait un schéma déjà tracé depuis des lustres, à savoir la balkanisation de la RDC. Pour ne pas en arriver là, la vigilance s’impose !
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Le Potentiel

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