le Dimanche 3 Août 2014.
Wattao et ses hommes.
On en sait un peu plus sur l’affaire Wattao, l’ex-chef rebelle devenu persona non grata, trois ans après l’installation au pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara. Notre enquête.
« Il est bel et bien à Abidjan. Il ne fuira jamais. C’est vrai que les gens veulent sa tête mais il est là ».
C’est en ces termes qu’un proche de l’ex-chef rebelle Issiaka Ouattara dit Wattao, devenu lieutenant-colonel sous Alassane Dramane Ouattara et nommé commandant adjoint de la garde républicaine (gr) par celui-ci, a réagi hier par téléphone lorsque nous lui avons fait part de la rumeur incessante à Abidjan faisant état de la fuite de son patron. pour ce proche de Wattao qui a requis l’anonymat, « le colonel Wattao n’a pas fui », lâche-t-il dans une voix pleine de colère.
Une colère, poursuit-il, qui n’est pas dirigée contre le journal Notre Voie mais contre « ceux qui veulent la tête du colonel ». De qui s’agit-il ? « Ils sont dans notre propre camp.
Ce sont ces Koyakas (une ethnie du nord du pays, ndlr) qui veulent tout contrôler », lance notre interlocuteur. Qui sont ces Koyakas dont vous parlez ? lui-ai-je demandé. « Ce sont les Hamed (Bakayoko), Soumaïla (Bakayoko) et autres. Mais on ne se laissera pas faire », répond ce proche de Wattao.
Conflit interethnique au sein du régime Ouattara, la guerre larvée entre factions du pouvoir actuel tributaire de la rébellion armée pro-Ouattara contre le président Gbagbo déclenchée en septembre 2002 a pris, depuis quelque temps, une tournure très loin d’être anodine. nos investigations au sein du RHDP (mouvement politique soutenant Ouattara) ainsi que parmi les FRCI ( la nouvelle armée sous Ouattara) nous ont permis de connaître les vraies raisons de la « disgrâce » que subit Wattao.
trois raisons fondamentales sont évoquées par les différentes sources crédibles. la première, c’est la guerre de positionnement qui oppose guillaume Soro Kigbafori (chef visible de l’ex-rébellion armée et actuel président de l’assemblée nationale donc dauphin constitutionnel en cas de cas) et Hamed Bakayoko (actuel ministre d’État en charge de la sécurité intérieure et véritable homme fort du gouvernement Ouattara).
Homme de confiance de Soro qui l’avait nommé en 2008 à la tête de la zone diamantifère de Séguéla après le limogeage de l’autre chef rebelle Koné Zakaria pour « indiscipline »,
Wattao est considéré, a-t-on appris, par le camp Hamed Bakayoko comme « le chef de l’aile dure militaire du camp Soro ».
Dès lors, soutiennent nos sources, le camp adverse estime que pour vaincre le camp Soro dans la course pour la succession d’Alassane Ouattara, il faudrait écarter Wattao. Toutes les options seraient mises sur la table, mêmes les plus extrêmes.
Couper les ailes de la bête pour la neutraliser. Telle est l’image qui traduit la tourmente dans laquelle se trouve Wattao, affirment des éléments FRCI, sous le couvert de l’anonymat. La guerre déclenchée, tous les moyens sont utilisés.
C’est ici qu’apparait la deuxième raison. « Ils accusent Wattao d’être un traitre, un espion de Gbagbo. Un pro-Gbagbo à côté du président Ouattara », affirme un cadre du RDR, proche de Soro. Un autre militant du RDR, partisan d’Hamed Bakayoko, croit dur comme fer que tout cela n’est pas faux.
« On se souvient qu’en avril 2011 lorsque le président Gbagbo a été conduit au Golf Hôtel, il a passé environ 2h d’échanges avec Wattao dans la chambre où on l’avait mis. Qu’est-ce qu’ils se sont dit ? Wattao n’a jamais rien dévoilé », accuset-il.
Vrai ou faux, cette histoire tout comme le fait que Wattao ait remis une nouvelle chemise au président Gbagbo, le 11 avril 2011, devant les cameras, alimentent les suspicions contre l’ex-chef rebelle.
Des suspicions liées aussi à son « amitié » avec Charles Blé Goudé et les rumeurs selon lesquelles il aurait aidé des cadres pro-Gbagbo à quitter le pays lors de la crise post-électorale.
Troisième raison, Wattao est accusé d’avoir ignoré sciemment de voler au secours de l’ex-chef rebelle Hervé Touré dit Vetcho lorsque ses hommes et lui faisaient face à une attaque à Noé, frontière ivoiro-ghanéenne. C’était en 2012.
Dans le partage de la Côte d’Ivoire et d’Abidjan par le régime Ouattara issu de la rébellion armée, Noé est sous le contrôle sécuritaire de l’ex-chef rebelle Vetcho.
Quand Abidjan-sud (zone comprenant l’après-Noé jusqu’à la commune de Treichville) est toujours dirigé par Wattao. «Il n’a pas été remplacé par le Lieutenant Tuo Souleymane.
Comment un Lieutenant peut-il remplacer un colonel ?
Tuo a été installé comme patron des ex-combattants d’Abidjan sud qui sont sans matricules et encasernés au camp EGS. C’est d’ailleurs le colonel Wattao qui les avait mis là sur accord de L'État-Major.
Comme le général Bakayoko et les autres veulent la tête de Wattao, ils créent la confusion pour nous présenter, nous, ses hommes et lui, comme des indisciplinés », précise un élément FRCI qui était parmi les hommes de Wattao ayant débrayé au camp EGS, le lundi 21 juillet 2014, lors de la visite du général Soumahoro Gaoussou, commandant des forces terrestres. L’officier supérieur n’avait pas pu installer le lieutenant Tuo.
Ce soulèvement avait causé un blessé par balle. Il a fallu attendre le vendredi 25 juillet dernier pour que le lieutenant Tuo soit installé par le colonel-major N’dri Kouamé Julien.
En l’absence du général Gaoussou et de Wattao. Concernant l’attaque de Noé, Wattao est accusé de collusion avec les assaillants. Évidemment, pour ses proches, il s’agit d’une accusation sans fondement.
Mais ceux qui l’accusent ne démordent pas.
Pour eux, ces assaillants seraient soit des pro-Gbagbo venus du Ghana, soit des éléments proches de Wattao donc de Soro. Quant aux éléments FRCI proches de Wattao, ils estiment que ces assaillants sont plutôt des ex-rebelles en colère parce qu’ils ont été floués.
« Soumaïla Bakayoko et les autres ont préféré prendre leurs frères en grand nombre dans l’armée en abandonnant les autres qui ont combattu. Ce sont ces ex-combattants toujours armés qui attaquent. Pro-Gbagbo, pro-Soro, tout ça, c’est des histoires », accuse un élément FRCI.
Face à cette guerre larvée entre factions armées de son régime, Alassane Ouattara garde le silence. préoccupé qu’il est plutôt par son état de santé. il a seulement donné de la voix, dit-on, lorsque Wattao a menacé de démissionner de toute activité militaire à cause des conflits de positionnement.
Ouattara aurait pris cela pour de « la trahison ». autre intervention, quand il a nommé l’ex-chef rebelle, lieutenant-colonel,et que celui-ci serait venu au cours d’une cérémonie au palais présidentiel avec le grade de commandant. au motif que l’état-major rechignerait à lui signifier sa promotion.
Des sources militaires ne le cachent pas, entre Wattao et l’état-major des FRCI, c’est plus la guéguerre que l’amour. La hiérarchie estime, nous a-t-on confié, que l’ex-chef rebelle nommé lieutenant-colonel est « indiscipliné ».
Quand à Wattao, au dire de ses proches, il pense que sa hiérarchie agit en connivence avec le camp Hamed Bakayoko pour tenter de le « neutraliser».
Ils en veulent pour preuve, l’ambiance délétère qui a prévalu à la passation de charges de chef des opérations du centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO) entre Wattao et l’ex-chef rebelle INZA FOFANA dit Grumman,ex-commandant de la brigade anti-émeute de Yopougon, le 22 juillet dernier, dans les locaux du CCDO sis au ministère de l’intérieur.
« Que ce soit au ministère de l’Intérieur ou à l’état-major, on harcelait Wattao pour qu’il quitte le CCDO.
Alors qu’il n’y avait pas de problème parce que c’est un décret du chef de l’Etat pris, il y a quelque temps, qui fixe la rotation, tous les six mois, des ex-chefs de guerre comme chef des opérations du CCDO.
Wattao avait déjà fait deux ans, il ne voulait plus rester », soutient un de ses proches. Qui affirme, par ailleurs, que l’idée du « complot contre Wattao» est apparue au grand jour lorsque que l’ex-chef rebelle Grumman était présent, le 21 juillet, à l’EGS aux côtés de l’émissaire de l’état-major des FRCI pour l’installation du lieutenant Tuo.
« Grumann était l’adjoint de Wattao. Il était à Vitib à Grand-Bassam. Tuo aussi est l’adjoint de Wattao. Ils veulent opposer Wattao à ses adjoints, on voit ça. Mais on ne se laissera pas faire », conclut notre interlocuteur.
Des propos qui témoignent de la crispation au sein du régime Ouattara.
__________
Didier Dépry
didierdepri@yahoo.fr
Wattao et ses hommes.
On en sait un peu plus sur l’affaire Wattao, l’ex-chef rebelle devenu persona non grata, trois ans après l’installation au pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara. Notre enquête.
« Il est bel et bien à Abidjan. Il ne fuira jamais. C’est vrai que les gens veulent sa tête mais il est là ».
C’est en ces termes qu’un proche de l’ex-chef rebelle Issiaka Ouattara dit Wattao, devenu lieutenant-colonel sous Alassane Dramane Ouattara et nommé commandant adjoint de la garde républicaine (gr) par celui-ci, a réagi hier par téléphone lorsque nous lui avons fait part de la rumeur incessante à Abidjan faisant état de la fuite de son patron. pour ce proche de Wattao qui a requis l’anonymat, « le colonel Wattao n’a pas fui », lâche-t-il dans une voix pleine de colère.
Une colère, poursuit-il, qui n’est pas dirigée contre le journal Notre Voie mais contre « ceux qui veulent la tête du colonel ». De qui s’agit-il ? « Ils sont dans notre propre camp.
Ce sont ces Koyakas (une ethnie du nord du pays, ndlr) qui veulent tout contrôler », lance notre interlocuteur. Qui sont ces Koyakas dont vous parlez ? lui-ai-je demandé. « Ce sont les Hamed (Bakayoko), Soumaïla (Bakayoko) et autres. Mais on ne se laissera pas faire », répond ce proche de Wattao.
Conflit interethnique au sein du régime Ouattara, la guerre larvée entre factions du pouvoir actuel tributaire de la rébellion armée pro-Ouattara contre le président Gbagbo déclenchée en septembre 2002 a pris, depuis quelque temps, une tournure très loin d’être anodine. nos investigations au sein du RHDP (mouvement politique soutenant Ouattara) ainsi que parmi les FRCI ( la nouvelle armée sous Ouattara) nous ont permis de connaître les vraies raisons de la « disgrâce » que subit Wattao.
trois raisons fondamentales sont évoquées par les différentes sources crédibles. la première, c’est la guerre de positionnement qui oppose guillaume Soro Kigbafori (chef visible de l’ex-rébellion armée et actuel président de l’assemblée nationale donc dauphin constitutionnel en cas de cas) et Hamed Bakayoko (actuel ministre d’État en charge de la sécurité intérieure et véritable homme fort du gouvernement Ouattara).
Homme de confiance de Soro qui l’avait nommé en 2008 à la tête de la zone diamantifère de Séguéla après le limogeage de l’autre chef rebelle Koné Zakaria pour « indiscipline »,
Wattao est considéré, a-t-on appris, par le camp Hamed Bakayoko comme « le chef de l’aile dure militaire du camp Soro ».
Dès lors, soutiennent nos sources, le camp adverse estime que pour vaincre le camp Soro dans la course pour la succession d’Alassane Ouattara, il faudrait écarter Wattao. Toutes les options seraient mises sur la table, mêmes les plus extrêmes.
Couper les ailes de la bête pour la neutraliser. Telle est l’image qui traduit la tourmente dans laquelle se trouve Wattao, affirment des éléments FRCI, sous le couvert de l’anonymat. La guerre déclenchée, tous les moyens sont utilisés.
C’est ici qu’apparait la deuxième raison. « Ils accusent Wattao d’être un traitre, un espion de Gbagbo. Un pro-Gbagbo à côté du président Ouattara », affirme un cadre du RDR, proche de Soro. Un autre militant du RDR, partisan d’Hamed Bakayoko, croit dur comme fer que tout cela n’est pas faux.
« On se souvient qu’en avril 2011 lorsque le président Gbagbo a été conduit au Golf Hôtel, il a passé environ 2h d’échanges avec Wattao dans la chambre où on l’avait mis. Qu’est-ce qu’ils se sont dit ? Wattao n’a jamais rien dévoilé », accuset-il.
Vrai ou faux, cette histoire tout comme le fait que Wattao ait remis une nouvelle chemise au président Gbagbo, le 11 avril 2011, devant les cameras, alimentent les suspicions contre l’ex-chef rebelle.
Des suspicions liées aussi à son « amitié » avec Charles Blé Goudé et les rumeurs selon lesquelles il aurait aidé des cadres pro-Gbagbo à quitter le pays lors de la crise post-électorale.
Troisième raison, Wattao est accusé d’avoir ignoré sciemment de voler au secours de l’ex-chef rebelle Hervé Touré dit Vetcho lorsque ses hommes et lui faisaient face à une attaque à Noé, frontière ivoiro-ghanéenne. C’était en 2012.
Dans le partage de la Côte d’Ivoire et d’Abidjan par le régime Ouattara issu de la rébellion armée, Noé est sous le contrôle sécuritaire de l’ex-chef rebelle Vetcho.
Quand Abidjan-sud (zone comprenant l’après-Noé jusqu’à la commune de Treichville) est toujours dirigé par Wattao. «Il n’a pas été remplacé par le Lieutenant Tuo Souleymane.
Comment un Lieutenant peut-il remplacer un colonel ?
Tuo a été installé comme patron des ex-combattants d’Abidjan sud qui sont sans matricules et encasernés au camp EGS. C’est d’ailleurs le colonel Wattao qui les avait mis là sur accord de L'État-Major.
Comme le général Bakayoko et les autres veulent la tête de Wattao, ils créent la confusion pour nous présenter, nous, ses hommes et lui, comme des indisciplinés », précise un élément FRCI qui était parmi les hommes de Wattao ayant débrayé au camp EGS, le lundi 21 juillet 2014, lors de la visite du général Soumahoro Gaoussou, commandant des forces terrestres. L’officier supérieur n’avait pas pu installer le lieutenant Tuo.
Ce soulèvement avait causé un blessé par balle. Il a fallu attendre le vendredi 25 juillet dernier pour que le lieutenant Tuo soit installé par le colonel-major N’dri Kouamé Julien.
En l’absence du général Gaoussou et de Wattao. Concernant l’attaque de Noé, Wattao est accusé de collusion avec les assaillants. Évidemment, pour ses proches, il s’agit d’une accusation sans fondement.
Mais ceux qui l’accusent ne démordent pas.
Pour eux, ces assaillants seraient soit des pro-Gbagbo venus du Ghana, soit des éléments proches de Wattao donc de Soro. Quant aux éléments FRCI proches de Wattao, ils estiment que ces assaillants sont plutôt des ex-rebelles en colère parce qu’ils ont été floués.
« Soumaïla Bakayoko et les autres ont préféré prendre leurs frères en grand nombre dans l’armée en abandonnant les autres qui ont combattu. Ce sont ces ex-combattants toujours armés qui attaquent. Pro-Gbagbo, pro-Soro, tout ça, c’est des histoires », accuse un élément FRCI.
Face à cette guerre larvée entre factions armées de son régime, Alassane Ouattara garde le silence. préoccupé qu’il est plutôt par son état de santé. il a seulement donné de la voix, dit-on, lorsque Wattao a menacé de démissionner de toute activité militaire à cause des conflits de positionnement.
Ouattara aurait pris cela pour de « la trahison ». autre intervention, quand il a nommé l’ex-chef rebelle, lieutenant-colonel,et que celui-ci serait venu au cours d’une cérémonie au palais présidentiel avec le grade de commandant. au motif que l’état-major rechignerait à lui signifier sa promotion.
Des sources militaires ne le cachent pas, entre Wattao et l’état-major des FRCI, c’est plus la guéguerre que l’amour. La hiérarchie estime, nous a-t-on confié, que l’ex-chef rebelle nommé lieutenant-colonel est « indiscipliné ».
Quand à Wattao, au dire de ses proches, il pense que sa hiérarchie agit en connivence avec le camp Hamed Bakayoko pour tenter de le « neutraliser».
Ils en veulent pour preuve, l’ambiance délétère qui a prévalu à la passation de charges de chef des opérations du centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO) entre Wattao et l’ex-chef rebelle INZA FOFANA dit Grumman,ex-commandant de la brigade anti-émeute de Yopougon, le 22 juillet dernier, dans les locaux du CCDO sis au ministère de l’intérieur.
« Que ce soit au ministère de l’Intérieur ou à l’état-major, on harcelait Wattao pour qu’il quitte le CCDO.
Alors qu’il n’y avait pas de problème parce que c’est un décret du chef de l’Etat pris, il y a quelque temps, qui fixe la rotation, tous les six mois, des ex-chefs de guerre comme chef des opérations du CCDO.
Wattao avait déjà fait deux ans, il ne voulait plus rester », soutient un de ses proches. Qui affirme, par ailleurs, que l’idée du « complot contre Wattao» est apparue au grand jour lorsque que l’ex-chef rebelle Grumman était présent, le 21 juillet, à l’EGS aux côtés de l’émissaire de l’état-major des FRCI pour l’installation du lieutenant Tuo.
« Grumann était l’adjoint de Wattao. Il était à Vitib à Grand-Bassam. Tuo aussi est l’adjoint de Wattao. Ils veulent opposer Wattao à ses adjoints, on voit ça. Mais on ne se laissera pas faire », conclut notre interlocuteur.
Des propos qui témoignent de la crispation au sein du régime Ouattara.
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Didier Dépry
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