jeudi 1 janvier 2015

Point n’est besoin de pleurnicher. Il faut réfléchir et passer à l’action.

27 Décembre 2014



Au commencement était la volonté de Mobutu de limiter le multipartisme à trois formations politiques. Mais le peuple, aveuglé par le fanatisme de la liberté, a préféré suivre des marchands d’illusions qui pensaient que pour construire la démocratie, il fallait à tout prix défier toute proposition du dictateur. 


Depuis lors, le Congo a droit au multipartisme intégral. Mais la multitude de partis politiques se vit désormais non pas comme une richesse, mais comme une calamité qui décrédibilise l’idéal même de la démocratie. 

Sous d’autres cieux, intellectuels et politiques se mobiliseraient pour trouver une solution à ce fléau. Mais nous sommes en Afrique où une telle calamité ne gêne ni ceux qui se remplissent les poches au pouvoir, ni ceux qui crient au voleur dans l’opposition. 

Il est temps de prendre conscience de ce danger et de rectifier le tir, en trouvant une formule qui réduirait drastiquement le nombre de partis politiques. On peut y parvenir. Avec un peu d’imagination, même quand on considère, ce qui est faux à l’entendement, que la démocratie partisane est l’unique horizon de notre temps.

Un parti politique est avant tout un groupement d’hommes qui professent la même doctrine politique, c’est-à-dire la même façon de voir la société et d’apporter des réponses aux préoccupations des peuples. Aussi le parti politique constitue-t-il une structure d’organisation du modèle Westminster de la démocratie. 


Mais importé en Afrique, le parti politique devient juste une propriété de son président fondateur. Tout ce qu’il y a de contraire à une structure d’organisation de la démocratie en Occident. Tout le monde en est conscient. Sous d’autres cieux, intellectuels et politiques se mobiliseraient pour mettre un terme à cette inversion des valeurs. 

Mais nous sommes en Afrique. Tout ce qui est anormal ne semble interpeller personne. Ni ceux qui participent au festin du pouvoir, ni ceux qui sont révoltés par la politique du ventre. Il est temps de prendre conscience de ce danger et de rectifier le tir. 

Il est possible de légiférer pour que le parti politique traduise la réalité de ce que nous cherchons à importer de l’Occident, faute d’avoir une imagination créatrice susceptible de nous permettre de tailler notre propre chemin démocratique.

Le but ultime d’un parti politique est de chercher à influencer une politique gouvernementale, en tentant d’obtenir des mandats politiques. Cela se passe par des élections que tout le monde, en Afrique ou ailleurs, voudrait libres, justes et transparentes. 


Pourtant, à chaque élection présidentielle en Afrique, l’injustice est criante. Le président sortant mobilise les moyens de l’Etat au vu et au su de tout le monde pendant que ses challengers doivent se contenter de leurs maigres moyens. 

Sous d’autres cieux, intellectuels et politiques se mobiliseraient pour que cesse une injustice aussi flagrante. Mais nous sommes en Afrique. On attend sans doute que les Occidentaux, nos maitres d’hier, pensent notre société pour nous afin que le mot justice cesse d’être un signifiant et devienne un signifié pour l’épanouissement collectif ou national.

« Lemu di magudu, musambudi lo ». Qui parle ainsi ? La sagesse populaire des Bambala. Entendez, il n’y a pas d’aide possible pour supporter le poids de ses propres testicules. Il en est ainsi de la souveraineté nationale. Nous sommes les premiers à la revendiquer haut et fort, surtout quand nous arrivons au pouvoir. 


Mais hélas, nous sommes également les premiers à la compromettre en demandant aux Blancs de financer ce qui est pourtant au cœur même de toute souveraineté, à savoir l’organisation des élections ou du choix de nos dirigeants. 

Et quand les Blancs profitent de notre légèreté pour choisir nos dirigeants à notre place, nous dénonçons véhément leur impérialisme. Sous d’autres cieux, intellectuels et politiques se mobiliseraient pour trouver un antidote à notre éternelle dépendance. 

En effet, les élections ne s’organisent pas tous les jours. C’est tous les cinq ans voire plus. Ainsi, on a suffisamment de temps pour se constituer progressivement une cagnotte électorale. 

