Écrit par René Malaba, Belgique | ||
Samedi, 06 Novembre 2010 13:08 | ||
1. Mise en perspective J’ai effectué récemment un voyage éclair en République Démocratique du Congo, ma chère patrie. Les motifs qui m’y ont conduit étaient d’un autre ordre que théologique. Mais, sur place, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un constat qui m’a paru à moi-même contradictoire: d’un côté, le pays offre le visage d’une terre ‘‘surchristianisée’’, selon l’expression de Vicky Elongo[1], à cause notamment de ses nombreuses assemblées de prière et des églises. Partout on prie jour et nuit. De l’autre côté, le délabrement de la vie et de ses infrastructures sociales de base est fort avancé dans tout le pays, malgré la présence des Chinois[2]. Comme théologien, je me suis dit qu’il y a bien un problème ou un malaise dans cette pratique religieuse. Car, comment peut-on tant prier et ne jamais arriver à s’engager socialement pour améliorer les conditions de vie du milieu dans lequel on vit? Comment peut-on concevoir un ciel sans terre? Cette question m’a fort habité pendant tout ce temps, au point que je me suis laissé convaincre moi-même qu’au Congo, une certaine croyance en Dieu peut devenir une entrave à la liberté et à la responsabilité humaines. C’est ce que je tente de démontrer dans cet exposé. Je pense ici à la croyance qui n'est que croyance, c’est-à-dire qui n’entretient aucun lien avec l’engagement social, et qui dispense l’homme de faire preuve d'esprit critique. Une telle croyance s’oppose à la liberté elle-même, puisqu'il n'y a de liberté vraie qu'à partir du moment où l’homme pense par lui-même ou qu’il assume ses responsabilités devant l’histoire. Si, à l’occasion des 50 ans de l’accession de notre pays à la souveraineté nationale, j’ai voulu livrer les réflexions que m’inspire la pratique religieuse en contexte congolais actuel, c’est dans l’objectif de consolider l’humanité et la liberté au Congo en insistant, particulièrement, sur le devoir que nous avons de vivre la liberté reçue de Dieu en hommes et femmes responsables. Toutefois, j’aimerai d’emblée attirer l’attention sur le fait que je ne cherche pas à porter un jugement sur la valeur de la prière des chrétiens congolais. Il n’y a que Dieu seul qui sait ce que nous valons chaque fois que nous nous tenons en sa présence. Je reste modeste, car conscient du fait qu’il est difficile de parler de Dieu et des expériences idiosyncrasiques que chacun des chrétiens vit à titre personnel avec son Dieu. On ne saurait porter un jugement sur de telles expériences. Tout ce que nous pourrons dire de Dieu restera toujours limité, car marqué du sceau de notre humanité. Cependant, mon jugement portera plutôt sur la vie visible qui découle de la croyance en Dieu. C’est là que transparaît la valeur d’une prière. Dans ce sens, parler de la vie, revient à parler de Dieu lui-même. Car, parler de Dieu, c’est toujours parler de la vie ; c’est révéler nos préoccupations les plus ultimes, nos aspirations les plus profondes, nos doutes, nos rêves et nos fantasmes les plus vrais. En outre, parler de Dieu, c’est toujours déjà parler aussi de l’homme, car depuis que Dieu s’est incarné dans notre histoire, l’humanité a aussi pleinement envahit sa divinité sans jamais l’épuiser. Désormais, les deux marchent ensemble, de sorte que parler de l’un, c’est parler de l’autre et vice-versa. Il n’y a pas de Dieu en dehors de la vie. Ainsi, parler de Dieu serait alors la manière la plus souveraine qui soit de parler de l’humanité ouverte au meilleur d’elle-même. Car, le Dieu que révèle Jésus-Christ est un Dieu qui se livre à l’humanité, qui se raconte à travers ce que nous sommes. Jésus nous invite à croire en un Dieu qui se révèle en nous révélant à notre humanité, qui advient en nous faisant advenir à nous-mêmes. Le spectacle que j’ai vécu au Congo semble nier tous ces principes que je tenais pour fondamentaux. 