vendredi 3 octobre 2014

Révision de la Constitution : Berlin met en garde Kinshasa

le 3 octobre 2014



Portée par la Majorité, la révision de la Constitution devient de plus en plus une gageure, sinon un projet mort-né. A l’opposition interne, s’ajoute le refus de la communauté internationale. Après la prise de position claire des Etats-Unis et des Nations unies sur le sujet, l’Allemagne vient de donner de la voix en élargissant le cercle des antirévisionnistes. 

Le poids lourd de l’Union européenne, par la bouche de son ambassadeur en RDC, déclare : « Si elle (Ndlr : révision de la Constitution) aura des conséquences sur la stabilité du pays, il serait mieux de s’abstenir ». Cela vaut bien une mise en garde.

Le débat sur la révision de la Constitution n’est plus l’apanage de seuls Congolais. Si, en interne, le front contre tout charcutage de la Constitution du 18 février 2006 se raffermit au jour le jour, en dehors des frontières de la RDC, les partenaires extérieurs ne se retiennent plus pour exprimer vivement leur désapprobation à la démarche initiée par la Majorité au pouvoir (MP). Le dernier en date à donner de la voix est l’Allemagne. 

Cela par le truchement de son ambassadeur en RDC, le docteur Wolfgang Manig.

Le diplomate allemand a profité de la célébration le 2 octobre 2014 de la fête de l’unité allemande pour apporter sa contribution au débat politique autour de la révision de la Constitution en RDC. 

Il l’a fait en deux temps, d’abord au cours d’une conférence de presse le mercredi 1er octobre 2014, ensuite le jour même de la commémoration du 25ème anniversaire de la réunification de l’Allemagne, le jeudi 2 octobre 2014 en sa résidence.

Le docteur Wolfgang Manig a rappelé toutes les péripéties de l’histoire politique de son pays avant de mettre en garde la RDC contre des risques qu’elle court de sombrer dans une crise qui pourrait conduire à l’éclatement de son unité. 

Selon lui, la RDC a intérêt à mûrir davantage la question de la révision de la Constitution avant de se lancer sur cette voie. En clair, Berlin craint que le projet qui fait jaser actuellement ne débouche sur la déstabilisation de la RDC, un pays qui sort timidement d’une situation d’instabilité permanente, principalement dans sa partie orientale.

Première puissance de l’Union européenne, l’Allemagne nourrit de sérieuses ambitions en RDC. Le dernier séjour allemand du Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, s’inscrit dans ce schéma. Pour l’Allemagne, le temps est venu de faire des affaires en RDC. 

Toutefois, estime son ambassadeur en RDC, cela ne peut se réaliser que dans un contexte de paix garantie. « Nous avons besoin de la stabilité pour investir dans une nation », a déclaré le diplomate allemand, estimant que « la stabilité est nécessaire pour développer un pays ».

Usant de son flair de diplomate, le docteur Wolfgang Manig prédit que le projet de révision de la Constitution pourrait rendre hypothétique cette paix sur laquelle son pays voudrait s’appuyer pour s’engager dans une véritable relation d’affaires avec la RDC. 

Sans détours, il précise qu’ « il faudra bien réfléchir avant de prendre la décision de réviser la Constitution de la République. Si elle aura des conséquences sur la stabilité du pays, il serait mieux de s’abstenir ».

Conseil, suggestion, appel, tout y passe. Et de renchérir : « On ne peut pas développer une nation sans la liberté, ni une démocratie forte moins encore sans la bonne gouvernance ».

« Nous n'oublions pas le Congo »

Le diplomate allemand a rappelé que son pays, de même que toute l’Europe qui participe activement à la stabilisation de la RDC, n’était pas prêt à « oublier le Congo ». 

« Nous n’oublions pas le Congo », a-t-il lancé devant ses invités dans leur diversité. Il a usé de termes clairs et précis pour exprimer ce que l’Allemagne indique à la RDC comme la voie à suivre pour ne pas hypothétique les fondements d’une paix durable. Sans fioritures, il a insisté sur le respect de la Constitution comme l’un des principaux maillons de cette paix tant recherchée.

