mercredi 5 janvier 2011

RDC : Une présidentielle à un tour, l'Opposition menace d’un boycott

imageJoseph KABILA (devant) et Etienne TSHISEKEDI (deriere)

Pour Lambert Mende, porte-parole du gouvernement, le scrutin à un tour signifie que celui qui arrive en tête à gagné même s’il ne rassemble par exemple que 20% des suffrages. Le prix d’une élection à deux tours est estimé par le gouvernement à 700 millions de dollars, moitié moins pour un tour unique. L’autre argument est de dire que le deuxième tour peut cristalliser les tensions comme au Kenya, en Guinée, en Côte d’Ivoire ou même en RDC en 2006.
L’opposition parlementaire réfute ces arguments. Elle compte se battre jusqu’au bout. François Mwamba, secrétaire général du MLC menace d’un boycott. « Si c’est comme ça Joseph Kabila ira tout seul, dit-il. S’il y a tentative de passage en force de l’actuel majorité, eh bien ils iront dans cette affaire avec leur argent, leur sécurité, leur règle du jeu. Ça serait devenu un processus unilatéral qui frise le dictat. »

Un scrutin à tour unique "frise la tricherie", selon Vital Kamerhe


L'ex-président de l'Assemblée nationale de la RDC, Vital Kamerhe, a jugé mardi "irresponsable" la proposition du gouvernement de passer à un scrutin présidentiel à tour unique, estimant que cela "frise la tricherie", à dix mois des élections générales.
Les élections présidentielles en RDC sont prévues en novembre 2011. "Changer les règles du jeu à la veille des élections parait une démarche politique immorale et irresponsable qui frise la tricherie", a affirmé lors d'une conférence de presse à Kinshasa M. Kamerhe, 52 ans, candidat déclaré à la présidentielle de novembre 2011 sous la bannière de son parti crée, l'Union pour la nation congolaise (UNC).
La raison budgétaire avancée par le gouvernement est "fallacieuse" car la communauté internationale pourrait prendre "en charge une grande partie du financement des élections" comme en 2006, a estimé l'ex-président de l'assemblée.
"Le scrutin majoritaire à deux tours (. . . ) est le mieux indiqué pour un pays comme le nôtre avec ses 453 tribus", a ajouté M. Kamerhe, l'un des membres fondateurs du parti présidentiel et principal artisan de la victoire de Joseph Kabila en 2006.
Il a démissionné en mars 2009 de la présidence de l'Assemblée nationale, après avoir qualifié de "grave" l'entrée en janvier de la même année de troupes rwandaises dans l'est de la RDC pour une opération conjointe avec l'armée de Kinshasa contre les rebelles hutus rwandais.

Le Gouvernement fixe l’opinion


Le gouvernement a finalement déployé sa grande artillerie pour répondre de manière frontale à l’opposition. C’est Lambert Mende Omalanga, ministre de la Communication et des Médias, porte-parole du gouvernement, qui a été mandaté pour justifier la nécessité de la révision constitutionnelle et des amendements de la loi électorale. Et, fixer l’opinion.
Le gouvernement n’a pas attendu longtemps pour répondre à la déclaration faite le 30 décembre 2010 par l’opposition. En effet, entre l’opposition et la majorité, les violons sont loin de s’accorder. Prédisant un coup de force de la Majorité, l’opposition fait valoir sa position le 30 décembre 2010 sur « les allégations d’inconstitutionnalité de révision de la Constitution et d’amendements de la loi électorale ».

ATTAQUE FRONTALE

Blessé dans son for intérieur, le gouvernement s’est juste donné le temps de passer la fête de Nouvel An pour se charger de l’opposition politique.
Alors que les esprits se reprenaient à peine des nuits mouvementées des festivités de fin d’année 2010, le ministre de la Communication et des Médias a choisi la journée du 3 janvier 2011 pour répliquer, sans détours, à ce qu’il considère comme « allégations d’inconstitutionnalité de révision de la Constitution et d’amendements de la loi électorale ».
D’entrée de jeu, Lambert Mende Omalanga a recadré le débat, soulignant que « la dernière déclaration de l’opposition politique et signée par des représentants au Parlement du MLC, du CD, de l’ODR et du RCD/Goma soulève quelques questions qui méritent l’attention ».
Connu pour son franc-parler, le porte-parole n’a pas tu ces matières qui fâchent. Il s’agit, essentiellement, a-t-il dit, « de la préoccupation exprimée face aux risques de retard dans le processus des élections générales de 2011, de la nécessité de respecter les principes constitutionnels de la République et de ne pas aborder les questions institutionnelles dans la perception ».
Lorsque l’opposition considère que la majorité use des subterfuges pour retarder le processus électoral, Mende rétorque que « le gouvernement de la République partage le souci des signataires de cette déclaration de mettre le processus électoral, acte fondateur d’une démocratie représentative, à l’abri de toute manipulation et de tour retard ».
Quand, dans sa déclaration, l’opposition dénie à la Commission électorale indépendante (CEI) tout pouvoir de poursuivre la planification du processus électoral en attendant la mise en place de la CENI, Lambert Mende y décèle une façon « d’entraîner l’opinion dans la confusion » en violant « délibérément le texte et l’esprit de la loi organique 10/013 » créant la CENI.
Il considère « redondant et axiomatique » le propos de l’opposition selon lequel « on ne change pas de règle de jeu en cours de compétition », y trouvant « de graves contradictions qui en altèrent la quintessence ». Alors, s’interroge-t-il, « la RD Congo se trouve-t-elle à l’heure de la compétition électorale ? ».
Pour lui, « en un mot comme en cent, contrairement à ce qui est allégué dans la déclaration de l’opposition, la RD Congo n’est pas en compétition électorale et les acteurs institutionnels, à quelque bord qu’ils appartiennent, gardent le droit de prendre des initiatives de révision de la Constitution ou de la législation dans l’exercice des attributions qui leur sont reconnues par la Constitution et les lois de la République ».
Il en conclut que la révision de la Constitution n’est pas un sujet tabou et ne devait nullement émouvoir l’opposition.