2. Quelques repères à propos de l’hypereligiosité au Congo du XXIè siècle Il y a une euphorie religieuse qui se vit actuellement au Congo-Kinshasa, et qui est perceptible même dans le langage ordinaire des congolais. Partout, dans le vécu quotidien, j’ai entendu un langage empreint d’une religiosité frisant la superstition. Il y a des fragments linguistiques qui ne trompent pas. Ainsi en va-t-il de ‘‘sans effet’’, ‘‘gloire à Dieu’’, ‘‘c’est démoniaque’’, ‘‘esprit de mort’’, ‘‘amen, amen!’’, ‘‘esprit d’impudicité’’, ‘‘laissons tout dans les mains de Dieu’’, etc. Partout, c’est le nom très saint de Jésus qui est proféré. Nous laissons aux linguistes le soin d’analyser ce nouveau langage afin de déterminer les mutations culturelles qu’il introduit dans la société congolaise. Quant à nous, il nous revient d’affirmer que ce n’est pas en soi une mauvaise chose car, ‘‘si tout mon peuple pouvait devenir un peuple des prophètes’’, comme le souhaitait autrefois Moïse pour Israël, c’est serait une bien meilleure chose qui puisse arriver à mon pays. Il est à noter que cette recrudescence de la religiosité semble particulièrement liée à l’irruption des églises néo-pentecôtistes[3], dites aussi ‘‘églises de réveil’’, qui, depuis surtout le début des années 90[4], ont élu domicile à presque chaque coin de la rue. Ces nouvelles églises marquent une rupture idéologique et doctrinale par rapport aux églises traditionnelles, à savoir les églises catholique, protestante, kimbanguiste et l’Islam[5]. Aujourd’hui, elles se sont taillé leur propre personnalité et ont, de ce fait, acquis une visibilité sociale importante grâce à l’occupation régulière et remarquée de l’espace public physique et à une percée médiatique à travers des campagnes d’évangélisation et de grandes manifestations publiques radiotélévisées[6], et à une volonté d’être plus présentes dans le champ musical, qui constitue un lieu d’intimité spirituelle par excellence. Pour ma part, j’estime, à l’instar de Raquin, que la prolifération de ces églises est d’abord liée à la quête identitaire habitant notre peuple qui, souvent expérimente un certain vide spirituel jamais comblé par les églises traditionnelles. Mais, elle est due aussi à la précarité socio-économico-politique du pays. Des problèmes tels que la crise économique, les maladies incurables, l’insécurité sociale, les problèmes de sorcellerie, le manque de repères sûrs, la loi de la jungle, l’incertitude du lendemain, etc. ne sont pas totalement étrangers au déferlement des nouvelles églises au Congo et à l’hypereligiosité qui s’en suit. Profitant de ce contexte difficile, les églises de réveil construisent alors un ‘‘discours solution’’ sous forme d’un corpus doctrinal qui promet des lendemains meilleurs immédiats aux adhérents et qui mobilise les masses recrutées, pour la plus part, des églises catholique et protestante. Parmi les points théologiques[7] sur lesquels ce discours solution insiste particulièrement on peut citer la prospérité[8], l’idéologie du combat spirituel et de la pratique de la délivrance [9], la philosophie de la lutte contre les liens de la coutume et la servitude familiale, la prédestination[10], la technique de la semence, etc[11]. Mais, tous se rejoignent sur le fait qu’ils promeuvent généralement un discours quiétiste qui insiste toujours et encore sur ‘‘la foi seule’’, qu’ils expliquent à leur manière. Ainsi, pour n’importe quel problème qui se pose dans la vie quotidienne (coupure d’électricité, corruption de la classe politique, manque de transport, maladie, chômage, faim, …), la foi (accompagnée des dîmes et d’offrandes) demeure la seule solution proposée. Aucun effort n’est prescrit, en dehors des requêtes particulières du genre jeûne, offrande spéciale, une veillée de prière ou un divorce. A aucun moment, il ne peut être question de changer ni de se révolter. Puisque c’est Dieu qui accorde la grâce, on croise les bras ou on les tend alors, dans la prière, espérant que Dieu se démerde lui-même et accomplisse le miracle. La Bible elle-même est devenue un objet ‘‘magique’’ qu’il suffit de brandir ou d’avoir sur soi pour se protéger contre l’esprit de malchance et pour obtenir ce qu’on attend de Dieu. Satan non plus n’est pas du reste; il joue un rôle très important dans ces églises. Il est considéré comme le seul et l’unique responsable des malheurs qui s’abattent sur les fidèles (faim, manque d’argent, guerres et conflits divers, malaises ou tout autre souci de la vie quotidienne). Une telle théologie arrive finalement à victimiser l’individu et à le rendre tout simplement irresponsable et inconscient. La personne se retrouve embrigadée dans une certaine dépendance malsaine à Dieu au point de ne voir que l’aspect vertical de la prière. Ceci vaut également pour les chrétiens des églises traditionnelles classiques qui passent leurs jours et nuits dans les lieux de culte jusqu’au détriment de leurs devoirs de mère ou de père de famille. On ne s'arrête pas de prier si bien qu’on a l'impression de tourner en rond. Une telle prière pourrait bien être l’indice d’un profond désespoir. Souvent, l’interprétation fondamentaliste de la Bible les encourage dans cette perspective. N’y est-il pas demandé de ‘‘prier sans cesse’’? Parce qu’on n’a pas le temps de s’occuper de son frère en détresse, les bases de l’individualisme sont jetées. Si l’on n’y prend pas garde, il pourrait s’en suivre un comportement sectaire caractérisé par le repli sur soi et les contacts limités aux seuls coreligionnaires[12]. Le moins que l’on puisse dire est qu’en inoculant aux fidèles un tel évangile de la facilité, ces églises édulcorent le message du Christ. Le Christ est venu nous demander de passer par la porte étroite. Il n’est pas venu finir nos souffrances à notre place. D’ailleurs, de son temps, il n’a accompli les miracles que parcimonieusement, lui qui avait pourtant tous les pouvoirs d’éradiquer toute souffrance de la surface de la terre par sa seule parole. Mais, il est sorti pour nous montrer comment, avec Dieu, nous pouvons assumer pleinement notre histoire en personnes responsables et devenir vainqueurs de la souffrance. Avec Jésus, il est évident que nous ne devons pas nous déresponsabiliser en imputant tout à Dieu. Certes il y a ce qui dépend de Dieu, mais il y a aussi ce qui dépend de nous. Et ce qui dépend de nous, comme transformer notre milieu de vie, construire des routes ou électrifier une ville, Dieu ne le fera pas à notre place. Il nous en appelle à notre sens même de la liberté et de la responsabilité dont il nous a dotés dès les premiers instants de notre existence. 3. A l’instar de Dieu, l’homme est appelé à être libre et responsable de la création Dieu est l’être le plus libre qui soit. Selon le livre de la Genèse, son premier acte de liberté par excellence a été la création. Celle-ci est un acte absolument gratuit dans lequel Dieu s’auto-affirme dans sa puissance mais, en même temps, elle est un acte de libéralité arbitraire et généreusement expansive. Pour être Dieu et le demeurer, il n’avait pas besoin de créer. Aussi, faut-il souligner que cet acte libre de Dieu a été précédé par un autre acte de liberté encore plus originaire que la Bible ne raconte pas, et qui est premier dans l’ordre d’absolu: il s’agit de l’acte par lequel Dieu s’est engendré lui-même. Nous pouvons interpréter cette première liberté de Dieu comme le pouvoir d’exister contre le néant et le mal après les avoir expugnés, et de se constituer comme positivité originaire. Par-là, Dieu assigne toute une orientation à la liberté: il l’a voulue comme une positivité créatrice, comme un acte positif qui engage une responsabilité. Si l’on tient compte de ce premier acte d’engendrement de Dieu par lui-même, la création devient alors son deuxième acte de liberté. Mais, cette création, Dieu a voulu se la joindre à lui de sorte que la vocation ultime de celle-ci est finalement de se consumer totalement en Dieu. Notre vocation est d’être avec Dieu; d’être heureux. C’est même, j’ose croire, d’être des dieux. Toutefois, si