Publié le 20 décembre 2010
par Sayeman Bula
‘’…si l’Afrique souffre de quelque chose, ce n’est pas tout à fait de son isolement, mais de la manière dont beaucoup d’ensembles étrangers l’intéressent à elle’’, Mohammed Bedjaoui.
‘’…je voudrais paraphraser son Excellence Bedjaoui en disant que si l’Afrique souffre d’une chose, ce n’est pas de l’isolement mais de l’ingérence, et que de ce point de vue on dénote, à mon avis, un grand intérêt des puissances extra-africaines pour l’Afrique’’. Ibrahima FALL.[1]
Or, les mutations en cours remettent parfois en cause l’ordre, selon les uns, ou le désordre, d’après les autres, établi. Les événements qui se produisent actuellement en Cote d’Ivoire, participent de cet affrontement entre deux ordres, l’un, ancien houphouetistes et alliés; l’autre nouveau, gbagboistes[4] et alliés.
Longtemps néocolonie modèle, la Côte-d’Ivoire s’est engagée depuis une décennie dans un processus complexe de décolonisation effective. Telle est la signification profonde du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010. Il a mis aux prises les partisans du néocolonialisme attardé, regroupés sous la direction d’Alassane Ouattara dans une alliance de circonstances des houphouetistes, d’une part, et les résistants à la domination néocoloniale, rassemblés de longue date autour de Laurent Gbagbo d’autre part[5].
Néanmoins, les tentatives de décolonisation formelle ou effective qui ont eu lieu à l’ère de la bipolarité se distinguent des phénomènes analogues actuels. C’est que la ‘’mondialisation’’, à l’âge de l’hégémonie de l’empire, obvie radicalement sans contrepoids à ce processus. Samir Amin a bien observé que ‘’those who believe that the marginalization of Africa is the result of its backwardness, while it is in fact very product of its integration in the global imperialism system »
Le présent propos se veut une simple note d’actualité. Il se borne à rafraichir la mémoire de lecteur sur les principes qui fondent la société internationale et les rapports internationaux. Par là, il donne des éléments de réponse en droit à l’énième (crise) créée artificiellement dans le pays considéré. Il faut bien admettre que le dragon moderne, enrobé du tissu ‘’mondial’’, tend brutalement à broyer le noyau granitique du droit international. Malheur aux faibles, pour paraphraser les Romains vis-à-vis de leurs captifs dont Vercingétorix. Cela n’est pas si sûr.
[l’] organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres »[6]
Puisque l’universalité des cent quatre-vingt douze membres de la plus importante association libre des Etats de trouve sur pied d’égalité ; la convention tranche catégoriquement :
‘’Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un Etat ni l’oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte’’.[7]
La pratique internationale se conforme à cette règle fondamentale. Il ne vient à l’esprit d’aucun Etat, fut-il puissant, de s’assurer du caractère « démocratique » de la succession monarchique dans une Europe si archaïque en la matière, de la péninsule Ibérique à la Scandinavie. Nul ne s’est ingéré dans le processus électoral présidentiel ayant eu lieu dans un Etat limitrophe de la Côte-d’Ivoire où le taux de participation électorale n’aurait pas dépasse 25 % du corps électoral. Pire, quatre des six candidats à la présidence de la République, y ont dénoncé des fraudes massives et réclamé la réorganisation du scrutin. Nul ne les a entendus. Régulièrement au Machrek ; un Etat, qui n’est pas bien sûr la Birmanie, organise les élections générales, périodiques, dans un état d’urgence permanent, rejette toute idée d’observation étrangère et internationale desdits scrutins, sans que les Etats autoproclamés ‘’grands’’ élèvent des protestations, à tout le moins n’adoptent des sanctions contre le gouvernement. A quelques encablures de là, l’Union africaine ‘’manque’’ de moyens humains, matériels et financiers en vue d’y ‘’observer’’ les élections. A quelques milliers de kilomètres d’Addis-Abeba, l’Union africaine n’a pas eu de moyens en vue de l’observation du vote en Floride. Pire encore, au sein de l’Etat qui abrite son siège, l’UA est restée de marbre, en 2005, face la clameur de fraude électorale et aux détonations d’obus de chars qui s’en sont suivis entrainant plusieurs morts.
C’est que la succession héréditaire au trône, en Afrique, en Asie, en Europe ou ailleurs, fait partie des affaires relevant essentiellement de la souveraineté d’un Etat. On ne voit pas comment il pourrait en être autrement. Nul Etat, nulle organisation, n’a le droit d’obliger un Etat à organiser un scrutin sous l’œil vigilant des observateurs étrangers ou internationaux. Il n’existe aucune règle établie en la matière.
Le conflit armé infligé à la Côte-d’Ivoire et l’accord de paix subséquent conclu à Ouagadougou ont-ils transfiguré la Côte-d’Ivoire décolonisée en une espèce de Namibie à décoloniser ?
‘’Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel’’[8] ;
le droit à l’autodétermination d’un peuple décolonisé correspond ainsi au droit à la démocratie[9]. Il est dit à l’article 20 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples : « All peoples shall have the right to existence. They shall have the unquestionable and inalienable right to self determination. They shall freely determine their political status and shall pursue their economic and social development according to the policy they have freely chosen”[10]
C’est notamment, à travers des élections libres, transparentes, régulières, sincères, honnêtes, qu’il s’exprime[11]. Tel est le cas du peuple ivoirien.
Vingt ans plus tard, la Cour internationale de Justice le réaffirmait en ces termes : «Chaque Etat possède le droit fondamental de choisir et de mettre en œuvre comme il entend son système politique, économique et social ».[12]
Il importe de souligné que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes appartient à une légalité supérieure, la norme impérative, en droit international[13]. Il n’autorise aucune dérogation. Y-a-t-il une valeur plus supérieure à celle qu’incarne ce droit qu’a donné naissance à un « très grand nombre de nouveaux Etats »[14]. Dès lors que « the practice of the vast majority of States…is critical, both in the formation of new norm…their development and change and possible death”[15]. Il en est ainsi de l’adoption continue des régimes politiques, économiques, sociaux et culturels à travers le monde.
En conséquence, « [e]st nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général…acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère »[16]. Si jamais il y avait une disposition de l’accord d’Ouagadougou du 4 mars 2007 qui érigerait l’ONU en « Conseil constitutionnel international », cette clause est nulle[17].Si l’on partage l’opinion doctrinale relative à la « divisibilité » d’un accord contraire au jus cogens ou norme impérative, seule cette disposition insolite doit être tenue pour nulle[18]. Cette clause hautement illicite pourrait, si elle existe, « serve as guide »[19], pour paraphraser un juge international africain.
A supposer que cet Etat ait connu une authentique guerre civile – à ne point confondre avec une guerre par procuration[20] -; le règlement du conflit civil relève essentiellement de la compétence des Ivoiriens. On le voit en Irlande du Nord depuis 1969. Et même plusieurs siècles avant. L’ONU ne saurait être impliquée dans cette hypothèse que lorsqu’il y a menace à la paix et à la sécurité internationales. Quoiqu’il en soit, elle y est déjà. L’ancienne puissance coloniale, devenue puissance néocoloniale, y a toujours été depuis l’occupation coloniale au XIXe S. Aux fins de garantir l’ordre néocolonial, un corps expéditionnaire de son armée régulière y campe : la force Licorne.
En vertu du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, «tous les peuples ont le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence extérieure, et de poursuivre leur développement économique, social et culturel, et tout Etat a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions de la charte »[21]. Nonobstant cette norme impérative, les parties ivoiriennes furent amenées à conclure, d’abord à Marcoussis (France), ensuite à Ouagadougou (Burkina Faso) un accord politique. L’accord d’Ouagadougou du 4 mars 2007, qui a connu un succès relatif par rapport à l’acte de Marcoussis, a conduit à l’organisation effective de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010. Auparavant, il a permis la fin des hostilités entre la partie gouvernementale et la partie insurgée. Sous son empire ont eu lieu de tentatives d’établissement des listes électorales, de restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire, la formation d’un commandement intégré de force, une Commission électorale mixte, un Conseil constitutionnel, un Gouvernement de transition dirigé par le chef des « insurgés », etc. Néanmoins, le processus semble demeuré inachevé jusqu’à l’organisation effective du scrutin. Il importe de souligner que l’identification de la population de la Côte d’Ivoire est reconnue par cet accord comme une question des plus difficiles à résoudre. C’est là l’une des causes fondamentales de la « crise ». La formule, « l’Afrique aux Africains » et, en conséquence, « la Côte d’Ivoire aux Ivoiriens » ou l’ivoirité doit s’appliquer. Comme ailleurs où l’on distingue même, parmi les nationaux, les Français de souche…
Relativement à la ‘’crise’’ créée, deux organes qui constituent, en droit, l’expression du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, accomplissent un rôle majeur, à savoir la Commission électorale et le Conseil constitutionnel.
La trentaine de membres de la Commission électorale donne l’air de s’être acquittée de sa mission au premier tour du scrutin. Encore que l’établissement antérieur des listes électorales fut vraisemblablement entaché de beaucoup d’irrégularités. Un grand nombre de ressortissants de huit Etats[22] de la région résidant en Côte-d’Ivoire figureraient sur les listes électorales. D’autre part, l’identité exacte des électeurs ivoiriens de l’extérieur n’est pas certaine. Pour mesurer la différence des situations, des centaines de milliers d’Angolais, ayant fui la sanglante répression coloniale du Portugal en Angola depuis 1961, se tiennent en dehors de divers processus électoraux au Congo. On y dénombre au moins deux générations d’Angolais qui finissent par regagner leur patrie. Tel ne paraît pas être le cas d’un plus grand nombre de ressortissants d’au moins huit Etats voisins de la Côte d’Ivoire.
