mardi 5 août 2014

Sommet États-Unis-Afrique : appel au respect de l'alternance politique

le 05/08/2014 

Washington a appelé lundi les dirigeants africains à ne pas s'accrocher au pouvoir au premier jour d'un sommet centré sur l'économie.

Le président Kabila de la RD Congo avec le secrétaire d'État américain, John Kerry. © AFP

Lutte contre la corruption, protection de la liberté de la presse, mais surtout respect de l'alternance politique, rien n'est oublié de ce qui peut gangréner l'évolution de l'Afrique. Il faut dire que c'est presque le moment où jamais tant l'auditoire est exceptionnel. 

Faut-il le rappeler ? Cinquante pays sont représentés dans la capitale fédérale américaine. Trente-cinq présidents, neuf Premiers ministres et un roi, celui du Swaziland, dernière monarchie absolue d'Afrique, ont notamment fait le déplacement pour cette rencontre de trois jours qui débute au moment où le continent fait face à l'épidémie d'Ebola la plus meurtrière jamais enregistrée. 

Cela dit, on ne perd pas de vue l'objectif principal de ce Sommet : tisser des liens économiques plus solides entre les États-Unis et l'Afrique, région prometteuse à la croissance supérieure à celle du reste du monde (le FMI table sur 5,8 % en 2015).

Lutter contre la corruption, limitation des mandats présidentiels

Mais au premier jour des discussions, le vice-président Joe Biden a d'abord appelé les leaders africains à lutter contre "le cancer de la corruption" tandis que le secrétaire d'État américain John Kerry insistait sur le respect de la démocratie, de l'État de droit et les droits de l'homme. 

Citant l'exemple de l'ancien président sud-africain Nelson Mandela, M. Kerry a affirmé que la plupart des peuples d'Afrique étaient favorables à une limitation à deux mandats pour leurs dirigeants.

"Nous presserons les dirigeants de ne pas modifier les constitutions pour leurs bénéfices personnels ou politiques", a-t-il assuré, soulignant que des "institutions fortes" étaient préférables à des "hommes forts". 

Le secrétaire d'État s'est cependant gardé d'évoquer ouvertement les cas de la Guinée équatoriale, du Rwanda, de l'Ouganda, de l'Angola ou encore du Cameroun et de leurs indéboulonnables présidents Teodoro Obiang Nguema, Paul Kagame, Yoweri Museveni, Eduardo dos Santos et Paul Biya, tous invités à Washington. 

Dans la matinée, M. Kerry a rencontré le président de la République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila, à qui il avait demandé directement, lors d'une visite à Kinshasa en mai, de respecter la limite à deux mandats imposée par la loi fondamentale congolaise, dans la perspective des élections de 2016. 

"Un État de droit, c'est aussi le fait que les dirigeants ne gardent pas le pouvoir éternellement", avait lancé il y a quelques jours Barack Obama devant des étudiants africains.

Le terrorisme islamiste, l'épidémie d'Ebola

Sur le dossier sécurité, la menace d'al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), les attaques répétées de Boko Haram, la guerre civile au Soudan du Sud ou encore les offensives meurtrières des shebab somaliens au Kenya seront immanquablement abordées. 

Avant son départ pour Washington, le président camerounais Paul Biya a souligné que cette rencontre devait être l'occasion de mettre en place, avec le Nigeria, le Niger et le Tchad, une véritable "stratégie régionale" pour lutter contre Boko Haram. 

Pour le président des États-Unis, l'un des sujets centraux du sommet sera "de trouver les moyens de renforcer les capacités africaines dans les efforts de maintien de la paix et de résolution des conflits".

Mais c'est une crise sanitaire, celle du virus Ebola, à l'origine de près de 900 morts en Afrique de l'Ouest, qui était lundi au coeur des discussions, alors qu'un deuxième cas a été recensé à Lagos, au Nigeria. 

Le président sierra-léonais Ernest Bai Koroma et son homologue libérienne Ellen Johnson Sirleaf ont renoncé à venir aux États-Unis. 

Des responsables de ces deux pays se sont réunis lundi à Washington, en marge du sommet, avec le président de la Guinée Alpha Condé et la ministre américaine de la Santé Sylvia Mathews Burwell pour examiner ensemble le type d'aide nécessaire pour apporter "une réponse efficace" à cette crise sanitaire. 

Des contrôles médicaux ont été mis en place à l'arrivée sur le sol américain pour les délégués venant de pays touchés par l'épidémie.

M. Obama n'a prévu aucune rencontre bilatérale, mais devrait participer directement aux travaux mardi et mercredi. Né d'une mère américaine et d'un père africain, le premier président noir des États-Unis est resté plutôt en retrait sur l'Afrique lors de son premier mandat, mais a donné une impulsion sur ce dossier depuis sa réélection avec en particulier une tournée à l'été 2013 (Sénégal, Afrique du Sud, Tanzanie). 

Interrogé sur son bilan, le président sud-africain Jacob Zuma a estimé qu'il "aurait pu faire plus" pour l'Afrique depuis son arrivée à la Maison-Blanche en 2009. Cependant, a-t-il tempéré, ses origines lui ont rendu la tâche difficile. 

"D'une certaine manière, cela ne l'a pas aidé, car beaucoup de gens le regardaient à travers ce prisme et cela l'a obligé à être très prudent", a-t-il estimé, jugeant que, dans ce contexte, "il s'en sortait bien".
______________
Charles Consigny
Le Point.fr

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire