samedi 13 décembre 2014

RDC: les coulisses d’un remaniement

10 Décembre 2014


Parmi les "sortants", il y a le ministre de l’Intérieur et sécurité Richard Muyej

Plus de soixante-douze heures après la «restructuration» de l’équipe Matata I, les langues commencent à se délier sur les manœuvres politiciennes ayant entouré la confection de la liste définitive des membres du gouvernement Matata II. 


On apprend ainsi que le ministre de la Communication et des médias, Lambert Mende Omalanga, a bénéficié du soutien de certains membres de la «famille présidentielle». 

Au motif qu’il serait le seul membre du gouvernement qui prendrait "des risques personnels pour défendre le raïs". On apprend également que Richard Muyej, ministre sortant de l’Intérieur et sécurité, avait averti ses amis et proches qu’il ne fera pas partie du nouveau Cabinet. 

Il se raconte que «Joseph Kabila» lui aurait promis le poste de conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité ou celui de directeur du cabinet présidentiel. Connaissant « l’acteur et le système », l’ancien président de la puissante fédération du PPRD/Katanga confierait à son entourage qu’il espère que «le raïs ne va pas le rouler dans la farine en ne tenant pas sa parole». 

Président du PDC (Parti démocrate chrétien), José Endundo Bononge serait le seul chef de parti « oublié » dans le partage du «gâteau gouvernemental». 

Les informations relatées ci-après ont été obtenues auprès des sources indirectes. Après recoupements, il s’avère que "l’histoire" tient la route à plus de 80%.

«Joseph Kabila n’avait plus envie de former le fameux gouvernement de cohésion nationale. Il a dû découper certains ministères pour donner des strapontins à quelques personnalités. Le chef de l’Etat a cédé par dépit compte tenu du fait que tous ses interlocuteurs ne cessaient de lui seriner l’obligation d’honorer ses promesses tenues dans le discours prononcé le 23 octobre 2013 en présence de la présidente de la Commission Africaine, Nkosazana Dlamini Zuma, et du chef de l’Etat brazzavillois Denis Sassou Nguesso». L’homme qui parle est un habitué du sérail kabiliste.

Selon notre interlocuteur, le «raïs» a commencé par demander aux chefs des partis de sa majorité de lui faire parvenir les noms de trois «ministrables» en y joignant les CV des impétrants. 


«Il était entendu, relate la source, que le choix définitif devait revenir à l’autorité morale de la majorité présidentielle». Au grand dam des chefs des formations politiques concernées, décidés à revenir aux affaires. Certains d’entre eux auraient confié à des proches que c’est l’occasion, pour eux, de se faire «un peu de fric» en prévision des élections générales censées se tenir en septembre 2016.

Il s’en est suivi une sorte de ping-pong entre le "général Joseph Kabila" et ses alliés. Des alliés dont il a pris l’habitude de traiter en "caporaux". «Certains leaders politiques adresseront au chef de l’Etat les identités demandées en mettant uniquement leurs propres patronymes», poursuit la source. 


Après plusieurs «renvois aux expéditeurs», «Joseph Kabila» a fini par accepter de nommer les chefs des partis au gouvernement Matata II. C’est, semble-t-il, la raison qui serait à la base du retard de la publication de la liste de nouveaux membres du gouvernement. « Les chefs des partis ont dit à qui voulaient les entendre qu’ils ont besoin d’argent pour financer les prochaines campagnes électorales ».

Lambert Mende soutenu par la « famille présidentielle »

On note dans l’équipe Matata II, la présence notamment de : Olivier Kamitatu Etsu (Plan), président national de l’Alliance pour le renouveau du Congo (ARC) ; Lambert Mende Omalanga (maintenu à la tête du ministère des Médias), président de la Convention des Congolais Unis (CCU). Ouvrons la parenthèse. Selon plusieurs sources jointes à Kinshasa, «Lambert» aurait bénéficié du soutien de certains membres de la famille présidentielle non autrement identifiés. «Le ministre Mende est le seul membre du gouvernement qui assure la défense du raïs à chaque attaque», souligne-t-on. Fermons la parenthèse. Bahati Lukwebo (Economie), président de l’Alliance des forces démocratique du Congo (AFDC) ; Tryphon Kin-Kiey Mulumba (Relations avec le Parlement), président du Parti de l’Action (PA) ; Raymond Tshibanda (Affaires étrangères et coopération internationale), président de l’ ULDC (Union des libéraux démocrates chrétiens). Sans oublier, Evariste Boshab (Intérieur et sécurité), secrétaire général du PPRD. Le cas du secrétaire général du MLC, Thomas Luhaka Losendjola, (Potes, Télécommunications, Nouvelles Technologies de l’Information) demeure encore controversé. Pour les uns, il serait entré au gouvernement avec l’accord de JP Bemba. Pour d’autres, il n’en serait pas le cas. 


Luhaka et Germain Kambinga auraient été « exclus » de cette formation politique. Une affaire à suivre. Une chose paraît sûre : l’image de cette association est une fois de plus écornée.

Peut-on entrer dans un gouvernement et continuer à se prévaloir du titre d’opposant politique ?

Les observateurs ne cachaient pas un certain étonnement, lundi 8, en constatant l’absence du PDC José Endundo Bononge du nouvel exécutif national. Il semble que «José» a pu néanmoins placer un de ses "hommes" - en la personne de Liyota Ndjoli - à la tête du ministère de l’Environnement.

Richard Muyej a des « états d’âme »

Quelques heures avant la lecture sur les antennes de la RTNC, la télévision d’Etat, de l’ordonnance présidentielle portant nomination des membres de l’équipe Matata II, une source lushoise assure que celui qui était encore ministre de l’Intérieur et de la sécurité avait envoyé un texto à ses proches. 


Le message a été divulgué par des "indiscrets". Il faut dire que cet ancien ministre n’avait pas que des amis : «La composition du gouvernement Matata II sera publiée cette nuit, écrivait Muyej. Je ne serai pas repris.Ne vous alarmez pas car le Chef m’a demandé de prendre la direction de son cabinet ou d’occuper le poste de conseiller spécial en matière de sécurité ». 

Pour la petite histoire, l’actuel conseiller spécial, Pierre Lumbi, n’est plus en odeur de sainteté. Et ce, depuis que son parti le "MSR"a osé dire à haute et intelligible voix son opposition à toute révision constitutionnelle pour permettre à "Joseph Kabila" de briguer un troisième mandat. 

En dépit du caractère «serein» de ce message, il semble que l’ancien ministre Muyej aurait des « états d’âmes ». Il est pris par le doute. Il aurait confié ses appréhensions à quelques amis. Des amis assez bavards. 


A en croire ces derniers, pour Muyej, «Joseph Kabila» ne respecte que très rarement la parole donnée. L’homme dit espérer que «le raïs ne va pas le rouler dans la farine».

Malgré la promesse reçue du successeur de Mzee, "Richard" n’apprécie que modérément l’avènement d’Evariste Boshab à la tête de «son» ministère de l’Intérieur et de la sécurité. 


Il doute de la capacité de Boshab à abattre le travail qu’il a réalisé notamment pour "éradiquer les kuluna" autant que pour "maitriser l’armée". 

Les "amis" du ministre Muyej laissent entendre que celui-ci confie à qui voudrait l’entendre qu’il a compris la "psychologie" du "raïs". "Il faut le critiquer pour lui arracher un poste". 

Certains partisans de Muyej assurent que celui-ci "maîtrisait Gabriel Kyungu et son bouillant parti l’Unafec. Sans oublier John Numbi, les Maï Maï et les Bakata Katanga… ".

« Glissement » du calendrier électoral

Pour des observateurs à Kinshasa, « Joseph Kabila » avait malgré tout besoin de ce gouvernement de « cohésion nationale ». 


«En créant tardivement l’Office national d’identification de la population (Onip), Joseph Kabila et son entourage sont convaincus qu’ils ont gagné le jackpot en débauchant des personnalités de l’opposition qui vont faire leur jeu en leur permettant de passer l’échéance 2016 de manière apaisée», commente un analyste kinois joint mardi soir au téléphone. 

«Joseph Kabila est convaincu d’être maître de la situation avec les chefs des partis qui l’entourent et les opposants entrés au gouvernement, enchaîne un autre. 

C’est Evariste Boshab qui avait proposé au Président la nomination de l’ancien ministre Adolphe Lumanu Mulenda à la tête de l’Onip. Lumanu a reçu mission de faire retarder les opérations de recensement jusqu’à 2019 voire 2020 ". 

"Cette fois-ci, le raïs risque, comme Blaise Compaoré, de se tromper énormément", conclut notre dernier interlocuteur.
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Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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