Un objectif à la portée de tout Etat, même le plus pauvre au monde. Mais nous sommes en Afrique. On préfère attendre la dernière minute pour tendre la main à l’homme Blanc, ce colonisateur d’hier mille fois vilipendé et qui, loin de rentrer chez lui, continue à arpenter les coulisses de nos pouvoirs sur notre propre invitation. Comme si cela était une fatalité.

En mars 1991, après les manifestations populaires réprimées dans le sang, Amadou Toumani Touré participe au coup d’Etat contre le dictateur Moussa Traoré, prend la présidence du Comité de transition pour le Salut du peuple et assure les fonctions de chef de l’État pendant la transition démocratique. Quelle leçon tire-t-il de cette expérience ? 


Le plus grand danger du pouvoir en Afrique, dit-il, c’est la famille où tapissent des individus médiocres qui, loin d’aider à la gestion de l’Etat, cherchent à tout prix à en tirer des profits personnels. Qui n’est pas conscient de ce fléau ? A-t-on déjà cherché le moindre remède ? Non ! Les élites politiques et intellectuelles attendent que le problème se règle de lui-même. Et l’intelligence alors ? A quoi sert-elle ? 

Il en est de même de la trop grande capacité de patronage que la constitution accorde au président de la république, plaçant celui-ci automatiquement au-dessus de la loi. Le moins que l’on puisse dire, c’est que sous d’autres cieux, cela susciterait au moins un questionnement de la part des élites politiques et intellectuelles. 

Mais nous sommes en Afrique, continent où les grandes figures politiques et les intellectuels bardés de diplômes se conduisent comme des nains dès lors qu’il s’agit d’identifier et de résoudre les problèmes qui retardent l’émergence de l’Etat de droit.

On pourrait multiplier les exemples jusqu’à l’infini pour démontrer qu’au Congo et ailleurs en Afrique, les entraves à la bonne gouvernance sont aussi visibles que le nez au milieu du visage. Mais non seulement on ne les voit pas. 


Mais en plus, on préfère se lancer à la recherche des boucs émissaires. L’impérialisme intelligent pour Songolo. Le président de la république qui ne serait pas un fils du pays ou qui n’aimerait pas son pays ou encore qui souffrirait d’un manque de leadership, selon Mpakala. 

Parfois on incrimine la nature même de l’homme africain, lui trouvant des caractéristiques incompatibles avec la culture démocratique alors même que des Africains font de la politique en Occident sans se distinguer en quoi que ce soit de leurs pairs occidentaux. 

Et en guise de remède face à ces diagnostics dignes des zombies, on développe des discours dits de sensibilisation ou conscientisation, insultant au passage les profiteurs de la république comme si cela suffirait à changer la donne. 

Par ailleurs, alors que des dirigeants peuvent se succéder d’une manière ou d’une autre au sommet d’un même Etat sans que cela n’apporte le moindre changement significatif quant à la qualité de la gouvernance, on continue à croire que la solution au problème serait le départ du despote du moment. Pour aussitôt se réveiller le lendemain sous la botte d’un autre despote, parfois même pire que les précédents.

Que les hommes politiques ne réfléchissent pas, on pourrait les comprendre dans une certaine mesure. Car, on n’attend pas d’eux qu’ils se conduisent en professionnels de la pensée. 


Mais que les intellectuels restent aveugles face aux multiples entraves à la bonne gouvernance au point de puiser leur orgueil à travers des discours qui seraient plus à leur place dans des meetings populaires, il y a de quoi douter de notre capacité à sortir un jour nos Etats des marécages.

« L’Afrique périclite non seulement à cause de la pauvreté, mais parce que les mentalités ont été perturbées, parce que nous ne retrouvons plus nos racines », avait déclaré le Président Pascal Lissouba (Le Point, 13 juillet 1996). 


Aussi avait-il lancé un appel aux intellectuels du continent, qui « devraient réfléchir là-dessus et orienter leurs chefs d’Etat en conséquence et non pas crier pour crier ». Ces propos attendent toujours d’être entendus. Il est temps de sortir de la psychose des conférences nationales et des applaudissements imbéciles.
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Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
© Congoindépendant

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