Au cours du second et dernier tour du scrutin, les média-mensonges qui inondent l’Afrique, signalent parfois discrètement des incidents, des irrégularités…, davantage au Nord et Centre de la Côte d’Ivoire qu’ailleurs. Plus crédible se révèlent les témoignages directs des personnes affectées dans les bureaux de vote par le partie concourant à l’expression du suffrage. Des preuves d’irrégularités sont rapportées. Des agents électoraux ivoiriens reprochent aux agents de l’ONUCI et autres observateurs d’avoir brillé par leur absence là où des urnes furent cassées, des bulletins des candidats de la majorité présidentielle détruits…Nul observateur étranger ou international ne semble prêter oreille à ces allégations. D’autre part, les membres de la Commission électorale ne parviennent pas à s’accorder dans le délai imparti à l’institution. Elle aurait pu décider, par exemple, de l’annulation du scrutin dans certaines circonscriptions ou la réorganisation des élections dans celles-ci. Soumise à des influences des organisations politiques, des puissances étrangères, africaines et non africaines, la Commission fut littéralement paralysée. Elle engage sa responsabilité devant l’histoire.
Quelques heures après l’expiration du délai lui imparti, son président annonce, à l’hôtel où siège l’état-major du candidat Alassane Ouattara, la victoire de ce dernier. Mais, il ne s’agit que des résultats provisoires, déjà contestés avant leur publication, par le camp du président Laurent Gbagbo.
C’est alors que se prononce le Conseil constitutionnel. Sans pusillanimité aucune, l’organe judicaire ou quasi-judiciaire évoque le contentieux électoral. Il fait valoir que le délai imparti à la Commission afin de remplir sa mission a expiré. Le Conseil annule les résultats du scrutin dans sept circonscriptions électorales. Il proclame le candidat L. Gbagbo élu. Le lendemain, ce dernier prête serment devant le Conseil. A la différence de la Commission électorale, le Conseil constitutionnel a le pouvoir juridique de dire les résultats définitifs. Comme dans une course-poursuite, le candidat A. Ouattara, dont l’élection n’est pas validée par l’unique organe constitutionnel compétent, adresse une ‘’note de prestation de serment’’ au Conseil constitutionnel. S’agissant d’un ancien premier ministre aspirant à la magistrature suprême, pareil comportement est indécent. Aucun des Etats coalisés qui le soutient ne procèdent de la sorte. Alassane Ouattara fonde son initiative sur les résultats provisoires annoncés par la Commission électorale, organe politique. Quoique n’ayant été ni proclamé élu par le Conseil constitutionnel, ni n’ayant prêté serment devant ce dernier, A. Ouattara, nomme aussi un ‘’gouvernement’’. Mais la prise de fonctions à la suite des remises-et-reprises dans les ministères, le fonctionnement des services publics, dont la défense, la sécurité, le maintien de l’ordre[23], les relations diplomatiques[24], y compris l’envoi de missions à l’étranger notamment, au Bénin, au Ghana, au Togo ; la fermeture et la réouverture des frontières, sous l’autorité du président L. Gbagbo, montrent que son équipe a l’effectivité de l’autorité de l’Etat. L’existence et le fonctionnement effectif d’une armée régulière au service de la souveraineté et de l’indépendance nationales, nonobstant la présence de plus 10.000 hommes des troupes étrangères, seront inscrits dans les annales de l’histoire africaine. Base de l’Etat, l’armée ivoirienne met en garde les forces d’occupation étrangères, sous la bannière bleue ou sous la bannière tricolore, contre toute tentative d’immixtion dans les affaires ivoiriennes.
C’est alors que le déluge des ingérences étrangères, dénoncées de bonne heure par Mohammed Bedjaoui et Ibrahima Fall, s’abat sur la Côte-d’Ivoire. La CEDEAO, l’UA, l’ONU, la France, les Etats-Unis d’Amérique, entre autres, exercent des pressions publiques, politiques, diplomatiques, économiques, psychologiques…afin que leur élu, A. Ouattara, soit hissé au pouvoir suprême. En fait, Alassane Ouattara a été apparemment élu, par anticipation, dans des milieux Transnationaux.
C’est la première fois qu’une organisation subrégionale, la CEDEAO, immédiatement convoquée en session extraordinaire à l’aéroport d’Abuja (Nigeria), s’estime suffisamment informée pour décider, séance tenante, de la suspension d’un Etat membre et exige le départ du pouvoir suprême d’un chef d’Etat en poste qui aurait perdu, sans preuve incontestable, l’élection.
C’est la première fois que le Conseil de Sécurité de l’ONU, selon sa pratique plus d’une fois dénoncée, de deux poids deux mesures, foule aux pieds l’article 2 paragraphe 7 de la charte de cette organisation et la constitution d’un Etat souverain, pour annoncer nommément le vainqueur de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire.
C’est la première fois qu’un représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, dans un pays en crise, se pose en ‘’Conseil constitutionnel’’ afin de « valider » les résultats d’une élection d’un chef d’un Etat indépendant et souverain.
C’est la première fois que le président en exercice de l’UA, dépourvu de tout pouvoir en la matière, en dehors de la Conférence, suivi par un organe de l’UA, décident de la suspension d’un Etat membre jusqu’à ce que l’élu supposé par eux exercent effectivement les fonctions de chef de l’Etat.
Il y a là, à première vue, un précédent attentatoire à la souveraineté et à l’indépendance d’un Etat. Tous les publicistes devraient se sentir interpellés. Particulièrement les internationalistes.
Formellement, l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures ivoiriennes, en la présente phase, est inaugurée par l’accord de Marcoussis (France) mort-né. Elle renaîtra ainsi avec l’accord de Ouagadougou et ses protocoles additionnels. C’est un diktat outre passant le rôle d’observateur de l’ONUCI. Il paraît insolite pour l’ONU de s’ériger en garant de la validité d’une élection, quelle qu’elle soit, dans un Etat souverain. Proclamer que le représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU établit un « acte notarié », certifiant la validité de l’élection présidentielle en Côte-d’Ivoire, constitue un excès de pouvoir[25]. Nulle part, la charte de l’ONU ne confère à l’un ou l’autre de ses organes pareil pouvoir. On a déjà eu à rappeler plus haut la teneur de l’article 2, paragraphe 7, dudit traité. La lecture de l’accord politique de Ouagadougou ne montre pas que le chef de l’organisme subsidiaire de l’ONU ait été investi de la qualité de « notaire » aux fins de certifier la validité du scrutin. S’il existe un texte dans ce sens, il viole certainement le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Or, ce dernier appartient sans discussion à la catégorie des normes impératives. L’acte éventuel qui nous aurait échappé est, de ce point de vue nul. Précisément, il est affirmé que le jus cogens constitue « un moyen de protection contre les inégalités dans les négociations internationales »[26]
La Cour internationale de Justice, dans sa mission de régulation de l’ordre juridique international, n’a de cesse de le marteler. C’est ainsi qu’en 2005, elle réaffirme la jurisprudence de 1986 en ces termes :
…’’la Cour a précisé clairement que le principe de non-intervention interdisait à l’Etat [d]’intervenir directement ou non, avec ou sans force armée, pour appuyer l’opposition interne d’un autre Etat’’[27].
Elle a aussi condamné ‘’une ingérence dans les affaires intérieurs »[28] de l’Etat demandeur par l’Etat défendeur.
L’organe le plus représentatif de l’ONU a eu à déclarer, plus d’une fois, dans des résolutions[29] solidement motivées, que
‘’No State has the right to intervene, directly or indirectly, for any reason whatever, in the internal or external affairs of any other State. Consequently, armed intervention and all forms of interference or attempted threats against the personality of the State or against its political, economic and cultural elements, are condemned’’[30]
Ainsi, la jurisprudence internationale la plus autorisée et l’opinio juris ….n’ont de cesse de souligner l’importance de la norme conventionnelle et coutumière.
Lorsque l’organe éminent d’un Etat étranger clame haut et fort que l’élection de l’un des deux candidats à la présidence est ‘’incontestable’’, il viole la règle de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre Etat. D’autant plus que les résultats purement provisoires annoncés par la Commission électorale ont été infirmés par le Conseil constitutionnel, unique organe constitutionnel habilité à proclamer les résultats définitifs. Personne ne s’est empressé, à la même période, à déclarer vainqueur du scrutin, l’un de deux candidats présidentiels de Guinée, l’issue de l’annonce des résultats provisoires par la Commission électorale. Pourtant, des contestations ont fusé de part et d’autre. Nul n’a manqué d’égards vis-à-vis de la Cour constitutionnelle de Guinée, encore moins contesté les résultats définitifs proclamés par elle. Pourtant, le nouveau président de Guinée, Alpha Condé, ne paraissait pas répondre aux convoitises des puissances si dépendantes des matières premières d’Afrique.[31] Sur ce point, la Guinée n’est pas mal lotie. C’est un euphémisme.
Il ne viendrait à l’esprit d’aucun organe gouvernemental d’un Etat anciennement constitué d’ignorer avec mépris, pire de contester implicitement la décision d’un Conseil constitutionnel de l’hémisphère Nord. L’aspiration générale à la qualité d’Etat de droit[32] ne peut qu’être contredite dans le chef de l’Etat qui viole ainsi le droit international. Il va sans dire que les Etats qui prétendent subitement promouvoir l’Etat de droit et la démocratie, lors même qu’ils ont promu hier le colonialisme et entretiennent aujourd’hui le néocolonialisme, obstruent ouvertement l’émergence desdites Institutions. Rien ne prouve qu’ils œuvrent concrètement pour la réalisation de ces idéaux. Car, il n’y a pas d’Etat, d’Etat de droit, de processus vers la démocratie[33], sans l’indépendance politique. Le peuple de Côte d’Ivoire paraît résolument engagé, à travers cette résistance héroïque, à assumer effectivement son destin. La vraie question qui se pose en Côte d’Ivoire consiste à décoloniser effectivement le pays. On comprend que l’ancienne puissance coloniale, qui s’est murée en puissance néocoloniale, excelle dans son exercice coutumier d’ingérence. On ne saurait pour autant le justifier. D’autant plus que simultanément, elle apporte son soutien multiforme à la mascarade électorale qui a lieu dans un Etat frontalier de la Côte-d’Ivoire. Membre actif du Conseil de sécurité de l’ONU, elle connaît parfaitement bien la pratique inique de deux poids deux mesures.
