mardi 29 mars 2011

Sassou Nguesso, Joseph Kabila et Paul Kagame



Percer « le mystère Joseph Kabila » et le jeu de Kigali auquel il participe doit être l’une des hypothèses justifiant la politique de deux poids deux mesures de Kinshasa. L’avènement d’un tutsiland au cœur des Grands Lacs y serait aussi pour quelque chose. Les partisans de la politique « du diviser pour régner » aurait un allié sûr contre la majorité des bantous peuplant cet espace africain.


Dans un article intitulé « Affaire Udjani, Munene et Nkunda : Kinshasa boude Brazzaville mais tolère Kigali », le journal Le Phare (du 28 mars 2011) revient sur la détérioration des relations diplomatiques entre Kinshasa et Brazzaville ayant conduit au rappel de l’ambassadeur congolais (RD) à Kinshasa. Il note : « Rien ne va plus entre Brazzaville et Kinshasa ! Un climat de méfiance profonde relative au refus opposé par les autorités brazzavilloises de procéder à l’extradition de l’ex-général Faustin MUNENE et du rebelle UDJANI alias «Etoko» qui ont été condamnés par défaut par la justice militaire congolaise pour avoir été reconnus coupables d’atteinte à la sécurité intérieure, incitation à la rébellion, etc. Des crimes qui leur ont valu des peines d’emprisonnement à perpétuité. » Pour ce journal kinois, ce climat de méfiance trahit une « politique de deux poids deux mesures » de la part des gouvernants congolais. Relisant notre histoire immédiate, Le Phare relève que Kinshasa est plus conciliant avec Kigali qu’avec Brazzaville. Et cela est curieux ! « Aussi curieux que cela puisse paraître, écrit-il, le refus opposé par Kigali de procéder à l’extradition de Laurent NKUNDA Mihigo n‘a jamais été suivi par le rappel de l’ambassadeur de la RDC à Kigali. Pourtant, les éléments du C.N.D.P. ont commis des crimes de guerre et contre l’humanité, notamment, des viols massifs, des massacres, des pillages, des destructions méchantes, des déplacements forcés des populations sans oublier l’humiliation du régime au pouvoir à Kinshasa au lendemain de la débâcle des troupes des FARDC en novembre 2007 à Mushake dans le Masisi. » Il continue : « Outre l’ex-général de brigade L. Nkunda, le Rwanda continue à héberger une dizaine d’anciens officiers du Rassemblement Congolais pour la Démocratie impliqués dans des cas de massacres, de pillage des ressources naturelles, des viols, des destructions méchantes, bref des crimes de guerre et contre l’humanité. Parmi eux, les ex-colonels Jules MUTEBUSI, GISHONDO, RUHORIMBERE, etc. Kinshasa n’a jamais évoqué ces cas et n’a jamais rappelé son ambassadeur à Kigali. » Et il ajoute : « Les Kivutiens n’oublieront pas de sitôt tous les crimes de guerre et contre l’humanité commis par L. NKUNDA, MUTEBUTSI, GISHONDO et RUHORIMBERE. L’on cherche à savoir où se trouverait le champ de bataille où les troupes de Faustin MUNENE auraient commis des crimes similaires pour que le refus de son extradition opposé par Brazzaville serve de motif à Kinshasa pour rappeler son ambassadeur. »


Ce constat du journal Le Phare n’est pas suivi de quelques hypothèses pouvant aider à comprendre, tant soit peu, cette pratique de la politique de deux poids deux mesures. Pourtant, ce constat est une preuve supplémentaire de la complicité entre certains gouvernants de Kinshasa et Kigali dans la commission des crimes sur notre territoire. Il y a là comme un appel à relire constamment notre histoire immédiate pour mieux comprendre notre présent collectif et préparer un autre avenir pour notre pays. Une relecture du dernier livre de Pierre Péan (Carnages. Les guerres des grandes puissances en Afrique, Paris, Fayard, 2010) peut être de quelque secours dans la compréhension de cette politique de deux poids deux mesures. Tenez.


