Photomontage : "Joseph Kabila" et le gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe
Arrivé à Lubumbashi le mardi 23 décembre dernier, «Joseph Kabila» poursuit son séjour dans la province du Katanga. Cela fait deux semaines déjà.
L’enjeu ?
Contrairement à ce que nous annoncions précédemment, le «raïs» a reporté à ce lundi 05 janvier, la réunion initialement prévue la veille avec tous les «notables katangais».
Selon des sources bien informées, toutes les «têtes couronnées» natives de l’ex-Shaba (députés nationaux et provinciaux, ministres nationaux et provinciaux, hauts responsables de grands corps de l’Etat, cadres du parti présidentiel etc.) sont attendues…à la Ferme privée de «Kabila» située sur la route de Kasumbalesa.
Selon des indiscrétions, l’endroit aurait déjà l’allure d’un camp retranché avec la présence renforcée de plusieurs éléments de la garde prétorienne du «raïs», dite garde républicaine, et ceux des unités spéciales de la police nationale. Plusieurs chars auraient été déployés.
«L’évènement sera retransmis en direct à la télévision nationale congolaise», croit savoir un confrère lushois. Selon lui, «Joseph Kabila» entend saisir cette occasion pour atteindre deux objectifs.
Primo : «lessiver» le duo Katumbi-Kyungu en «Congovision» et le «neutraliser» politiquement. Secundo : arracher l’«adhésion solennelle» des notables du Katanga à l’idée d’une révision constitutionnelle pour lui permettre de briguer un troisième mandat.
Des «observateurs» auraient vivement déconseillé à Moïse Katumbi ainsi qu’à Gabriel Kyungu wa Kumwanza respectivement gouverneur et président de l’Assemblée provinciale du Katanga de prendre part à ce «colloque cabalistique» qui ne serait qu’un "piège".
« Les affaires publiques se traitent dans un cadre officiel et non dans la résidence privée d’un individu fut-il chef de l’Etat», clament ces observateurs.
Pour eux, le gouvernorat du Katanga devait servir de cadre à cette réunion. A défaut, le siège de l’Assemblée provinciale ou le bâtiment du 30 juin.
« En participant à la rencontre de ce lundi 05 janvier à la ferme présidentielle, Katumbi et Kyungu seront jugés par l’Histoire pour avoir cautionné le mépris des institutions et la volonté de « Monsieur Kabila » de privatiser les affaires publiques», clament-ils. Ambiance.
Boshab à Lubumbashi
«La tension est à son comble au Katanga, estime un activiste des droits humains joint au téléphone, dimanche soir, à Lubumbashi. La situation qui prévaut dans cette province ressemble au calme qui précède la tempête. Sans verser dans l’alarmisme, il me semble qu’il ne manque plus qu’une étincelle pour entraîner la déflagration.»
C’est dans ce climat délétère que le tout nouveau ministre de l’Intérieur et de la sécurité, Evariste Boshab, est arrivé au chef-lieu du Katanga. C’était le vendredi 02 janvier. L’homme continue à arborer sa casquette de secrétaire général du parti dominant le PPRD (Parti du peuple pour la démocratie et la reconstruction).
C’est en cette dernière qualité que Boshab a présidé, dimanche 04 janvier, une réunion de la Fédération du PPRD/Katanga.
Réputé arrogant et cassant, «Evariste» n’a pas tardé à se rendre compte de la «morosité» qui régnait dans la salle. L’assistance paraissait distraite en affichant une mine crispée.
Des voix ont aussitôt fusé ici et là : «Il y a des problèmes !» Boshab de répondre : «Je sais qu’il y a des problèmes. Il faut les résoudre. Il y a des gens qui ont des ambitions. Ce n’est pas mauvais. Nous devons, en revanche, les encadrer».
Plusieurs mains se sont aussitôt levées pour demander la parole. Sans succès. «Nous en reparlerons lors du congrès du PPRD en février prochain », dira le secrétaire général du PPRD avant de lever la séance.
Les problèmes
La parabole du «troisième penalty inacceptable» lancée par Moïse Katumbi lors de son retour après trois mois d’absence du pays a été favorablement accueillie au sein d’une majorité de la population du Katanga.
Sans prétendre que l’actuel gouverneur du Katanga est «parfait», nombreux sont également des Congolais d’ailleurs qui ont "salué" ce sémaphore jugé «politiquement incorrect» par des «kabilistes purs et durs».