Lorsque Aleide Djedje, nouveau ministre des Affaires étrangères de Côte-d’Ivoire, ancien représentant permanent de cet Etat à l’ONU à New York, déclare le jeudi 9 décembre 2010 à Euronews que ‘’l’ONU n’a pas joué le bon rôle’’, il emploie un langage diplomatique. Mais la dure épreuve de force imposée à la résistance héroïque du peuple ivoirien par les sociétés transnationales, actionnant leurs élus du vieux monde, va vite écarter le discours feutré. Et le diplomate lâche : ‘’l’ONU est à la dérive’’. Soixante ans plus tôt, le chef de l’Etat de l’ancienne puissance coloniale de son pays avait dénoncé ‘’le machin’’. Victime de trois opérations de maintien de la paix, l’ONUC (1960-1964),la MONUC (1999-2009) el la MONUSCO (2009 -), le peuple congolais considère ‘’comme une force félonne….la MONUC…pourtant invitée par un Etat membre de l’organisation mondiale afin d’enrayer l’agression armée’’[34]. Rien n’autorise à affirmer que cette ‘’organisation [ONU] opérait dans une neutralité totale et serine par rapport à la réalité du rapport des forces et des intérêts en cause…on sait que la scène internationale est dominée par la politique des ‘deux poids deux mesures’ et la fameuse raison d’Etat »[35]. S’il subsistait le moindre doute, les élections très récente en Egypte, en Guinée, au Burkina-Faso les lèvent les plus promptement.
Dire qu’il est formellement interdit à tout Etat de s’immiscer dans les affaires intérieures d’autrui signifie à fortiori que cette prohibition s’impose à toute organisation internationale. Celle-ci constitue une association d’Etats en règle générale. L’ONU répond à cette définition. La présence d’une force de maintien de la paix, l’ONUCI, n’érige pas cette dernière en censeur électoral dans un Etat souverain. A peine de transgresser la légalité internationale représentée, dans le cas d’espèce, par le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (supra). Il est significatif que le droit international humanitaire prohibe toute justification d’une intervention directe ou indirecte, pour quelque raison que ce soit, dans le conflit armé ou dans les affaires intérieures ou extérieures d’un Etat[36]. La prescription s’adresse ‘’non seulement aux Etats, mais aussi à d’autres entités, organisation internationales…qui prendraient prétexte du Protocole pour s’immiscer dans les affaires l’Etat sur le territoire duquel se déroule le conflit armé[37].
Ni l’ONU, ni son organisme subsidiaire, l’ONUCI, ne constituent un Conseil constitutionnel. Il y a là une grave violation, notamment de l’article 2, paragraphe 7 de la charte de l’ONU. On se trouve vraisemblablement devant un précédent grossier du viol de la constitution d’un Etat indépendant. L’ONU, dont les conventions, notamment le pacte relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, récemment réaffirmé par la Cour internationale de Justice dans son arrêt du 30 novembre 2010, prône l’Etat de droit, foule aux pieds ses propres actes. Nul autre organe que le Conseil constitutionnel n’est habilité, en l’espèce, à proclamer les résultats définitifs. La Commission électorale annonce des résultats provisoires. Sans exonérer celle-ci de ses responsabilités, les immixtions de l’ONUCI dans la réalisation de sa mission l’ont subordonnée. Comment l’ONU peut-elle ignorer les décisions d’un organe judiciaire ? Au moment où elle reconnait des résultats définitifs de l’élection présidentielle proclamée par des instances judiciaires compétentes du Burkina-Faso et de la Guinée ? Il faut arrêter cette tendance émergeante. Elle constitue une accentuation du nouveau désordre mondial joliment nommé ‘’mondialisation’’.
Il est affligeant de constater que la CEDEAO, dont la Côte d’Ivoire constitue l’une des locomotives, suivent, au pas de course, des Etats qui intra-muros et extra-muros, se jouent de la dignité des peuples. Mais combien d’Etats de la CEDEAO, convoqués d’ailleurs à Abuja, y ont été représentés par des organes authentiquement élus ? S’ils acceptent l’intervention des tiers dans la marche de leurs propres affaires, comment répudieraient-ils les ordres de se mêler des questions essentielles d’un Etat de la région ?
D’autre part, il faut craindre, à la longue, la disqualification de l’Union africaine inapte à prévenir, à gérer et à régler, des « crises » artificiellement créées. La direction de l’Union africaine apparait dans cette affaire comme une chambre d’enregistrement des décisions prises ailleurs. Il faut espérer que le prochain sommet de l’UA en janvier 2011,verra des chefs d’Etat demander des comptes au Conseil de paix et de sécurité ainsi qu’à la Commission africaine. Comme le dernier sommet de Kampala a permis de stopper le néocolonialisme judiciaire rempant en Afrique.
Par ailleurs, l’acharnement thérapeutique, sans pareil, sans précédent, de l’Union européenne, est révélateur de la teneur de l’épitaphe qui ouvre ces lignes. Allez-y comprendre que des Etats respectueux de leurs institutions judiciaires aillent jusqu’à édicter des sanctions contre le président du Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire pour avoir assumé ses responsabilités ! Semblable mesure devrait susciter une réaction de solidarité de la part des chefs de juridiction analogues. D’abord de la part des présidents des Conseils constitutionnel de la CEDEAO, qui élèverait des protestations ; ensuite, l’organe judiciaire de celle-ci ; en outre la Cour africaine dans sa mission de promouvoir l’Etat de droit ; enfin plusieurs organes judiciaires de l’U.E. Il n’en est rien.
Les appels à la sédition, directement ou indirectement, lancés au peuple ivoirien ne sont guère quasi universellement suivis. Au demeurant, les manifestations estudiantines au Royaume-Uni, en décembre 2010, ou celles d’une frange importante de la population française, durant le second semestre de l’année en cours, ont-elles été considérées comme remettant en cause les gouvernements en place ? N’y a-t-on pas eu l’exercice normal de la « démocratie » ?
Selon la réflexion d’Alain : « je connais un certain nombre de bons esprits qui essaient de définir la démocratie. J’y ai travaillé souvent et sans arriver à dire autre chose que des pauvretés qui, bien plus, ne résistent pas à une sévère critique »[38]. Comme le soutient Mohamed Bennouna, « [e]n effet, même après l’échec des ‘démocratie populaires’, il n’existe pas aujourd’hui un seul concept de la démocratie applicable, quelles que soient les sociétés concernées, leur culture et leur évolution historique »[39]. Ce n’est pas l’Union européenne qui l’ignore. Pour avoir au moins toléré des mascarades électorales en Afrique occidentale, en Afrique septentrionale, en Afrique orientale, dans les Grands Lacs africains ; elle sait ce qu’elle promeut : la nouvelle divinité nommée « marché ». Pourtant, le verdict doctrinal a été rendu par un orfèvre en matière européenne : « on voit mal…comment la Communauté pourrait jamais s’indigner de manière crédible de la saleté des écuries d’autrui si l’Union ne veillait d’abord à la propreté des siennes »[40]. Encore une fois, elle sait ce qu’elle veut.
C’est curieux que les électeurs ivoiriens, avec ou sans guillemets, qui auraient massivement élu, selon les instruments des ingérences étrangères, le candidat Ouattara depuis plus de deux semaines, ne recourent pas aux divers moyens légitimes, afin de manifester de manière continue leur autodétermination. Ainsi, ils joindraient leurs voix au concert solitaire des radio-cymbales étrangères. Pourtant, le peuple voisin de Guinée où une fraction importante de cette dernière, n’a guère attendu le son de trompette outre-mer, au lendemain de l’annonce des résultats provisoires, pour entonner l’hymne de la victoire de l’un ou de l’autre candidat. La proclamation des résultats définitifs par la Cour suprême, faisant office de Cour institutionnelle, à l’issue de l’annulation de certains résultats, n’a guère causé de ‘’crise’’.
Il aurait pu en être ainsi en Côte d’Ivoire n’eut été les graves ingérences étrangères. Juridiquement, aucune entité, autre que l’Etat souverain où a lieu l’élection, n’a le pouvoir d’authentifier la validité de l’élection. Si la Commission électorale ivoirienne, comme d’autres, peut être composée de membres à la qualification douteuse eu égard aux intérêts politiques représentés ; tout de même un Conseil constitutionnel, comme tout juge, sait le droit. Cette présomption là s’impose à toute juridiction, interne ou internationale. Tel n’est pas le cas d’un mécanisme de circonstances, l’ONUCI, chargé du maintien de la paix. Cette dernière n’a guère la mission de dire le droit. Au préalable sa compétence en la matière doit être rétablie.
Mais la responsabilité principale incombe aux organes principaux de l’ONU. Exploitant l’affaiblissement d’un Etat souverain, consécutif à la succession de gouvernements, le Conseil de sécurité s’érige en ‘’Conseil constitutionnel international’’. Quelle imposture!. Lorsque certains Etats constatent la ‘’dérive’’ de l’ONU (supra) ou des hauts fonctionnaires du système observent sa ‘’ménopause[41]’’ ou encore que le plus haut magistrat international se fait l’écho des voix annonçant sa ‘’disparition[42]’’, ils se référent au Conseil de sécurité de l’ONU. A supposer que cet organe ait eu, à sa création, quelque légitimité ; il est clair aujourd’hui qu’il n’en a plus dans le concert de cent quatre-vingt-douze Etats. Cinq membres sinon un seul, dits permanents, en réalité ‘’définitifs[43]’’, imposent le ‘’diktat’’’ à cent quatre-vingt sept Etats! L’ONU n’est pas ‘’démocratique[44]’’. Comment peut-elle transmettre à autrui ce qu’elle n’a pas ? Cinq membres permanents, dont au moins trois et un quatrième complice, agressent militairement des peuples pacifiques en Irak, en Afghanistan et ailleurs, en toute impunité, ne peuvent donner des leçons à personne. Qui a établi l’ «acte notarié » certifiant les résultats des élections en Irak et en Afghanistan occupés ?
On s’évertue à substituer, au principe sacro-saint de la souveraineté, la pratique de la quatrième religion monothéiste du monde, la secte du marché. C’est elle, sous l’habillage politique de mondialisation, qui secrète une vingtaine de rapports du Secrétaire général de l’ONU, tantôt sur la ‘’situation’’, tantôt sur la ‘’crise’’ en Côte-d’Ivoire. Quelle « crise » ? C’est elle aussi, qui compte les cinq membres permanents du Conseil de sécurité comme adeptes, qui entretient, pour une large part, le désordre mondial. Là où règne l’anarchie, il n’y a plus d’ordre. Or, l’égalité souveraine des Etats constituait en droit et, souvent aussi, en fait, depuis l’entrée en vigueur de la charte de l’ONU, la norme fondamentale de l’édifice juridique international. L’ONU, qui a promu, depuis l’année de l’Afrique (1960), l’égalité des droits des peuples, en dépit de l’opposition des puissances coloniales, bafoue aujourd’hui, sous les ordres des puissances néocoloniales, la liberté des peuples constitués ou non en Etat.
Que reste-t-il du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes lorsqu’un organe majeur de cette organisation, au nom inavoué du marché, dispose en lieu et place des peuples ? En clair, les forces du marché, par institutions nationales ou internationales interposées, semblent désormais dans la pratique en Afrique présider à la désignation des chefs d’Etat. Néanmoins, l’état du droit international, tel que visé plus haut, dans l’avis consultatif du 22 juillet 2010, n’a guère changé. Cette pratique là constitue une violation de norme impérative, à la supposer inscrite dans une convention donnée. A défaut de figurer dans un acte conventionnel, elle constitue un simple fait illégal. On entrevoit ainsi aisément l’immixtion inadmissible dans les affaires purement ivoiriennes.
Relais sur terrain des forces du marché, l’ONUCI se pose en Conseil constitutionnel suprême, inconnu en droit ivoirien. Elle se saurait ainsi écraser l’arbre sur lequel elle est assise : la charte de l’ONU. Ni même fouler aux pieds le droit international que la charte n’épuise point.
Réunis dans le cadre de la CEDEAO, les ‘’ gouverneurs de la rosée ‘’ selon l’expression de Jacques Roumain, vivent de la perfusion transnationale. On le sait. Rien d’étonnant, qu’en qualité de juges et parties dans une affaire qui met en cause la présence massive d’au moins huit Etats membres de la CEDEAO, les proconsuls expriment leur solidarité vis-à-vis d’un futur pair souhaité. Ils jouent avec du feu dans une région ensanglantée de la guerre du Biafra (1967-1970) à la guerre en Côte-d’Ivoire, toutes les deux guerres par procuration. La mémoire très courte, les hommes en place au Nigéria, qui exécutent les ordres de mise en place d’un houphouétistes, oublient vite le tort causé par l’houphouétisme à leur pays.
Quant à l’U.A., conçue primitivement comme un mécanisme de résistance contre la mondialisation par le marché, elle a été détournée, par certains dirigeants, en chambre d’enregistrement des décisions des maîtres de la secte du marché. Rien d’étonnant lorsqu’on a à l’esprit les noms des personnalités qui l’animent. Mais, la Côte-d’Ivoire et sa classe dirigeante actuelle, politique, militaire, économique, culturelle, sociale etc. compte des femmes et des hommes valeureux. Il n’est pas du tout sûr qu’elle soit isolée sur le continent comme le claironnent les haut-parleurs des électeurs des urnes transnationales.
Que le représentant de l’U.A. à Abidjan ait assisté à l’investiture du président Laurent Gbagbo ne constitue-t-il pas un démenti aux sirènes ultra-marines alléguant que ce dernier n’ pas gagné les élections ? En tant qu’observateur sur le terrain du processus électoral, il est mieux placé que quiconque à Lilongwe (Malawi), à Addis-Abeba (Ethiopie) pour établir un rapport objectif sur le scrutin. Au demeurant, le président en exercice de l’U.A. à Lilongwe et les organes de celle-ci à Addis-Abeba se prononcent, pour toute élection comme à l’ONU, à l’UE, etc., sur la base du rapport de leur représentant sur le théâtre des opérations électorales. Comment croire que le diplomate de l’U.A., comme tout diplomate, agissant sur instructions du siège, ait assisté à la cérémonie d’investiture à titre personnel. C’est pour la consommation des caisses de résonnance des médias-mensonges. Rappelés à l‘ordre par la secte du marché, les mandataires de l’UA osent suspendre la Côte-d’Ivoire des activités de l’organisation. C’est là un outrage à un peuple souverain. Que dit l’U.A de la présence de nombreux Etats africains, notamment des Etats respectés tels que l’Angola, la RSA, etc.
Le sommet de l’U.A., en janvier 2011, doit assumer ses responsabilités en constatant clairement et définitivement que le peuple ivoirien a bel et bien élu Laurent Gbagbo président de la République ainsi qu’il ressort de la décision du Conseil constitutionnel compétent. Le sommet de l’U.A., à Kampala, en juillet 2010, n’a-t-il pas privé d’effet l’acte d’un agent judiciaire international zélé ?
Kinshasa, le 17 décembre 2010
‘’…si l’Afrique souffre de quelque chose, ce n’est pas tout à fait de son isolement, mais de la manière dont beaucoup d’ensembles étrangers l’intéressent à elle’’, Mohammed Bedjaoui.
‘’…je voudrais paraphraser son Excellence Bedjaoui en disant que si l’Afrique souffre d’une chose, ce n’est pas de l’isolement mais de l’ingérence, et que de ce point de vue on dénote, à mon avis, un grand intérêt des puissances extra-africaines pour l’Afrique’’. Ibrahima FALL.[1]
- I. INTRODUCTION
Or, les mutations en cours remettent parfois en cause l’ordre, selon les uns, ou le désordre, d’après les autres, établi. Les événements qui se produisent actuellement en Cote d’Ivoire, participent de cet affrontement entre deux ordres, l’un, ancien houphouetistes et alliés; l’autre nouveau, gbagboistes[4] et alliés.
Longtemps néocolonie modèle, la Côte-d’Ivoire s’est engagée depuis une décennie dans un processus complexe de décolonisation effective. Telle est la signification profonde du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010. Il a mis aux prises les partisans du néocolonialisme attardé, regroupés sous la direction d’Alassane Ouattara dans une alliance de circonstances des houphouetistes, d’une part, et les résistants à la domination néocoloniale, rassemblés de longue date autour de Laurent Gbagbo d’autre part[5].
Néanmoins, les tentatives de décolonisation formelle ou effective qui ont eu lieu à l’ère de la bipolarité se distinguent des phénomènes analogues actuels. C’est que la ‘’mondialisation’’, à l’âge de l’hégémonie de l’empire, obvie radicalement sans contrepoids à ce processus. Samir Amin a bien observé que ‘’those who believe that the marginalization of Africa is the result of its backwardness, while it is in fact very product of its integration in the global imperialism system »
Le présent propos se veut une simple note d’actualité. Il se borne à rafraichir la mémoire de lecteur sur les principes qui fondent la société internationale et les rapports internationaux. Par là, il donne des éléments de réponse en droit à l’énième (crise) créée artificiellement dans le pays considéré. Il faut bien admettre que le dragon moderne, enrobé du tissu ‘’mondial’’, tend brutalement à broyer le noyau granitique du droit international. Malheur aux faibles, pour paraphraser les Romains vis-à-vis de leurs captifs dont Vercingétorix. Cela n’est pas si sûr.
- II. LE PRINCIPE SACRO-SAINT DE LA SOUVERAINETÉ DE L’ETAT
[l’] organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres »[6]
Puisque l’universalité des cent quatre-vingt douze membres de la plus importante association libre des Etats de trouve sur pied d’égalité ; la convention tranche catégoriquement :
‘’Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un Etat ni l’oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte’’.[7]
La pratique internationale se conforme à cette règle fondamentale. Il ne vient à l’esprit d’aucun Etat, fut-il puissant, de s’assurer du caractère « démocratique » de la succession monarchique dans une Europe si archaïque en la matière, de la péninsule Ibérique à la Scandinavie. Nul ne s’est ingéré dans le processus électoral présidentiel ayant eu lieu dans un Etat limitrophe de la Côte-d’Ivoire où le taux de participation électorale n’aurait pas dépasse 25 % du corps électoral. Pire, quatre des six candidats à la présidence de la République, y ont dénoncé des fraudes massives et réclamé la réorganisation du scrutin. Nul ne les a entendus. Régulièrement au Machrek ; un Etat, qui n’est pas bien sûr la Birmanie, organise les élections générales, périodiques, dans un état d’urgence permanent, rejette toute idée d’observation étrangère et internationale desdits scrutins, sans que les Etats autoproclamés ‘’grands’’ élèvent des protestations, à tout le moins n’adoptent des sanctions contre le gouvernement. A quelques encablures de là, l’Union africaine ‘’manque’’ de moyens humains, matériels et financiers en vue d’y ‘’observer’’ les élections. A quelques milliers de kilomètres d’Addis-Abeba, l’Union africaine n’a pas eu de moyens en vue de l’observation du vote en Floride. Pire encore, au sein de l’Etat qui abrite son siège, l’UA est restée de marbre, en 2005, face la clameur de fraude électorale et aux détonations d’obus de chars qui s’en sont suivis entrainant plusieurs morts.