Dieu veut passionnément nous unir à lui, il veut que nous le fassions par choix et par amour pour Lui. Il nous a dotés, pour cela, de la liberté. En nous dotant de cette faculté qui nous laisse à notre propre conseil, Dieu prenait un risque de voir sa création se détourner de lui. Ainsi, ce don suprême d’une vie libre se révèle, dans les mains de l’homme, comme un cadeau empoisonné, une formidable chance mais un risque fou qui effraye et qui engage une responsabilité énorme. C’est un cadeau entouré d’éventuels multiples périls qui la guettent. Et parmi ces multiples menaces à notre liberté se trouve celui de démission de ses responsabilités devant son histoire, en espérant que Dieu, parce qu’ayant déjà pris corps dans notre histoire humaine, vienne lui-même tout faire à notre place dès que nous le lui demandons. Renoncer à sa liberté et à ses responsabilités de cette manière, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs de citoyen. Une telle abdication est incompatible avec notre nature de créature appelée à rejoindre la divinité. Certes, on doit prier et avoir confiance en Dieu. Mais, la prière et la confiance dans la Providence n’empêchent pas que Dieu attende quelque chose de nous. Et ce qu’il attend de nous, c’est que nous devenions à notre tour les providences des uns pour les autres. C’est de cette manière que nous pouvons devenir les coopérateurs de Dieu, pour nous et pour nos prochains. Rappelons-nous que dans l’épisode de la multiplication des pains, le Christ ordonne aux disciples de donner eux-mêmes à manger à la foule qui le suivait (Mt 9.13, Mc 6.37), comme si tout ne dépendait pas que de Dieu. Par-là, il enseigne à ne pas se dérober devant ses tâches; mais à devenir la tête, les pieds et les mains mêmes de Dieu dans notre propre histoire. Dieu, sans être lié à quoi que ce soit, a pourtant besoin d’une certaine coopération de notre part. A ce sujet, l’évêque Augustin a pu noter que “Dieu qui t’a créé sans toi, ne te sauve pas sans toi”[13]. Plus près de nous, Maurice Zundel rendait cette même idée de la coopération entre Dieu et l’homme dans la formule suivante qui a servi de titre à cet exposé: “la création est une histoire à deux, Dieu et l’homme”. Quant à Ignace de Loyola, on lui attribue la recommandation selon laquelle ‘‘prie comme si tout dépendait de Dieu, mais aussi agis comme si tout dépendait de toi”. Une prière ne doit pas être une fuite du monde. Garaudy le dit très bien : ‘‘La prière n'est ni un retrait du monde ni une dépendance à l'égard d'un Dieu législateur et juge conçu à l'image désuète d'un roi. La prière n'exige pas un moment ou un lieu séparé du quotidien comme si le sacré était un secteur particulier de la vie. Prier, c'est étreindre le monde dans sa totalité, en restant bien enraciné dans notre monde et dans notre temps, être à l'écoute, en déchiffrer le sens profond, les signes et les appels, et préparer notre réponse en se rassemblant pour être maître de soi et, à partir de là, réorienter notre vie et agir en conséquence[14]’’. Donc, la dépendance à laquelle Dieu nous invite est une dépendance filiale, faite de communion de réciprocité, de responsabilité et de liberté. Dès que ma dépendance à Dieu donne lieu aux abus, au pouvoir écrasant, à la manipulation, à l’atrophie de la liberté d’action et de pensée ou à la déresponsabilisation, elle devient malsaine[15]. Ce Dieu-là, qui assujettit les uns au bon vouloir des autres ou qui écrase les potentialités de vie et d’action en les empêchant d’éclore, on doit le répudier et lui préférer un autre. Car, quand il s’agit de Dieu, il est toujours question de la vie ; sinon, on est dans l’eurreur. 