mercredi 7 octobre 2015

Congo: «choc de gouvernance» ou «coup d'Etat institutionnel»?

le 07-10-2015

 

Dans un bureau de vote de Brazzaville, le 15 juillet 2012.Photo AFP / Guy-Gervais Kitina

Le référendum sur le changement de la Constitution aura lieu le 25 octobre prochain. Une décision annoncée lundi au terme d'un Conseil des ministres présidé par le chef de l'Etat Denis Sassou-Nguesso. 


Le texte de la nouvelle Constitution qui sera proposé au vote des Congolais n'était pas encore disponible dans son intégralité hier. Mais le projet reprend la plupart des propositions du dialogue de Sibiti de juillet, et le compte-rendu du Conseil des ministres est revenu sur les principaux changements envisagés. Le texte est en tout cas d'ores et déjà fortement contesté par l'opposition, qui y voit une forme de « coup d'Etat constitutionnel ».

Dans l'article 1er de ce projet de Constitution (qui en comporte 241, répartis en 21 titres), l'Etat congolais est désormais défini comme décentralisé. 


Des compétences dans des domaines comme la santé, l'urbanisme, l'agriculture, l'éducation jusqu'au secondaire seront transférées aux collectivités locales. L'abolition de la peine de mort et l'objectif de parité hommes/femmes seront inscrits dans le texte fondamental. Au niveau de la vie politique, le principe de libre adhésion aux partis est consacré, un statut de l'opposition sera institué.

Les plus importants changements concernent l'exécutif, avec la création d'un poste de Premier ministre, nommé par le président. 


Chef du gouvernement, il est concerté pour le choix des ministres qui restent nommés par le président. Il détermine, en concertation avec le chef de l'Etat, la politique économique et sociale du pays qu'il est seul chargé de conduire avec son gouvernement. 

Un gouvernement responsable devant l'Assemblée qui peut maintenant le renverser par motion de censure, tandis que le président peut, lui, dissoudre l'Assemblée.

Troisième mandat

Le mandat présidentiel est réduit de sept à cinq ans, mais désormais renouvelable deux fois. L’âge minimum pour être candidat est abaissé à 30 ans ; la limité d'âge, 70 ans auparavant, disparaît. 


Des dispositions qui permettraient au président Sassou-Nguesso, 72 ans, de briguer un troisième mandat. Ce que l'opposition dénonce comme un « coup d'Etat constitutionnel », quand le gouvernement, lui, insiste sur le « choc de gouvernance » que cette évolution des institutions pourrait apporter au pays.

Ainsi, le Front républicain pour le respect de l'ordre constitutionnel et l'alternance démocratique (FROCAD) et l'Initiative pour la démocratie au Congo (IDC), les deux principales plates-formes d'opposition au Congo-Brazzaville, se montrent préoccupées depuis l'annonce de la date du référendum dans le pays. Elles contestent et dénoncent l'illégalité de ce référendum. 


Les deux organisations ont regroupé ce mardi un échantillon de leurs militants en présence de la presse, et les ont invités à se tenir prêts pour des actions destinées à barrer la route au référendum.

« Nous ne sommes pas comptables de ce référendum »

Paul-Marie Mpouélé et Clément Miérassa, tous deux leaders du FROCAD, rejettent le référendum et pensent que ce scrutin va ramener la démocratie congolaise plusieurs années en arrière. 


« Ce référendum est totalement illégal, s’indigne Paul-Marie Mpouélé. Et donc, nous, Congolais, en tout cas dans notre écrasante majorité, nous ne sommes pas comptables de ce référendum. Nous ne l’acceptons pas, nous le rejetons, nous appelons notre peuple à la résistance. Et c’est cet appel que nous lançons : nous devons résister, refuser ce référendum. En tout cas, nous appelons tous les Congolais à ne pas l’accepter. »

Clément Miérassa va également dans ce sens. 


« La raison et la légalité sont de notre côté, affirme-t-il. Je peux même vous donner une indication extrêmement importante. La Cour constitutionnelle et la Cour suprême sont dans l’illégalité. La Cour constitutionnelle n’est pas aujourd’hui en droit d’organiser un quelconque référendum. Je pense que nous avons été assez passifs. » 

Un point de vue également partagé par la Fédération internationale des droits de l’homme qui voit dans ce référendum une façon de maintenir le président Denis Sassou-Nguesso à la tête du pays, qu'il dirige depuis trente ans déjà.

« Tradition d’échange et de dialogue »

Une idée que rejette pourtant de manière catégorique Serge Michel Odzocki, le porte-parole du PCT, le parti présidentiel. 


« Nous rejetons les arguments qui sont avancés et qui fondent cette opinion, souvent au niveau des organisations internationales. On a des stéréotypes qu’on applique partout et on pense que c’est cela. » 

Face à ces oppositions, Serge Michel Odzocki met en avant la « tradition d’échange et de dialogue » du pays. « On n’est pas au Congo dans un régime de monopartisme où il n’y a que la pensée unique. La question, c’est le référendum, l’avenir des institutions. »

Le porte-parole du PCT s’insurge également de l’attitude de l’opposition. « On a entendu dire de l’opposition dite radicale :" Le peuple est majoritairement contre le changement de la Constitution ". 


Mais voilà l’occasion d’aller le prouver par les urnes. Il n’y a rien de plus démocratique que cela. Nous allons, pendant ces deux semaines qui arrivent, faire cette campagne […] Maintenant, si cela n’arrive pas, ce ne sera pas la fin du monde. On aura compris que l’opinion n’est pas encore suffisamment mûre. Si c’est le " non " qui l’emporte, on va s’incliner. »

La campagne référendaire s’ouvre dans deux jours pour se refermer le 23 octobre.

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