C’est que la succession héréditaire au trône, en Afrique, en Asie, en Europe ou ailleurs, fait partie des affaires relevant essentiellement de la souveraineté d’un Etat. On ne voit pas comment il pourrait en être autrement. Nul Etat, nulle organisation, n’a le droit d’obliger un Etat à organiser un scrutin sous l’œil vigilant des observateurs étrangers ou internationaux. Il n’existe aucune règle établie en la matière.
Le conflit armé infligé à la Côte-d’Ivoire et l’accord de paix subséquent conclu à Ouagadougou ont-ils transfiguré la Côte-d’Ivoire décolonisée en une espèce de Namibie à décoloniser ?
- III. LE DROIT DES PEUPLES A DISPOSÉS D’EUX-MÊMES
‘’Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel’’[8] ;
le droit à l’autodétermination d’un peuple décolonisé correspond ainsi au droit à la démocratie[9]. Il est dit à l’article 20 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples : « All peoples shall have the right to existence. They shall have the unquestionable and inalienable right to self determination. They shall freely determine their political status and shall pursue their economic and social development according to the policy they have freely chosen”[10]
C’est notamment, à travers des élections libres, transparentes, régulières, sincères, honnêtes, qu’il s’exprime[11]. Tel est le cas du peuple ivoirien.
Vingt ans plus tard, la Cour internationale de Justice le réaffirmait en ces termes : «Chaque Etat possède le droit fondamental de choisir et de mettre en œuvre comme il entend son système politique, économique et social ».[12]
Il importe de souligné que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes appartient à une légalité supérieure, la norme impérative, en droit international[13]. Il n’autorise aucune dérogation. Y-a-t-il une valeur plus supérieure à celle qu’incarne ce droit qu’a donné naissance à un « très grand nombre de nouveaux Etats »[14]. Dès lors que « the practice of the vast majority of States…is critical, both in the formation of new norm…their development and change and possible death”[15]. Il en est ainsi de l’adoption continue des régimes politiques, économiques, sociaux et culturels à travers le monde.
En conséquence, « [e]st nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général…acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère »[16]. Si jamais il y avait une disposition de l’accord d’Ouagadougou du 4 mars 2007 qui érigerait l’ONU en « Conseil constitutionnel international », cette clause est nulle[17].Si l’on partage l’opinion doctrinale relative à la « divisibilité » d’un accord contraire au jus cogens ou norme impérative, seule cette disposition insolite doit être tenue pour nulle[18]. Cette clause hautement illicite pourrait, si elle existe, « serve as guide »[19], pour paraphraser un juge international africain.
A supposer que cet Etat ait connu une authentique guerre civile – à ne point confondre avec une guerre par procuration[20] -; le règlement du conflit civil relève essentiellement de la compétence des Ivoiriens. On le voit en Irlande du Nord depuis 1969. Et même plusieurs siècles avant. L’ONU ne saurait être impliquée dans cette hypothèse que lorsqu’il y a menace à la paix et à la sécurité internationales. Quoiqu’il en soit, elle y est déjà. L’ancienne puissance coloniale, devenue puissance néocoloniale, y a toujours été depuis l’occupation coloniale au XIXe S. Aux fins de garantir l’ordre néocolonial, un corps expéditionnaire de son armée régulière y campe : la force Licorne.
En vertu du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, «tous les peuples ont le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence extérieure, et de poursuivre leur développement économique, social et culturel, et tout Etat a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions de la charte »[21]. Nonobstant cette norme impérative, les parties ivoiriennes furent amenées à conclure, d’abord à Marcoussis (France), ensuite à Ouagadougou (Burkina Faso) un accord politique. L’accord d’Ouagadougou du 4 mars 2007, qui a connu un succès relatif par rapport à l’acte de Marcoussis, a conduit à l’organisation effective de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010. Auparavant, il a permis la fin des hostilités entre la partie gouvernementale et la partie insurgée. Sous son empire ont eu lieu de tentatives d’établissement des listes électorales, de restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire, la formation d’un commandement intégré de force, une Commission électorale mixte, un Conseil constitutionnel, un Gouvernement de transition dirigé par le chef des « insurgés », etc. Néanmoins, le processus semble demeuré inachevé jusqu’à l’organisation effective du scrutin. Il importe de souligner que l’identification de la population de la Côte d’Ivoire est reconnue par cet accord comme une question des plus difficiles à résoudre. C’est là l’une des causes fondamentales de la « crise ». La formule, « l’Afrique aux Africains » et, en conséquence, « la Côte d’Ivoire aux Ivoiriens » ou l’ivoirité doit s’appliquer. Comme ailleurs où l’on distingue même, parmi les nationaux, les Français de souche…
Relativement à la ‘’crise’’ créée, deux organes qui constituent, en droit, l’expression du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, accomplissent un rôle majeur, à savoir la Commission électorale et le Conseil constitutionnel.
La trentaine de membres de la Commission électorale donne l’air de s’être acquittée de sa mission au premier tour du scrutin. Encore que l’établissement antérieur des listes électorales fut vraisemblablement entaché de beaucoup d’irrégularités. Un grand nombre de ressortissants de huit Etats[22] de la région résidant en Côte-d’Ivoire figureraient sur les listes électorales. D’autre part, l’identité exacte des électeurs ivoiriens de l’extérieur n’est pas certaine. Pour mesurer la différence des situations, des centaines de milliers d’Angolais, ayant fui la sanglante répression coloniale du Portugal en Angola depuis 1961, se tiennent en dehors de divers processus électoraux au Congo. On y dénombre au moins deux générations d’Angolais qui finissent par regagner leur patrie. Tel ne paraît pas être le cas d’un plus grand nombre de ressortissants d’au moins huit Etats voisins de la Côte d’Ivoire.
Au cours du second et dernier tour du scrutin, les média-mensonges qui inondent l’Afrique, signalent parfois discrètement des incidents, des irrégularités…, davantage au Nord et Centre de la Côte d’Ivoire qu’ailleurs. Plus crédible se révèlent les témoignages directs des personnes affectées dans les bureaux de vote par le partie concourant à l’expression du suffrage. Des preuves d’irrégularités sont rapportées. Des agents électoraux ivoiriens reprochent aux agents de l’ONUCI et autres observateurs d’avoir brillé par leur absence là où des urnes furent cassées, des bulletins des candidats de la majorité présidentielle détruits…Nul observateur étranger ou international ne semble prêter oreille à ces allégations. D’autre part, les membres de la Commission électorale ne parviennent pas à s’accorder dans le délai imparti à l’institution. Elle aurait pu décider, par exemple, de l’annulation du scrutin dans certaines circonscriptions ou la réorganisation des élections dans celles-ci. Soumise à des influences des organisations politiques, des puissances étrangères, africaines et non africaines, la Commission fut littéralement paralysée. Elle engage sa responsabilité devant l’histoire.
Quelques heures après l’expiration du délai lui imparti, son président annonce, à l’hôtel où siège l’état-major du candidat Alassane Ouattara, la victoire de ce dernier. Mais, il ne s’agit que des résultats provisoires, déjà contestés avant leur publication, par le camp du président Laurent Gbagbo.
C’est alors que se prononce le Conseil constitutionnel. Sans pusillanimité aucune, l’organe judicaire ou quasi-judiciaire évoque le contentieux électoral. Il fait valoir que le délai imparti à la Commission afin de remplir sa mission a expiré. Le Conseil annule les résultats du scrutin dans sept circonscriptions électorales. Il proclame le candidat L. Gbagbo élu. Le lendemain, ce dernier prête serment devant le Conseil. A la différence de la Commission électorale, le Conseil constitutionnel a le pouvoir juridique de dire les résultats définitifs. Comme dans une course-poursuite, le candidat A. Ouattara, dont l’élection n’est pas validée par l’unique organe constitutionnel compétent, adresse une ‘’note de prestation de serment’’ au Conseil constitutionnel. S’agissant d’un ancien premier ministre aspirant à la magistrature suprême, pareil comportement est indécent. Aucun des Etats coalisés qui le soutient ne procèdent de la sorte. Alassane Ouattara fonde son initiative sur les résultats provisoires annoncés par la Commission électorale, organe politique. Quoique n’ayant été ni proclamé élu par le Conseil constitutionnel, ni n’ayant prêté serment devant ce dernier, A. Ouattara, nomme aussi un ‘’gouvernement’’. Mais la prise de fonctions à la suite des remises-et-reprises dans les ministères, le fonctionnement des services publics, dont la défense, la sécurité, le maintien de l’ordre[23], les relations diplomatiques[24], y compris l’envoi de missions à l’étranger notamment, au Bénin, au Ghana, au Togo ; la fermeture et la réouverture des frontières, sous l’autorité du président L. Gbagbo, montrent que son équipe a l’effectivité de l’autorité de l’Etat. L’existence et le fonctionnement effectif d’une armée régulière au service de la souveraineté et de l’indépendance nationales, nonobstant la présence de plus 10.000 hommes des troupes étrangères, seront inscrits dans les annales de l’histoire africaine. Base de l’Etat, l’armée ivoirienne met en garde les forces d’occupation étrangères, sous la bannière bleue ou sous la bannière tricolore, contre toute tentative d’immixtion dans les affaires ivoiriennes.
C’est alors que le déluge des ingérences étrangères, dénoncées de bonne heure par Mohammed Bedjaoui et Ibrahima Fall, s’abat sur la Côte-d’Ivoire. La CEDEAO, l’UA, l’ONU, la France, les Etats-Unis d’Amérique, entre autres, exercent des pressions publiques, politiques, diplomatiques, économiques, psychologiques…afin que leur élu, A. Ouattara, soit hissé au pouvoir suprême. En fait, Alassane Ouattara a été apparemment élu, par anticipation, dans des milieux Transnationaux.
- IV. LE TORRENT DES INGÉRENCES ÉTRANGÈRES
C’est la première fois qu’une organisation subrégionale, la CEDEAO, immédiatement convoquée en session extraordinaire à l’aéroport d’Abuja (Nigeria), s’estime suffisamment informée pour décider, séance tenante, de la suspension d’un Etat membre et exige le départ du pouvoir suprême d’un chef d’Etat en poste qui aurait perdu, sans preuve incontestable, l’élection.
C’est la première fois que le Conseil de Sécurité de l’ONU, selon sa pratique plus d’une fois dénoncée, de deux poids deux mesures, foule aux pieds l’article 2 paragraphe 7 de la charte de cette organisation et la constitution d’un Etat souverain, pour annoncer nommément le vainqueur de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire.
C’est la première fois qu’un représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, dans un pays en crise, se pose en ‘’Conseil constitutionnel’’ afin de « valider » les résultats d’une élection d’un chef d’un Etat indépendant et souverain.
C’est la première fois que le président en exercice de l’UA, dépourvu de tout pouvoir en la matière, en dehors de la Conférence, suivi par un organe de l’UA, décident de la suspension d’un Etat membre jusqu’à ce que l’élu supposé par eux exercent effectivement les fonctions de chef de l’Etat.
Il y a là, à première vue, un précédent attentatoire à la souveraineté et à l’indépendance d’un Etat. Tous les publicistes devraient se sentir interpellés. Particulièrement les internationalistes.
Formellement, l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures ivoiriennes, en la présente phase, est inaugurée par l’accord de Marcoussis (France) mort-né. Elle renaîtra ainsi avec l’accord de Ouagadougou et ses protocoles additionnels. C’est un diktat outre passant le rôle d’observateur de l’ONUCI. Il paraît insolite pour l’ONU de s’ériger en garant de la validité d’une élection, quelle qu’elle soit, dans un Etat souverain. Proclamer que le représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU établit un « acte notarié », certifiant la validité de l’élection présidentielle en Côte-d’Ivoire, constitue un excès de pouvoir[25]. Nulle part, la charte de l’ONU ne confère à l’un ou l’autre de ses organes pareil pouvoir. On a déjà eu à rappeler plus haut la teneur de l’article 2, paragraphe 7, dudit traité. La lecture de l’accord politique de Ouagadougou ne montre pas que le chef de l’organisme subsidiaire de l’ONU ait été investi de la qualité de « notaire » aux fins de certifier la validité du scrutin. S’il existe un texte dans ce sens, il viole certainement le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Or, ce dernier appartient sans discussion à la catégorie des normes impératives. L’acte éventuel qui nous aurait échappé est, de ce point de vue nul. Précisément, il est affirmé que le jus cogens constitue « un moyen de protection contre les inégalités dans les négociations internationales »[26]
La Cour internationale de Justice, dans sa mission de régulation de l’ordre juridique international, n’a de cesse de le marteler. C’est ainsi qu’en 2005, elle réaffirme la jurisprudence de 1986 en ces termes :
…’’la Cour a précisé clairement que le principe de non-intervention interdisait à l’Etat [d]’intervenir directement ou non, avec ou sans force armée, pour appuyer l’opposition interne d’un autre Etat’’[27].
Elle a aussi condamné ‘’une ingérence dans les affaires intérieurs »[28] de l’Etat demandeur par l’Etat défendeur.
L’organe le plus représentatif de l’ONU a eu à déclarer, plus d’une fois, dans des résolutions[29] solidement motivées, que
‘’No State has the right to intervene, directly or indirectly, for any reason whatever, in the internal or external affairs of any other State. Consequently, armed intervention and all forms of interference or attempted threats against the personality of the State or against its political, economic and cultural elements, are condemned’’[30]
Ainsi, la jurisprudence internationale la plus autorisée et l’opinio juris ….n’ont de cesse de souligner l’importance de la norme conventionnelle et coutumière.
Lorsque l’organe éminent d’un Etat étranger clame haut et fort que l’élection de l’un des deux candidats à la présidence est ‘’incontestable’’, il viole la règle de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre Etat. D’autant plus que les résultats purement provisoires annoncés par la Commission électorale ont été infirmés par le Conseil constitutionnel, unique organe constitutionnel habilité à proclamer les résultats définitifs. Personne ne s’est empressé, à la même période, à déclarer vainqueur du scrutin, l’un de deux candidats présidentiels de Guinée, l’issue de l’annonce des résultats provisoires par la Commission électorale. Pourtant, des contestations ont fusé de part et d’autre. Nul n’a manqué d’égards vis-à-vis de la Cour constitutionnelle de Guinée, encore moins contesté les résultats définitifs proclamés par elle. Pourtant, le nouveau président de Guinée, Alpha Condé, ne paraissait pas répondre aux convoitises des puissances si dépendantes des matières premières d’Afrique.[31] Sur ce point, la Guinée n’est pas mal lotie. C’est un euphémisme.
Il ne viendrait à l’esprit d’aucun organe gouvernemental d’un Etat anciennement constitué d’ignorer avec mépris, pire de contester implicitement la décision d’un Conseil constitutionnel de l’hémisphère Nord. L’aspiration générale à la qualité d’Etat de droit[32] ne peut qu’être contredite dans le chef de l’Etat qui viole ainsi le droit international. Il va sans dire que les Etats qui prétendent subitement promouvoir l’Etat de droit et la démocratie, lors même qu’ils ont promu hier le colonialisme et entretiennent aujourd’hui le néocolonialisme, obstruent ouvertement l’émergence desdites Institutions. Rien ne prouve qu’ils œuvrent concrètement pour la réalisation de ces idéaux. Car, il n’y a pas d’Etat, d’Etat de droit, de processus vers la démocratie[33], sans l’indépendance politique. Le peuple de Côte d’Ivoire paraît résolument engagé, à travers cette résistance héroïque, à assumer effectivement son destin. La vraie question qui se pose en Côte d’Ivoire consiste à décoloniser effectivement le pays. On comprend que l’ancienne puissance coloniale, qui s’est murée en puissance néocoloniale, excelle dans son exercice coutumier d’ingérence. On ne saurait pour autant le justifier. D’autant plus que simultanément, elle apporte son soutien multiforme à la mascarade électorale qui a lieu dans un Etat frontalier de la Côte-d’Ivoire. Membre actif du Conseil de sécurité de l’ONU, elle connaît parfaitement bien la pratique inique de deux poids deux mesures.
Lorsque Aleide Djedje, nouveau ministre des Affaires étrangères de Côte-d’Ivoire, ancien représentant permanent de cet Etat à l’ONU à New York, déclare le jeudi 9 décembre 2010 à Euronews que ‘’l’ONU n’a pas joué le bon rôle’’, il emploie un langage diplomatique. Mais la dure épreuve de force imposée à la résistance héroïque du peuple ivoirien par les sociétés transnationales, actionnant leurs élus du vieux monde, va vite écarter le discours feutré. Et le diplomate lâche : ‘’l’ONU est à la dérive’’. Soixante ans plus tôt, le chef de l’Etat de l’ancienne puissance coloniale de son pays avait dénoncé ‘’le machin’’. Victime de trois opérations de maintien de la paix, l’ONUC (1960-1964),la MONUC (1999-2009) el la MONUSCO (2009 -), le peuple congolais considère ‘’comme une force félonne….la MONUC…pourtant invitée par un Etat membre de l’organisation mondiale afin d’enrayer l’agression armée’’[34]. Rien n’autorise à affirmer que cette ‘’organisation [ONU] opérait dans une neutralité totale et serine par rapport à la réalité du rapport des forces et des intérêts en cause…on sait que la scène internationale est dominée par la politique des ‘deux poids deux mesures’ et la fameuse raison d’Etat »[35]. S’il subsistait le moindre doute, les élections très récente en Egypte, en Guinée, au Burkina-Faso les lèvent les plus promptement.
Dire qu’il est formellement interdit à tout Etat de s’immiscer dans les affaires intérieures d’autrui signifie à fortiori que cette prohibition s’impose à toute organisation internationale. Celle-ci constitue une association d’Etats en règle générale. L’ONU répond à cette définition. La présence d’une force de maintien de la paix, l’ONUCI, n’érige pas cette dernière en censeur électoral dans un Etat souverain. A peine de transgresser la légalité internationale représentée, dans le cas d’espèce, par le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (supra). Il est significatif que le droit international humanitaire prohibe toute justification d’une intervention directe ou indirecte, pour quelque raison que ce soit, dans le conflit armé ou dans les affaires intérieures ou extérieures d’un Etat[36]. La prescription s’adresse ‘’non seulement aux Etats, mais aussi à d’autres entités, organisation internationales…qui prendraient prétexte du Protocole pour s’immiscer dans les affaires l’Etat sur le territoire duquel se déroule le conflit armé[37].
Ni l’ONU, ni son organisme subsidiaire, l’ONUCI, ne constituent un Conseil constitutionnel. Il y a là une grave violation, notamment de l’article 2, paragraphe 7 de la charte de l’ONU. On se trouve vraisemblablement devant un précédent grossier du viol de la constitution d’un Etat indépendant. L’ONU, dont les conventions, notamment le pacte relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, récemment réaffirmé par la Cour internationale de Justice dans son arrêt du 30 novembre 2010, prône l’Etat de droit, foule aux pieds ses propres actes. Nul autre organe que le Conseil constitutionnel n’est habilité, en l’espèce, à proclamer les résultats définitifs. La Commission électorale annonce des résultats provisoires. Sans exonérer celle-ci de ses responsabilités, les immixtions de l’ONUCI dans la réalisation de sa mission l’ont subordonnée. Comment l’ONU peut-elle ignorer les décisions d’un organe judiciaire ? Au moment où elle reconnait des résultats définitifs de l’élection présidentielle proclamée par des instances judiciaires compétentes du Burkina-Faso et de la Guinée ? Il faut arrêter cette tendance émergeante. Elle constitue une accentuation du nouveau désordre mondial joliment nommé ‘’mondialisation’’.
Il est affligeant de constater que la CEDEAO, dont la Côte d’Ivoire constitue l’une des locomotives, suivent, au pas de course, des Etats qui intra-muros et extra-muros, se jouent de la dignité des peuples. Mais combien d’Etats de la CEDEAO, convoqués d’ailleurs à Abuja, y ont été représentés par des organes authentiquement élus ? S’ils acceptent l’intervention des tiers dans la marche de leurs propres affaires, comment répudieraient-ils les ordres de se mêler des questions essentielles d’un Etat de la région ?
D’autre part, il faut craindre, à la longue, la disqualification de l’Union africaine inapte à prévenir, à gérer et à régler, des « crises » artificiellement créées. La direction de l’Union africaine apparait dans cette affaire comme une chambre d’enregistrement des décisions prises ailleurs. Il faut espérer que le prochain sommet de l’UA en janvier 2011,verra des chefs d’Etat demander des comptes au Conseil de paix et de sécurité ainsi qu’à la Commission africaine. Comme le dernier sommet de Kampala a permis de stopper le néocolonialisme judiciaire rempant en Afrique.
Par ailleurs, l’acharnement thérapeutique, sans pareil, sans précédent, de l’Union européenne, est révélateur de la teneur de l’épitaphe qui ouvre ces lignes. Allez-y comprendre que des Etats respectueux de leurs institutions judiciaires aillent jusqu’à édicter des sanctions contre le président du Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire pour avoir assumé ses responsabilités ! Semblable mesure devrait susciter une réaction de solidarité de la part des chefs de juridiction analogues. D’abord de la part des présidents des Conseils constitutionnel de la CEDEAO, qui élèverait des protestations ; ensuite, l’organe judiciaire de celle-ci ; en outre la Cour africaine dans sa mission de promouvoir l’Etat de droit ; enfin plusieurs organes judiciaires de l’U.E. Il n’en est rien.
Les appels à la sédition, directement ou indirectement, lancés au peuple ivoirien ne sont guère quasi universellement suivis. Au demeurant, les manifestations estudiantines au Royaume-Uni, en décembre 2010, ou celles d’une frange importante de la population française, durant le second semestre de l’année en cours, ont-elles été considérées comme remettant en cause les gouvernements en place ? N’y a-t-on pas eu l’exercice normal de la « démocratie » ?
Selon la réflexion d’Alain : « je connais un certain nombre de bons esprits qui essaient de définir la démocratie. J’y ai travaillé souvent et sans arriver à dire autre chose que des pauvretés qui, bien plus, ne résistent pas à une sévère critique »[38]. Comme le soutient Mohamed Bennouna, « [e]n effet, même après l’échec des ‘démocratie populaires’, il n’existe pas aujourd’hui un seul concept de la démocratie applicable, quelles que soient les sociétés concernées, leur culture et leur évolution historique »[39]. Ce n’est pas l’Union européenne qui l’ignore. Pour avoir au moins toléré des mascarades électorales en Afrique occidentale, en Afrique septentrionale, en Afrique orientale, dans les Grands Lacs africains ; elle sait ce qu’elle promeut : la nouvelle divinité nommée « marché ». Pourtant, le verdict doctrinal a été rendu par un orfèvre en matière européenne : « on voit mal…comment la Communauté pourrait jamais s’indigner de manière crédible de la saleté des écuries d’autrui si l’Union ne veillait d’abord à la propreté des siennes »[40]. Encore une fois, elle sait ce qu’elle veut.
- V. Conclusion
C’est curieux que les électeurs ivoiriens, avec ou sans guillemets, qui auraient massivement élu, selon les instruments des ingérences étrangères, le candidat Ouattara depuis plus de deux semaines, ne recourent pas aux divers moyens légitimes, afin de manifester de manière continue leur autodétermination. Ainsi, ils joindraient leurs voix au concert solitaire des radio-cymbales étrangères. Pourtant, le peuple voisin de Guinée où une fraction importante de cette dernière, n’a guère attendu le son de trompette outre-mer, au lendemain de l’annonce des résultats provisoires, pour entonner l’hymne de la victoire de l’un ou de l’autre candidat. La proclamation des résultats définitifs par la Cour suprême, faisant office de Cour institutionnelle, à l’issue de l’annulation de certains résultats, n’a guère causé de ‘’crise’’.
Il aurait pu en être ainsi en Côte d’Ivoire n’eut été les graves ingérences étrangères. Juridiquement, aucune entité, autre que l’Etat souverain où a lieu l’élection, n’a le pouvoir d’authentifier la validité de l’élection. Si la Commission électorale ivoirienne, comme d’autres, peut être composée de membres à la qualification douteuse eu égard aux intérêts politiques représentés ; tout de même un Conseil constitutionnel, comme tout juge, sait le droit. Cette présomption là s’impose à toute juridiction, interne ou internationale. Tel n’est pas le cas d’un mécanisme de circonstances, l’ONUCI, chargé du maintien de la paix. Cette dernière n’a guère la mission de dire le droit. Au préalable sa compétence en la matière doit être rétablie.
Mais la responsabilité principale incombe aux organes principaux de l’ONU. Exploitant l’affaiblissement d’un Etat souverain, consécutif à la succession de gouvernements, le Conseil de sécurité s’érige en ‘’Conseil constitutionnel international’’. Quelle imposture!. Lorsque certains Etats constatent la ‘’dérive’’ de l’ONU (supra) ou des hauts fonctionnaires du système observent sa ‘’ménopause[41]’’ ou encore que le plus haut magistrat international se fait l’écho des voix annonçant sa ‘’disparition[42]’’, ils se référent au Conseil de sécurité de l’ONU. A supposer que cet organe ait eu, à sa création, quelque légitimité ; il est clair aujourd’hui qu’il n’en a plus dans le concert de cent quatre-vingt-douze Etats. Cinq membres sinon un seul, dits permanents, en réalité ‘’définitifs[43]’’, imposent le ‘’diktat’’’ à cent quatre-vingt sept Etats! L’ONU n’est pas ‘’démocratique[44]’’. Comment peut-elle transmettre à autrui ce qu’elle n’a pas ? Cinq membres permanents, dont au moins trois et un quatrième complice, agressent militairement des peuples pacifiques en Irak, en Afghanistan et ailleurs, en toute impunité, ne peuvent donner des leçons à personne. Qui a établi l’ «acte notarié » certifiant les résultats des élections en Irak et en Afghanistan occupés ?
On s’évertue à substituer, au principe sacro-saint de la souveraineté, la pratique de la quatrième religion monothéiste du monde, la secte du marché. C’est elle, sous l’habillage politique de mondialisation, qui secrète une vingtaine de rapports du Secrétaire général de l’ONU, tantôt sur la ‘’situation’’, tantôt sur la ‘’crise’’ en Côte-d’Ivoire. Quelle « crise » ? C’est elle aussi, qui compte les cinq membres permanents du Conseil de sécurité comme adeptes, qui entretient, pour une large part, le désordre mondial. Là où règne l’anarchie, il n’y a plus d’ordre. Or, l’égalité souveraine des Etats constituait en droit et, souvent aussi, en fait, depuis l’entrée en vigueur de la charte de l’ONU, la norme fondamentale de l’édifice juridique international. L’ONU, qui a promu, depuis l’année de l’Afrique (1960), l’égalité des droits des peuples, en dépit de l’opposition des puissances coloniales, bafoue aujourd’hui, sous les ordres des puissances néocoloniales, la liberté des peuples constitués ou non en Etat.
Que reste-t-il du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes lorsqu’un organe majeur de cette organisation, au nom inavoué du marché, dispose en lieu et place des peuples ? En clair, les forces du marché, par institutions nationales ou internationales interposées, semblent désormais dans la pratique en Afrique présider à la désignation des chefs d’Etat. Néanmoins, l’état du droit international, tel que visé plus haut, dans l’avis consultatif du 22 juillet 2010, n’a guère changé. Cette pratique là constitue une violation de norme impérative, à la supposer inscrite dans une convention donnée. A défaut de figurer dans un acte conventionnel, elle constitue un simple fait illégal. On entrevoit ainsi aisément l’immixtion inadmissible dans les affaires purement ivoiriennes.
Relais sur terrain des forces du marché, l’ONUCI se pose en Conseil constitutionnel suprême, inconnu en droit ivoirien. Elle se saurait ainsi écraser l’arbre sur lequel elle est assise : la charte de l’ONU. Ni même fouler aux pieds le droit international que la charte n’épuise point.
Réunis dans le cadre de la CEDEAO, les ‘’ gouverneurs de la rosée ‘’ selon l’expression de Jacques Roumain, vivent de la perfusion transnationale. On le sait. Rien d’étonnant, qu’en qualité de juges et parties dans une affaire qui met en cause la présence massive d’au moins huit Etats membres de la CEDEAO, les proconsuls expriment leur solidarité vis-à-vis d’un futur pair souhaité. Ils jouent avec du feu dans une région ensanglantée de la guerre du Biafra (1967-1970) à la guerre en Côte-d’Ivoire, toutes les deux guerres par procuration. La mémoire très courte, les hommes en place au Nigéria, qui exécutent les ordres de mise en place d’un houphouétistes, oublient vite le tort causé par l’houphouétisme à leur pays.
Quant à l’U.A., conçue primitivement comme un mécanisme de résistance contre la mondialisation par le marché, elle a été détournée, par certains dirigeants, en chambre d’enregistrement des décisions des maîtres de la secte du marché. Rien d’étonnant lorsqu’on a à l’esprit les noms des personnalités qui l’animent. Mais, la Côte-d’Ivoire et sa classe dirigeante actuelle, politique, militaire, économique, culturelle, sociale etc. compte des femmes et des hommes valeureux. Il n’est pas du tout sûr qu’elle soit isolée sur le continent comme le claironnent les haut-parleurs des électeurs des urnes transnationales.
Que le représentant de l’U.A. à Abidjan ait assisté à l’investiture du président Laurent Gbagbo ne constitue-t-il pas un démenti aux sirènes ultra-marines alléguant que ce dernier n’ pas gagné les élections ? En tant qu’observateur sur le terrain du processus électoral, il est mieux placé que quiconque à Lilongwe (Malawi), à Addis-Abeba (Ethiopie) pour établir un rapport objectif sur le scrutin. Au demeurant, le président en exercice de l’U.A. à Lilongwe et les organes de celle-ci à Addis-Abeba se prononcent, pour toute élection comme à l’ONU, à l’UE, etc., sur la base du rapport de leur représentant sur le théâtre des opérations électorales. Comment croire que le diplomate de l’U.A., comme tout diplomate, agissant sur instructions du siège, ait assisté à la cérémonie d’investiture à titre personnel. C’est pour la consommation des caisses de résonnance des médias-mensonges. Rappelés à l‘ordre par la secte du marché, les mandataires de l’UA osent suspendre la Côte-d’Ivoire des activités de l’organisation. C’est là un outrage à un peuple souverain. Que dit l’U.A de la présence de nombreux Etats africains, notamment des Etats respectés tels que l’Angola, la RSA, etc.
Le sommet de l’U.A., en janvier 2011, doit assumer ses responsabilités en constatant clairement et définitivement que le peuple ivoirien a bel et bien élu Laurent Gbagbo président de la République ainsi qu’il ressort de la décision du Conseil constitutionnel compétent. Le sommet de l’U.A., à Kampala, en juillet 2010, n’a-t-il pas privé d’effet l’acte d’un agent judiciaire international zélé ?
Kinshasa, le 17 décembre 2010
[1] Société française pour le droit international, colloque de Bordeaux, Régionalisme et universalisme dans le droit international contemporain, Paris, Pedome, 1977, p. 131
[2] De la Palestine, sous des formes nouvelles, à l’Afghanistan en passant par l’Irak, les guerres de reconquête sévissent.
[3] L’Afrique de l’Est, du Burundi au Sud-Soudan en passant par le Rwanda, l’Ouganda ; l’Afrique centrale, de l’Est du Congo au Tchad, en arpentant le Centrafrique, jusqu’au Tchad, la guerre s’est installée depuis des ans.
[4] On lira la vision de ce dernier sur la Côte-d’Ivoire dans Gbagbo, L, Côte d’Ivoire, pour une alternative démocratique.
[5] Commentaire à la 4e page de couverture de l’ouvrage de RENTON, S. SDDON B. and ZEILIES, L., The Congo. Plunder and Resistance, Ed. Books, London and New-York, 2007.
[6] Article 2, par. 1 de la Charte de l’ONU
[7] Article 2, par. 1
[8] Article premier du pacte international relatif aux droits civils et politiques, du 16 décembre 1966 et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966.
[10] V. le commentaire qu’en fait Rosalyn Higgins,op. cit.,p.117
[12] Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (fond), arrêt du 27 juin 1986, CIJ, Rec., 1986, p. 131
[13] Henkin,L.,Crawford Pugh,R.,Schachter,O;Smit,H.,International Law,Cases and Materials,3rd Edition,West Publishing Co,St Paul,Minn,1993,p.92;Cassese,A,International Law,op. cit.,p.141
[14] Avis consultatif du 22 juillet 2010 en l’affaire du Kosovo,op. cit, p.22.
[15] Higgins,R.,Problems and Process,op. cit.,p.22
[16] Art.53 de la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités en vigueur depuis le 27 janvier 1980
[17] Lorsque l’on consulte le site www.abidjan.net. , nulle part on découvre cette fameuse stipulation
[18] Nguyen Quoc Dinh,Patrick Daillier et Alain Pellet,Droit international public,Paris,LGDJ,1992,p.286.,Antonio Cassese,International Law,op. cit., p.143
[19] Abdul G. Koroma,diss.op,Kosovo advisory opinion,July 22,2010,par.4
[20] Quatre décade dejà passées,Charles De Visscher, Théories et réalités en droit international public,4ème edition,Paris,Pedone ,1960,pp.340-341,notait le recours, de plus en plus fréquent, à la guerre par procuration.
[21] Résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 portant déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre Etats, conformément à la charte des Nations Unies, in Stern, B, Un nouvel ordre économique international ?, Paris, Economica, 1983, p. 208
[22] Il s’agit principalement de Burkinabès, Nigériens, Maliens, Ghanéens, Sierra-léonais, Libériens, Guinéens, Béninois. Sans compter les Sénégalais présents en Afrique du Maroc à l’Afrique du Sud.
[23] La prorogation du couvre-feu à compter du 14 décembre 2010, l’ordre qui règne généralement sur le territoire, y compris à Bouanké, le prouve à suffisance
[24] Jusqu’au 17 décembre 2010, aucune défection n’a été notée dans les postes diplomatiques et consulaires. Le cas de Bruxelles est différent. Selon une radio occidentale, le gouvernement belge aurait retiré, le 13 décembre 2010, son agrément à l’ambassadeur ivoirien jusqu’alors en poste à Bruxelles.
[25] Au sujet de l’excès de pouvoir du Conseil de sécurité de l’ONU,la littérature est abondante. Lire notamment, Bedjaoui,M.,Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de sécurité,Bruxelles,Bruylant,1994,634.p.,Zemanek,K.,is the Security Council the Sole Judge of its Legality ?,Mélanges Bedjaoui,op. cit., pp.629-645
[26] Carreau,D.,Droit international,3ème édition,Paris,Pedone,1991,p.74 ;V.aussi,Shaw,Malcolm,M.International Law, 6th Edition, Cambridge, Cambridge University Press, 2008,p.808,note 201 citant la Commission du doit international
[27] Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (RD Congo-Ouganda), arrêt du 19 décembre 2005, CIJ, rec. 2005, p. 227par.164…….réfère à son arrêt du 27 juin 1986 en l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua v. Etats-Unis d’Amérique, CIJ, Rec. 1976, p. 108, par. 206
[28] Ibid, par. 165
[29] Résolution 2131(xx) de l’Assemblée générale de l’ONU du 21 décembre 1965 sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des Etats et la protection de leurs indépendances et de leurs souveraineté ainsi que la résolution n°36/103 du 9 décembre 1981 de l’Assemblée générale relative à l’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats.
[30] Résolution 2131(22) du 21 décembre 1965 repris dans, Louis Henkins et …international Law. Cases and materials, 31d Edition, West Publishing St Paul, Miam, 1993, p. 905-906
[31] Sur les pesanteurs néocolonialismes françaises en Afrique, lire avec intérêt Joseph –Ki-Zerbo, préface à l’ouvrage de Almadou A. Dicko, Journal d’une défaite. Autour du référendum du 28 septembre 1958, Paris, L’Harmattan, 1992, p. IX-XXXII
[32] BULA-BULA, S., Esquisse sur le concept d’Etat de droit, Mélanges Lihau, Bruxelles, Bruylant, Kinshasa, Presses de l’Université de Kinshasa, 2006, p.p. 335-376.
[33] Selon Lucien François, Le problème de la définition du droit, Liège, Faculté de droit, d’économie et des sciences sociales, 1978, p. 157 :’’les vrais maîtres du pouvoir le conserveraient-ils aussi aisément qu’ils le font si leurs sujets ne croyaient être en démocratie ? » Pour Marie-Françoise Rigaux, ‘’malgré toutes ses vertus, le modèle démocratique n’a pu s’accomplir ni dans les sociétés qui l’ont conçu, ni ailleurs, tel que dans certains anciens Etats coloniaux, comme une parodie démocratique. ». Rigaux, M.F. Démocratie relative et relativité du modèle démocratique », Mélanges, F. Rigaux, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 423. De l’avis de Danielle Mitterrand, « la démocratie n’existe ni aux USA, ni en France » interview à Rébellion, http://www.multi..info/articles.phpn, date access, mars 2006
[34] BULA-BULA, S., Droit international humanitaire, Louvain-la-*Neuve, Academia-Bruylant, 2010, p. 339
[35] Bennouna, M. Droit international et diversité culturelle, le droit international à l’aube de XXIe siècle. Réflexions de codificateurs, New-York, Nations Unies, 1997, p. 87
[36] Article 3 intitulé ‘’Non-intervention’’ du protocole additionnel II aux conventions de Genève du 12 août 1945.
[37] Commentaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du 12 août 1949, Genève, CICR et Martinus Nijhoff, 1986, p. 1387
[38] Alain cité par André Hauriou et Jean Gicquel, avec la participation de Patrice Gélard, Droit constitutionnel et institutions politiques, 7e édition, Paris Montchrestien, 1980, p.358 note 1.
[39] Brennouna, Mohamed, L’embargo dans la pratique des Nations Unies : radioscopie d’un moyen de pression, Mélanges Bedjaoui, op. cit, p.566.
[40] Verhoeven, Joe, La Communauté européenne et la sanction internationale de la démocratie et des droits de l’homme, Ibid., p.790.
[41] Lewin, A., Rapport général, les politiques des organisations internationales contemporaines, crises, mutation, développement, les organisations internationales contemporaines, colloque de la SFDI à Strasbourg, 21 au 21 mai 1987,Paris, Pedone,1988,p.262 et suiv.
[42] Bedjaoui, M., Président de la Cour Internationale de Justice, Propos d’ouverture de l’atelier, Les Nations Unies et le développement social international, op. Cit. p.119.
[43] Sayeman Bula-Bula, L’idée d’ingérence à la lumière du nouvel ordre mondial, RADIC, tome 6, n°1, mars 1994, page 19.
[44] Boutros-Ghali., Mes années à la maison de verre, Paris, Fayard, 1999, p.504.
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