« Les Congolais ont voté massivement en 2006 une Constitution qui promettait une démocratie vivante. Celle qui a été fondée sur les valeurs de l'État de droit libéral. Sur la liberté de réunion pacifique, le droit d'exprimer son opinion, sans avoir à disparaître dans un cachot comme au temps de la dictature ou de la guerre. Et sur la possibilité de se choisir un gouvernement lors des élections où aussi l'opposition pouvait annoncer librement son programme », a-t-il rappelé.

Le diplomate allemand a touché du doigt le nœud du problème qui divise la classe politique congolaise : « Bien sûr, tout peuple a le droit à tout moment de réviser sa Constitution ou de s’en donner un nouveau. Car, tout pouvoir émane du peuple ». 

Toutefois, il relativise : « Le peuple donne temporairement le pouvoir. Mais s’il y a un risque que le pouvoir conféré ne soit pas rendu au moment convenu, les citoyens pourraient très bien se demander, ‘’Nos politiciens nous ont-ils oubliés ‘’? ».

L’engagement économique de l’UE tributaire d’un cadre politique fiable en RDC

Se souvenant d’une interpellation lui faite dernièrement par un ingénieur congolais, le diplomate allemand tance alors les dirigeants politiques congolais : « N’oubliez pas de protéger les valeurs que la RD Congo partage avec l'Europe! Des valeurs, qui sont aussi dans la Charte de l'Union africaine ».

Il est d’avis que ces valeurs sont, comme partout ailleurs, incarnées dans la loi fondamentale du pays, c’est-à-dire la Constitution. Si bien que la violer ou la fragiliser, comme c’est le cas avec le projet en cours de la réviser, c’est autrement dit porter atteinte à ces valeurs qui définissent les fondements d’une nation. 

« Il est également vrai que l’engagement économique des entreprises européennes dépend également du cadre politique fiable. Parce que les troubles et l'instabilité ne sont pas l'environnement dans lequel on investit », a renchéri l’ambassadeur Wolfgang Manig.

Que retenir de ces déclarations du diplomate allemand ? 

Une chose essentielle : l’Allemagne déconseille à la RDC de réviser sa Constitution. Elle doit en avoir été touché au mot du Premier ministre Matata Ponyo lors de son dernier passage à Berlin. 

Bref, l’Allemagne nourrit de grandes ambitions pour la RDC. Elle pose cependant comme préalable la consolidation de la paix pour garantir un environnement dans lequel il est bon faire des affaires. 

Or, de l’avis de Berlin, la révision de la Constitution comporte le risque de précipiter le pays dans un cycle infernal, lequel, tel un grave tourbillon, ferait éloigner toute perspective de paix.

Ayant passé par tous ces cycles dans son histoire, l’Allemagne veut éviter à la RDC pareil drame. Autrement dit, pour Berlin, la révision de la Constitution sera un suicide non seulement pour la jeune démocratie congolaise, mais surtout pour une nation qui a toutes les chances de se relever.

La Majorité, qui tient à son projet de révision, restera-t-elle insensible à la sagesse allemande ? 

Première puissance de l’Union européenne, il n’est pas exclu que l’Allemagne influence l’ensemble de la communauté européenne. Dans ces conditions, il vaut mieux faire preuve de capacité d’écoute que se foutre de tout le monde.

« Avec l’unité, la responsabilité internationale de l'Allemagne a augmenté », a fait savoir l’ambassadeur allemand en RDC avant d’indiquer « L'Allemagne doit assumer cette responsabilité, que cela nous plaise ou non ». 

Sa conclusion n’appelle aucun commentaire : « Nous n'oublions pas le Congo. Car, je suis sûr que les responsables au sein du gouvernement, du Parlement et de la société de la RD Congo vont apprécier la liberté, l'unité, la justice et la stabilité de la même manière que, il ya 25 ans, les Allemands l’ont démontré ».

La Majorité est donc prévenue. A bon entendeur, salut !
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Dr Wolfgang Manig, 
ambassadeur de l’Allemagne en RDC
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Le Potentiel

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