4. Conclusion L’une des dimensions essentielles de l'évangile, et qui est pour nous bonne nouvelle, est que dès les premiers instants de notre existence, Dieu nous a voulus heureux (Ep 1,4-6). A commencer ici-bas sur terre, jusqu’au jour où ‘‘nous le verrons face à face’’ (ICor 13,12). C’est pourquoi, il nous visite et nous interpelle chaque jour dans nos vies. Le Dieu de Jésus-Christ est donc celui qui nous ôte la peur et nous incite à avancer vers les larges. Il n’est plus certainement derrière dans le tombeau ni dans les nuages (Ac 1, 9-10) où nous sommes restés à nous lamenter sur nous-mêmes ou à le regarder. Il nous a précédés devant et il nous invite à l’y rejoindre. Après cinquante ans d’indépendance politique, la RD Congo n’est pas toujours un pays développé. Cette pente pourrait continuer à dégringoler davantage si nous ne rectifions pas notre tir, c’est-à-dire sortir de l’idéologie de la facilité et de la déresponsabilité qui caractérisent notre croyance en Dieu et les églises congolaises devenues un haut lieu d’une véritable entropie sociale, et si nous ne prenons pas conscience du fait que le Dieu de Jésus de Nazareth que nous prions est celui qui se laisse fléchir et même influencer par l’homme (cf. l’épisode la femme cananéenne qui convertit Jésus en Mt 15, 21-28). Il peut donc devenir faible là où l’homme croise ses bras, attend et refuse tout effort, ne fut-ce qu’en les lui tendant, en signe de coopération, pour accueillir la grâce qui vient de lui. Il ne bougera pas lui non plus parce qu’il est tellement libre qu’il respecte notre liberté et nos choix qui en découlent. Mais, notre dépendance à Dieu ne devient vraie liberté que si elle nous fait sortir au-dehors de nous-mêmes pour collaborer à sa création en assumant nos tâches de transformations sociales avec la force que nous recevons d’en-haut. C’est dans ce sens que la création pourra toujours demeurer cette histoire que Dieu et l’homme écrivent ensemble. [1] V. Elongo Lukulunga, ‘‘La surchristianisation au quotidien à Kinshasa: une lecture de l’autre face de la religion,’’ dans Congo-Afrique 368 (octobre 2002): 463- 479, p.463. [2] Les Chinois sont au pays dans le cadre de la réalisation de ce que le président du Congo a appelé ‘‘cinq chantiers’’, destinés à réhabiliter les infrastructures de base en différents domaines. Ils sont pour la plus part concentrés à Kinshasa où le déblayage de certaines routes a commencé depuis plusieurs mois mais sans plus. Par contre, les Chinois se sont distingués dans le commerce: ils vendent de tout, jusqu’aux cacahuètes et les beignets au bord des artères. Je ne sais pas si cela était compris dans les clauses qui les ont fait venir au Congo. Mais, toujours est-il que la réalisation des ‘‘cinq chantiers’’ traine, plus elle risque d’être politisée si l’on considère les échéances électorales prévues l’an prochain. [3] C’est aussi ce qu’a démontré la thèse doctorale de Nomanyath Mwan-a-Mongo, Les Eglises de réveil dans l’histoire des religions en RDC, Questions de dialogue œcuménique et interreligieux, thèse de doctorat défendue à l’ Université Lille III le 18 mai 2005, disponible en ligne sur le site http://www.univ-lille3.fr/theses/NOMANYATH_DAVID/html/these.html , 27 janvier 2006. [4] L’année 1990 marque, au Congo, la faillite de l’économie nationale et surtout du régime de Mobutu. La population congolaise se trouve désemparée et cherche des nouveaux lieux de refuges et des repères identitaires. Emilie Raquin pense que c’est ce contexte de faillite généralisée des structures étatiques doublée d’une crise aiguë qui a donné naissance aux multiples églises de réveil au Congo. Relevons particulièrement le passage suivant : ‘‘désenchantés, les Kinois tentent de sortir de cette crise politique, économique et urbaine en se regroupant dans des lieux inédits : les Eglises de réveil et les fan-clubs, […]’’. Cf. E. Raquin, ‘‘Représentations et recompositions locales à Kinshasa : les Eglises de réveil et les fan-clubs comme réponses sociales à la crise,’’ dans D. Pidika Mukawa et G. Tchouassi (éds), Afrique Centrale : Crises économiques et mécanismes de survie (Dakar: CODESRIA, 2005), 289-308, p. 289. [5] Quand nous disons que ce phénomène de recrudescence des églises de réveil est nouveau au Congo, nous ne voulons pas dire qu’il n’y en avait jamais eu au pays. Dans le contexte colonial déjà, on connaît la réaction des colonisés qui avaient lutté pour se libérer de l’occupation. Cela avait donné naissance aux Eglises indépendantes comme le Kimbanguisme. Mais, dans l’aire postcoloniale, la nouveauté tient particulièrement dans le type des discours véhiculés. Si le discours des premières églises indépendantes avait au départ une fonction messianiste, à savoir promettre aux adeptes une patrie propre à eux, dirigée par eux-mêmes, loin des avatars du colonialisme et de son christianisme ambigu, celui des églises d’après l’indépendance du Congo sert d’assurer la fonction thérapeutique du bien-être matériel au sein de la société. [6] Selon les statistiques les responsables des églises de réveil disposeraient au Congo de plus de postes de radio/télévision que l’Etat ou d’autres secteurs privés. Lire ici les résultats de l’étude menée par l’Institut Panos Paris, Situation des médias en République Démocratique du Congo, Paris, Ed. Institut Panos Paris (IPP), 2004, p. 16 [7] A vrai dire, ces églises n’ont pas de théologie propre comme telle. Elles ne se sont pas encore constitué un corps doctrinal propre parce qu’elles n’ont même pas encore des théologiens propres. Toute leur action pastorale est souvent basée sur la spontanéité, que ce soit dans la liturgie ou la prédication de la parole. Elles font en fait du syncrétisme religieux qui juxtapose différentes théologies non clairement formulées. [8] C'est le courant le plus répandu. Parmi ses leaders, on peut citer d’abord l’Arshibishop Kutino Fernando, puis aussi le Général Sony Kafuta Rockman, l’Apôtre Léopold Mutombo Kalombo, l’Apôtre Mbiye et le Pasteur Denis Lessie. [9] Parmi les adeptes du courant du combat spirituel et de la délivrance des liens familiaux et coutumiers, il y a le couple berger Olangi et, dans une certaine mesure, Dr Ngalasi. [10] Ses représentants sont le prophète Sikatenda, le Révérend Barhuti, disciple de William Marion Branham, et le prophète Libambu. [11] La liste d’églises et de leurs théologies n’est pas exhaustive. Il existe d’autres courants que nous n’avons pas cités ici (comme le courant de la puissance spirituelle prêché le Pasteur Kiziamina Kibila, le Révérend Tambu Lukoki et le Bishop Kankienza Mwana Mbo. Ou le courant de la sanctification de l’Evêque Mukuna, …). Il y a tellement d’églises qu’il y a des points précis sur lesquels chacune essaie de s’illustrer tout en empruntant aussi aux autres. C’est dire toute la complexité de ce phénomène en lui-même. [12] D’ailleurs, Madame Olangi, dans son Ministère du Combat spirituel, ne prêche pas autre chose que ce repli sur soi. D’après elle, il faut arriver à se libérer des liens de la famille car, accueillir un membre de famille chez soi, c’est ouvrir la porte d’entrée aux démons qui perturbent la quiétude du foyer. De même, elle demande de se débarrasser des liens de la coutume ancestrale qu’elle considère comme un frein à l’épanouissement spirituel. Elle demande de la remplacer par ‘‘la coutume de Jésus’’. Mais, elle ne dit pas quelle était la coutume de Jésus. Est-ce que Jésus prêchait l’individualisme ou abolissait-il la loi de Moïse, son ancêtre? C’est la question à laquelle Olangi devrait répondre étant donné que la déconstruction culturelle qu’elle a amorcée au Congo cause des préjudices graves au niveau social (allusion faite ici à la dislocation familiale). [13] Augustin, sermon 169. [14] Roger Garaudy, (Je vais compléter cette note après) [15] Musenge Mwanza et Matadiwamba Kambamutu, ‘‘Evangélisation à Kinshasa : une stratégie d’exploitation ou expression d’une foi ardente ?,’’dans Cahiers Congolais de Sociologie et Anthropologie, n° 9, Université de Kinshasa, Département de Sociologie et Anthropologie, pp 79-106. Source: Congoone |
mardi 9 novembre 2010
LA CREATION COMME UNE HISTOIRE DE DIEU ET DE L’HOMME, QUELQUES REFLEXIONS A PROPOS DE LA CROYANCE RELIGIEUSE AU CONGO-KINSHASA
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