La contre-offensive est apparemment en marche. Force est de relever que le combat a lieu en armes inégales. En cause, «Joseph Kabila», lui, use et abuse des moyens d’Etat.
L’Agence nationale de renseignements (ANR), la DGM (Immigrations), le Parquet général de la République sont instrumentalisés. Ils traquent et terrorisent les contempteurs du «raïs».
Député honoraire de la circonscription de Kolwezi et président national du groupe socioculturel «Lwanzo Lwa Mikuba», Vano Kiboko a été mis aux arrêts depuis lundi 29 décembre. Il vient d’être transféré à la prison centrale de Makala.
Son crime ? Au cours d’un point de presse qu’il a animé le samedi 27 décembre à l’hôtel « Grand Karavia », l’ancien parlementaire a dit à haute et intelligible voix son opposition à la révision constitutionnelle. Il a également exigé le droit pour le district urbano-rural de Kolwezi d’être érigé en province à part entière.
Dans le découpage territorial prévu par l’article 2 de la Constitution, cette entité est rattachée à la province de Lualaba. Au grand dam des membres de la communauté ethnique Sanga. Ceux-ci sont les autochtones de Kolwezi.
Dans un récent communiqué, l’Asbl « Lwanzo Lwa Mikuba » dénonce la violation des articles 23 et 30 de la Constitution - par cette arrestation - et «exige la libération sans conditions et sans délai » de son Président et leader. Le groupe fustige, par ailleurs, des « actes d’intimidations » infligés au « peuple sangaphone ».
Mardi 30 décembre, Georges Mawine Kaindu a été victime d’une tentative d’assassinat à Lubumbashi. L’homme n’est pas n’importe qui. Président de l’Observatoire de la Jeunesse au Congo et ancien vice-président national de la ligue des jeunes du PPRD, Mawine a été arrêté par des "inconnus" armés.
Il a été par la suite ligoté avant d’être jeté dans une rivière au niveau du Quartier Bel Air dans la commune de Kampemba. A Lubumbashi, des doigts accusateurs sont pointés en direction de la garde prétorienne de «Joseph Kabila».
A l’instar de Vano Kiboko, Georges Mawine n’a jamais fait mystère de son hostilité à toute « modification intempestive » de la loi fondamentale qui régit le pays depuis le 18 février 2006 pour permettre au « raïs » de briguer un troisième mandat.
Dans un communiqué daté du vendredi 02 janvier, JUSTICIA Asbl, basée au Katanga, fait état de «l’enlèvement » de Monsieur Mukaz Tshikomba A Tshing, vice-président des jeunes katangais.
A en croire cette organisation non gouvernementale, les « ravisseurs » seraient des membres de la garde prétorienne de « Joseph Kabila ». Encore?
Que reproche-t-on à Mukaz ? Le même vendredi, aux environs de 18 h, l’homme s’était rendu au bâtiment du 30 juin où une rencontre était prévue avec «Joseph Kabila».
Répondant à une question d’actualité, il clamera son «opposition» à la révision de la Constitution « pour un probable 3ièmemandat du chef de l’Etat ». Il dira la même opposition en ce qui concerne le découpage territorial au Katanga. Cette question est au centre d’une vive controverse.
« A la descente du bus au bâtiment du 30 juin, Mukaz sera interpellé par deux éléments de la garde républicaine qui le menaceront au moyen de leurs revolvers pour le conduire d’abord à la présidence de la République sise avenue Kamanyola, quartier Golf puis au camp militaire Kimbembe», indique le communiqué.
JUSTICIA Asbl assure disposer des informations «faisant état de pratique des tortures atroces et autres traitements cruels, inhumains et dégradants sur sa personne ». Il va sans dire que le groupement demande la libération de ce paisible citoyen dont le "crime" est d’avoir exprimé ses opinions.
Réunion « cabalistique » à la ferme présidentielle
Ce lundi 05 janvier aux environs de 9 h00, heure de Lubumbashi, tout ce que le Congo-Kinshasa compte comme membres de la «noblesse d’Etat», originaires du Katanga, sont attendus à la ferme privée de « Joseph Kabila » située sur la route de Kasumbalesa.
A ne pas confondre avec l’autre ranch érigé dans le Parc de Kundelungu. Dans ces deux endroits, un grand chapiteau, sous la forme de tente bédouine, est dressé. C’est dans ce cadre exotique que le "raïs" aime recevoir.
Comme nous l’indiquions précédemment, deux points seraient inscrits à l’ordre du jour. D’une part, la mise en œuvre de la loi relative au découpage du Katanga en quatre nouvelles entités provinciales (Haut Lomami, Haut Katanga, Lualaba et Tanganyika).
D’autre part, l’analyse critique de la parabole de Moïse Katumbi. Une parabole jugée "imbuvable" par le locataire du Palais de la nation.
Selon des indiscrétions, «Joseph Kabila» devrait charger le ministre de l’Intérieur d’accélérer la « matérialisation » d’ici au mois de février prochain de la décomposition du Katanga actuel. L’élection des quatre gouverneurs de provinces devrait avoir lieu rapidement.
Pour le « raïs », indique-t-on, Kolwezi restera rattachée à la nouvelle province du Lualaba. Ceux qui s’y opposent devraient saisir la "justice".
Selon des observateurs - c’est le deuxième cas de figure -, l’objectif poursuivi est d’affaiblir politiquement Katumbi et Kyungu. Le « raïs » entend saisir cette occasion pour «lessiver» et «humilier» les deux dirigeants du Katanga.
Sauf changement, la rencontre, non suivie de débat, sera retransmise en direct par la RTNC.
« Tout en étant en position inconfortable, le président Kabila voudrait donner l’impression qu’il a toujours la maitrise de la situation», commente un analyste politique.
Et d’ajouter : « L’homme est en panne d’imagination et croit résoudre les problèmes politiques par la seule force brutale. Il devrait s’inspirer de la sagesse de Confucius qui conseillait aux dirigeants politiques de cesser de se croire indispensable car le monde survivra probablement après leur disparition».
Ces observateurs déconseillent, par ailleurs, au duo Katumbi-Kyungu d’aller à la ferme de "Kabila".
Leur argumentaire n’est pas dénué de pertinence. «Les affaires publiques se traitent dans un cadre officiel et non dans la résidence privée d’un individu fut-il chef de l’Etat», martèlent-ils.
Pour eux, le gouvernorat du Katanga devait servir de cadre à cette réunion. A défaut, le siège de l’Assemblée provinciale ou le bâtiment du 30 juin.
«En participant à la rencontre de ce lundi 05 janvier à la ferme présidentielle, Katumbi et Kyungu seront jugés par l’Histoire pour couché devant le dictateur et surtout d’avoir cautionné le mépris des institutions et la volonté de « Monsieur Kabila » de privatiser les affaires publiques», clament-ils. Seront-ils entendus?
L’heure de vérité
Citant un diplomate non autrement identifié, l’AFP rapporte que rien n’indique que « Joseph Kabila » sera candidat en 2016. A en croire ce diplomate, « Joseph Kabila » «cherche à préparer le terrain pour le dauphin, que seul lui peut désigner».
D’où «la problématique de Katumbi, qui s’est auto-désigné dauphin, avec l’appui de moins en moins discret de Washington ».
Un analyste kinois d’estimer que le "raïs" retarde l’annonce de sa décision au sujet de 2016 de peur de provoquer un "sauve-qui-peut-général" à l’image de ce qui s’est passé au lendemain du discours du président Mobutu Sese Seko annonçant la fin du Parti-Etat, le 24 avril 1990.
Quid du recensement annoncé par « Kabila » ?
Porte-parole de la Majorité présidentielle, Sébastien Luzanga Shamandevu a déclaré récemment, sans rire, à RFI que cette opération « fait partie des conditions sine qua non pour que nous ayons vraiment de bonnes élections, des élections qui n’apporteront pas de contestations ».
De l’avis des analystes, ce recensement devrait durer 3 à 4 ans.
D’où le soupçon de « glissement » du calendrier électoral. « Cessez de nous prêter des intentions ! », répliquait un Luzanga devenu amnésique. L’homme a-t-il perdu de vue ses déclarations faites en septembre 2014 exigeant purement et simplement la mise sur pied d’une «nouvelle constitution»?
En attendant que «Joseph Kabila» lève sur le suspense sur son sort en prévision de l’horizon 2016, on peut gager que "l’heure de vérité" a sans doute sonné entre l’actuel chef de l’Etat - dont l’impopularité bat tous les records - et le gouverneur Moïse Katumbi Chapwe.
Deux "caïmans" ne peuvent cohabiter dans le même marigot. Question : Qui dégainera le premier ?
__________________
Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire