Laurent Gbagbo démontre à la face du monde que Ouattara Alassane n’a pas remporté l’élection présidentielle du 28 novembre dernier. Lentement, mais sûrement. La vérité est belle lorsqu’elle est nue, dit-on. Laurent Gbagbo a fait sienne cette assertion dans l’imbroglio politique post-électoral. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on a assisté à une véritable volée d’obus de la communauté internationale, un féroce acharnement diplomatique où il y avait peu de place pour les civilités et les galanteries.
Les Présidents français et américains ont, les premiers, mis le pied dans le plat «chaud » de la diplomatie. Ils ne se sont pas contentés de féliciter Ouattara Alassane comme président élu de la Côte d’Ivoire. Ils ont franchi le rubicond en se laissant aller à des ultimatums. « M. Gbagbo doit quitter le pouvoir avant la fin de la semaine (ndlr, première semaine de décembre) », a intimé Nicolas Sarkozy. « Laurent Gbagbo dispose d’un temps court pour quitter le pouvoir », a renchéri le département d’Etat américain.
Le ton donné, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), réunis dans la semaine indiquée plus haut, à Abuja, au Nigeria, sous la houlette de Goodluck Jonathan, a dit reconnaître comme président légitime de la Côte d’Ivoire, Ouattara, enjoignant Laurent Gbagbo de lui céder son fauteuil. Auquel cas, il courrait le risque de partir par la force militaire. Ce n’est pas tout, le Premier ministre kenyan, Raila Odinga, s’est lui aussi fendu en déclaration, appelant le monde entier à faire partir Laurent Gbagbo par la force.
Le lynchage médiatique, en interne comme à l’extérieur apparaissait comme la cerise sur l’amer gâteau. Pour sortir de l’étau, Laurent Gbagbo a proposé la mise sur pied d’un comité d’évaluation à l’effet d’examiner les conditions dans lesquelles le scrutin s’est déroulé. Curieusement, à cette table du «gôpô» (vérité), la communauté dite internationale a préféré les sanctions. Tout se passe comme si la vérité du marigot politique ivoirien n’intéresse personne. Pour le compte de l’Union africaine, Thabo Mbeki a été le premier à fouler le sol ivoirien.
Depuis, son rapport est tenu secret. Contient-il des choses gênantes ? En tout cas, le silence qui entoure ce rapport est assourdissant. N’empêche, cela a eu le mérite de lézarder le mur de la coalition anti-Gbagbo. Jean Ping, président de la commission de l’Ua, Bai Koroma, Pedro Pires et Yayi pour le compte de la Cedeao ont foulé le sol ivoirien.
Résultat, le Président nigérian Goodluck Jonathan a abandonné l’usage de la force : « quand il y a dispute, c’est le dialogue qui résout tous les différends. Ce dialogue est en cours », a-t-il dit à la presse à l’issue de l’entretien avec les émissaires. Affable, souverainiste à souhait, Laurent Gbagbo, depuis l’éclatement de la crise post-électorale, n’a cherché à défier qui que ce soit par des déclarations désobligeantes. Pourtant, ce ne sont pas les occasions qui ont manqué.
Instruit par sa qualité d’enseignant, il a préféré la pédagogie à des démonstrations grandiloquentes. Particule par particule, il est en passe de niveler l’opinion mondiale, initialement acquise totalement à la cause de Ouattara. Certes, ce n’est pas encore l’éclaircie dans le brouhaha créé par la nébuleuse. Mais, son offensive diplomatique porte peu à peu ses fruits. « La France ne prendra pas l’initiative d’une intervention militaire», a exclu Alain Juppé, ministre français de la Défense. « Les soldats français n’ont pas à s’ingérer dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire », a soutenu, pour sa par-Nicolas Sarkozy. Hormis la ruse légendaire de la France, on peut dire que Laurent Gbagbo fait bouger à son avantage la ligne adverse.
Pour ce faire, il s’est attaché les services de deux avocats de renommées mondiales : MM Vergès et Dumas. Leurs interventions dans la presse française dont l’hostilité à l’égard du pouvoir d’Abidjan pue à mille lieux ont été d’un grand secours dans le changement de ton qu’on observe çà et là. Certains chefs d’Etat et autres personnalités de renom qui avaient volontairement ou pas gardé le silence sont brusquement sorti de leur mutisme pour, soit s’opposer à l’intervention militaire, soit s’afficher clairement aux côtés de la légalité constitutionnelle.
Les traditionnels soutiens au chef de l’Etat comme la Russie ou l’Angola n’y vont pas du dos de la cuillère pour mettre en garde les boutefeux. Peu à peu, Laurent Gbagbo reprend la main et renforce son pouvoir. Ce qui assombrit davantage l’horizon pour Ouattara et ses partisans.
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