La sortie médiatique de l'accusatrice de DSK est quasiment absente des journaux africains. Tout porte à croire que les éditorialistes du continent se lassent déjà de ce feuilleton pourtant loin d'être terminé.
L'interview de Nafissatou Diallo dans Newsweek. © FRANCOIS GUILLOT / AFP
Est-ce un choix ou ont-ils simplement manqué le coche? Aucun des grands titres de la presse africaine ne semble avoir succombé à l’emballement provoqué par la sortie de Nafissatou Diallo dans les médias américains. Alors que presque partout, depuis le 24 juillet, sont diffusées, reprises et commentées les déclarations de la femme de chambre du Sofitel de New York à l’hebdomadaire Newsweek et à la chaîne ABC News, les journaux du continent, eux, restent de marbre.
Un silence troublant et particulièrement éloquent quand on sait toute la passion qui s’est déchaînée dans les colonnes de la presse africaine lorsque la fameuse affaire DSK a éclaté, le 14 mai 2011. Comme tout le monde, ces journaux ont glosé sur l’identité de la jeune femme d’origine guinéenne, sans avoir jamais pu la voir. Comme tout le monde, ils ont surfé entre la théorie du complot et la dénonciation de «certains travers des tout-puissants». Des éditorialistes ont même évoqué la thèse du «maraboutage».
Circulez, y'a rien à dire!
Alors que tout le monde peut désormais mettre un visage sur ce nom devenu presqu’aussi célèbre que celui de DSK, les seules évocations de la version des faits de Nafissatou Diallo se trouvent dans le quotidien camerounais Mutations, qui titre:«Nafissatou sort de l’ombre». Mais le très long article qui suit n’est qu’une reprise in extenso d’un papier de la presse étrangère —qui lui-même n’est qu’un compte-rendu de ce que la jeune femme de chambre du Sofitel de New York a déclaré au magazine américain Newsweek. Rien de plus.
Le quotidien pro-gouvernemental Cameroon Tribune, qui dispose pourtant d’un service étranger, préfère consacrer ses colonnes à la double attaque terroriste qui a endeuillé la Norvège le 22 juillet. Quant au quotidien Le Jour, sa rédaction, contactée par SlateAfrique, explique son choix éditorial de ne pas reprendre l'affaire Nafissatou par son souci de livrer à ses lecteurs une information de proximité.
Mais est-ce la même explication pour les titres des autres pays du continent? Le quotidien dakarois Le Soleil parle de tout dans sa page International, sauf de Nafissatou. En Guinée et partout en Afrique de l’Ouest, les journaux semblent s’être passé le mot pour ne rien dire sur ce nouveau rebondissement de l’affaire DSK. Il faut aller sur les portails Web africains pour lire la moindre ligne à ce propos. Mais, là encore, la frustration est grande. Car tous ressassent ce que l’on a vu, lu et entendu ailleurs.
La solution des portails
Sunukeur, par exemple, un portail sénégalais d’information, titre en page d’accueil:
«Nafissatou Diallo, la femme de chambre qui accuse Dominique Strauss-Kahn parle enfin»
Un titre à rallonge pour ne proposer ensuite aux internautes que des captures d’écran de ce qui a été fait par d’autres sites et des extraits vidéo de l’interview que la jeune femme guinéenne a donnée à la chaîne ABC. Même procédé pour Guinée Information, un portail guinéen, avec une accroche similaire:
«Nafissatou Diallo rompt le silence sur ABC News et au Newsweek»
Le portail propose, lui aussi, des vidéos de l’émission qui, du reste, peut être vue sur YouTube. Guinée Information met en exergue une citation plutôt crue de Nafissatou Diallo relatant sa présumée agression par DSK:
«Il bougeait et faisait du bruit. Il faisait "uhh, uhh, uhh". Il m’a dit "suce". Non, je ne peux pas le dire.»
En Côte d’Ivoire comme au Burkina Faso, les commentateurs ne sont pas non plus au rendez-vous. IvoirTV.Net reprend tout bonnement un article du Point accompagné d’une photo de Nafissatou avec la journaliste d’ABC News. Et Faso presse marque le coup en reprenant un des articles de RFI sur le sujet.
En restant aussi silencieuse sur ce nouveau rebondissement de l’affaire DSK, et à quelques jours de l’audience prévue le 1er août, la presse africaine cherche-t-elle à affirmer une forme de neutralité et à repousser le piège dans lequel la plupart des médias sont tombés depuis le début, à savoir livrer des commentaires à l’emporte-pièce et des jugements hâtifs dans une affaire criminelle en cours? On peut le penser.
On peut supposer aussi que, dans ce cas de figure, reprendre des articles de la presse internationale est la solution la plus commode. Très peu de journaux africains ont les moyens de s’abonner à un fil de dépêches ou d’envoyer un journaliste à New York, par exemple. Peut-être attendent-ils simplement que la justice suive son cours.
Raoul Mbog
SlateAfrique
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