09/01/2011 à 17h:28 | AFP
"Nous avons été les esclaves des Arabes. Nous votons aujourd'hui pour notre liberté", souffle Duku John, jeune Sudiste aux traits carrés, le pouce imbibé d'encre pourpre après avoir voté dans un faubourg poussiéreux lors du référendum d'indépendance du Sud-Soudan.
Dans une région qui a subi l'esclavagisme, attendu 55 ans de pouvoir exercer son droit à l'autodétermination et mené 38 ans de guerre au total avec le gouvernement central de Khartoum, la population ne mâche pas ses mots lorsqu'il est question du référendum.
"Nous, les noirs, avons été les esclaves des Arabes, nous voulons maintenant bâtir notre propre pays", lance le jeune Sudiste, lunettes de soleil et sac en bandoulière, en regardant la longue file d'attente qui s'étend devant le centre de vote de Gudele, ville située dans la banlieue de la capitale sudiste Juba.
"Ce vote est la dernière bataille, nous lançons la dernière bombe sur le Nord", ironise de son côté Charles Sambos, qui a passé 25 ans dans les plantations de sucre du Nord-Soudan, avant de rentrer l'an dernier chez lui au Sud.
"C'est la fin de l'arabisation, la fin de l'islamisation", plaide-t-il, en patientant devant le bureau de vote de Gudele, ville où s'entremêlent huttes de paille, maisonnettes de ciment et habitations en terre, et où des voitures coiffées du drapeau étoilé sudiste retournent la poussière des routes en terre battue.
Comme à Gudele, de longues files d'attente ont été constatées dimanche à travers tout le Sud-Soudan au premier jour du référendum, lors duquel les habitants doivent se prononcer pour la sécession du Sud ou le maintien de l'unité avec le reste du Soudan.
Ce scrutin est le point d'orgue de l'accord de paix global ayant mis fin en 2005 à la seconde guerre civile entre le Nord, musulman et en grande partie arabe, et le Sud, afro-chrétien. Ce conflit a fait deux millions de morts.
Plus de 120. 000 Sudistes habitant le Nord sont rentrés au cours des dernières semaines pour participer au vote.
Les analystes pronostiquent une victoire de l'option sécessionniste, et les responsables politiques à Khartoum semblent avoir déjà fait leur deuil du Sud-Soudan.
"J'ai passé ma vie au Sud-Soudan. Parmi les gens que je connais, je peux vous dire que 99% d'entre eux vont voter pour la sécession", affirme Oboy Ofilang Itorong, vêtu d'une tunique blanche qui laisse entrevoir une balafre sur le torse. "Mais bon, un vote demeure secret et on ne sait pas ce qui peut arriver", ajoute-t-il.
"Les Arabes disent que nous formons un pays, que nous sommes ensemble, mais je ne crois pas à ça", argue pour sa part Justin Mogga, un partisan du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), ex-rébellion sudiste au pouvoir à Juba.
"Nous avons beaucoup de problèmes au Soudan. Tout le développement est concentré à Khartoum", peste-t-il, en reprenant un argument largement développé par les autorités sudistes. "Nous voulons nous séparer du Nord pour voir qui est la cause du problème: les Arabes ou les Noirs", dit-il.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire