mercredi 5 janvier 2011

Résolution pacifique de la crise : Quand Ouattara refuse le dialogue direct



Alassane Ouattara, le candidat malheureux de la dernière présidentielle en Côte d’Ivoire, jouit-il encore de toutes ses facultés mentales et psychologiques ? N’est-il pas en train de déprimer et de perdre le nord ? Lundi soir, recevant la délégation mixte Cedeao-Union africaine dans son antre du Golf Hôtel, il a fait une des scènes aux émissaires des chefs d’Etat qui les a tous surpris, à commencer par le Premier ministre kényan Raïla Odinga. A la délégation de haut niveau dépêchée par l’Ua et la Cedeao, Ouattara a opposé à toutes les propositions faites pour sortir paisiblement de la crise une fin de non recevoir. Le candidat de l’étranger a pesté contre le choix des négociateurs d’écarter définitivement l’option militaire pour régler le problème ivoirien.
“Il a même osé poser des préalables avant toute discussion. Ce qui n’est pas du tout intéressant en politique, surtout qu’il se trouve en face des chefs d’Etat”, regrette un diplomate, qui ajoute : “En politique comme dans la vie de tous les jours, la nature a horreur du vide. C’est la raison pour laquelle on condamne toujours la politique de la chaise vide”. Selon le diplomate, cela lui a été signifié, mais, comptant encore sur ses soutiens extérieurs qui ont commencé pourtant à s’étioler, il n’a pas voulu entendre raison.
Selon une source proche du dossier, avant de le quitter et devant le mur d’incompréhension qu’il a dressé, un des trois chefs d’Etat lui a dit à peu près ceci : “Monsieur le Premier ministre, vous avez tort de refuser la main qu’on vous tend. Car, à la vérité, c’est vous qui devez saisir solidement cette main, puisque tout milite en votre défaveur. Premièrement, et vous le savez bien, les résultats qui vous donnent vainqueur ont été proclamés hors délai. Deuxièmement, ils l’ont été dans votre Qg. Ce que vous, vous aurez refusé si vous étiez à la place de votre adversaire. Troisièmement, la solution militaire sur laquelle vous semblez reposer vos forces n’est plus à l’ordre du jour. Elle est totalement écartée. Nous pensons donc qu’il ne reste plus que le dialogue que nous vous proposons. Mais comme vous refusez d’entendre raison, nous retournons rendre compte à nos mandants”.
C’est donc très déçus de l’attitude rebelle et puérile du pensionnaire du Golf que les membres de la mission mixte Cedeao-Ua sont revenus au palais présidentiel à 21h32 min où les attendaient le chef de l’Etat ivoirien et sa délégation. Un palais d’où ils sont partis 4h auparavant tout rayonnants de joie pour avoir été mis à l’aise sur tous les points et toutes les propositions par un Laurent Gbagbo qui dit jouer la transparence parce que n’ayant rien à se reprocher et rien à cacher dans cette affaire.
Pourtant, en embarquant pour Abidjan, la délégation mixte avait quelques soucis. Elle se demandait bien si Laurent Gbagbo, avec l’effectivité du pouvoir qu’il a, avec le peuple debout derrière lui, avec l’armée unie derrière lui, avec la loi et le droit qu’il a, allait accepter les propositions qu’ils venaient faire aux deux antagonistes. Mais ils ont été surpris agréablement d’apprendre du président ivoirien que, malgré toute cette posture de domination, il est prêt à faire la paix. Et, cerise sur le gâteau, le chef de l’Etat leur annonce qu’il ne pose aucune condition. Se réservant le droit de poser ses problèmes lors des débats.
“Je vous remercie, leur aurait dit le Président, de vous intéresser à mon pays. Je vous remercie parce que je sais que vous avez beaucoup à faire chez vous. Certains parmi vous sont à un mois des élections. D’autres ont des urgences à régler, mais vous avez accepté de vous rendre ici pour nous aider à retrouver la normalité. Je ne peux pas voir tous ces efforts que vous déployés et vous compliquer encore la tâche. Je suis pour que la vérité éclate. C’est pourquoi je demande le recomptage des voix ou une nouvelle lecture des procès, verbaux en même temps que je demande que ceux qui sont au Golf regagnent leurs domiciles respectifs”, aurait à peu près dit Laurent Gbagbo.
Un diplomate onusien souligne que ce point de recomptage a semblé intéresser le Premier ministre kényan qui aurait alors pris bonne note de cette proposition. Cependant, la délégation a proposé que le président ivoirien et son opposant comprennent que la crise qui secoue leur pays ne peut se résoudre qu’en interne, par les Ivoiriens eux-mêmes, autour d’une table de discussions et non de l’extérieur encore moins dans la violence. C’est pourquoi, se fondant sur l’expérience ivoirienne du dialogue direct, elle a demandé que les deux parties proposent chacune une délégation pour entamer les discussions de paix sous la supervision de l’Ua.
Laurent Gbagbo n’y a trouvé aucun inconvénient. Ouattara a rejeté avec vigueur la proposition. De même que celle du recomptage. Pour lui, il est plutôt temps de passer à une autre phase : celle de l’intervention militaire en Côte d’Ivoire qu’il appelle depuis de tous ses vœux. Comme si son marabout lui a dit qu’au cours de cette intervention, il sortira sain et sauf et que ne mourront que Laurent Gbagbo et ses partisans. Quand les envoyés de l’Ua et la Cedeao insistent pour dire qu’il n’y a de solution à la crise que négociée, Ouattara s’énerve et tient des propos orduriers à l’endroit des visiteurs. “Il avait pété les plombs”, explique une source.
Les membres de la délégation mixte étaient tellement fâchés avec l’homme du Golf que c’est avec le visage renfrogné qu’ils sont revenus chez Laurent Gbagbo pour lui rendre compte de leur mission au Golf. Dans la salle, selon le diplomate onusien, les chefs d’Etat cherchaient une solution de rechange qui avait du mal à venir. C’est à ce moment-là que, jusque-là muet, Raïla Odinga, le plus ulcéré par le comportement anti-républicain du chef bandit du Golf, se lève et dit au président Gbagbo : “Excellence monsieur le Président, de quelle solution parlons-nous encore ? Nous connaissons vos positions et vos propositions. Nous connaissons aussi celles de Ouattara. Nous allons rentrer chez nous pour rendre compte à nos mandants et nous verrons l’attitude à tenir”. Le chef de l’Etat et ses hôtes ont adhéré à sa démarche, et la séance a été levée.
Dehors, malgré les efforts qu’ils ont faits pour cacher leur colère, cela n’a pas échappé à la presse. Les visages étaient très fermés, surtout que le Premier ministre kényan a refusé de prendre la parole pour parler à la presse comme la première fois, laissant cette fois-ci le soin au président sierra leonais de dire aux journalistes que “les discussions se poursuivent”. Cela, en lieu et place du communiqué final promis.

Abdoulaye V. Sanogo

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