Après la mort de Laurent-Désiré Kabila, « un des ex-chefs des FDLR, proche de Joseph Kabila, écrit Pierre Péan, m’a (…) déclaré : « Joseph m’a dit à plusieurs reprises que c’est Paul Kagame, aidé des Américains, qui a tué son père( ?). » (p.411) Et « dix jours après la mort de son géniteur ( ?), il devient son successeur, et quatre jours plus tard il rencontre à Washington le président Bush et Paul Kagame en marge du National Prayer Breakfast, après avoir été reçu par le président français. » (p.413) Cette rencontre lève un pan de voile du « mystère Joseph Kabila ». Il y a plus grave. « Cette rencontre est rehaussée par sa décision, en date du 1er février, d’abandonner la plainte que le défunt président avait déposée devant la Cour internationale de justice de La Haye contre l’agression rwando-ougandaise de la RDC, après le 2 août 1998. » (p.413)


(La détérioration des relations entre le Rwanda et l’Ouganda à la suite de la guerre de Kisangani, ce dernier pays (l’Ouganda) sera seul à être condamné à dédommager la RD Congo le 19 décembre 2005.)


Dans ce jeu des dupes, tout est téléguidé d’ailleurs. Et les marionnettes estiment qu’elles sont loin de tous les regards et sont maitresses du jeu après « les faiseurs des rois » !


Le président Sassou doit avoir eu « le malheur » de chercher à percer « le mystère Joseph Kabila ». A ce propos, Pierre Péan note : « Sept ans après la mort de Laurent-Désiré Kabila et son remplacement au pouvoir par Joseph Kabila, le président Sassou Nguesso cherche toujours à comprendre les dessous de l’intronisation rapide d’un personnage au curriculum vitae aussi flou, mais laisse néanmoins deviner son interprétation. Il soulignait- il souligne probablement toujours- le lien entre Joseph Kabila et Paul Kagame, et la dépendance de Kagame vis-à-vis de Washington. » (p.418) Sassou Nguesso est d’avis que « Joseph est un cheval de Troie. Le jour, il est officiellement contre Kigali, mais la nuit, il marche avec Kagame. Or c’est la nuit qu’en Afrique les choses importantes se passent. » (p. 418) Et le président Sassou Nguesso a été témoin du double jeu de Kabila et Kagame à New York en septembre 2007 : « Kagame et Joseph ne se seraient pas la main en public, mais, quand ils pensaient ne pas être regardés, leur connivence étaient manifeste. Une caméra les a ainsi filmés par surprise. Mais les « services » rwandais ont réussi à faire détruire la bande… » (p.418)


Sassou Nguesso met le doigt sur la plaie en disant d’où Paul Kagame tire son orgueil et son sentiment de suffisance dans le chantage qu’il fait à Paris (depuis 1994) à travers « la courte parabole du paralytique sous le manguier : « Quand le paralytique assis au pied du manguier joue avec des feuilles vertes, c’est qu’il y a quelqu’un dans l’arbre qui les lui a jetées. Sinon, il ne joue qu’avec des feuilles mortes. » (p.531) Qui jette des feuilles vertes à Kagame ? Les USA (qui entraînent et équipent ses escadrons de la mort, membres de l’armée conjointe du Rwanda, du Burundi et de la RDC), la Grande-Bretagne et Israël.


A la lecture de ce qui précède, la politique de deux poids deux mesures de Kinshasa livre un pan de son mystère. Sassou Nguesso est en avance par rapport à plusieurs congolais de Kinshasa ou d’en face dans l’approfondissement de la question des auteurs des crimes multiformes commis au Congo (RD). Il est un témoin gênant pour Kinshasa et Kigali. A Kinshasa et à Kigali, des compatriotes africains aux cœurs et aux esprits mangés par le capitalisme sorcier disent des gouverneurs des USA, de la Grande-Bretagne et d’Israël qu’ils sont des « présidents ». L’un des deux a été reconduit à la tête du Rwanda après « des élections démocratiques », l’autre se prépare à rempiler en RDC au vu et au su des compatriotes décidés à le battre aux élections de 2011 ! Bêtise !


Quand Sarkozy, Cameron, Obama et leurs alliés font tomber leurs masques en détruisant la Libye, ils lancent un message que plusieurs africains épris de « démocratie » ne semblent pas saisir : ou vous êtes leurs gouverneurs ou ils vous écrasent. Les urnes ne changent pas les rapports de force. Se plaindre de la politique de deux poids deux mesures et se préparer aux élections de 2011 en RDC pendant que les gouverneurs des « faiseurs de rois » règnent en maîtres en Afrique centrale et des Grands Lacs est un gaspillage inutile d’énergie. Les peuples africains doivent être prêts à s’organiser autrement pour faire face au désordre mondial que « les maîtres du monde et ceux qui leur obéissent » sont en train d’instituer depuis la chute du mur de Berlin. Il faut d’abord y résister. Ensuite y résister. Enfin y résister et transformer la résistance en des actions capables de renverser les rapports de force…


J.-P. Mbelu


Brussels-Belgïe
©Beni-Lubero Online

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