LES ELECTIONS AURONT BEL ET BIEN LIEU

En 2011, le peuple congolais ira bel et bien aux élections, a affirmé le ministre Lambert Mende, assurant que le Gouvernement est déterminé à amener le peuple congolais aux élections.
Il a averti la communauté internationale de ne pas interférer dans la gestion de la res publica congolaise, comme c’est le cas en Côte d’Ivoire.
Contrairement à ce que prétend l’opposition politique, a-t-il dit, le gouvernement, qui représente la Majorité, est pour « la tenue en 2011 des élections présidentielle et législatives dans les délais légaux, et dans les meilleures conditions de sécurité et de cohésion nationale en prenant en compte les moyens financiers et économiques dont dispose l’Etat congolais ».
Après avoir rappelé qu’en 2006, le chef de l’Etat Joseph Kabila avait soumis la question de la révision constitutionnelle au Congrès et qu’en 2008, la Majorité parlementaire, prenant en compte un certain nombre de disfonctionnements, avait pris la même initiative, le porte-parole du gouvernement a levé toute équivoque.
« Deux ans après cet épisode, il nous semble que le moment soit propice à cet égard pour que la Majorité relance le débat à ce sujet, notamment en ce qui concerne des dispositions non verrouillées par l’article 220 de la Constitution », a-t-il martelé. Insistant sur le fait que « cette révision constitutionnelle ne porte pas sur l’une des 8 matières verrouillées, donc non révisables ».

SCRUTIN PRESIDENTIEL A UN TOUR

Le ministre Mende a déclaré que la révision constitutionnelle devait, entre autres, porter le mode de scrutin du président de la République, faisant valoir que, pour des impératifs « financiers et économiques », il est temps de repenser ce mode de scrutin en favorisant le scrutin au suffrage direct en un seul tour.
Or, y arriver exige préalablement la révision de la Constitution qui, en son article 71 alinéa 1 dispose que « le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour du scrutin, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour ». L’alinéa 3 du même article stipule qu’« est déclaré élu au second tour, le candidat ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés ».
Si, pour le gouvernement, le changement du mode du scrutin présidentiel s’impose pour des raisons économiques et financières, Lambert Mende soutient qu’ « au plan économique, il est plus qu’évident que l’intérêt bien compris du peuple congolais réside dans le système électoral le moins onéreux ». Ainsi, poursuit-il, « le coût de l’élection à deux tours ayant été évalué à 700 millions Usd contre 350 millions Usd pour un scrutin à un tour, le choix est clair ». D’où, la voie, se défend-il, choisie par la Majorité au pouvoir : celle d’un scrutin présidentiel à un tour.
Toutefois, a fait remarquer le porte-parole du gouvernement, l’AMP n’est pas favorable à la relecture de certaines matières constitutionnelles, celles censées en consacrer l’équilibre. Notamment « la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la formation représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, la réduction des droits et libertés de la personne et celle des prérogatives des provinces et entités territoriales décentralisées ».
S’agissant de la proposition de loi sur la révision constitutionnelle qui sera bientôt examinée à l’Assemblée nationale, Lambert Mende a indiqué qu’elle sera examinée par le Congrès, bien qu’elle ne soit pas inscrite dans l’agenda du Sénat pendant cette session extraordinaire.
Se voulant rassurant, il a dit que « les élections ne seront pas repoussées, étant donné que le calendrier électoral sera respecté, en dépit des difficultés financières et économiques ». Soulignant que la nouvelle voie que propose le gouvernement tient de « sa responsabilité en tant force représentative de la volonté de la majorité des Congolaises et des Congolais ».
Si l’opposition trouve à redire, Mende avertit que la Majorité n’est pas prête à rebrousser chemin, prodiguant un « conseil gratuit » aux « compatriotes signataires de la déclaration du 30 décembre» pour « solliciter » en 2011 un mandat pour parler en toute légalité au nom du peuple congolais qui, en 2006, a confié ce pouvoir à la Majorité issue des urnes.
« Pour notre part (Ndlr : Majorité), nous prenons l’engagement de tout faire pour que des compatriotes aussi extravertis et si peu nationalistes ne prennent pas en charge le destin de notre pays », a conclu Lambert Mende. Car, pense-t-il, la déclaration de l’opposition politique du 30 décembre « renferme plus de chaleur que de lumière ».
Avec Le Potentiel, Afp

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