June 9, 2011 Autres Media
Fondé sur des politiques commerciales, économiques et financières qui de facto permettent un contrôle des pays du tiers-monde, les anciennes puissances colonisatrices tentent par ces moyens d’y maintenir leur présence, notamment en ce qui concerne l’accès aux matières premières.
Par extension, le terme néocolonianisme est utilisé pour qualifier les politiques d’institutions financières internationales comme la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International ou le G8, qui, par leur choix d’accorder ou non des prêts ou des aides économiques, contraignent les pays pauvres à prendre des mesures structurelles qui accroissent la pauvreté tout en favorisant les intérêts financiers des pays riches et des multinationales.
On ne refera pas le procès de la Françafrique, débat maintes et maintes fois évoqué, discuté, éculé et qui parfois se perd dans une guéguerre idéologique entre les supposés enfants d’une Afrique Libre et Fière et autres partisans d’une Mondialisation sauvage à tout va. D’autant plus que lors de ces débats d’idées la dimension émotionnelle de la raison nègre induit une subjectivité patente devant le vrai problème.
Pendant que l’on s’égosille de part et d’autre à dénoncer certaines pratiques qui aujourd’hui paraissent récurrentes, tant les médias occidentaux voulant se donner bonne conscience en ont fait leurs choux gras, il en est d’autres, beaucoup plus graves, qui sont bien méconnues du grand publique…
L’Afrique, c’est bien connu a toujours été le fournisseur officiel des grandes nations de ce monde en termes de matière premières. Un sous-sol riche, des terres arables en-veux-tu-en-voilà, nous avons pendant très longtemps été (et le sommes encore) à la solde des bourses spéculatives et autres institutions dites de développement…
L’accroissement de la population et des besoins alimentaires de la planète entrainent ces derniers temps la constitution d’un bien étrange phénomène : le rachat massif de vastes quantités de terres arables de pays en voie de développement par des pays qui craignent de plus en plus la pénurie de nourriture.
Le phénomène n’est en réalité pas nouveau en soi ; à l’époque coloniale, grande période d’expansion capitaliste, 6 000 000 d’hectares ont été arrachés aux paysans, et l’immigration européenne, en Amérique latine notamment, a accaparé quasiment l’ensemble des terres occupées autrefois par les peuples indigènes.
D’après un rapport de l’ONU, les investisseurs étrangers ont acquis près de 20 millions d’hectares de terres arables dans les pays en développement. Le constat est flagrant.
Ainsi l’Arabie Saoudite s’appropria des millions d’hectares au Soudan, la Corée du Sud voulant louer pour 99 ans un tiers des terres arables de Madagascar pendant qu’une société indienne, Varun International, y a loué, ces dernières années, 465 000 hectares de terres pour cultiver du riz destiné au marché indien.
Au Mali, les autorités ont concédé 100 000 hectares aux Libyens, là encore pour la production de riz. En République Démocratique du Congo, la Chine prévoit de créer la plus grosse plantation de palmiers à huile du monde sur des centaines de milliers d’hectares. Et malgré son immensité, elle ne cesse de voir ses surfaces cultivables diminuer. Du coup, elle achète à tout-va des terres à l’étranger et possèderait 2,1 millions d’hectares en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie du Sud-Est… Et cette liste n’est point exhaustive.
Les institutions internationales telles que le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale, le G8 et même en partie la FAO, soutiennent trop souvent le rachat de terres agricoles, présenté comme des investissements salutaires dans l’agriculture. Le problème est que ce type d’investissements va dans le sens de toujours plus de libéralisation de l’agriculture, de privatisation du foncier et de développement de l’agrobusiness – tendances qui vont, de fait, à l’inverse de l’intérêt et des besoins réels des populations.
Certes, le Sommet international sur la crise alimentaire organisé en juin 2008 par la FAO a pointé les causes de la crise alimentaire et le besoin de soutenir les petits paysans. Mais la question de l’accaparement des terres n’a toujours pas été mise à l’agenda. Les causes de la crise alimentaire et agricole ne sont pas profondément discutées, encore moins repensées.
Les institutions internationales se contentent de les porter sur la scène publique pour rassurer l’opinion publique, mais ne prennent en réalité aucune mesure concrète. Au contraire, elles continuent même à encourager les pratiques de libéralisation du marché.
Face à ces dérives, les observateurs proposent d’encadrer ces pratiques, à défaut de pouvoir les interdire. Cependant, « obtenir un accord international sur la question sera très long » , analyse Michel Clavé, directeur de l’agriculture et de l’agroalimentaire du groupe Crédit Agricole et président de la mission sur les cessions d’actifs agricoles.
La mission propose donc d’établir un label ”agro investissement responsable”, qui engagerait les investisseurs et les pays hôtes. « Il faut réussir à concilier l’agriculture industrielle et le développement de l’agriculture traditionnelle », explique Nathalie Kosciusko-Morizet, [Ministre français de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement]. « Quelques actions concrètes nous montrent l’exemple sur le terrain. La fondation Aga Khan a développé au Kenya l’agriculture contractuelle. 60.000 petits exploitants travaillent à prix garanti, avec une exigence : que 75 % de leurs terres soient vivrières ».
Ces opérations de rachat à grande échelle menacent les droits fonciers des pauvres, en particulier des détenteurs de droits coutumiers et collectifs, la sécurité alimentaire des pays hôtes et l’environnement. Comme on le sait, dans de nombreux pays africains, les agriculteurs ne détiennent pas de titres de propriété. Quand l’État les exproprie au bénéfice d’investisseurs étrangers, ils ne peuvent défendre leurs intérêts en justice. Le mépris des droits de propriété est une menace pour les populations fragiles, renforce la compétition foncière et les conflits, voire débouche sur des troubles sociaux.
De leurs côtés, la FAO et la Banque Mondiale planchent sur le sujet. La première a lancé une initiative sur la gouvernance foncière, principal problème dans les pays hôtes, tandis que la seconde promet sept principes pour des investissements responsables dans l’agriculture. Mais difficile de croire que, sans cadre réglementaire strict, ces instances parviendront à moraliser ces pratiques.
Djibril Doucouré
Source: penseenoires
Néocolonialisme: tentatives d’une ex-puissance coloniale de maintenir par des moyens détournés ou cachés la domination économique ou culturelle sur ses anciennes colonies après leur indépendance.
Par extension, le terme néocolonianisme est utilisé pour qualifier les politiques d’institutions financières internationales comme la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International ou le G8, qui, par leur choix d’accorder ou non des prêts ou des aides économiques, contraignent les pays pauvres à prendre des mesures structurelles qui accroissent la pauvreté tout en favorisant les intérêts financiers des pays riches et des multinationales.
On ne refera pas le procès de la Françafrique, débat maintes et maintes fois évoqué, discuté, éculé et qui parfois se perd dans une guéguerre idéologique entre les supposés enfants d’une Afrique Libre et Fière et autres partisans d’une Mondialisation sauvage à tout va. D’autant plus que lors de ces débats d’idées la dimension émotionnelle de la raison nègre induit une subjectivité patente devant le vrai problème.
Pendant que l’on s’égosille de part et d’autre à dénoncer certaines pratiques qui aujourd’hui paraissent récurrentes, tant les médias occidentaux voulant se donner bonne conscience en ont fait leurs choux gras, il en est d’autres, beaucoup plus graves, qui sont bien méconnues du grand publique…
L’Afrique, c’est bien connu a toujours été le fournisseur officiel des grandes nations de ce monde en termes de matière premières. Un sous-sol riche, des terres arables en-veux-tu-en-voilà, nous avons pendant très longtemps été (et le sommes encore) à la solde des bourses spéculatives et autres institutions dites de développement…
L’accroissement de la population et des besoins alimentaires de la planète entrainent ces derniers temps la constitution d’un bien étrange phénomène : le rachat massif de vastes quantités de terres arables de pays en voie de développement par des pays qui craignent de plus en plus la pénurie de nourriture.
Le phénomène n’est en réalité pas nouveau en soi ; à l’époque coloniale, grande période d’expansion capitaliste, 6 000 000 d’hectares ont été arrachés aux paysans, et l’immigration européenne, en Amérique latine notamment, a accaparé quasiment l’ensemble des terres occupées autrefois par les peuples indigènes.
D’après un rapport de l’ONU, les investisseurs étrangers ont acquis près de 20 millions d’hectares de terres arables dans les pays en développement. Le constat est flagrant.
Ainsi l’Arabie Saoudite s’appropria des millions d’hectares au Soudan, la Corée du Sud voulant louer pour 99 ans un tiers des terres arables de Madagascar pendant qu’une société indienne, Varun International, y a loué, ces dernières années, 465 000 hectares de terres pour cultiver du riz destiné au marché indien.
Au Mali, les autorités ont concédé 100 000 hectares aux Libyens, là encore pour la production de riz. En République Démocratique du Congo, la Chine prévoit de créer la plus grosse plantation de palmiers à huile du monde sur des centaines de milliers d’hectares. Et malgré son immensité, elle ne cesse de voir ses surfaces cultivables diminuer. Du coup, elle achète à tout-va des terres à l’étranger et possèderait 2,1 millions d’hectares en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie du Sud-Est… Et cette liste n’est point exhaustive.
Les institutions internationales telles que le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale, le G8 et même en partie la FAO, soutiennent trop souvent le rachat de terres agricoles, présenté comme des investissements salutaires dans l’agriculture. Le problème est que ce type d’investissements va dans le sens de toujours plus de libéralisation de l’agriculture, de privatisation du foncier et de développement de l’agrobusiness – tendances qui vont, de fait, à l’inverse de l’intérêt et des besoins réels des populations.
Certes, le Sommet international sur la crise alimentaire organisé en juin 2008 par la FAO a pointé les causes de la crise alimentaire et le besoin de soutenir les petits paysans. Mais la question de l’accaparement des terres n’a toujours pas été mise à l’agenda. Les causes de la crise alimentaire et agricole ne sont pas profondément discutées, encore moins repensées.
Les institutions internationales se contentent de les porter sur la scène publique pour rassurer l’opinion publique, mais ne prennent en réalité aucune mesure concrète. Au contraire, elles continuent même à encourager les pratiques de libéralisation du marché.
Face à ces dérives, les observateurs proposent d’encadrer ces pratiques, à défaut de pouvoir les interdire. Cependant, « obtenir un accord international sur la question sera très long » , analyse Michel Clavé, directeur de l’agriculture et de l’agroalimentaire du groupe Crédit Agricole et président de la mission sur les cessions d’actifs agricoles.
La mission propose donc d’établir un label ”agro investissement responsable”, qui engagerait les investisseurs et les pays hôtes. « Il faut réussir à concilier l’agriculture industrielle et le développement de l’agriculture traditionnelle », explique Nathalie Kosciusko-Morizet, [Ministre français de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement]. « Quelques actions concrètes nous montrent l’exemple sur le terrain. La fondation Aga Khan a développé au Kenya l’agriculture contractuelle. 60.000 petits exploitants travaillent à prix garanti, avec une exigence : que 75 % de leurs terres soient vivrières ».
Ces opérations de rachat à grande échelle menacent les droits fonciers des pauvres, en particulier des détenteurs de droits coutumiers et collectifs, la sécurité alimentaire des pays hôtes et l’environnement. Comme on le sait, dans de nombreux pays africains, les agriculteurs ne détiennent pas de titres de propriété. Quand l’État les exproprie au bénéfice d’investisseurs étrangers, ils ne peuvent défendre leurs intérêts en justice. Le mépris des droits de propriété est une menace pour les populations fragiles, renforce la compétition foncière et les conflits, voire débouche sur des troubles sociaux.
De leurs côtés, la FAO et la Banque Mondiale planchent sur le sujet. La première a lancé une initiative sur la gouvernance foncière, principal problème dans les pays hôtes, tandis que la seconde promet sept principes pour des investissements responsables dans l’agriculture. Mais difficile de croire que, sans cadre réglementaire strict, ces instances parviendront à moraliser ces pratiques.
Djibril Doucouré
Source: penseenoires
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